Beaucoup de choses avaient changé depuis notre retour d'Iftel. Moi, pour commencer. J'avais changé. Et pas qu'un peu. Déjà, mes cours se passaient mieux. J'étais plus attentif, plus à l'écoute et concentré. Certains de mes professeurs devaient le sentir et je bénéficiais de cours particuliers. Je soupçonnais alors qu'il ne s'agissait pas uniquement de Iftel. Peut-être avais-je gagné un peu plus de respect de la part de mes pairs. Depuis que j'avais accepté mon Don, je le contrôlais un peu mieux, le comprenais mieux. C'était comme si j'avais accepté une deuxième partie de moi. Résolu, je m'y étais plié, de toute façon, je devais faire avec, n'est-ce pas ?
Quant à Tania, elle ne me faisait pas peur. J'avais très vite compris si je faisais ce qu'elle me disait, je ne me risquais pas ses foudres - sans mauvais jeu de mots. Il m'arrivait même de ne pas trop me reconnaître. Pour me retrouver, je m'amusais pendant les repas à balancer des boules de pain sur mes voisins ou bien à faire passer de faux messages. Et quand je ne jouais pas au farceur, je passais le temps qu'il me restait avec Elbereth. C'était aussi un peu grâce à elle que j'avais... "grandi".
Il y avait pourtant une chose. Une chose à laquelle je ne m'étais toujours pas fait et à laquelle je ne me ferai probablement jamais totalement : l'orage. Ce qu'il me procurait, ce qu'il me faisait subir. Je saluai Tania d'un hochement de tête et me relevai, non content d'en avoir fini pour aujourd'hui. J'étais épuisé, je n'aspirai qu'à rentrer dans mes quartiers pour m'effondrer dans mon lit et dormir au moins 14h afin de recharger mes batteries. Je soupçonnai Tania de tester mes résistances et mon endurance mais j'avais décidé qu'elle ne gagnerait pas sur moi. Je relevais tous ses défis, sans rechigner, sans chercher à poser de questions. Elle demandait, j'exécutais. Pourtant, et malgré mes progrès récents, lorsqu'elle abaissa les barrières, je retombai sur les fesses sous l'emprise de l'orage qui résonnait dans ma tête. Crispant les yeux et portant une main à ma tête, je savais que si je ne relevai pas vite mes barrières, d'une manière ou d'une autre, je passerais pour un rigolo auprès de mon professeur.
Les grondements de l'orage, dans ma tête, c'était comme une grosse voix qui hurlait, elle me disait des choses sans que j'en comprenne les mots, juste les sens. Me tenant en appui d'une main sur le sol, je gardai la tête baissée. Ce genre de migraines m'arrivaient par accoup, elle venait puis repartait et ce, même si elle demeurait lancinante dans ma tête. Quand il s'agissait de l'orage, relever mes barrières était comme si Iftel ne m'avait rien appris, comme si je n'étais qu'un enfant qui venait de naître : vulnérable, impuissant, incapable. Quand bien même j'essayais, j'étais à la fois paralysé et terrifié par ce qui se passait dans ma tête.
Je resongeai à ce prêtre qui m'avait aidé. Hélas, il ne pouvait rien pour moi, ce soir.