Dunwyd se contenta de hocher la tête alors que son père retournait à ses devoirs d’hôtelier, ce qui était bien normal. Il le suivit des yeux jusqu'à ce qu'il disparaisse à l’intérieur, souhaitant lui aussi que grand-mère Kerydwen n'ait pas fait de folie, mais si ç’avait été le cas, sans doute qu'ils en auraient entendu parler. Elle n'aurait plus qu'à se remettre aux fourneaux pour préparer ses meilleurs gâteaux, car il n'y avait rien de tel qu'un peu de sucre pour rassurer des clients vaguement angoissés. Et avec un peu de chance, il aurait droit à quelques morceaux.
Sûrement qu'en d'autres circonstances, il se serait tenu coi devant le mage, se serait contenté d'opiner et de faire ce qu'on lui demandait. Mais c’était de lui qu'il s'agissait, et la situation était assez incroyable pour qu'il se permette de poser de nombreuses questions. Il voulait comprendre ce qui se passait, et ce qui devait sembler évident au rouquin, ne l’était pas du tout pour un fils d'aubergiste ordinaire. Ou pas si ordinaire que ça, finalement, et c’était bien là le problème.
« Quel genre de choses bizarres ? Et... mes quoi, qui ont été ouverts ? »
Il secoua la tête, avec la désagréable impression que l'Adepte venait d'un monde complètement différent du sien, et qu'en plus, il comptait bien l'y entraîner.
« Mais, comment ça se fait ? Je veux dire, il sort d’où, ce "don" ? Bon, je suppose qu'il n'y a pas moyen de faire autrement. »
L'homme avait l'air sérieux, et même s'il ne voyait pas bien ce qui pouvait réellement se passer, Dunwyd n'avait pas franchement envie d’expérimenter. Il allait donc falloir quitter son apprentissage.
« Oui, Maître Lerek, dans le quartier des bourreliers. Je peux vous montrer le chemin, si vous avez besoin, et puis c'est peut-être mieux que je sois là. »
Il écarquilla un peu les yeux lors de la demande qui suivit, et les reposa sur la graine. La faire germer rien qu'en y pensant, c’était ça, que l'autre voulait qu'il fasse ? Quelle drôle d’idée... Il se soumit pourtant à l'exercice, et se mit à imaginer la graine devenir plante, en tentant de la "convaincre" mentalement que c’était ce qu'il fallait faire, en y pensant très fort et en dirigeant le tout vers la future plantule. Mais comment aurait-il pu réussir une telle chose ? Il sentait bien comme c’était impossible, les végétaux ne réfléchissaient pas, il ne pouvait donc pas en influencer un, et sûrement pas en ne faisant qu'y penser en lui-même. Si les mages savaient faire cela, ils devaient utiliser des méthodes bien complexes qu'ils apprenaient durant leurs trois années d’étude, et qui, forcément, lui échappaient. Ou peut-être que l'Adepte s’était trompé.
Dunwyd finit donc par abandonner en haussant les épaules, et releva le regard vers l'homme.
« Je ne vois vaiment pas comment je pourrais faire ça. Désolé. »
Puis il posa de nouveau les yeux sur la petite semence, et laissa échapper une exclamation de surprise en remarquant l'infime verdissement qui était apparu.
« Mais... Il n'y avait pas ce vert, avant ? ça veut dire que... »
Qu'il ait réussi lui semblait tellement incroyable, et en même temps, il commençait à entrevoir quelque chose se dessiner, qui serait bien plus excitant que de façonner des selles et des licols.