Saskia était désespérée, c'était bien peu dire. Elle voulait juste rester prostrée sur place, nier jusqu'au bout. La présence d'Isabeau, puis celle d'Enora, lui donnèrent un peu de réconfort, et l'obligèrent à se ressaisir. D'une main à peine tremblante, elle caressa Rinnerl qui venait d'arriver. L'horrible boule inconfortable, logée dans sa gorge, l'empêcha de parler pour demander où Isabeau devait l'accompagner. Les derniers mots d'Antéa lui rappelèrent combien elle était égoïste. La réponse lui parut donc évidente, d'un coup : elle devait aller voir Arthon. Comment avait-elle pu ne pas y penser plus tôt ?
Saskia hoqueta, prête à fondre de nouveau en larmes. Combien devait-il souffrir, bien plus qu'elle en tout cas... La jeune femme toussa, cherchant à reprendre un minimum le contrôle d'elle-même.
- Je dois aller... voir Arthon.
Elle aurait aimé demandé à son Compagnon de demander à Ryis où était son Lié, mais devina que l'un et l'autre devaient avoir besoin d'intimité, eux aussi, et de faire leur deuil dans leur coin... Ses épaules s'affaissèrent encore, tandis qu'elle mettait difficilement un pied devant l'autre. Elle se laissait entraîner, guidée par Enora et Isabeau, entièrement tournée vers sa peine. Son esprit embrumé cherchait à nier les événements du soir, à tenter de ne pas les ressasser de trop, à réfléchir à quoi dire à Arthon quand elle le verrait... Par la Dame, elle se sentait tellement impuissante et faible ! Tant et si bien qu'elle finit par abandonner ses deux amies au détour d'un couloir, leur adressant un signe de la main qui ne signifiait pas vraiment quelque chose de précis, afin de s'éclipser au dernier endroit où on aurait pensé trouver Saskia : la bibliothèque.
Non, elle ne se sentait pas assez forte pour soutenir son époux. Et elle ne voulait pas pleurer avec lui. Elle le savait bien entouré, de toute manière. Elle... Et bien, elle se réfugia dans le fond de la bibliothèque, là où plus de deux ans auparavant, elle avait du faire la poussière. Saskia eut un léger rire, qui finit étranglé dans de nouvelles larmes, tandis qu'elle se souvint d'Aranel l'escortant là, lui donnant de quoi enlever la poussière de son visage, riant de la pile de livre qui tomba sur la "pauvre" Peste... Saskia tira un fauteuil, sur lequel elle se roula en boule.