Sertan avait clairement perdu le contrôle au profit de sa femme. Gorgé de son importance, et plutôt satisfait par sa fille, il laissa volontiers à Lucile le beau rôle pour expliquer à Isabeau tout ce qu'elle demandait.
Il y avait eu un moment de flottement, lorsque la Bleue avait fermé les yeux, mais le commentaire qu'elle lâche fut perçu comme approbateur.
Lucile sauta sur ses pieds quand sa fille affirma qu'elle était prête à la suivre:
"Raimon est dans l'armée, sous les ordres du Capitaine. Il a un grade de sergent pour le moment, mais il progresse vite. Il sait gouverner mais son père est encore vaillant, et il occupe bien son temps pour Valdemar. Il est riche, il est beau. Il a vingt huit ans et sa première fiancée est morte. Il était libre ce soir, alors comme vos fiancailles sont arrangées, et déjà conclues, autant que vous vous rencontriez avant qu'il ne parte lui aussi en mission."
Elle guidait sa fille vers le salon, suivie de près par Sertan, comme si c'était elle qui habitait là.
"J'espère qu'il n'aura pas le mauvais goût de mourir en mission d'ailleurs." fit-elle sans aucun égard pour personne.
Mais le salon n'était pas loin, et le chemin fut vite parcouru. Lucile redevint la parfaite Dame de Giriers, et ralentit. Elle se tourna vers Isabeau, arrangea son col et lui sourit:
" Tu grandis si vite..."
Elle la serra rapidement... et la poussa dans la cage aux lions. Elle entra derrière elle et présenta Isabeau au brun qui s'était levé à leur entrée.
" Isabeau, ma fille, voici le Seigneur Raimon d'Armetières. Seigneur, ma fille Isabeau..."
De taille moyenne, brun aux yeux très noirs, Raimon n'était pas un canon de beauté, mais avait des traits agréables, bien dessinés, et visiblement le sourire facile. Il s'inclina respectueusement devant Isabeau, sans brusquer les choses:
" Enchanté, Demoiselle de Girier."
Et avant que qui que ce soit ne puisse dire quoi que ce soit, Lucile poussa son mari vers la sortie et minauda:
"Nous restons à côté, faites connaissance."
Une vraie mère marieuse.