Elke fut un peu embarrassée de s’être montrée aussi… eh bien, aussi elle. Il avait toutes les raisons de la trouver bizarre après ça. D’ordinaire, elle réservait ce genre de réflexion pour les moments où elle était seule, ou entourée de gens dont elle se moquait l’avis. Si on la traitait de folle, ce ne serait pas la première fois. Mais venant de Wylan ? Eh bien, ça pourrait être un peu vexant. Enfin, de toute évidence, il ne semblait pas juger cet aspect de sa personnalité. D’ailleurs si elle ne se trompait pas, elle dirait même… que ça l’amusait. Il riait. Pas à un seul instant elle ne se doutait de tout ce qu’il voyait en elle, des suppositions, des déductions… Non, elle était à mille lieux d’y penser. Pourtant, elle aussi ça l’amuserait d’en savoir plus sur ce Héraut. Il avait du vécu, ça sautait aux yeux ! Il devait avoir connu de sacrées choses, même s’il était resté près d’ici. Quoiqu’il était bien allé à Rethwellan… À méditer.
« De bonne compagnie ? » répéta-t-elle, esquissant un sourire.
L’idée d’être ce grain de folie dont il parlait, eh bien… mine de rien, elle trouvait ça très flatteur ! La jeune mage gloussa légèrement avant de finalement suivre le Héraut jusqu’au temple. C’était un bâtiment bien plus élégant qu’elle aurait cru. Surtout ici, à Haven, loin de Rethwellan. Mais comme le disait Wylan, de nombreux émigrés étaient venus, alors cela avait sans doute poussé les choses à se faire. Avant même de rentrer à l’intérieur, elle avança devant un des murs, posant ses deux paumes dessus. Puis son oreille. La pierre avait un joli son, elle ferma les yeux quelques secondes pour l’apprécier. Il y avait une sorte de résonnance… Et une odeur aussi. Mais ça sentait l’extérieur, pas l’intérieur. Ça sentait Valdemar. Ce n’était pas forcément une mauvaise chose, la mage aimait bien les choses un petit peu hybrides.
Elle emboita le pas de Wylan jusqu’à l’intérieur, en silence. Malgré son peu d’égard pour la religion, elle savait bien faire preuve de respect quand il le fallait. Le temple était semblable à ses souvenirs, ou du moins l’architecture, les meubles, les statues… Et dire qu’elle ne s’était rendue que très rarement dans un temple ! Le Héraut s’installa sur un banc mais Elke fit un petit tour rapide, remarquant la prêtresse qui était occupée, et ramenant son regard sur tout autour. Peut-être que son professeur s’était arrêté ici. Elle ne savait même pas si elle l’imaginait là, dans ce temple, ou non. Après quelques instants, elle finit par revenir s’assoir à côté de Wylan.
« C’est grand. Et petit. » répondit la jeune mage à voix basse en s’appuyant contre son dossier, la tête penchée vers le plafond. « Je ne sais pas, le plafond est haut, mais c’est quand même… Gnnnh, vous voyez ? Très gnnnh, même. Enfin, ça me semble un peu familier. Et j’imagine que ça, ce n’est pas désagréable… »
Elle se tut un moment, pinçant légèrement sa joue avec ses dents avant de redresser sa tête dans le bon sens, se tournant vers le Héraut.
« On a un peu de temps avant que la prêtresse ait du temps à nous accorder, c’est bien ça ? Vous pouvez me parler un peu de vous ? Vous avez l’air de vraiment bien connaître ce temple, est-ce que vous y aller souvent ? Vous… ne me semblez pas être du genre à prier. »
Bien sûr, cela n’était le fruit que de maigres observations, qui étaient davantage des préjugés que des réelles déductions. Il avait l’air de connaître des tas de choses, mais simplement pour savoir, pour avoir plus de culture peut-être. C’était toujours utile, ce genre de chose, pour autant qu’on ait bonne mémoire. Et Wylan ne semblait pas être du genre à oublier facilement. Encore une fois, ce n’était qu’une simple supposition.
Puis son regard se tourna vers la prêtresse qui semblait encore confier quelques paroles à cette femme.
« Vous pensez qu’elle pourra nous renseigner sur lui ? »
Enfin peut-être ne l’avait-elle pas vu de ses propres yeux, mais si quelqu’un au temple avait échangé quelques mots avec son mentor, elle devrait probablement pouvoir les orienter vers cette personne. Du moins, Elke espérait. Elle attendait là, sur ce banc, ne sachant pas trop quoi faire de ses mains et de ses pieds. L’attente, ça n’avait jamais vraiment été son fort.