"Les livres, tous comme les balades, sont plein de belles histoires mais assez stéréotypées, je dois dire. Vous êtes certainement trop sévère envers vous-même. Si vous ne trouvez rien qui évoque votre cas de figure, chantez-le vous-même!"
Ce serait original d'entendre une telle chanson!
"Je peux difficilement parler du physique des hommes avec de tels superlatifs, mais je suis sensible à la beauté des choses, d'un point de vue artistique je dirai. Je sais que Micha est beau et que nous ferons de beaux enfants. Quant à vous Yvelin, vous êtes tout sauf un laideron."
Qu'il manquait de confiance en lui en amour, ç'en était touchant.
"Il y a peu de personne capable de comprendre ce que vous me dites en dehors Micha et moi, en ce moment même. Encore qu'en ce qui me concerne, les opinions de ma famille ne sont pas si tranchées. Ca ne se fait pas dans une famille d'artisan aspirant à la prospérité, c'est tout. Mais vous voyez à quelles extrémités cela me mène."
Elle les désigna tous les deux, comme pour résumer toute cette folle aventure.
Puis elle prit le temps de la reflexion pour répondre à ce qu'il lui disait.
"Laideron, maigrelet, loin derrière... Je ne parlerai pas à la place de Micha, dont j'ignore l'étendue des sentiments, mais je sais de source sûre qu'il ne vous voit pas ainsi. Vous semblez raisonnable, mais vous avez tout de même pris la peine de vouloir me rencontrer pour parler de l'homme que nous allons partager. Cela ne traduit pas, pour moi, d'un tel détachement. Qui voudrait d'une telle mise au point sans voir à long terme, même en s'interdisant d'y penser ? Ce n'est pas qu'une histoire de fesses, et vu le cadeau que vous a fait mon... fiancé, ça n'est pas ça non plus pour lui. Que l'on le veuille ou non, quand les sentiments s'en mêlent, quels que soient leur profondeur, on s'implique... et on souffre."
Elle lui fit un sourire doux.
"Vous semblez clairvoyant, tant mieux. Au fond, c'est pour vous que les choses seront difficiles, pas pour Micha. C'est lui le chanceux dans l'histoire, car il n'a pas à se cacher de moi de ses aventures extraconjugales que j’encourage. Mais vous, Yvelin, vous serez l'amant d'un homme marié. Et que je donne mon accord ne rendra pas tout ça plus simple pour vous parce que ça ne vous donnera jamais l'occasion d'espérer plus que ce que Micha voudra bien vous offrir. J'espère que vous avez les épaules solides et êtes prêt à souffrir. Je ne suis pas pessimiste et je veux pas vous faire de peine, mais il faut être réaliste. Je veux que vous sachiez que j'en ai conscience aussi."
Sa question le rendit songeur et sa réponse fit rire doucement Kate.
"Je joue cette comédie depuis l'âge où je sais que je préfère les femmes. Ce n'est que le cran au dessus finalement. Mais me faire peur? Oui, un peu."
Elle ne se confia pas plus, pas par manque de confiance, mais par pudeur. Elle en parlerai mieux quand ce serait passé, car mine de rien, elle angoissait. Et ce n'est pas avec l'amant de son fiancé qu'elle allait verbaliser ça. Elle préférait en plaisanter :
"Mais vous savez mieux que moi ce que vaut Micha sur ce plan là, n'est-ce pas? En ce qui me concerne, ce n'est qu'une contrainte contre la promesse de bien plus."
Pensive, elle mordilla l'ongle de son pouce et s'expliqua:
"Je parle du bonheur. J'aspire au bonheur, comme n'importe quel être normalement constitué. C'est pour ça que j'ai choisi Micha quand les Dieux ont eu la bonté de le mettre sur ma route au moment opportun. Micha est un homme bien, généreux, honnête. Je le sais. S'il n'existait pas, j'aurai préféré épouser à défaut un hétéro doté de ces mêmes qualités, lui mentir toute ma vie, et subir le devoir conjugal plutôt qu'un shaych du genre de Firen, parce que je sais que ces qualités sont une bonne base pour être relativement heureux. Et je m'accrocherai à ce bonheur, parce que vous savez comme moi combien ne pas pouvoir vivre librement sa vie amoureuse est source de peine. J'ai besoin de m'accomplir pleinement dans tous les domaines où j'en ai le loisir, le droit. Contrebalancer le destin."
Elle s'étonnait d'être aussi bavarde, et se justifia en concluant :
"Et si cela impose de vous blesser à un moment ou à un autre, si je n'ai pas d'autre choix, car je ne suis pas cruelle, je le ferais. Le bonheur de Micha est primordial, et le mien aussi. Et il passe avant vous."
Elle but une longue gorgée de bière et haussa les épaules, amusée.
"Mais si nous sommes deux à souhaiter le bonheur de Micha, alors, je crois bien qu'il sera un des hommes les plus heureux du pays !"