[justify:4gve8e7l]Enju ne comprenait pas ce qu'il se passait, ni ce qui se passera d'ailleurs. Aaron était étrange, aujourd'hui, et la prêtresse était incapable de deviner ce qui pouvait le mettre dans un tel état. Dérangeant quand on se destine à la prêtrise, que l'on souhaite aider son prochain rien qu'en devinant qu'il a besoin de cette aide.
Sauf que la jeune femme connaissait son interlocuteur plutôt bien, et faussait visiblement son jugement. Sinon, elle aurait su ce qui se tramait, non ? Un instant, Enju se raidit : l'idée était saugrenue, mais... Aaron souhaitait-il se joindre au culte de Vkandis ? Etait-ce cela qu'il voulait dire, en parlant d'un chemin avec lui, mais où il ne serait plus un ami ? C'était ridicule !
Et puis, les doutes s'envolèrent, la vérité sembla éclater au grand jour, et ce dès qu'il toucha sa joue. Enju ressentit comme un frisson, et une tendre chaleur... Et elle eut le feu aux joues quand Aaron l'embrassa. Etrange sensation... Elle était tétanisée. Elle se sentait si bien, et en confiance. Et elle eut soudain une certitude, une illumination. Le héraut éloigna son visage et se redressa ; son malaise était presque palpable. Et Enju ne comprit pas comment elle n'avait pas pu tilter avant.
C'était donc ça, dont Dame Mélarianne et Dame Ysaline lui avaient parlé ? C'était cet étrange sentiment qui l'envahissait, cet amour sur lequel elles pouvaient discuter des heures, l'amour dont elles avaient rêvé ? Avoir un homme sur qui compter, qui vous chérissait et que vous chérissiez en retour ? C'était ça, que cherchaient toutes les femmes ?
Enju restait abasourdie par ce qui venait de se passer. Et troublée, surtout, très troublée. Jamais elle n'aurait imaginé... Elle et Aaron ? Mais...
C'était impossible ! Elle appartenait à Vkandis ! La prêtresse fixait son ami - car Aaron n'était rien de plus, pour elle... Un ami très cher, très important, sur qui elle pouvait toujours compter et qui pouvait toujours compter sur elle. Elle eut un regard désolé pour lui, avant d'entamer, d'une voix troublée et à peine audible :
- Aaron, je... n'imaginais pas cela entre nous. Tu es quelqu'un que j'aime énormément, mais... Mais pas comme ça.
Elle, la diplomate, n'arrivait pas à trouver des mots qui ne blesseraient pas le héraut.
- J'ai voué ma vie à Vkandis, et je n'appartiens qu'à lui. Aaron, si j'avais su que tu avais de tels sentiments...
Le coup de grâce...
- ... J'aurai prêté mes serments de célibat et de chasteté bien plus tôt. J'ai voulu attendre qu'une délégation reparte à Karse pour les faire dans le grand temple... Je suis désolée, Aaron. Tu es mon plus fidèle ami, et je n'ai jamais eu envie de te blesser. J'espère que tu pourras me comprendre...[/justify:4gve8e7l]