Beltran était parti pour l’infirmerie, Fitz avait repris les autres couloirs pour trouver les hommes restants.
Son combat était fini. Pas sa guerre. Sa guerre elle, elle ne finirait que lorsque sa mission serait arrivée à son terme. Et sa Mission c’était Aanor qui lui avait donné.
Elle lui avait confié bien des années auparavant, et il le sentait, il le savait : c’était maintenant.
Pourquoi ? Déjà il était assez rare qu’on affronte des hommes fait d’être visqueux et dégouttant dans les couloir, il y arrivait qu’on y croise des matières visqueuses, mais celles-ci étaient en général humaine suite à une soirée trop arrosée.
Mais c’était surtout à cause d’elle. Il l’avait senti elle. Sa présence, depuis des années il ne l’avait pas sentie aussi forte. Elle était là avec lui. C’était suffisant pour Fitz.
On était arrivé au moment fatidique où on saurait si elle avait choisi le bon homme, ou si elle avait fait une erreur depuis le début. Après tout, les dés étaient jetés depuis le premier jour. Depuis cette voix dans la forêt, cette apparition dans la brume, ce corps démembré, ces morts qui se lèvent….
Tant de chose en si peu de temps ? Tant d'horreurs ?
Il y avait eu du bon aussi… Il l’avait épousé elle, avait rencontré des gens bien, des amis. Est-ce-que cela équilibrait tout le mal qu’il avait pu croiser ? Peut-être bien…
Même si à cet instant il était persuadé que sa hache sur l’épaule il courrait vers son destin, il continuait à se demander pourquoi ? Comment ? Quel destin ? Et avait-il pris sa biscotte ce matin au petit-déjeuner ou pas ?
Personne ne savait vraiment ce que Fitz était capable de faire, ou ce qu’il était. On lui avait dit beaucoup de chose, on avait conjecturé, imaginé, mais dans les faits, le glaive pour l’instant c’était un joli titre sans fond.
Personne ne savait ce que cela lui coûterait vraiment. Devait-il tout risquer ? Devait-il tout perdre ? Tout perdre pour qu’eux continuent à vivre, pour que leur vie avance ?
Il imagina un instant l’après. Kalaïd chahuté par ses enfants sur le champ d’entrainement, sous le regard attendri de Thalyana… Beltran apaisé dans les bras de Mina, elle enfin débarrassée de son passé, et Liane souriante avec un père enfin comblé. Wylan, Mera, Enora, Jehanne… Son roi, sa reine… Tant de monde qui pourraient enfin vivre en paix.
Et elle… Et Feuille… Que lui arriverait-il quand il poserait sa main ? Que lui arriverait-il quand il utiliserait son don ? Si c'était trop pour lui que deviendrait-elle ? Il repensa à leur dernière nuit, à ses mains sur ses hanches, à sa bouche dans son cou, à son corps sous les draps qu'il avait laissé au matin pour "partir en guerre"… Elle savait qu’il l’aimait, on ne pourrait jamais lui enlever ça.
Il fut tiré de sa rêverie par les cris de Maya. Elle avait pris du coffre la gamine, lui qui avait eu de la tendresse pour elle dès leur première rencontre, ne put s’empêcher d’accélérer le pas. Et c’est sur un magnifique « putain » que notre capitaine débarqua sur la scène.
- Ha bha va falloir me laisser arriver Source, je peux difficilement vous envoyer ma main par coursier ! Et puis pour être honnête j'y tiens, je préfère qu'elle reste attachée à mon bras voyez-vous, c'est pratique deux mains quand même.
Il analysa rapidement la situation, quoique celle-ci lui sembla clair. Un homme, visiblement pas gentil, était immobilisé, avec un orbe dans la main, que le gentil (c’est-à-dire lui) devait absolument contrôler. Bien… Une mission comme les autres à Haven.
Fitz balança sa hache, et d’un bond s’approcha de l’homme pour poser sa main droite marquée sur l’orbe, serrant sa main gauche autour du poignard qu'on lui avait donné.
Immédiatement il fut happé, son esprit fut absorbé par un courant intenable, tantôt qui l’emportait avec lui dans un abîme sombre et inquiétant, ou qui le ramenait vers une surface lumineuse source d’espoir et de vie. Son esprit était broyé entre des forces qu’il ne contrôlait pas, qu’il ne connaissait pas. Une coque de noix dans une marée incontrôlable.
A chaque fois que les abîmes semblaient l’emporter, Fitz manquait une respiration, c’était un liquide visqueux qui s’infiltrait dans ses narines, dans sa bouche, qui l’étouffait et emplissait ses poumons, un voile se posait sur ses yeux, une couche sombre qui teintait le monde d’un rouge sanguin. Et puis le courant lumineux revenait, apaisant, libérateur, l’air s’engouffrait de nouveau dans ses poumons, libérant son esprit, il y voyait plus clair.
Il devait réfléchir, et réfléchir vite. Centrer, et Ancrer. Il repensa à Wylan, à ses enseignements, il fit le vide, et lâcha tout. Tout ce qu’il avait en lui, toute la force qu’on lui avait donné, tout ce que son pouvoir contenait, il le lâcha dans l’orbe. Il devait aider, il était là pour ça. Il était le glaive, l’arme par laquelle un monde disparaitrait. Le leur, ou le sien.
(10 sur 1D10)
Il affina son esprit, une épée au milieu des ténèbres, il était son arme, alors c’est ce que son esprit deviendrait. L’arme d’Aanor. Son outil, à elle rien qu’à elle.
-Aanor.. Ma déesse... Je ne résisterai plus. murmura-t-il, se donnant corps et âme à cette lutte à l’intérieur de l’orbe.
Il sentit la puissance lumineuse envelopper son esprit, le manier, l’utiliser et le guider pour frapper. Frapper là où il fallait, frapper comme jamais elle n’avait pu frapper alors.
La présence sombre recula dans un mouvement, mais pas assez vite, pas assez loin, Fitz l’arme pénétrait en elle, et il sentait qu’elle s’écartait, non se déchiquetait, disparaissait. Il gagnait.
Il ne sait pas comment, il ne sait pas pourquoi, mais il gagnait.
- Feuille…