Ashun était motivé. Autant pour se mettre au travail que pour achever ledit travail et servir ainsi à continuer l’œuvre de son collègue karsite. Il sentait que ces parchemins recelaient un lourd secret, qui avait coûté la vie à plusieurs personnes, mais aussi qu’ils comptaient assez pour Enju pour qu’elle soit prête à se mettre elle-même en danger. Il était prêt à faire beaucoup d’efforts, dont celui de s’éloigner de celui qui portait tant d’espoirs. Et après tout, peut-être découvrirait-il encore plus ? Il avait, dans la même salle que lui, déjà une envoyée de la Déesse, son Glaive, et des manuscrits « maudits ». Un peu plus, un peu moins…
Soudain il se rendit compte que la jeune secrétaire pleurait. Le Grand Prêtre se sentit impuissant et dépassé par les évènements. Cependant il n’était pas devenu prêtre pour laisser les gens dans la tristesse sans agir. Avec délicatesse, il déposa les manuscrits sur la table, et se tourna totalement vers la jeune femme. Il écarta l’encre, et prit sa main dans la sienne.
« Ce n’est pas votre faute. Cette déesse et notre Vykaendis nous éprouvent sûrement dans un but bien précis, que nous ne pouvons appréhender pour le moment. Il était l’heure pour Anshuu de rejoindre notre Soleil, mais je crois aussi qu’il ne vous a – qu’il ne nous a jamais quitté totalement. Il est toujours là, n’est-ce pas ? Vous savez ce que disent les Ecritures. » fit-il d’une voix douce.
Regardant brièvement le manuscrit, il ajouta :
« Si c’est ce manuscrit que vous avez sauvé, ce manuscrit qui cause la mort de trop de gens, ce manuscrit qui est à protéger… C’est que nous avons une tâche au-dessus de tout. Vous en êtes la Gardienne, et peut-être est-ce une volonté du Dieu – et de la Déesse, que ce soit vous qui l’ayez. »
Il continua à la caresser doucement, paternel, le temps qu’elle assimile ce qu’il disait, et qu’elle arrive à se calmer. Il ne la jugeait pas. De ce qu’il avait compris, elle gardait tout pour elle depuis trop longtemps, il était normal qu’elle craque à un moment ou un autre.
Il n’avait donc rien à excuser, et il haussa les épaules.
Il la laissa raconter tout ce qu’elle savait, le visage impassible, mais les yeux fixés sur elle, montrant son attention. Il commença alors à regarder de plus près les manuscrits. Il avait déjà reconnu la langue – ou plutôt les langues – et quelque chose lui semblait familier. A un moment, il releva la tête, et la question de son assistante le surprit :
« J’ai appris ces langues plus jeune. Je n’aurai pas de mal de tête sauf si j’y travaille des heures. Je suis un érudit et avant de devenir Grand Prêtre j’ai étudié plein de choses que j’ai cru être inutiles jusque là. Ces textes sont écrites dans un mélange de plusieurs langues, dans leur version ancienne. Vous savez que nos Ecritures sont en vieux karsite à la base ? Peut-être savez-vous le lire ? Moi j’ai appris aussi le vieil iftelien, le vieux rethwellanais , … en fait plusieurs variantes… et le vieil hardonien. J’ai fait des recherches sur Vykaendis dans plusieurs pays, et ça m’a servi pour de vieux manuscrits. Ici nous avons un mélange de ces langues. L’auteur utilise les langues à tour de rôle, c’est assez… confus. Mais je crois que j’ai compris la plupart de ce qui est écrit dans le premier manuscrit. Les autres, je les lirai plus tard. Êtes-vous prête à noter ? »
La première chose qu’il traduisit semblait être un conte. Avec une formulation différente, et quelques différences mineurs dans l’histoire, c’est la même que celle que Barrn avait raconté :
viewtopic.php?f=99&t=407&start=10 Cette fois Aanor est avec Vykaendis c’est clairement dit. Les yeux de Ashun étaient brillants, étonnés, mais passionnés. C’était la partie qu’Isabeau n’avait absolument pas compris à l’époque.
La suite reprend certaines phrases qu’avaient traduites Isabeau.
Aanor n’a pas restreint sa présence à son île. Sironis n’est que le centre de son pouvoir, centre de son amour. Et l'Orbe est au centre, et au centre est le pouvoir. La vie et la mort y sont réunis, pour toujours danger et espoir, ombre et lumière. Aanor garde en son sein l'Orbe et celui qui la possède tuera la lumière, chassera le vent, et ternira les esprits. L’immense pouvoir ne doit pas tomber dans de sombres mains, et l’île a été détachée de la terre pour se cacher dans le vent. Les Gardiennes veillent et prient, les Gardiens rêvent et créent, et leur parole se transmet par-delà le monde. Ils rencontrent les Fils et les Filles d’Aanor dans le monde entier, mais gardent le secret de l’île du Vent. S’ensuit une description des devoirs des prêtres et prêtresses d’Aanor, que Maya, la Grande Prêtresse, Fille et Voix d’Aanor, guide spirituellement. Cela continue ensuite sur une sorte de prophétie, ou de mise en garde.
Que le Noir s'en empare et le Vide règnera, tuant à coup sûr les Avatars et éteignant la Lumière. Mais le Glaive s’élèvera alors au rang de Protecteur, et il ralliera même malgré lui les combattants pour ramener la Lumière. Qu’il échoue et l’équilibre ne sera pas rétabli – il n’y aura plus de lumière, plus d’obscurité, seulement le Vide éternel. Ils devront vaincre le Porteur, mais aussi son Maître, guérir les Esprits blessés, et ramener l’énergie, la musique, et apaiser le Vent.Soudain, Ashun s’arrêta. Il se mit brusquement à tapoter la table :
« Enju. Vous êtes Elue de Vykaendis pour être la Gardienne d’un tel secret… Vous imaginez les conséquences d’une telle découverte : notre Dieu a été assez touché par une humaine pour … pour qu’elle devienne une déesse… Elle s’est inscrite dans l’équilibre du monde, et qu’elle disparaisse est totalement… C’est terrible. Le monde… serait détruit. Je comprends pourquoi le Dieu m’a demandé de partir. C’était ma mission. C’est la vôtre. Vous feriez une bonne prêtresse, avec ce courage. Digne d’une Héraut de Valdemar. »
En karsite, il la regarda et commença à réciter une prière de bénédiction.
Puis entre eux vibra le son d’une voix qu’ils connaissaient tous deux. Vous allez dans le sens du vent… Ashun sourit en l’entendant, sans savoir qu’Enju l’entendait aussi.*****
Oléis offrit un sourire contrit à Fitz. Que pouvait-il dire ? Il n’était pas le bras droit de la Déesse, lui. Il croyait aux Dieux, mais le sien s’appelait Vkandis. Aanor ne le concernait que parce que le Destin l’avait emmené là, et qu’il était de son devoir d’aider son pays – et Velgarth – à aller mieux.
« Dans certains endroits on dit que le sang purifie. » avança-t-il doucement. « Mais c’est vrai qu’on s’acharne à nous prouver le contraire… J’ai trop souffert de la magie du sang pour adhérer à ça. Mais je pense que vos mains n’ont rien à voir dans tout ça. Plutôt votre sens du devoir, de la protection ? Je me trompe ? »
Il était tombé juste, visiblement. Maya hochait doucement la tête, et à la caresse de Fitz, elle sourit doucement de nouveau. Elle acquiesça :
« Tu dois protéger les envoyés de la Déesse, et pour le moment je le suis. Mais je suis là aussi pour vous protéger. C’est très complexe. Indra l’expliquerait mieux, mais Vkandis lui interdit d’en dire trop, comme Aanor ne me laisse pas en dire plus. » avoua-t-elle, avec un petit accent de gamine frustrée qui dura à peine une seconde.
Ensuite, le mercenaire s’inquiéta, et la fillette fit la grimace :
« Je ne sais pas tout. Je n’ai jamais entendu parler de ta marque à part dans certains textes… et je ne comprends pas tous ses pouvoirs. Il faudrait quelqu’un qui comprenne les rêves. Peut-être qu’Ashun pourrait t’aider. Je pense que tu as plusieurs pouvoirs. Celui de voir l’âme des gens doit aider à savoir s’ils sont dangereux ? Elle te fait mal quand le danger arrive, et elle chauffe quand tu es en présence d’amis, n’est-ce pas ? »
Déboutonnant le haut de sa tunique, elle montra, dans le creux des deux os au bas de sa gorge une toute petite marque, identique à celle du jeune homme.
« Je n’ai pas les mêmes pouvoirs que toi, mais je crois que je peux comprendre. »
Fitz avait d’autres questions. Et Oléis qui suivait la conversation avec avidité, leva les mains en signe d’impuissance.
« L’instinct vous guidera peut-être ?
- Ou le vent. Ajouta Maya. D’ailleurs, Indra me dit que nous avons trouvé ce que nous étions venus chercher ici. Aider Aanor aidera Iftel. »
Le Chat de Feu venait d’apparaître derrière eux. Oléis se leva brusquement et salua très respectueusement. Indra inclina la tête poliment, regarda Fitz d’un air amusé, sans rien dire… et s’éloigna.
Il s’installa aux pieds du fauteuil d’Enju, comme s’il veillait sur son travail. Il fut aussi salué très respectueusement par le vieil homme.L’éclat de rire de Fitz surprit un peu tout le monde et Maya comme Oléis le regardèrent fixement.
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Le Chat de Feu ne revint pas espionner Eoghan tout nu dans son bain. Et pour cause : il était occupé à espionner Ashun et Enju. Le bain se finit donc correctement, et le jeune homme désormais propre put rejoindre les travailleurs acharnés de la cuisine. Il fut accueilli par les deux kyrills qui s’affairaient à préparer de quoi satisfaire une vraie armée avec les moyens du bord (qui sentaient déjà bons). Gaylee se demandait si elle n’allait pas réussir à faire un dessert… mais sans Nyaeve, sa capacité à communiquer avec les étrangers était bien limitée. Elle fourra donc d’office de quoi installer la vaisselle sur plusieurs tables, et près des bancs, pour que tout le monde puisse manger ensemble plus tard.
Quant à Loelia, ce fut le kyrill mâle qui l’accueillit.
« Donc. Un tron’dirn ne s’occupe pas que des griffons. C’est le guérisseur des non-humains pensants. Comme pour les humains, il y a plusieurs sortes. Les guérisseurs du corps et les guérisseurs de l’esprit. Votre musique a calmé l’esprit des jeunes. » commença-t-il abruptement, tout en lui donnant un tas de pommes à éplucher.
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Gaylee ne savait pas trop comment marchait le sens de la terre. Elle conseilla à sa nouvelle protégée de se renseigner plus tard auprès d’Oléis. Puis elle l’envoya se laver pendant que les autres revenaient, et que les derniers étaient plongés dans leurs études de cas.
Dans la salle de bain, donc, Nyaeve était juste un peu… coincée. Pas par pudeur comme l’avait été Eoghan (bien qu’elle ait dû expliquer le principe aux deux gamins non-humains), mais parce que la porte refusait de s’ouvrir. Même en frappant et en appelant, rien ne répondait dans le couloir.
Elle ne pouvait même pas être sûre qu’on l’entendait de l’autre côté, vu l’épaisseur de la porte ! Puis la voix de Selm résonna dans sa tête :
Masten va pas bien ! Pourquoi ton humain il a enfermé Masten dans l’eau ! Il semblait inquiet mais pas vraiment affolé, encore. Il se renseignait, conscient que quelque chose clochait, persuadé que sa nouvelle amie allait l’aider…
[ Enju : tu reconnais le conte de Barrn, et les mentions d’Isabeau. Tu entends la voix d’Anshun et tu comprends que ton nouveau maître l’entend aussi donc. Et Indra, le Chat de feu, qui n’a t’a guère fréquenté pendant le voyage, vient s’asseoir à tes pieds, avec une sorte de ronronnement.
Fitz : ta marque réagit à celle de Maya, et à l’apparition d’Indra… L’épuisement commence à se faire sentir, et l’odeur de cuisine commence un peu à te déconcentrer. Mais maintenant tu sais que tu auras des réponses.
Eoghan : tu remarques que les griffons et la kyree commencent à perdre leur rigidité de transe. Les griffons émergent plus doucement que la kyree qui s’ébroue… et a l’air un peu inquiète. C’est toi le plus proche d’eux, et quand elle se lève, c’est à toi qu’elle s’adresse, en te demandant de venir vérifier quelque chose à l’étage avec elle. Elle a une voix inquiète. pour ton post tu peux aller jusqu'à la porte de la salle où est enfermée Nyaeve, pas de clé sur la serrure. Selm est en face, à gratter inutilement contre la porte fermée où toi tu as pris ton bain.
Loelia : avec tes pommes, tu peux demander des informations, et tu vois que les dyhélis sont profondément endormis, presque sereins, serrés l’un contre l’autre.
Nyaeve : l’appel de Selm te donne un mauvais pressentiment. Si tu tentes de contacter Masten, tu échoues, mais c’est sûrement dû à ton manque de pratique. Puis la voix d’une femme – en fait la kyree – retentit, disant qu’elle arrive avec le mage pour aider si besoin. Tu peux essayer d’agir autrement en attendant si tu veux : si tu décides d’utiliser la magie, lance ton sort, et je tire aux dés si tu réussis ]