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Je m'appelle Dunwyd, j'aime ma maman

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Dunwyd:
[Hiver, 6ème jour de la 1ère décade, piste de patin à glace de la Foire]

C'était enfin LE jour ! Dunwyd avait été réveillé tôt, évidemment, et avait traîné d'un côté et de l'autre toute la matinée, en attendant que le temps passe. Il était prêt, mais non, il était encore bien trop tôt, il n'allait pas déjà partir… Oh, et puis, finalement, il n'avait rien d'autre à faire, et surtout, il n'était bon à rien : il pouvait bien y aller, non ? Pour éviter de se poser trop de questions, il avait finalement opté pour son uniforme du Collegium, qui était certes particulièrement laid, mais aussi repérable, et lui empêchait de devoir choisir dans quels vêtements il allait se présenter à l'étrangère qui l'avait mis au monde.

Et donc, en fin de matinée, il était déjà sur place. Il avait tourné en rond dans les alentours (au moins, ça changeait de tourner en rond dans sa chambre), avait regardé ceux qui s'entraînaient aux glissades sur la glace de la Terilee, et s'était même aventuré jusqu'à quelques unes des tentes les plus proches, mais son attention restait ailleurs. Et il ne s'était jamais bien éloigné du lieu de rendez-vous. D'ailleurs, à mesure que le milieu de journée approchait, il revenait piétinait de plus en plus auprès de la rivière gelée. Par où allait-elle arriver ? Se reconnaîtraient-ils immédiatement comme le supposait Yvelin ? Il fallait que cette attente cesse, oui, bientôt, il serait fixé, sûrement…

Conteur:

Penthésilée, mage (?), 40 (?) ans
Penthélisée attendait cette journée avec impatience. Elle allait enfin voir le fils qu'elle avait abandonné il y avait dix-sept ans de cela. D'après les dires du Barde, c'était un mage prometteur et un jeune homme tout à fait avenant, toujours prêt à rendre service.

Quelle chance d'avoir rencontrer le jeune Yvelin par hasard dans cette auberge! Il lui avait épargné la difficile tâche de rechercher elle-même le fruit de ses entrailles. Grâce à lui, elle avait gagné plusieurs décades, ce qui arrangeait ses affaires. Elle n'aurait même pas à se séparer de ses compagnons de route. Peut-être même repartirait-elle en compagnie de son fils. C'était en tout cas ce qu'elle espérait.

Car elle n'avait pas de disciple ces temps. Son fils pourrait prendre place à ses côtés surtout s'il était aussi doué qu'annoncé.

Et puis... et puis c'était son fils. Quand elle se l'autorisait, elle éprouvait une joie sans arrière-pensée à l'idée de revoir le petit bébé qu'elle avait dû laisser derrière elle. Lorsqu'elle s'était découverte enceinte, cela avait été la fin du monde. Puis elle s'était attachée à l'être qui grandissait en elle, et la séparation avait été particulièrement difficile. Elle avait toujours caressé l'idée de revenir le chercher, mais le projet avait été sans cesse repoussé, car elle avait des devoirs à accomplir.

Elle avait dû demander son chemin plusieurs fois pour sortir de la ville. En voulant éviter les grandes rues, elle se retrouvait invariablement dans des petites ruelles étroites qui ne menaient nulle part. Mais elle détestait les grandes rues pavées de Haven. Elle lui rappelait, par leur architecture, son pays natal. Pays qu'elle abhorrait.

Enfin, elle arriva sur le lieu de la foire. Elle sourit involontairement, contaminée par l'ambiance détendue et chaleureuse (malgré le froid polaire) des lieux. Elle décida de prendre deux thés, qu'on lui servit dans de petites gobelets de papier ciré et se dirigea vers le lieu de rendez-vous.

L'uniforme jaune du jeune homme se détachait nettement dans la foule. Son cœur s'accéléra. Quel instant étrange! Elle prit le temps de détailler la chair de sa chair. Oui, ils se ressemblaient. Yvelin avait raison, ils avaient les mêmes cheveux.

Doucement, elle s'approcha.
«Un thé? Il fait plutôt froid ici.»

Dunwyd:
Un moment, son regard glissait d'un côté sur l'autre, cherchant sans trouver. Et puis, le suivant, il s'était accroché à une grande dame blonde qui se tenait fièrement, et semblait venir dans sa direction. Était-ce possible que ce soit elle ? Plus elle s'approchait, plus la question à se poser semblait l'inverse : était-ce possible que ce ne soit pas elle ? Lorsqu'il fut certain qu'elle se dirigeait bel et bien vers lui, il laissa un sourire s'afficher lentement sur son visage, et fit les derniers pas qui les séparaient encore, sans hâte cependant. C'est qu'il ne faudrait pas qu'elle s'enfuie en courant, non plus…

Elle le regardait, et il lui rendit la pareille, curieux de cette étrangère qui lui était pourtant si proche, et ne sachant quels mots prononcer. Il n'y avait pas d'erreur sur la personne, de cela, il était certain. Mais, comment pouvait-il l'aborder ? Elle lui épargna cette peine en étant la première à briser le silence, avec des mots quotidiens.
« Oh, oui, merci, je… c'est gentil, et puis, euh, vous… enfin, je veux dire… »
Il finit par dissimuler sa gêne derrière un petit rire, et se saisit de l'un des gobelets.

« C'est vraiment bizarre. J'imagine que pour… vous ? »
reprit-il avec une pause interrogative sur la forme à employer. C'était étrange de vouvoyer quelqu'un qui aurait dû lui être aussi proche que Gwyon, mais pouvait-il faire autrement alors qu'il la rencontrait pour la première fois ?
« Enfin, j'imagine que c'est pareil. On peut aller plus vers là-bas, pour avoir plus chaud. Il y a des stands de grillades, alors ils ont des feux. Enfin, moi ça me dérange pas, c'est un hiver normal pour ici, mais, c'est comme… comme vous voulez. »
acheva-t-il après avoir montré la direction, toujours pas bien certain de la manière dont il devait s'exprimer. Son sourire, par contre, revint, et il n'était pas forcé.

Conteur:

Penthésilée, mage (?), 40 (?) ans
Pauvre enfant! Il sembla perdre tous ses moyens quand elle lui adressa la parole. Elle trouva ses bafouillages touchants.

«Tu peux me tutoyer, je crois.»

Penthésilée était aussi mal à l'aise que Dunwyd, cela ne faisait aucun doute. Mais elle savait mieux cacher ses émotions et paraissait parfaitement calme et détendue.

«C'est vrai que cela ne m'arrive pas très souvent, de rencontrer mon fils longtemps perdu de vue. Mais ce n'est pas désagréable.»

Elle parlait avec un léger accent chantant, mais sans commettre de faute ou hésiter sur les mots. Elle pratiquait visiblement la langue depuis longtemps.

Elle acquiesça à la proposition de Dunwyd et se laissa guider vers les échoppes. Elle désigna un banc qui semblait libre et s'y installa, faisant signe au jeune mage de prendre place à ses côtés.

«C'est un peu étrange, mais peut-être devrais-je me présenter correctement.» Elle sourit. «Je suis Penthésilée et je suis ta mère. Enfin... je ne voudrais pas prendre la place de celle qui t'a élevée. Je suis ta génitrice, plutôt. Et je suis très heureuse de te revoir.»

Elle lui prit la main dans un geste affectueux, mais plein de pudeur. Elle ne voulait pas se montrer trop entreprenante avec ce fils qu'elle ne connaissait pas.

«Parle-moi de toi. Je veux savoir qui tu es.»

Dunwyd:
Le jeune homme continuait à regarder la femme qui, en d'autres circonstances, aurait été « maman », tout simplement. Il accepta d'un signe le tutoiement, ayant pour une fois des difficultés à continuer de discuter avec naturel. Un petit rire ponctua la déclaration suivante de la blonde.
« Oh, vraiment ? Est-ce que ça veut dire que je n'ai pas de frères ou de sœurs ? Moi qui aurait rêvé avoir une petite peste qui passe ses nerfs sur moi, mais que j'adorerais quand même… »

Ils se rendirent donc là où il faisait un peu moins froid, et ne reprirent la parole qu'une fois installés. Dunwyd observait avec attention cette étrangère qui devait avoir du sang bleu dans les veines, vue son allure. Sa tentative de retrouver un terrain un peu plus convenu fonctionna, et mit l'apprenti un peu plus en confiance. De nouveau, il lui sourit.
« Et moi, je suis très content de… te rencontrer. Je n'y comptais pas, à vrai dire, c'est un sacré coup de bol qu'Yvelin se soit trouvé sur… ta route. Oh, mais il n'y a personne à cette place-là. »
Il n'y avait ni tristesse, ni regrets dans cette constatation faite avec une certaine désinvolture. Feinte ou profondément vraie pour lui, là était la question, et sans doute aurait-il du mal lui-même à y répondre en toute honnêteté.

« Je crois pas que grand-mère puisse passer pour ce rôle-là, et papa… ne s'est pas marié. A propos, je lui ai rien dit… »
continua-t-il, hésitant visiblement. Avait-il bien fait ? Il espérait que sa mère l'éclaire à ce sujet sans qu'il n'ait besoin de poser crûment la question. En attendant, il lui rendit son geste léger d'une pression tout aussi subtile.
« D'accord, mais toi aussi, il faudra me raconter qui tu es, alors, »
posa-t-il comme condition, mais avec un sourire qui montrait qu'il ne prenait pas la chose trop au sérieux.

« Eh ben, je sais pas trop par quoi commencer… Yvelin t'a dit que j'étais au Collegium des Mages, non ? Ce qui me permet de porter ce magnifique uniforme. Avant, j'étais en apprentissage chez un bourrelier de Haven. Et encore avant, avec papa. Mais je suis plutôt content, maintenant. La magie… c'est quand même plus intéressant. Elle me vient de toi, non ? Parce que du côté de papa, il n'y a pas l'air d'y en avoir eu trace dans les générations d'avant. »
Il arrivait déjà un peu mieux à parler sans hésiter à chaque forme de tutoiement, c'était un progrès.

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