La maison n'était pas récente. Une vieille bâtisse rénovée tant bien que mal qui conservait pourtant le cachet d'antan. L'espace de vie, autrefois uniquement à l'étage, en dessus de deux grandes vastes écuries, avait été agrandie au rez de chaussée qui donnait sur la cour. Ainsi, la femme du propriétaire pouvait à son aise s'acquitter des tâches ménagères en gardant un oeil sur les trois terribles garçons à l'extérieur.
Seul un espace restreint avait été gardé pour les bêtes, deux chevaux, un âne, une chèvre et quelques poules. Au dessus d'eux, toutes les provisions avaient été stockés, au frais et à l'abri d'inondation, protégées au mieux des rats ou autres rongeurs par quatre matous hargneux et consciencieux.
La dernière partie de l'ancienne écurie avait été transformé en chambre d'hôte indépendante. On y accédait par la cour en commun mais était à l'écart de la famille du riche marchand d'étoffe, les deux lieux de vie étant séparée par l'écurie.
Le tout était théoriquement gardé par un chien à la race incertaine qui effrayait plus par une attaque de caresses que par la finesse de ses crocs.
Le fidèle gardien était donc profondément endormi, comme le reste de la maison, hormis dans la dépendance où une bougie balayait la cour d'une lumière tamisée, à travers la fenêtre close.
L'avantage de l'indépendance qui lui offrait son logement était bien celui-là, aucun compte à rendre à son logeur, qui lui louait le modeste habitat pour quelques écus mensuels. Kayann, assise près de la fenêtre, invisible depuis l'extérieur, veillait avec impatience le moindre mouvement qui annoncerait l'arrivée de son rendez-vous.
Nerveusement, ses doigts glissaient entre les mèches de sa longue chevelure désordonnée passée par dessus son épaule.
La nuit était fraîche et, malgré le feu qui crépitait dans la cheminée, Kayann avait jeté un châle de laine sur sa robe fine de lin blanc.
De l'âtre, la lumière chaleureuse dansait sur les quelques meubles de l'endroit. Une petite table entourée d'une chaise, un plan de cuisine en bois, une luxueuse baignoire de cuivre derrière un paravent et un large lit à baldaquin, en retrait derrière la cheminée. La Shin'a'in s'y sentait bien. Des deux fenêtres donnant sur la cour, un coup d'oeil lui suffisait pour apercevoir Roux-Poil, en stabulation libre.
Sur la table, un reste de repas traînait, froid et pourtant encore odorant, tout comme le vin rouge qui y restait. La femme du commerçant avait rapidement proposé de lui servir le repas en échange de quelques services dans le foyer. Les deux femmes étaient rapidement devenues amies.
Inconsciemment, son regard se porta vers la fenêtre de la chambre du couple qui semblait dormir paisiblement. La nuit était glaciale et claire, les ombres se découpaient sur le mur et le sol.
Il ne tarderait plus...