Yvelin avait bien trop à gérer de ses propres souffrances pour prendre conscience de celles d'autrui. Chaque jour était une bataille menée contre le désespoir, le sentiment d'abandon, l'envie de simplement renoncer. Pourtant, il était heureux de voir Micha. Alors pourquoi était-il incapable de simplement le dire?
Puis, les mots de l'orfèvre le figèrent de panique. Il ne put articuler un mot tandis que celui-ci lui renvoyait ses paroles - largement déformés - à la figure. Yvelin était sonné. Il ne comprenait pas ce qui venait de se produire. Il avait tenté d'ouvrir son cœur, malgré la douleur, malgré l'intuition criante qu'il ferait mieux de se taire. Et en effet, il aurait mieux valu qu'il ne dise rien.
Il fixa longtemps la porte par laquelle l'homme qu'il aimait s'en était allé, peut-être pour toujours. Il ne pleura pas. Il ne montra aucune émotion. Un sentiment douloureux d'abandon l'écrasait totalement. Il peinait à respirer, à penser. C'était la deuxième fois en peu de temps qu'un homme qu'il aimait le rejetait.
Si cela se produisait à nouveau, c'était sans doute qu'ils disaient la vérité, non? Il était un mauvais fils. Il n'était même pas capable d'être un bon amant.
Il prit une longue inspiration.
Chaque douleur, il l'étouffa. Chaque émotion, il la fit taire. Patiemment, il enferma dans une petite boîte la peine, la détresse, le désespoir, la peur, le regret. Il y rangea tout ce qui le faisait souffrir, tout ce qui le faisait douter. Enfin, pour la première fois depuis longtemps, il se sentit calme.
Micha avait eu parfaitement raison de le quitter. Il se demanda un bref instant d'où lui était venu l'orgueil de penser qu'il aurait pu être à la hauteur. D'une main distraite, il enleva le grenat à son oreille et le rangea dans sa poche.
Il se frotta les yeux et se leva. Dans un coin de l'auberge, un groupe de Bardes et de ménestrels discutaient et jouaient. Il plaqua un sourire sur son visage et s'approcha.
«
Je peux me joindre à vous?»
[RP CLOS]