Auteur Sujet: À livre ouvert [Yvelin]  (Lu 4332 fois)

Héraut Enora

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À livre ouvert [Yvelin]
« le: 22 février 2017, 19:01:54 »
4e jour de la 5ème décade d'hiver 1485

Enora marcha dans la bibliothèque avec un sentiment indéfinissable. Il y avait longtemps qu'elle n'était revenue dans cet endroit, mais elle s'y sentait encore chez elle. Ici elle avait échapper à toute sorte de choses. Elle avait fui sa vie de bleu, ses intimidateurs, ses tracas, dans les livres. Elle y avait découvert de nouvelles langues, d'autre pays et aussi des histoires merveilleuses des temps passés. Ici elle avait appris et découvert tellement de choses.

Cet endroit avait encore la même magie dans son coeur, même si elle n'avait plus besoin de refuge. Elle avait Jorel, le cercle héraldique et beaucoup d'amis aujourd'hui... y compris la reine. Mais il n'empêche, qu'elle se dit qu'elle devrait revenir quelquefois entre deux missions ici au lieu d'aller s'entrainer presque tous le temps. Elle se sentait bien, en paix, chez elle ici, plus encore que partout ailleurs dans Haven.

Elle était venue pour une raison précise cependant. Elle voulait approfondir ses connaissances sur la géographie de certains endroits où elle allait être affectée ensuite. Elle voulait réviser ses connaissances des cartes, mais aussi des locaux et des familles qui habitaient dans certains endroits qu'elle connaissait un peu moins de Valdemar.

Elle prit quelque livre sur les généalogies et la géographie et fut heureuse de voir que son endroit favori, près de la fenêtre qui donnait sur le champ des compagnons, était libre. Elle alla s'assoir avec ses livres et commença son étude.

Cela faisait seulement quelques minutes qu'elle étudiait quand un couple entra dans la bibliothèque. Ils étaient jeunes, deux jeunes hérauts. Leur chuchotement la sortir de ses livres. Elle les regarda et en ressentit un pincement au coeur. Ils semblaient si jeunes, si insouciants. La guerre devait leur sembler quelque chose de lointain, d'indéfinissable. Ils n'avaient pas cet air triste et douloureux de ceux qui avaient souffert vraiment la guerre. Elle était heureuse pour eux, mais leur insouciance, leur amour lui faisait presque mal.

21 ans, et elle n'avait encore personne dans sa vie. Elle voyait tous ses amis et tous les gens de sa promotion et de son âge heureux en mariage, et elle n'avait eu personne depuis des années... depuis la trahison de son presque amoureux. Y avait-il quelque chose qui n'allait pas chez elle ?

Elle aurait aimé être en mesure de répondre à cette question. Elle se doutait que la réponse était sans doute dans le fait qu'elle s'était dédiée entièrement au cercle pendant des années, mais aujourd'hui ? Elle avait appris à s'amuser, à sortir, à se faire des amis d'un soir même. Alors pourquoi n'arrivait-elle pas à se laissé aller assez pour se trouver des conquêtes. Pourquoi était-elle toujours seule et vierge à 21 ans ?

Elle sentait la présence de Jorel dans son esprit comme un réconfort, mais il ne pouvait pas la protéger de tous. Cette solitude qu'elle ressentait ne pouvait pas être entièrement comblée par un compagnon, et non plus qu'elle ne le devait.

Elle en était là dans ses pensées, à regarder les jeunes tourtereaux étudié ensemble, heureux et insouciant, sans vraiment remarquer que son visage affichait exactement la tristesse et la solitude qu'elle ressentait à quiconque regarderait.
« Modifié: 22 février 2017, 19:14:27 par Héraut Enora »

Yvelin

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Re : À livre ouvert [Yvelin]
« Réponse #1 le: 22 février 2017, 20:58:40 »
Yvelin tentait de calmer son impatience en lisant. Malheureusement, même ce récit sur le célèbre Barde Stefen ne parvenait à l'intéresser.

Il n'avait jamais connu ça. Il ne se reconnaissait plus! Où était donc passé le jeune homme à la patience légendaire? Dès qu'il s'agissait de Micha, il se sentait aussi surexcité qu'un enfant à l'approche du Solstice! Il lui serait difficile d'attendre encore cinq jours! Pourtant, ils s'étaient encore revus trois jours plus tôt. Yvelin était maintenant obligé de l'admettre, il était gravement amoureux. Cette idée le terrifiait autant qu'elle le ravissait.

Le jeune Barde n'avait jamais été amoureux auparavant. Il avait cru aimer le jeune paysan qui lui avait permis de sauter le pas. Mais il devait maintenant admettre que ce qu'il avait pu éprouver pour lui semblait bien terne au regard de ses sentiments pour l'orfèvre. Penser à Micha suffisait à faire naître un sourire sur son visage, comme en cet instant. Quant à leurs ébats... Yvelin se doutait bien que son manque d'expérience était criant, mais son enthousiasme semblait la compenser. En tout cas, Micha continuait à lui donner des rendez-vous.

Souvent, Yvelin regrettait de ne pas pouvoir crier son bonheur. Il ne pouvait même pas en parler à ses amies, car aucune n'était au courant de ses préférences. Pas même Liselle. Il devait même cacher son bonheur, car rien dans sa vie ne pouvait le justifier. Surtout pas la relation imaginaire qu'il entretenait avec une riche veuve et qui occupait ses soirées. Il avait fait comprendre que la dame s'était entichée de lui, et que lui-même n'étant pas engagé sentimentalement, n'avait vu aucun mal à répondre à ses avances.

Yvelin rendit les armes et leva la tête de son bouquin. À chaque phrase, son esprit dérivait vers les doigts, les lèvres... Yvelin s'efforça de ne pas repartir dans une nouvelle rêverie. La tête posée sur les mains, il regarda autour de lui, dans l'espoir vain de chasser son amant de ses pensées. La plupart des gens étaient plongés dans des ouvrages épais ou réfléchissaient, le regard absent. Il finit par croiser le regard d'une Héraut qui avait l'air malheureuse. Tiens, ce n'était pas une vision commune, ça! Les Hérauts étaient d'habitude si rassurants, si stables!

Le Barde remonta ses lunettes sur son front et se leva. Il ne lui fallut que quelques pas pour rejoindre la jeune femme à l'air triste et s'assoir à côté d'elle.

«Ça... ça ne va pas? Vous avez l'air... enfin, je ne veux pas me mêler de votre vie, mais vous aviez l'air si triste! Je sais qu'on ne se connait pas, mais... enfin... si vous voulez parler...»

Héraut Enora

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Re : À livre ouvert [Yvelin]
« Réponse #2 le: 22 février 2017, 21:21:34 »
Enora ne remarqua pas tout de suite le barde qui se dirigeait vers elle. Les gens allaient et venaient dans la bibliothèque, et il y avait des livres partout autour. Ce n'est que quand il arriva à sa hauteur et qu'au lieu de continuer il s'arrêta à son niveau et s'assied avec elle qu'elle leva vers lui un regard-surprise.

Elle ne le reconnaissait pas, enfin, tout le monde se côtoyait un peu au collégium, mais elle était certaine de n'avoir jamais engagé la conversation avec lui auparavant. Peut-être avait-il quelque chose à lui demander. Elle était un héraut après tout, et ils étaient tous sollicité par tous un chacun. C'était un aspect qu'elle aimait d'ailleurs, aidé les gens, rencontrés de nouvelle personne. Ça la sortirait de ses pensées sombres.

Sauf que le barde semblait être ici pour elle. Et c'est à ce moment-là qu'elle réalisa qu'elle devait avoir laissé échappé son masque de jovialité. Ça ne lui ressemblait pas, mais la dernière mission avait été un peu épuisante, elle devait bien l'admettre.

Par réflexe, elle remit sont masque en place, son sourire revenant alors qu'il parlait, ou béguéyait presque. Il était gentil quand même de s'inquiéter ainsi d'une parfaite inconnue, tout héraut qu'elle était.

"Tu es gentil, mais je ne suis pas certaine que tu puisses grande chose."

Elle lui sourit pour de vrai cette fois. Ce n'était pas n'importe qui après tout qui se soucierait des états d'âme d'une inconnue. Surtout que même encore aujourd'hui, son apparence mettait quelquefois les gens mal à l'aise. La plupart de ceux qui la côtoyaient depuis des années ou étaient habitués de la voir ne le remarquaient plus, mais elle surprenait encore des regards tantôt méfiant, tantôt trop admiratif. Elle était aussi heureuse que ce barde ne semble même pas en faire cas.

"Au fait, je m'appel Enora, et bon... pour votre question, disons juste que par moment, le travail de héraut à ses inconvénients. Ne vous méprenez pas, j'adore ce que je fais et le lien avec mon compagnon est parfait, mais il y a des moments ou notre vie laisse peu de place pour entretenir des relations sérieuses."

Son regard glissa à nouveau, sans son consentement, vers les deux jeunes amoureux. Elle aurait aimé s'ouvrir à ce barde, même si elle ne le connaissait pas, mais sa réserve et sa timidité dans le domaine semblaient l'empêcher de se livrer. Normalement, elle allait discuter avec Fitz, mais ses derniers temps, il était très occupé, et elle n'avait pas voulu déranger. Elle sentait le besoin d'en parler avec quelqu'un, peut-être même d'avoir des conseils. Mais elle n'osait pas, elle ne voulait donner mauvaise image des Hérauts. Et son éducation, même encore aujourd'hui, l'empêchait de se livrer à de total étranger.

Yvelin

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Re : À livre ouvert [Yvelin]
« Réponse #3 le: 27 février 2017, 10:35:29 »
«Faire peut-être pas, mais écouter sans doute.»

La jeune Héraut était repassée au vouvoiement. Elle s’était peut-être laissée aller sous le coup de la surprise, mais maintenant, c’était fini, elle tentait de reprendre le contrôle.

«Je m’appelle Yvelin. Je pense qu’on pourrait se tutoyer... Et il n’y a aucune honte a avoir le cafard, tu sais. C’est normal d’être découragé parfois.»

Il suivit le regard de la jeune femme jusqu'à un couple particulièrement démonstratif (selon les standards d'Yvelin - standards d'un shaych dans le placard pour qui se tenir la main en public était déjà trop démontratif), qui profitaient de la bibliothèque pour se bécoter. Le problème était donc là, elle se sentait seule. Et ses horaires compliqués ne l'aidaient sans doute pas à trouver un petit ami.

«Aha... je comprends. Ils ne sont pas très discrets... j'imagine qu'ils ne réalisent pas que leur bonheur peut blesser les autres. Un peu de pudeur dans les histoires de cœur, ça ne fait jamais de mal.» Il sourit. «J'imagine que ce serait assez mal vu si je leur disais d'aller s'embrasser ailleurs... par contre, rien ne t'oblige à supporter cette vision. Viens, allons plutôt nous installer dans une salle de travail. Je suis certain qu'il doit en rester une de libre quelque part.»

Yvelin se leva et invita la jeune femme à en faire autant. Puis il la prit par la main pour la guider vers une série de portes, donnant sur de petites salles de travail. Les gens pouvaient les utiliser pour s'isoler du reste de la bibliothèque et laisser leur travail en plan sans risquer de retrouver leurs affaires éparpillées à leur retour. La première salle était libre, et Yvelin fit entrer Enora avant de refermer la porte derrière eux. Le bruissement des conversations à voix basse disparut soudainement pour laisser place au silence.

«Voilà... et comme ça on dérangera moins les autres. Installe-toi, prends la chaise. Je vais m'assoir par terre.»

Il se laissa tomber sur le sol et croisa les jambes en tailleur.

«Et donc, ce n'est pas la grande forme, c'est ça?»

Héraut Enora

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Re : À livre ouvert [Yvelin]
« Réponse #4 le: 14 mars 2017, 17:31:28 »
Le jeune barde était plein de sollicitude, quelque chose à laquelle Énora n'était pas habitué de la part de quelqu'un portant le rouge. Bien sûr, elle savait qu'il n'était pas tous pompeux ou imbus d'eux-mêmes. Elle n'était pas portée sur ce genre de généralisation, mais elle n'avait jamais vraiment pris le temps d'en connaitre. Elle le regrettait un peu aujourd'hui, elle s'était refusé tellement de chose de la vie quand elle était grise, mais elle se rattrapait, ou essayait à tous le moins maintenant.

Yvelin donc, et sa remarque sur le tutoiement la fit sourire. Elle y revenait toujours, malgré ses efforts, quand elle ne connaissait pas quelqu'un. Ce n'était pas par snobisme, ou rien de se genre, mais le vouvoiement était quelque chose que ses précepteurs avaient implanté en elle dès son plus jeune âge. C'était de tutoyer les gens qui avait été longtemps malséant. C'était beaucoup plus facile désormais, avec des années de pratique chez les Hérauts, mais c'était encore quelque chose qui lui fallait appliquer consciemment au départ.

Le reste du discours du jeune homme l'amusa aussi, pour des hérauts, ils étaient au contraire très discrets en fait. Et elle ne leur en voulait pas, elle comprenait à quel point c'était important de profiter de chaque moment à fond quand ont fait un métier dangereux comme le leur. Mais c'était amusant venant de la bouche d'un barde qui avait une réputation aussi mauvaise que les hérauts. Ils faisaient une drôle de paire, pour sure. Elle le suivit néanmoins dans sa suggestion, elle n'avait pas trop envie d'étaler ses affaires de cœur au grand public. Ce n'était pas son genre, même quand il n'y avait presque personne.

Elle se laissa guider par le jeune homme jusqu'a une salle de travail, et même lui tenir la main. Elle ressentait d'instinct que le geste se voulait rassurant, mais rien de plus. Il était gentil, même si un peu étrange pour un barde. Mais elle était du genre à collectionner les amis étranges. Elle choisit de s'assoir par terre finalement, sur la diagonale de Yvelin, pas en face, mais pas directement à côté, elle s'y sentait plus à l'aise pour tenter de se confier. Regarder les gens de haut n'avait jamais été son truc et en tant que Héraut, elle n'avait aucun problème à trouver le sol confortable. Elle ressentait la présence de Jorel aussi, qui l'y encourageait. Il semblait avoir confiance en Yvelin, et Enora décida elle aussi de lui faire confiance. Elle avait besoin de plus d'ami, parce que sinon, quand un ou deux partait ailleurs, elle se retrouvait seule de nouveau.

"Non, ça fait un moment en fait que ça dure. Étudiante, j'étais trop sérieuse, je m'étais fait des amis, mais j'ai grandi en étant seule. J'avais toujours voulu des amis, mais arrivée à Haven, sans m'en rendre compte, je n'ai pas tellement cherché à m'en faire. Et c'était une période sombre aussi. Alors maintenant que je suis Héraut, même si j'ai compris comment me faire des amis, c'est pas facile. Je suis toujours partie, et je ne m'arrête jamais longtemps quelque part. C'est ça le travail d'une flèche. J'ai eu quelques histoires de cœur, deux en fait, et aucune ne s'est bien finie. La première, il était Promis à l'Épée, je le considère encore comme un grand frère même si ça fait longtemps qu'on ne se donne des nouvelles que par lettre, mais le second, c'était un traitre, un mage du sang, et je ne m'en étais jamais rendu compte. On est pas allé bien loin dans notre relation, on en était encore aux balbutiements, même pas en fréquentation, mais il a disparu un temps, et j'ai appris qu'il avait finalement été tué. J'ai jamais vraiment rencontré personne ensuite. Mais j'aimerais bien... si je savais comment, si j'arrivais à juste accepter des rendez-vous sans lendemain, j'imagine... mais ça me semble tellement..."

Elle ne savait pas quel mot employer: étrange, malséant, insipide. Et pourtant, elle pouvait remarquer la beauté des hommes autour d'elle,  elle était capable de ressentir l'attrait de tel rendez-vous. Elle voulait plus certes, mais elle était assez adulte pour savoir que trouver un partenaire de vie n'était pas quelque chose de facile ni de commun, et encore moins pour les Hérauts. Leur vie, et sa vie en particulier, était bien trop éclectique.
« Modifié: 15 mars 2017, 07:35:24 par Thalyana »

Yvelin

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Re : À livre ouvert [Yvelin]
« Réponse #5 le: 15 mars 2017, 08:25:43 »
Yvelin n'avait même pas imaginé un instant que son geste, à savoir prendre la main, puisse être mal interprété. Il était tellement habitué à être vu comme un être asexué par ses fréquentations qu'il avait oublié que ce geste était plutôt l'apanage des proches amis, ou des amants. Si Enora l'avait pris comme une invitation, il en aurait été mortifié.

Enora refusa de prendre la chaise et vint s'assoir près de lui. Enfin, pas trop près non plus. Elle évoqua tout de suite à Yvelin un chat un peu timide, curieux, mais qui craint le coup de balai. Elle semblait prête à lui faire confiance, mais aussi à déguerpir si cela se révélait nécessaire. Dès qu'ils furent installés, le Barde entra immédiatement dans le vif du sujet. C'était souvent la méthode la plus efficace. Enora, d'ailleurs, ne se fit pas prier pour lui répondre.

«Tellement froid? Tellement animal?» Il sourit avec gentillesse. «Ce n'est pas toujours facile de s'habituer aux mœurs des Collegia quand on a passé son enfance à rêver d'amour et de fidélité. Moi j'avais toujours cru qu'à vingt ans, je serais marié, et sans doute père de mon premier enfant.» Il haussa les épaules. «J'en suis encore très loin!»

Et il n'y avait aucune chance que cela arrive. Sauf s'il faisait comme Micha et acceptait de se marier par convenance. Il doutait cependant de pouvoir engendrer des enfants, ou alors une grande quantité d'alcool serait nécessaire. Yvelin n'était pas certain d'être physiquement capable de faire l'amour à une femme. L'idée même de l'acte le glaçait.

«Tu sais, tu n'es pas obligé de te lancer dans des histoires sans lendemain si tu ne le souhaites pas. Il n'y a pas de honte à espérer mieux.» Il lui tapota gentiment la main. «Pour faire des rencontres, il n'y a pas de solution miracle. Mais peut-être pourrais-tu venir aux soirées musicales? De nombreuses personnes y assistent et c'est l'occasion de rencontrer autre chose que des Hérauts. Tu pourrais t'y faire des amis. Et ces amitiés pourraient à l'occasion terminer sur l'oreiller, si c'est cela que tu souhaites.»

Yvelin avait cependant l'impression que le problème n'était pas là. Le sexe n'en était qu'une composante. Enora se sentait seule en général. Elle avait peu d'amis, elle était timide et sa vie mouvement, à courir d'un bout à l'autre du pays, n'aidait pas.

«Il y a évidemment les sources, mais cela t'obligerait à y aller aux heures mixtes, et je ne suis pas certain que tu... enfin, que tu apprécies de te montrer nue devant des inconnus.»

Lui-même avait été vacciné contre toute forme de pudeur lorsqu'il avait passé plusieurs décades sur un bateau. Il prenait même plaisir à se rendre aux sources aux heures où elles étaient ouvertes à tous. Cela lui permettait de se prélasser dans l'eau et de discuter avec Liselle.

Héraut Enora

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Re : À livre ouvert [Yvelin]
« Réponse #6 le: 15 juin 2017, 21:15:45 »
Enora se sentit soulagé quand Yvelin comprit ce qu'elle ressentait pour les histoires sans lendemain, et qu'il sembla d'accord aussi. Pas qu'elle était jugée par les autres hérauts, mais elle se sentait parfois très différente d'eux malgré tout. Justement parce qu'elle aspirait à plus... et sa frustration venait du fait qu'elle ne trouvait pas ce qu'elle cherchait. Elle savait ne pas être la seule à vouloir plus, Irmigarde avait une relation durable, Isabeau aussi, et la Reine l'était devenue à cause d'un lien pour la vie. Elle n'était pas une exception.

Mais elle avait besoin d'aide pour rencontrer des gens, se sentir moins seule quand elle était à Haven.

"Je crois que je pourrais m'habituer aux sources, je ne serai sans doute pas à l'aide au début, mais si je me cache sous des vêtements longs, ce n'est pas par pudeur, mais pour éviter à ma peau de brûler. Je ne suis pas tellement habituée à ce genre de chose, mais si tout le monde est pareil, je crois que je m'habituerais. Petites on allait souvent se baigner presque nue dans la rivière, se ne sera sans doute pas si différent... sauf que tu me fais réaliser que je ne cherche pas des trucs sans lendemain. Il me glace en fait. Je préférerais presque rester seule que de donner mon intimité à n'importe qui pour un soir."

Elle sourit un peu tristement, mais quelque part elle se sentait mieux aussi  d'avoir réalisé ses limites et ce qu'elle cherchait. De se sentir accepter à travers elle aussi.

"Je crois que je pourrais apprécier ces soirées musicales dont tu me parles par contre. Étant d'origine noble, on en avait parfois à la maison quand des bardes étaient de passage, ou que mes parents en engageaient, et j'appréciais toujours beaucoup.  Si cela ne te dérange pas de me présenter à certaines personnes la première fois, je pense que ce pourrait être une chouette idée."

Elle ne rencontrerait peut-être pas l'Amour avec un grand "A', mais se faire des amis, faire des rencontres sans attente, juste pour le plaisir de la compagnie des autres, mais sans le jugement des soirées mondaines, elle pourrait sûrement apprécier. Son mode de vie ne lui permettrait probablement pas de se faire des amitiés profondes, mais qui sait, avec le temps, peut-être.

Elle sentait l'approbation de Jorel dans son esprit.  C'était une solution, et si certaine des amitiés développait en autre chose, mais sans amour, amis justes du respect et de l’affection, elle ne serait pas nécessairement contre non plus.
« Modifié: 16 juin 2017, 09:09:39 par Thalyana »

Yvelin

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Re : À livre ouvert [Yvelin]
« Réponse #7 le: 18 juin 2017, 13:47:01 »
«J'avais bien compris! Je ne proposais pas les sources pour ce genre de choses, tu sais! Les gens pensent que c'est un lieu de débauche, mais je n'ai jamais vu quoi que ce soit qui puisse offenser la pudeur. Quant aux propositions... elles restent rares.»

Lui-même, évidemment, n'en avait jamais reçu. Quant à Liselle, elle n'en recevait pas davantage aux sources qu'ailleurs. La jeune fille était très demandée, et extrêmement jolie. Elle briserait de nombreux cœurs le jour où elle se marierait. Sans s'en rendre compte, évidemment, car Liselle n'avait pas totalement conscience de sa beauté. Elle fréquentait trop de grandes dames fardées et richement parées pour apprécier sa simple mise, sans prétention et sans artifice.

«Et ta peau ne risque pas de brûler à cause du soleil, tu sais. Les sources sont sous un voile magique. Sinon aucune dame n'accepterait de s'y baigner. Bon... il est vrai que peu de dames y vont, mais le problème est plutôt qu'elles ont peur de passer pour des débauchées, même en y allant aux heures réservées aux femmes. Et d'après Liselle, les heures réservées aux femmes sont très... animées. Si tu souhaites te tenir aux courants de différents ragots du Palais, c'est là qu'il faut aller.»

Chez les hommes, en revanche, c'était différent. En fonction des occupants, la discussion s'orientait sur les femmes, les armes ou la politique. Yvelin étant aussi ignorant du premier que du second sujet, il se retrouvait souvent à écouter les analyses politiques des Hérauts du Palais.

Quand il avait proposé les soirées musicales, Yvelin se doutait bien qu'elles intéresseraient son interlocutrice. Aucune noble — car elle l'était, cela se voyait — ne refuserait d'écouter un concert de Bardes. Par contre, il se sentit un peu mal à l'aise quand elle lui demanda de lui servir de guide. Yvelin n'était pas le plus sociable des Bardes. Il aimait ses collègues, mais les fréquentait assez peu. Encore moins depuis son altercation avec Firen. Il redoutait que celui-ci profite d'une nouvelle dispute pour révéler son secret à tous. Il s'inquiétait pour lui-même certes, mais plus encore pour Micha.

«Je peux bien te présenter, mais tu sais, je ne suis pas très... sociable. D'autant que je joue très souvent lors de ces soirées. Ne connais-tu aucun Héraut qui y va?» Lui pouvait en citer au moins deux. Deux imbéciles goguenards qui avaient bien failli le faire rôtir. «Car il y en a toujours quelques-uns qui viennent dès qu'ils sont à Haven.»

Héraut Enora

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Re : À livre ouvert [Yvelin]
« Réponse #8 le: 29 juin 2017, 19:49:32 »
Enora sourit quand il parla de proposition, elle non plus n'en recevait pas, mais elle n'était plus naïve de croire que c'était son apparence seule qui décourageait les gens. C'était probablement bien plus sa gêne et sa manière d'être qui la rendait inaccessible.

Elle rit ensuite en imaginant les dames de la cour, certaines qu'elle avait même connues petites, sous un soleil brûlant. Il y avait quelque chose de très amusant dans cette vision. Jamais la plupart n'accepteraient d'altérer leur teint parfait de cette manière. Quoique certaine, si sa mémoire était bonne, lui avait ressemblé un peu sur ce point et n'avait que faire des conventions stupides qui les empêchait d'avoir du plaisir et de gouter le plein air.  Et que dire des ragots, ça c'était une des pires choses que Enora avait eu à endurer du temps qu'elle était une bleue. C'était fort utile pour les hérauts, elle le savait et l'utilisait en tant que flèche, mais c'était tellement insignifiant et insipide à ses yeux de savoir que telle dame avait été vue avec une robe de l'année dernière, etc. Bien sûr, quand on recoupait plusieurs de ses ragots, on arrivait à avoir un bon portrait des nobles et de leurs finances, ou de leur opinion politique, mais en même temps, pour Enora, c'était presque du voyeurisme. Et les autres prenaient ce genre de nouvelles comme si c'était des informations capitales. Elle n'était plus du tout du même monde, ne l'avait en fait sans doute jamais été.

"Je connais certes plusieurs hérauts qui y vont, mais l'intérêt, si tu veux, c'est de rencontrer des gens nouveaux. J'ai la mauvaise habitude de ne m'en tenir qu'aux gens que je connais, et quand on est tous ensemble, en blanc, les gens semblent moins venir vers nous, ou je ne sais pas. Ils saluent les hérauts qu'ils connaissent, mais on reste tous dans nos habitudes, si tu vois ce que je veux dire. Tandis que si tu me présentes des gens, ce sera des gens différents. Mais je ne veux pas te mettre mal à l’aise. Je peux surement le faire par moi-même."

Mais le faire toute seule serait un gros défi, mais bon, elle était un héraut par la Déesse. Et qui n'était pas prêt à faire les efforts ne méritait pas de se faire aider. C'était à elle de se jeter dans la gueule du loup, même si c'était plus difficile. Elle pouvait le faire, elle l'avait bien fait avec les hérauts à un moment où un autre. Elle saurait le refaire avec les gens qui venaient à un concert.

Yvelin

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Re : À livre ouvert [Yvelin]
« Réponse #9 le: 16 juillet 2017, 11:09:01 »
Yvelin voyait bien qu'Enora, malgré ses dires, avait vraiment besoin qu'on l'aide à se faire des amis. Mais son éducation, sa timidité aussi, l'empêchaient de le dire clairement. Ce qui donnait à son discours des aspects contradictoires. Elle lui demandait à la fois de la présenter, de l'introduire, en la "tenant par la main", tout en déclarant qu'elle saurait se débrouiller seule.

Heureusement, être Barde, c'était aussi être un peu psychologue. Qu'aurait été un Barde incapable de comprendre les désirs de son public et de s'y adapter? Yvelin voyait bien que la jeune fille, malgré ses dires, appelait à l'aide.

« Ça ne me met pas mal à l'aise du tout. Je crains juste que le nombre de mes connaissances soit limité. Mais je te présenterai Liselle! C'est tout mon contraire. Elle connaît la moitié des Collegia, et sans doute la moitié de Haven. Tu verras, c'est une fille géniale. » Il ne doutait pas que la ménestrelle saurait aider Enora. « Mais tu sais, je ne crois pas que les gens aient peur de venir vers les Hérauts, même quand ils sont en groupe. Il me semble qu'il s'agit plutôt de politesse. Vois-tu, nous savons bien que nombre d'entre vous sont souvent sur les routes, et que lorsque vous rentrez, vous avez plaisir à enfin retrouver les vôtres. Ce serait indélicat de notre part de nous immiscer dans cette camaraderie. Et, avouons-le, c'est souvent bien plus simple de rester "entre nous". » Il sourit. « Et puis, plus en vieillit, plus c'est compliqué de se lier. Alors les gens ont tendance à continuer de fréquenter les mêmes personnes que pendant leurs études, plutôt que de chercher à élargir leur cercle. »

Le problème était plutôt là. Si on avait eu une adolescence solitaire, il devenait encore plus difficile, une fois adulte, de se lier. Et cela devait être pire encore pour un Héraut qui passait sa vie sur les routes, et qui n'avait que peu de temps à investir dans une relation, même amicale.

Yvelin nota dans un coin de sa tête de parler d'Enora à Liselle. La prochaine soirée aurait lieu d'ici une dizaine, environ. Si la Héraut était toujours à Haven, elle pourrait y venir. Le jeune Barde lui ferait porter une invitation. Elle se sentirait sans doute ainsi plus à l'aise pour venir.

Il espérait de tout cœur que Firen ne viendrait pas. Quand cet imbécile se pointait, Yvelin préférait fuir dès la fin de sa prestation. Or, si Enora venait, il ne pourrait décemment pas l'abandonner au milieu de tant d'inconnus. Et de couples heureux.

« Mais si tu es mal à l'aise devant les... débordements affectifs des autres, venir à ce genre de soirées peut aussi être douloureux. Ou bien es-tu particulièrement sensible aujourd'hui, à cause de la fatigue? D'après ce que tu disais, tu n'as pas... enfin, tu n'as jamais... » Il rougit. « Vu ton âge, tout le monde partira du principe que... hum. Et ton malaise paraîtra peut-être bizarre. Les Hérauts ont plutôt tendance à être assez peu... réservés sur la question. Tu n'as jamais... vraiment? Et pas d'amoureux non plus? De fiancé? De... quelque chose? »
« Modifié: 16 juillet 2017, 11:21:19 par Yvelin »