[rp rapide] Cette plume entre nous

[Pluiechantante]

Fin de la 4e décade 1781 - appartements de Beltran

Pluiechantante hésitait depuis plusieurs jours à aller voir le père de Liane, Beltran. Elle s’interrogeait sur le comportement de cet homme vis-à-vis de sa fille, sur ce qui avait motivé le choix de garder sa paternité secrète. Liane lui avait dit qu’il n’aimait pas qu’on l’interroge à ce sujet, mais Pluie estimait que cette réticence ne pouvait s’appliquer à elle. Après tout, elle s’occupait énormément de la fillette. Et en plus, elle avait l’impression que le Commandant était trop rigide sur le sujet. Elle comprenait que l’attaque dont la fillette avait été la victime l’avait effrayé. Mais ce n’était pas en refusant sa paternité que le danger allait passer.

C’était donc une Pluiechantante certaine d’être dans son bon droit qui se présenta devant les appartements de Beltran. Elle était certaine qu’il était chez lui, elle avait demandé aux domestiques. Elle frappa avec énergie contre la porte et attendit à peine qu’on vienne lui ouvrir pour saluer énergiquement et entrer dans la pièce. Elle n’avait encore pas tout à fait intégré les normes valdemaranes de bienséance.

« Bonjour! Non… Bonsoir. Je suis Pluiechantante. Je. m’occupe. de. Liane. Je. voudrais. parler. de. Viveplume. Non... de Liane.»

Elle prit le temps de construire chaque phrase et d’articuler clairement.

[Beltran]

Beltran s'usait les yeux sur un rapport écrit en pattes de mouche. S'il y avait une chose qu'il ne pouvait reprocher à Wylan, son cousin, et son réseau d'espions, c'était l'utilité de leurs rapports. Mais outre la précision, l'écriture comptait aussi, nom d'une Déesse! Beltran se força à penser que l'auteur avait dû être pressé par le temps ou par un quelconque problème (une horde de mages noirs en colère frappant à sa porte par exemple...)

En parlant de frapper à la porte, quelqu'un ne se gêna pas pour faire résonner le bois solide de la porte. A la fois dérangé en plein travail et soulagé d'abandonner les vagues lignes de son parchemin, Beltran ne mit guère de temps à aller ouvrir. Il eut à peine ouvert le battant qu'une femme s'engouffra dans le bureau. Le Capitaine n'eut pas le temps d'ouvrir la bouche qu'elle lui assenait déjà dans un valdemaran compréhensible bien qu'un peu haché et teinté d'un fort accent étranger qu'elle s'occupait de Liane.
La porte se referma comme d'elle-même.

"Bonsoir..."

Silence.

" De Liane. A moi?! Peut-être qu'à sa mère, ça serait plus approprié..."

Horreur. Angoisse.

"Il lui est arrivé quelque chose?!"

[Pluiechantante]

Son entrée en force avait alerté le soldat, pour qui, sans doute, tant d'empressement devait signifier une situation grave. Devant l’inquiétude du soldat, elle eut un sourire rassurant. Et rassuré, l’homme semblait réellement craindre qu’il soit arrivé quelque chose à sa fille.

« Non non… il ne faut pas se faire du soucis. Et je vois déjà Riannon, oui. Souvent.»

Elle fit une brève pause pour formuler mentalement ce qu’elle voulait dire.

« Un enfant, c’est pas que une mère. C’est un père aussi. C’est pas seulement Riannon qui doit décider, toi… non, vous aussi. Tu… vous ne savez même pas qui je suis, alors que je prends… soin de Liane presque tous les jours. C’est pas normal pour moi. Je veux savoir qui est son père. Je dois comprendre pour soigner. »

Elle avait fait beaucoup d’efforts pour éviter son habituel charabia. Elle n’était pas certaine d’avoir été très claire.

Elle s’arrêta et avisa les rapports sur le bureau. Il travaillait vraiment tout le temps, cet homme-là. C’était très mauvais, selon l’opinion de Pluiechantante.

« Je veux juste discuter, oui. Mais si tu… non vous êtes trop occupé, je reviendrai. »

En fait, elle espérait qu’il ne la renverrait pas. Maintenant qu’il connaissait sa voix, il pourrait sciemment l’ignorer quand elle reviendrait.

[Beltran]

Pour Beltran, l'irruption en pleine soirée d'une inconnue aux oreilles percées de mille trous pour lui parler de sa fille n'était pas ce qu'il appelait un cas de figure habituel, ou même attendu. Dans son esprit fourmillèrent automatiquement cent idées atroces. Sa fille kidnappée, Riannon assassinée et Liane blessée, une nouvelle fois torturée, ... Puis l'homme capta le sourire de Pluiechantante et il se calma. D'ailleurs, elle enchaînait déjà et les nouvelles se suivaient.

Elle s'occupait de Liane. Tous les jours. Elle voyait Riannon. Tous les jours? Mais qui était donc cette femme?
Lentement, les idées s'emboîtèrent dans la tête blonde. Oui, Riannon lui avait parlé d'une étrangère qui encadrait Liane. Car Liane était trop précoce. Beltran n'avait pas pris tout cela au sérieux. Avec lui, la fillette était au summum de la normalité. Oui, bon, elle avait un Don pour se cacher et pour savoir ce que les autres pensaient, surtout quand il s'agissait "des Blancs"... Mais jamais Riannon n'avait mentionné quoi que ce soit de plus inquiétant. Il avait donc pensé que l'étrangère avait du temps à perdre avec les enfants et qu'elle l'aidait simplement à se développer en étant le moins impolie possible.

Mais là, Pluiechantante parlait de "soigner". Beltran fronça de nouveau les sourcils. Il surprit le regard de la Kestra'chern vers son bureau et haussa les épaules d'un air fataliste:

"C'est une histoire compliquée. Je ne suis pas... officiellement son père."  Il approcha un siège et s'installa lui-même sur celui d'à côté: "Mais je peux discuter maintenant. Dans un sens vous avez raison, je suis son père. J'ai du temps pour elle. Allez-y. Que soignez-vous chez elle, plus précisément?"

Il prit soin de bien articuler pour qu'elle puisse distinguer correctement les mots. Autant vous dire qu'il n'en était pas à l'aise pour autant. Son cerveau analysait les faits à toute vitesse, cherchant quel point faible le menaçait - à part qu'une inconnue pleine de plumes en savait plus sur sa fille que lui-même.

[Pluiechantante]

Pluiechantante avait réussi à attirer l’attention du soldat. Visiblement, parler de soins avait touché le père en lui.

« Je sais oui. Liane m’a dit. Mais pour moi, c’est ab… absurde. Je croyais qu’ici, sur la colline, les histoires de mariage étaient pas importantes. Ou moins que le bon sens… »

Elle s’installa dans le siège offert.

« C’est débile, cette. idée. d’officiel. Un enfant… a.forcément. un père. Toujours. Mais, ce n’est pas pour ça que je suis là, oui. »

Elle secoua vivement la tête, faisant tinter ses nombreuses boucles d'oreilles et faisant voler les nombreuses parures ornant sa chevelure.

« Je soigne… comment dire… Soigner est pas assez vaste comme mot. Je lui apprends l’eth… éthique déjà. A ne pas se balader dans la tête des gens. Elle ne. doit pas utiliser ses Dons toujours, oui. Mais aussi, j’essaie. de. retrouver. la. lumière. d’enfant. dans. le. coeur. de. Viveplume. Elle a connu beaucoup de souffrances oui. Elle a perdu un peu la légèreté. Et tout le monde est trop sérieux ici. Trop carré. Trop raide pour une enfant comme elle. Je lui apprends aussi... les choses qu'elle doit savoir. Parce que la vraie nourrice aime Liane, mais elle ne sait pas comment elle marche.»

Pluiechantante s’impressionnait elle-même. Elle arrivait presque à parler sans faute! Bon, l’accent n’y était pas, mais elle s’en moquait pas mal.

« Je… mon métier, normalement, c’est Kestra’chern. Tu… vous savez ce que c’est? »

Le vouvoiement n'était décidément pas son fort. C'était tout sauf naturel pour la jeune femme qui venait d'une culture où le tutoiement était la norme.

[Beltran]

Tirer des informations était une capacité que Beltran maîtrisait. En général. Face à un soudard, un espion, un traître, un soldat, un... bref tout ce qui était plus habituel qu'une Tayledras. Ou Kaled'a'in. Il hésitait sur la provenance de l'étrangère. Elle semblait juger l'histoire "compliquée" comme étant tout à fait idiote et innappropriée. Beltran se raidit. Elle ne savait rien de leur situation... Sauf que visiblement Liane lui avait donné des informations importantes. Et si Liane le vivait mal, il valait mieux qu'il le sache, évidemment. Alors il ne mit pas la femme à la porte et accepta d'obtenir les explications au compte-goutte. La barrière de la langue semblait être un obstacle mais Pluiechantante arrivait à bien se faire comprendre une fois l'accent dépassé.

Une fois installée dans le siège offert, elle continua d'affirmer que Beltran était débile - ou du moins c'est comme ça qu'il le prit. Il n'avait pas été ainsi aggressé depuis... des années. Le soldat se défendit:

"Je ne suis pas le seul à avoir voix au chapitre, et c'est compliqué comme je le disais..."

Pluiechantante enchaînait déjà sur la sorte de soins qu'elle protiguait à la fille de Riannon. Beltran l'écouta, sous le choc. Ses Dons? Quels Dons? Dans la tête des gens? Et sa fille souffrait?
Cela faisait trop d'informations pour les neurones du père qu'il était. Où avait-il raté quelque chose? Oui, sa fille était parfois bizarre, parfois trop sérieuse, parfois trop discrète mais... n'était-ce pas ainsi pour tous les enfants? Riannon le lui aurait dit si quelque chose n'allait pas. N'est-ce pas? Le doute le rongeait.

Il bredouilla une seconde lorsqu'elle lui posa une question directe.

"Je... Oui je sais ce que c'est."

Probablement Kaled'a'in donc. Pas qu'il en fréquente beaucoup, surtout des Kestra'chern. Pourvu qu'elle ne lui offre pas ses services...
Secouant la tête pour s'éclaircir les idées, il questionna à son tour:

"De quels Dons vous parlez? Et... Liane vous a dit que ça n'allait pas? Elle a... enfin, la Magie, tout ça?"

Encore heureux qu'il avait eu des cours d'éloquence hein?

[Pluiechantante]

Pluiechantante eut un geste impatient de la main à l’écoute des justifications maladroite du soldat. C’était une excuse beaucoup trop facile à son goût. Le problème n’était pas tant qu’il ne reconnaisse pas officiellement l’enfant, mais que Liane ait conscience que c’était en quelque sorte un secret. Ces histoires d’adultes n’auraient pas dû l’affecter. Si ses parents avaient une relation compliquée, Liane ne devait pas en faire les frais. Or pour la Kestra’chern, ce pseudo-secret n’était pas très bon pour la fillette.

Beltran eut l’air perdu quand elle l’interrogea. Sans doute s’attendait-il à la voir parler sans s’arrêter ne quémandant que quelques approbations muettes. Mais si Pluie aimait parler, elle savait que les questions faisaient avancer les choses beaucoup plus rapidement.

Au grand étonnement de la jeune femme, Beltran ne semblait pas très au faut de ce qu’étaient les Dons. Mais… Pluiechantante avait toujours pensé à qu’à Valdemar, à fortiori parmi les élites, on était parfaitement informé de tout ce qui concernait la magie mentale.

« Elle a pas la Magie. Elle a des Dons. Les pouvoirs de l’Esprit, oui. Et je parle de l’Empathie, de la Guérison, de… comment vous dites ici, la Parole par l’Esprit, mais aussi Lecture des Pensées et Don des Bardes, je crois. Peut-être autre chose encore. Et Liane dit pas que ça va pas. Elle le montre. Je le vois. Je sais. C’est mon métier, oui. Comme le tien c’est de te battre. »

Pluiechantante mit sa main devant la bouche, l’air contrit.

« Désolé, le vôtre… le vouvoiement, c’est pas naturel pour moi. »

Elle fronça les sourcils, l’air maintenant sévère.

« Mais je crois que Riannon a dit, oui, que Liane était parfois triste, et que Liane avait des Dons. »

[Beltran]

Pluiechantante avait un certain Don pour mettre les points sur les i. Beltran soupçonnait qu'il en aurait encore plus pris dans son grade si elle avait pu parler sa langue maternelle. Il ne s'attarda pas sur cette pensée, bombardé qu'il était par d'horribles nouvelles. Empathie, Guérison, Don des Bardes, Paroles par l'esprit, ... S'il n'avait pas été aussi sûr que l'enfant était de lui, il aurait pensé que Riannon avait fauté avec le Collegium des Hérauts en entier. (oui bon, ce n'était pas rationnel, et alors?) Personne dans sa famille n'avait montré une telle accumulation de Dons. Même Wylan se contentait de choses supportables. Comment une petite de quatre ans pouvait-elle avoir les épaules pour de telles capacités? Beltran commençait à comprendre où Pluiechantante voulait en venir.

"Elle a vraiment tous ces Dons? Depuis quand?"

Il ne voulait pas dénoncer son quasi manque de conversation avec Riannon, mais la colère le prit brusquement. De quel droit l'écartait-elle volontairement de l'évolution de sa fille? Oui, il acceptait de ne pas la reconnaître officiellement et de la faire protéger de loin pour sa sécurité, mais elle restait sa fille aussi! Cela lui délia la langue et c'est d'un air de colère qu'il prononça une phrase qui lui arracha à moitié la gorge:

"Je ne savais pas. Personne ne m'a rien dit et ... Liane n'a jamais... Enfin devant moi, c'est juste une petite fille normale."

Il écarta ses excuses d'un geste vague. Peu importait qu'elle le tutoie ou non - vu qu'elle lui faisait la leçon comme sa propre mère l'aurait fait, un "tu" n'allait pas améliorer ou empirer la situation.

"Vous pouvez me dire tu. Je ne saurais même pas dire ça dans votre langue à vous, donc de toute façon je ne considérerai pas ça comme impoli."

Par contre le reste...
Mais l'heure était trop grave et le sérieux était sur tous les visages.

"Riannon ne m'a rien dit. Liane ne m'a rien dit. Et je n'ai rien vu... Vous... être sûre que c'est ça? Que ce n'est pas... je ne sais pas, moi, une séquelle de ce que cette sadique lui a fait? Vous savez... la mage de sang..."

La phrase se finit sur un ton inquiet et quelque peu lamentable. Son enfant, son bébé, n'allait pas bien. Le monde s'écroulait autour de Beltran. Il avait toujours cru que le danger viendrait de l'extérieur. Qu'il pourrait agir. Mais là, c'était plus compliqué et bien pire à ses yeux.

[Pluiechantante]

Quand Pluiechantante avait rencontré la fillette, elle parlait déjà par l’Esprit. Elle ne l’avait jamais connue sans Dons.

« Depuis quand? Je sais pas. J’étais pas là. »

Pluiechantante n’avait pas obtenu de Beltran la réaction qu’elle attendait, mais celle-là lui convenait aussi très bien. Le Commandant s’insurgeait de n’avoir pas été tenu au courant des Dons de sa fille. Mais la Kestra’chern estimait que c’était en partie de la faute du soldat.

« Liane montre pas ses Dons parce que… elle sait que tu as peur… non… tu. n’es. pas. à. l’aise. avec. les. Dons.  Elle veut pas déranger. Elle veut faire plaisir. Un enfant veut toujours faire plaisir à ses parents. Ils disent pas les souffrances. Ils ont honte. Ils cachent ce qui peut faire mal aux adultes. »

Et Liane qui était empathe et lisait dans les Esprits savait très précisément ce qui pouvait faire peur aux adultes. Elle était tellement puissante qu’elle passait sans doute les barrières que le soldat avait érigées autour de lui. La présence de ces barrières avait d’ailleurs surpris la Kestra’chern. Comment un homme sans Don en était-il venu à se barricader de la sorte?

Beltran semblait espérer que peut-être, la situation serait provisoire. Était-elle certaine que les Dons de Liane étaient réels? Évidemment!

« Bien sûr que c’est une… séquelle. Enfin, je pense. Tu connais les biefs, oui? C’est… c’est la boîte de ton cerveau où est le Don. Parfois, les boîtes restent fermées toute la vie. Parfois, certaines s’ouvrent. Quand on vit quelque chose de très fort,  ça peut être comme si on arrache violemment le couvercle. Tu comprends? Alors oui, c’est à cause de la mage, sans doute. Mais ça partira pas. Maintenant que c’est ouvert, on peut plus refermer. Alors il faut vivre avec. »

Elle tendit un main rassurante vers l’épaule de Beltran.

« Les enfants sont malins, les enfants cachent. Et si Riannon a pas réussi à te dire… tu sais, c’est pas facile d’expliquer tout ça à quelqu’un comme toi. Quelqu’un qui a pas de Don. »

[Beltran]

Beltran tria ses pensées. Sa fille avait développé (quand?) des Dons (plein) qu'elle savait (plus ou moins) utiliser et cacher pour faire plaisir à ses parents. Aux adultes. Et sa fille, sa toute petite fille, savait qu'il était terrorisé par ce genre de capacités. Pauvre Beltran. Amoureux d'une torche vivante, et si ça ne suffisait pas, géniteur d'un Héraut miniature. ... Si jamais elle finissait Héraut. Elle pouvait aussi mal tourner. S'enfuir. Se marier en cachette avec un démoniste.

Il fallait qu'il arrête de se monter le chou. Liane avait quatre ans, par tous les diables! Et l'inconnue semblait savoir de quoi elle parlait. Il fallait juste qu'il avale les nouvelles.
Honnêtement, il doutait encore. Liane ne pouvait pas savoir qu'il détestait les Dons: il n'en avait jamais parlé devant elle, il en était quasiment certain, et ses barrières le protégeaient. Il était inhabituel pour un non-Doué d'avoir de telles barrières, mais les rares mages et Hérauts qui avaient tenté de les passer s'y étaient heurtés violamment et ne les avaient pas fait céder. A part Irmingarde, peu de gens avaient le pouvoir de se glisser derrière les murs de Beltran. Liane l'avait fait sans qu'il le remarque? Impossible.
Une sueur froide lui coula dans le dos à l'idée des implications de cette possibilité. Une seconde il eut peur. De sa fille. Pour sa fille. Puis l'image de son enfant s'imposa à lui. C'était Liane, pas un monstre.

"Oui je connais les biefs."

Les siens étaient plus fermés que les jambes d'une nonne ayant fait voeu de célibat. On lui avait dit une fois qu'il avait un bon potentiel latent, ce qui expliquait peut-être son innébranlable barrière mentale. Il ignorait si c'était une explication rationnelle. Il n'y avait pas pensé jusqu'à ce soir-là. Liane tiendrait de lui? Non, il préférait croire que c'était du côté de Riannon.

"Il faut vivre avec." répéta-t-il sous le choc avant de reculer par réflexe quand la main de l'inconnue s'approcha de lui.

Gêné, il enchaîna.

"Bon, ma fille a ... des Dons. Et vous l'aidez à les maîtriser, c'est ça? Qu'est-ce que je peux faire? Comme vous avez compris, ces... Dons, ce n'est pas quelque chose que je maîtrise. On ne peut pas... les... empêcher d'agir jusqu'à ce qu'elle soit grande, je suppose?"

Autrement dit "je n'ai aucune idée de ce que je dois faire, éclaire ma lanterne, ô étrangère si directe."

[Pluiechantante]

L’homme recula quand elle tenta de le rassurer. Encore un coincé. C’était la culture de Valdemar qui rendait les contacts physiques si… effrayants? Elle retira doucement la main, pas du tout vexée. A la place, elle se pencha un peu en avant sur sa chaise. Elle était convaincue que la proximité physique favorisait les confidences.

« Non, on ne peut pas. J’aurais préféré oui. Expliquer un con… concept aussi difficile que l’éthique à une petite fille c’est pas facile. Mais je dois. Elle peut pas continuer à lire partout. Ni à donner mal à la tête. »

Elle s’arrêta quelques instants. Que pouvait-il faire? Elle avait de nombreuses suggestions, mais elle préférait qu’il découvre tout seul ce qu’il convenait de faire. Elle voulait bien lui proposer quelques idées, mais elle savait qu’il ferait davantage ce qu’il aurait trouvé et décidé seul.

« Je m’occupe des Dons. Enfin… je m’occupe plutôt de morale. Mais toi, tu es son papa. Tu as d’autres devoir, et d’autres pouvoirs que je n’ai pas. »

Elle s’arrêta quelques instants, cherchant la formulation la plus claire.

« Je suis venue ici pour comprendre. Liane. fait. les. choses. comme. elle. fait. à. cause. de. sa. vie, mais aussi de ses parents. Alors je voulais connaître son papa. Pour savoir ce qui vient de là. Que tu sois plus avec Riannon est pas un problème. Chez moi, les couples sont libres, mais les enfants sont pas tristes. Par contre, tu dois t’in…venter? Non… investir. Ne pas avoir peur de Liane, oui. Faire des choses avec elle. Elle adore danser, oui. Et je sais que tu danses avec une Héraut. Donc tu danses avec ta fille aussi. Si elle est trop petite, tu la prends dans tes bras. Tu joues à cache-cache aussi. Tu comprends? »

Comment lui faire comprendre qu'il devait simplement voir sa fille comme telle, et comme un être à part entière qui méritait qu'on s'intéresse à lui, à ses passions, à ses aspirations? Certes, les désirs d'une fillette de quatre ans n'étaient pas toujours palpitants pour les adultes, mais il fallait faire des efforts.

[Beltran]

Heureusement, Pluiechantante n'insista pas pour toucher le Capitaine. Ce dernier n'était pas un afficionado des contacts physiques. Cela le mettait souvent mal à l'aise lorsque cela dépassait du cadre acceptable de franche camaderie. La jeune femme ne sembla pas s'en formaliser et continua son analyse de la situation. Elle écrasait les espoirs dans l'oeuf au fur et à mesure que le soldat les mentionnait.

"Elle a quatre ans. Comment peut-elle comprendre l'éthique? Vous arrivez réellement à... lui faire comprendre? Elle est si petite."

Bien qu'il essayât de toutes ses forces, Beltran ne réalisait pas qu'une enfant pouvait réfléchir par elle-même, surtout dans un cas si compliqué. Pluiechantante ne s'investissait-elle pas dans une mission impossible après tout? Pourtant elle semblait sûre d'elle et des valeurs qu'elle voulait inculquer à la fillette.

"Elle donne mal à la tête? Mais... pourquoi?"

Bonne question.
Bon, l'inconnue emplummée s'occupait des Dons. Et de morale. Bien. Très bien. Beltran osa toucher du doigt son rôle de père:

"Est-ce que je dois lui trouver des professeurs spécialisés? Des Hérauts ou quelqu'un... pour vous aider avec le côté... technique?" s'enquit-il, rageant mentalement que Riannon le mette dans une telle position. Il aurait une belle conversation avec elle dès que Machin quitterait son bureau.

Super-papa avait soit-disant des pouvoirs que Pluiechantante n'avait pas. Beltran haussa un sourcil, incapable de saisir l'allusion. Il pouvait la protéger physiquement, mais ensuite...? La Kestra'chern développa l'idée. Beltran ré-haussa un sourcil. Il avait du mal à comprendre.

"Le problème n'est pas que je ne sois pas en couple avec Riannon. C'est... plus compliqué." répéta-t-il une fois de plus. Il réfléchit à haute voix plus qu'il ne se confia: "Riannon est partie lorsqu'elle est tombée enceinte. Quand elle est revenue, elle m'a interdit de revendiquer l'enfant comme le mien car cela la mettrait en danger. Quand Liane est née, j'ai réussi à imposer mon droit à la voir et à la gâter mais j'ai promis de ne pas la reconnaître. Et je ne suis pas doué avec les enfants."

Seule Irmingarde avait déjà entendu cette histoire. Il se confiait beaucoup trop ces temps-ci.

"Je ne sais pas jouer à cache-cache et je ne sais jamais ce qu'elle veut que je fasse. Elle est si compliquée. Si petite et si... différente." Il montra les mains en signe d'impuissance. "J'aime ma fille, et je tremble qu'on s'en prenne à elle. Mais je n'étais pas destiné à être papa. Je n'ai jamais appris. Je fais comme je peux. Je ... je... j'espère qu'elle sait que je l'aime."

C'était plus une question qu'une affirmation. Beltran réalisait à quel point les choses étaient allées loin. Etrangement, il réalisait également à quel point la petite fille avait pris de place dans sa vie sans qu'il ne s'en aperçoive. Il rendit les armes:

"Mais je peux lui apprendre à danser. Je parlerai à Riannon. Mais je dois vous prévenir..."

Le Capitaine prit le relais sur le père:

"Je suis souvent visé par des assassins parce que je dirige l'armée et je suis un de leurs plus importants tactiques en plus d'être ami du Roi. On a déjà tué des proches. Riannon craint que si on sait que Liane est ma fille, elle soit la première à craindre un assassin. Je la fais protéger mais... mais visiblement cela ne suffit pas toujours." L'amertume était clairement perceptible - ainsi que la haine. "Si je m'investis plus... Si je me montre plus... J'ai également peur qu'on s'en prenne à elle. C'est actuellement mon seul point faible." (Avec Irmingarde, mais il se tût à ce propos). "Et si vous êtes à ses côtés vous pourriez être une victime collatérale."

Honnête. Franc. Et priant pour qu'elle ne fuie pas. Il hésita une seconde, n'en croyant pas ses propres oreilles tellement il avait peu l'habitude de se confier à qui que ce soit.
Puis...

"Heu... à propos, c'est quoi votre nom?"

[Pluiechantante]

Beltran faisait visiblement partie de cette majorité  d’adulte qui voyaient les enfants comme des êtres mignons mais stupides. Croyaient-ils que l’intelligence apparaissait en même temps que disparaissaient les derniers boutons? Un enfant comprenait souvent bien plus de choses que les adultes, car ils prenaient les informations comme elles venaient, sans les passer par la moulinette de leurs préjugés.

« Elle comprend si on explique avec des mots simples. Si on donne des exemples. Si on montre par le jeu. »

En tout cas, Pluiechantante trouvait que la fillette se comportait de mieux en mieux.

« Elle donne mal à la tête quand elle est pas contente. Pour se… venger? Elle profite qu’elle sait le fait, c’est tout. Mais elle fait moins, maintenant. »

Beltran comprenait les choses totalement de travers. Peut-être n’avait-elle pas été assez claire. Peut-être aurait-elle dû lui dire très clairement ce qu’elle attendait de lui. Il était bien plus borné que Pluie n’avait d’abord pensé.

« Mais non… elle a pas besoin de professeur. Elle est trop petite. »

Pluiechantante ne savait pas ce qui avait poussé Riannon à agir de la sorte, peut-être avait-elle eu peur. Elle n’excusait absolument pas son attitude, mais elle ne pouvait pas non plus la juger.

« Personne sait comment être papa, ou maman. Ça s’apprend euh… en selle? Comment on dit dans ta langue? Sur le tas? Voilà. Et tu sais jouer à cache-cache. Tu as joué à cache-cache enfant, je sais. Donc tu sais. Tu dois juste trouver le comment on fait dans ta mémoire. Et bien sûr qu’elle sait que tu l’aimes. Mais peut-être qu’elle sait pas comment tu l’aimes, à quel point? »

Finalement, il accepta de danser avec la fillette. C’était déjà ça. Mais déjà, il retournait à son comportement de soldat, pour la prévenir du risque qu'elle courrait en s'occupant de Liane.

« C’est une mauvaise excuse. Le Roi il cache ses enfants? Et si on attaque toi, le Roi, c’est quoi? » Puis elle ne put contenir son irritation. « Et c’est pas ton point faible, c’est ta fille! C’est ton point fort! Un enfant, ça rend fort! Un enfant, ça rend la vie précieuse! Tu es chanceux d’avoir un enfant, alors tu n’as pas le droit de te plaindre!»

Elle était vraiment énervée maintenant. Quel crétin borné et débile! Elle respira plusieurs fois pour se calmer. Puis elle haussa les épaules avant de terminer, d’un ton toujours légèrement agacé:

« Si je meurs, c’est que je meurs. La peur n’est pas une amie de vie… vivre sans peur c’est vivre mieux. »

Pluiechantante n’avait vraiment pas spécialement peur de la mort. Selon ses croyances, quand on mourrait, eh bien… on mourrait. C’était comme un sommeil éternel. Or elle ne craignait pas le sommeil, elle ne craignait donc pas la mort.

Beltran la surprit en lui demandant son nom. Ne s’était-elle pas présentée en arrivant?

« je t’ai dit mon nom. Je suis Pluiechantante. »

[Beltran]

Beltran avait un petit doute sur sa capacité à expliquer quelque chose à Liane en utilisant "des mots simples". Il n'avait aucune idée de la quantité de mots que sa fille connaissait, et sur son envie d'écouter ce qu'on avait à lui dire. Les enfants aimaient jouer, faire des choses pratiques, et même si on les prévenait à l'avance que... disons que le feu ça brûle, il y avait quasiment cent pour cent de chances que le gamin mette quand même la main dans le feu. Ce n'était pas vraiment un signe de grande intelligence n'est-ce pas? Bon, il fallait avouer que Beltran réagissait pareil à certaines choses: "la magie peut faire ça" "non j'y crois pas... Ah ben si.". Si Liane tenait de lui, leurs conversations auraient un charme certain...

Pluiechantante semblait bien décidée à faire la leçon au Capitaine. Ca ne lui était pas arrivé depuis... plus d'une décennie. En tout cas, jamais dans ce genre de contexte. Malgré son rang et son habitude à commander, il se sentait comme un adolescent puni face à une mère colérique. Bien sûr, il refusait d'extérioriser ces sentiments-là, mais il céda du terrain devant certains conseils. Mais sincèrement, s'imaginer jouer à cache-cache dans le château avec Liane... C'était un peu trop pour lui. Surtout que si il jouait mal à son goût, voilà qu'on le prévenait qu'elle pourrait se venger en lui donnant la migraine. Si ça ce n'était pas terrifiant, Beltran voulait bien manger sa serviette.

"Ah, elle fait moins. Bien. Enfin, je crois." bredouilla l'homme, le cerveau tout retourné. "Et pas de professeur. D'accord."

Bon, du coup, il avait le droit de faire quoi? Il espérait que Pluiechantante n'attendait pas qu'il se lance dans l'éducation des Dons de Liane. C'était largement hors de son domaine. Même enseigner la danse à Irmingarde semblait plus facile, c'est pour dire!

Mais le cerveau obtus du Capitaine avait compris plus de choses que ses faibles remarques ne le laissaient penser. Il avait compris que sa fille vivait des choses difficiles pour son âge, et qu'il se devait d'être plus présent pour elle. Qu'elle aimait danser, et que ça il pouvait gérer. Et qu'elle avait besoin qu'on lui dise qu'on l'aimait. Tout ça était bien noté dans un coin de la cervelle chevaleresque du blond.

"Sur le tas." confirma brièvement Beltran avant d'accepter de danser avec sa fille.

Ce n'était pas à cette étrangère qu'il allait dire à quel point il aimait sa fille. Déjà que se l'avouer à lui-même avait pris des plombes. Mais il accepta de laisser ses inquiétudes paraître alors qu'il la mettait en garde.

"Le Roi n'a pas le choix. Je suis sûr qu'il aurait voulu pouvoir cacher ses enfants. Vous n'imaginez pas le système de protection que nous devons mettre en place à chaque nouvelle génération royale. C'est à s'en arracher les cheveux." Il eut un regard vers le bureau caché sous les monticules de rapports.

Mais Pluiechantante se mettait à lui crier dessus, arguant que la valeur d'un enfant dépassait de beaucoup la plupart des trésors. Oh, ça, Beltran pouvait bien le croire. Il faisait des cauchemars où Riannon lui enlevait sa fille - où Liane disparaissait et n'était pas retrouvée - où Liane mourrait sous les tortures de Bronwynn de Tolan... Il considérait cet amour comme une faiblesse le détournant de son devoir. Et pourtant il n'avait jamais pu refuser sa paternité et s'écarter totalement de sa petite fille.
Il tenta de calmer Pluiechantante:

"Je suis conscient qu'elle est précieuse. C'est ma fille même si je ne suis pas... expressif. Et c'est pour ça que j'ai peur pour elle. Quel père dans ma position n'aurait pas peur pour elle?"

Et égoïstement, il savait bien qu'il avait peur pour lui-même, de perdre ses capacités si son coeur lui était arraché en la personne de sa fille. Il survivrait si Irmingarde refusait de le revoir. Il n'en était pas sûr si Liane disparaissait.
En tout cas, une personne non égoïste, c'était le petit bout de femme emplumé devant lui. Elle n'avait pas peur de mourir. Du moins c'est ce qu'elle prétendait, et elle semblait le croire.

Beltran s'excusa de ne pas avoir retenu son nom:

"Désolé, j'ai été un peu pris au dépourvu. Pluiechantante, Kestra'chern." répéta-t-il comme un étudiant sérieux. Puis il la regarda franchement: "Dans votre culture, les deux parents ont autant de droits l'un que l'autre, n'est-ce pas? Ici, si le père ne reconnait pas l'enfant, la mère a tous les droits. Et comme c'est elle qui a porté Liane, je n'ai jamais..."

Eu le courage de s'opposer franchement à elle. Eu le courage de s'occuper correctement de sa fille. Il finit sa phrase avec un léger temps d'arrêt:

"... eu le coeur d'exiger de lui donner mon nom, car ses arguments... reflètent les miens."

Beltran tenta d'imaginer la réaction de Riannon s'il tentait de reconnaître officiellement sa fille maintenant. Il n'était pas sûr qu'elle ne tente pas de l'étrangler. Mais si une inconnue venait lui faire la leçon dans son bureau, Beltran avait bien conscience que c'était que quelque chose clochait réellement. Alors il conclut:

"Je vais voir ce que je peux faire. Pour Liane, je veux dire. Je ne suis pas doué en jeu, je le crains, mais si elle aime danser, ça c'est dans mes cordes. Et je peux lui apprendre à se défendre un peu. Je crois. Elle n'est pas trop petite si?"

Il rougit et baissa la voix:

"Quand j'étais enfant, j'aidais ma mère à faire les tartes. Je suis plutôt doué. Vous croyez que Liane... aimerait apprendre ça?"

Pluiechantante avait appuyé sur les bons leviers intérieurs. Sans qu'il s'en rende compte, le commandant des armées de Valdemar venait d'accepter la partie tendre de sa personnalité. Ses hommes n'allaient jamais le reconnaitre.

[Pluiechantante]

Pluiechantante se radoucit. Elle ne s’énervait jamais vraiment, et jamais suffisamment pour le rester longtemps. Ce qui la blessait, dans le comportement de Beltran, c’était qu’il avait placé sa peur avant sa fille, qu’il avait laissé cette peur entacher sa relation, jusqu’à toucher directement Liane. Elle était trop petite pour être mêlée à ces histoires de grandes personnes.

Et pour Pluiechantante, la peur de Beltran était plus égoïste qu’autre chose. Ce n’était pas tant pour Liane qu’il avait peur, mais pour la souffrance qu’il éprouverait si elle venait à être blessée. Bien sûr, la Kestra’chern ne doutait pas un seul instant que Beltran aimait sa fille, mais son statut important à Valdemar lui donnait des priorités différentes de la plupart des gens: le pays avant tout. Or s’il était anéanti par la mort de la fille, le pays en pâtirait.

« C’est normal que tu as peur. Mais ta peur est à toi,  pas à ta fille. Donc tu dois pas la…contaminer avec. Tous les parents ont peur, oui. C’est normal. Seulement toi tu as un prétexte qui à l’air mieux pour toi. Mais je sais pas si vraiment c’est une vraie raison. »

Pluiechantante n’allait pas se vexer pour quelque chose d’aussi futile que l’oubli de son nom. Elle était simplement surprise qu’un militaire aussi précis n’ait pas été en mesure de retenir son prénom du premier coup. Pour ce qui concernait l’autorité parentale, les conceptions valdemaranes étaient très éloignées de celles de son peuple, mais les séparations étaient aussi plus fréquentes chez elle, sans doute.

« Dans ma culture, un parent reste un parent, oui. Il faut être deux pour faire des enfants, donc normal que les deux élèvent l’enfant. Pour moi aucun ar…argument est assez valable pour que tu restes derrière, tu comprends? Même si Riannon est pas d'accord. Elle a pas raison là-dessus. Si tu veux, je dirai, oui, que c'est pas bien. Je dois déjà lui dire pour le Don des Bardes, alors un peu plus, ça change pas pour moi.»

Pluiechantante sourit. Beltran semblait enfin accepter l’idée d’avoir des activités avec sa fille. Liane serait ravie que son père s’occupe vraiment d’elle. Elle espérait qu'ainsi la petite pointe de jalousie qu'elle avait senti chez la fillette disparaîtrait. Elle était vraiment trop jeune à son goût pour connaître les affres de l'envie.

« Moi je danse avec Viveplume, oui. Et les tartes, c’est bien, très bien. Liane aime tout apprendre,  si tu donnes du jeu dedans… non. Ça veut rien dire ça… euh… il faut mettre du jeu dans tout. Voilà. Liane est vraiment merveilleuse, tu sais. »