Auteur Sujet: Tenir le bon bout  (Lu 3853 fois)

Dyalwen de Bordebure

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Tenir le bon bout
« le: 19 avril 2020, 21:35:37 »
7ème jour de la 3ème décade d’été 1485 – Début d’après-midi

Bon. Ça y était. C’était l’heure d’un des cours qu’elle redoutait le plus. Autant certains ne l’inquiétaient pas, même si elle n’avait aucune connaissance en la matière – après tout, ils servaient à ça, les cours, non ? à apprendre ce qu’elle ne savait pas – autant celui-ci…

C’est facile, tu vas voir.
Qu’est-ce que tu en sais, toi ?
… J’en sais que les autres ont l’air d’apprendre facilement.

Mouais. Les lèvres de Dyalwen se tordirent en une moue dubitative. Elle n’était pas convaincue. Pas du tout. Si c’était si facile que ça, Dubhán n’aurait eu aucun mal à apprendre et Grand-père ne pesterait pas sans cesse contre le manque de volonté de son petit-fils. Et, elle avait beau être un brin plus énergique que son frère, la rouquine n’était pas franchement costaude. Il suffisait de voir le temps qu’elle tenait avec une fourche à la main. Heureusement, à Bordebure, elle n’avait jamais eu à vraiment curer les box – personne n’aurait osé demander ça à la fille de la maison – et elle ne s’était contentée que de coups de mains ponctuels… quand aucune figure d’autorité ne se trouvait dans les parages. Mais une épée et une fourche, ce n’était pas la même chose. Et retirer deux crottins d’une litière d’équidé n’avait rien à voir avec se battre.

Allez.

Elles étaient arrivées à la barrière qui marquait la limite du Champ des Compagnons et Tisia encouragea son Élue d’un coup de nez dans le creux du dos. Dyalwen soupira et se retourna pour une dernière caresse sur le chanfrein du Compagnon. Comme tous les jours depuis le début de la décade, elle avait expédié son déjeuner le plus rapidement possible pour avoir le temps de rendre visite à Tisia et, comme tous les jours, la pause se terminait trop vite. Encore plus ce jour-là puisqu’elle n’avait aucune envie de se rendre à son cours suivant.

La Grise passa donc sous la barrière et prit la direction de la Caserne. Elle ne savait pas à quelle sauce elle allait être mangée et elle espérait que son instructeur ne serait pas aussi… brute que Grand-père ou les maîtres d’armes de son frère. Son planning indiquait qu’il s’agissait d’un Héraut mais ça ne voulait pas dire grand-chose. Le seul avantage, c’était qu’il n’était pas trop difficile de repérer ledit Héraut en arrivant : personne d’autre ne portait un uniforme blanc au sein de la Caserne.

« Héraut Méra ? »

Décidée à faire tout de même contre mauvaise fortune bon cœur, Dyalwen s’efforça d’accrocher un sourire sur ses lèvres. Peut-être un peu crispé, le sourire, mais bon, c’était l’intention qui comptait, non ?

« Je suis Dyalwen. Pour le cours de défense. »

Oui, c’était évident. Et alors ?

Héraut Méra

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Re : Tenir le bon bout
« Réponse #1 le: 20 avril 2020, 09:20:52 »
En général, en tant que seconde de Jarhindel, les activités de Méra consistaient à donner des enseignements spécialisés ou à mater des cornichons. Il était rare qu'elle enseigne aux débutants. D'une part, Jarhindel adorait s'en charger, d'autre part, elle n'était pas la plus patiente des femmes.

Mais aujourd'hui, 'Rhindel était occupé avec une jeune Héraut qui avait besoin de leçons particulières en vue de sa mission de Probation, aussi lui avait-il demandé de prendre en charge la petite nouvelle. Méra n'avait pas encore eu le loisir de la croiser, mais elle évitait autant que possible le réfectoire aux heures pleines et n'avait aucune raison de se rendre dans le Collegium directement. Sa chambre - pour le peu qu'elle l'habitait - se trouvait dans l'Aile des Hérauts et elle passait ses journées à la salle d'Armes. Ou derrière, parfois, dans les appartements du Maître d'Armes.

On l'avait avertie que Dyalwen était une jeune noble et qu'il n'était que peu probable qu'elle ait un jour tenu dans ses mains quelque chose de plus mortel qu'une aiguille à coudre. Mais Méra avait coutume de dire que même une aiguille pouvait se révéler une arme mortelle, dans des mains expertes. Et aujourd'hui il s'agissait surtout de voir si le cas de Dyalwen était désespéré, et si oui, à quel point.

Alors qu'elle regardait les manœuvres de deux soldats, visiblement adeptes de la technique consistant à foncer dans le tas sans réfléchir, une petite voix timide l'appela. Méra se retourna et accueillit la nouvelle venue d'un large sourire.

«Bienvenue à toi, Dyalwen! J'espère que ça ne t'embête pas trop de devoir te contenter de la seconde, mais 'Rhindel est occupé pour la journée et il était hors de question de retarder encore ta formation aux armes.»

Comme à son habitude, Méra parlait fort, d'une voix enjouée, sans se soucier le moins du monde des gens qui l'entouraient.

«Alors, j'imagine que comme tu es noble, on ne t'a jamais laissé toucher autre chose qu'une aiguille à broder? Ou bien ta famille est-elle moins bête que d'autres?»

Elle fit signe à la jeune fille de la suivre jusqu'à un râtelier d'armes d'entraînement. Celui-ci contenait une grande variété d'armes en bois, de toutes tailles et de sortes.

«Alors, quelques questions pour que je puisse un peu te cerner. J'ai cru comprendre que tu montais parfaitement à cheval, ça veut dire que tu n'es pas totalement ramollie! Certaines nobles ont l'air d'ignorer qu'elles ont le droit d'utiliser leur corps autrement que comme ornement! Est-ce que tu danses aussi? Sais-tu encore faire la roue? Es-tu capable de marcher le long d'une poutre sans tomber? Ah... encore une chose.» Elle baissa la voix. «As-tu tes menstrues en ce moment? Si oui, il faut me prévenir!»
« Modifié: 26 avril 2020, 21:59:08 par Héraut Méra »

Dyalwen de Bordebure

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Re : Tenir le bon bout
« Réponse #2 le: 24 avril 2020, 23:23:09 »
Lorsque la Héraut pivota sur elle-même pour lui faire face, Dyalwen se sentit un brin soulagée. Déjà, elle ne s’était pas trompée d’interlocutrice, ça aurait pu être pire. Même si, bon, il n’y avait pas d’autre Héraut visible dans le coin, donc l’erreur était peu probable. Le sourire de la Blanche, son enthousiasme et sa frêle apparence étaient plutôt rassurants également. Au moins, elle n’avait pas la carrure d’une armoire à glace ni l’aspect austère de Grand-père. La rouquine ne contenta donc de secouer la tête en signe de dénégation à la question rhétorique de Méra. Clairement, non, ça ne la dérangeait pas de devoir se « contenter » de la seconde du Maître d’armes. En fait, pour le moment, ça lui allait même très bien.

La question suivante, en revanche, lui fit monter un peu le rouge aux joues. Sa famille n’était pas bête. Mais, c’était vrai qu’on ne lui avait jamais rien enseigné en rapport avec les armes. C’était réservé à Dubhán, ça.

« J’ai déjà manié une fourche, émit toutefois la rouquine pour ne pas laisser passer l’attaque contre sa famille sans rien dire. Mais jamais pour me battre. »

Elle suivit la Blanche jusqu’au râtelier d’armes d’entraînement, comme celle-ci le lui indiquait, pendant que les questions s’enchaînaient trop vite pour qu’elle puisse répondre. Profitant que Méra semblait vouloir reprendre son souffle, elle ouvrit la bouche pour répondre… mais la dernière interrogation de la Héraut lui coupa toute répartie et la fit rougir jusqu’aux oreilles. Mais mais mais ? Qu’est-ce que c’était que cette question ?

C’est juste une question, pas de quoi en faire un plat.

Dyalwen ouvrit la bouche une seconde et la referma sans qu’aucun son n’en sorte, avant de déglutir et de bafouiller à mi-voix.

« Non… non, pas en ce moment. »

Rouge écrevisse, la Grise garda les yeux fixés sur Méra, refusant de jeter le moindre coup d’œil autour d’elles, des fois que quelqu’un les ait entendues. Au moins, la Héraut avait-elle baissé le ton avant de parler mais… sa voix portait et le reste de son discours avait dû être perçu jusqu’à l’autre bout de la Caserne. Dyalwen n’avait aucune envie de savoir si c’était le cas de la fin aussi.

Elle déglutit à nouveau, en s’efforçant de reprendre contenance, et tâcha de se rappeler les questions précédentes. Histoire de penser à autre chose.

« Je n’ai jamais essayé de marcher sur une poutre, et je n’ai pas fait la roue depuis très longtemps – genre depuis que Mère avait banni les pantalons de sa garde-robe… La roue en jupe, c’était pas très convenable. J’ai appris à danser, mais je n’ai pas beaucoup pratiqué. »

La température de ses joues semblait diminuer un peu. Tant mieux. Répondre aux questions simples délayait sa gêne et Dyalwen s’efforça de persévérer dans cette voie.

« Pourquoi vous me demandez tout ça ? »
« Modifié: 27 juin 2020, 20:01:46 par Dyalwen de Bordebure »

Héraut Méra

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Re : Tenir le bon bout
« Réponse #3 le: 25 avril 2020, 09:41:56 »
«Une fourche, tu dis? Hmm.» Elle remua le nez, songeuse. «Normalement, on apprend pas tellement le combat à la lance aux Hérauts. Au bâton, à la limite, mais ce n'est pas forcément très pratique non plus.»

Devant le râtelier d'armes, Méra hésitait. Vu que la jeune fille avait déjà manié une fourche, commencer par une arme d'hast lui semblait une bonne idée. Mais elle n'avait jamais enseigné le combat à une parfaite débutante, aussi n'était-elle pas persuadée de la pertinence de son intuition.

Elle ne remarqua d'ailleurs pas que la jeune fille rougissait. Mais son ton et l'hésitation dans sa voix la firent sourire. Puis Dyalwen demanda la raison de toutes ses questions.

«Les menstrues influent énormément sur le ressenti de ton propre corps, et parfois même sur ton centre d'équilibre. De plus, pendant ces périodes, tu peux te sentir plus maladroite, avoir des douleurs dorsales ou au niveau du bas-ventre et des raideurs dans les jambes. Or je dois prendre tous ces paramètres en compte pour te former.» Dyalwen pensait-elle qu'elle posait ces questions par voyeurisme? «En fait, toutes mes questions ont pour unique but de me faire une première idée de ta condition physique et de ce que je pourrais attendre ou non de toi au début. Faire la roue travaille les muscles des bras, du dos et l'équilibre. Marcher sur une poutre entraîne l'équilibre et la perception de son propre corps. Danser aussi. En fait, j'essaie de déterminer à quel point tu es connectée  avec ton propre corps.» Elle lança un regard amusé à la jeune femme. «La plupart des jeux d'enfants servent en fait à construire notre musculature, notre équilibre et notre perception de nous-même. Tu verras ici des gens qui font la roue, le pommier, qui marchent sur les mains, qui grimpent sur tout ce qui peut être escaladé, etc. En combat, il est impératif de connaître ses possibilités et ses limites.»

Méra se décida pour deux lances d'entraînement. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pu eu l'occasion d'en manier une, et cela l'amusait de refiler une arme de soldat à une noble demoiselle.

Elle tendit la lance à Dyalwen et observa attentivement comment elle s'en saisissait. Puis elle lui indiqua la caisse des protections en cuir et lui montra comment les mettre. Elle-même portait déjà son plastron d'entraînement, ainsi que des jambières et des protections d'avant-bras.

«Autre chose... arrête de me vouvoyer. Je ne suis pas si vieille, et en plus, je déteste ça. Tu verras qu'ici la majorité des professeurs préfèrent être tutoyés. Même Jarhindel, le maître d'armes, commence à s'y faire!» Méra leva son arme. «En garde!» Puis elle sourit. «Vas-y, essaie de me toucher. Imagine que je suis une grosse botte de foin, si ça peut t'aider.»

Dyalwen de Bordebure

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Re : Tenir le bon bout
« Réponse #4 le: 29 avril 2020, 20:00:05 »
Dyalwen ne voyait pas vraiment le rapport entre le maniement d’une fourche et celui d’une lance, mais elle n’était pas maître d’armes et elle n’allait certainement pas interrompre les réflexions de la Héraut. Elle se contenta donc de la suivre jusqu’au râtelier d’armes… avant de rougir jusqu’aux oreilles aux interrogations de Méra. Elle s’efforça toutefois d’y répondre le plus justement possible, avant de poser à son tour une question… dont la réponse fit regagner quelques degrés à ses joues. Alors, certes, la raison était valable – et la rouquine n’en avait jamais douté – mais ce n’était pas franchement un sujet qu’elle abordait avec détachement et spontanéité. Normalement, on n’en parlait pas. Jamais.

Heureusement, la Blanche ne s’attardait pas plus que nécessaire sur le sujet des indispositions mensuelles, ce qui permit à Dyalwen de reprendre peu à peu contenance. Elle n’avait pas eu de souci à parcourir le Champ des Compagnons en long, en large et en travers sur le dos de Tisia, à sauter les clôtures ou à traverser la rivière, mais elle avait beaucoup de mal à s’imaginer mettre en application les propos de Méra. Faire la roue, marcher sur les mains ou escalader ce qui s’y prêtait lui semblaient des activités bien trop éloignées de ce qu’elle faisait d’ordinaire. Peut-être même plus que le combat lui-même.

« Vous allez me faire faire ça aussi ? s’enquit donc la rouquine, avant d’avouer : Je ne suis même pas sûre de savoir encore faire la roue. »

Ça te plaira, si ça se trouve !
Tu crois ?
C’est mieux que la broderie, à mon avis.
Ce n’est pas difficile !


Dyalwen prit la lance que lui tendait Méra, hésitant quant à la manière de la tenir. La pointe n’aurait-elle pas dû être vers le haut ? Mais elle savait tenir une fourche et fit donc pareil : à deux mains, la gauche à mi-hauteur du manche, la droite en haut… Mais son instructrice lui faisait signe de la suivre vers la caisse des protections et la rouquine oublia ses interrogations pour obtempérer. Elle posa la lance contre le mur et s’équipa comme le lui indiquait la jeune femme avant de reprendre l’arme d’entraînement… et de rosir à la remarque sur le vouvoiement. Tutoyer une Héraut. Dire que deux décades plus tôt elle n’imaginait même pas avoir une vraie conversation avec un Blanc…

« D’accord, » répondit-elle toutefois.

Elle reprit la lance, tâchant d’imiter Méra, et la leva. Elle ne se sentait pas très adroite. Elle n’avait jamais levé une fourche si haut et, surtout, elle n’avait jamais essayé de piquer quelqu’un. Les bottes de foin, quoiqu’en dise la Blanche, étaient souvent posées au sol et immobiles. Mais elle fit deux pas en avant, visant le genou gauche de la Héraut avec la pointe de sa lance, sans veiller à garder un quelconque appui stable.
« Modifié: 27 juin 2020, 20:03:39 par Dyalwen de Bordebure »

Héraut Méra

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Re : Tenir le bon bout
« Réponse #5 le: 01 mai 2020, 08:20:57 »
«Ça ne s'oublie pas, je t'assure. Le corps a une mémoire incroyable. Tu n'as peut-être plus la musculature nécessaire, mais les gestes, tu les connais encore.»

Au moins la jeune fille se saisit-elle correctement de sa lance. Une chose que Méra n'aurait pas à lui apprendre. Le reste, en revanche, laissait à désirer. Dyalwen ne semblait pas avoir conscience du poids de son corps, de la répartition de celui-ci sur ses jambes, de la facilité avec laquelle Méra pour la faire chuter. Et quand elle attaqua, ce fut pire encore.

Méra aurait pu faire comme ses propres maîtres d'armes et utiliser sa lance pour déséquilibrer la jeune femme d'un coup derrière le genou. À la place, elle esquiva la tentative maladroite de la jeune femme et lui donna du bout de sa lance une petite tape sur le haut de la cuisse.

«Regarde... si j'avais voulu, tu serais maintenant les quatre fers en l'air. Règle numéro un: être toujours stable sur tes jambes. Il ne sert à rien d'attaquer si un simple petit coup sur le genou peut te mettre à terre.» Elle lui sourit. «Ici, on enseigne en priorité un style de combat défensif. Ensuite, ceux qui montrent de bonnes capacités et de l'intérêt sont formés de manière plus approfondie sur de nombreux styles. Après tout, le but n'est pas de faire de vous tous des combattants hors pair. Soyons honnêtes, la plupart sont trop âgés, quand ils arrivent, pour espérer exceller. Seuls quelques privilégiés, des nobles, par exemple, qui ont eu des maîtres d'armes dès le plus jeune âge, deviendront des fines lames. À tous les autres, on vous apprend le nécessaire pour que vous restiez en vie le plus longtemps possible.»

Méra reprit sa position initiale, genoux fléchis, la main gauche tenant le milieu de la lance, la droite le dernier tronçon de manière à orienter son arme en oblique, la pointe à hauteur d'épaule de Dyalwen.

«Regarde: j'ai les genoux toujours légèrement pliés et les muscles toujours en tension. Ainsi, il est beaucoup plus difficile de me faire tomber. Ensuite, tu ne dois pas te mettre de face, mais de profil, la main forte arrière. C'est elle qui donnera la force, tandis que l'autre ne servira qu'à orienter le coup.» Elle s'arrêta un moment pour réfléchir. «On va déjà travailler ta stabilité avec une lance en main. Tu vas essayer d'adopter la bonne posture, et moi je vais essayer de te déséquilibrer. Quand tu auras acquis ça, on essaiera de voir les premiers coups d'estoc et les premières parades.»

Elle laissa Dyalwen prendre la position qu'elle pensait être la bonne puis s'approcha pour la corriger.

«Baisse tes épaules. Tu vas te faire mal comme ça. Un bon combattant doit savoir alterner entre tension et détente. Si tu es trop crispée, tu vas dépenser une énergie folle qui te manquera probablement à un moment critique. En plus, si tu es plus détendue, tu es aussi plus agile et réactive. Voilà, là c'est mieux.» Elle recula de quelques pas. «Maintenant, j'aimerais que tu fermes les yeux et que tu enregistres cette position. Ou mieux encore, que tu fasses quelques ajustements si tu sens un déséquilibre, un inconfort. Au début, cette position tire sur les cuisses, mais c'est la seule gêne que tu devrais ressentir. S'il y en a une autre, essaie de répartir ton poids différemment sur tes pieds, ou de changer l'écartement de tes jambes. Et préviens-moi quand tu penses avoir trouvé la bonne position.»

Dyalwen de Bordebure

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Re : Tenir le bon bout
« Réponse #6 le: 02 mai 2020, 00:42:11 »
Évidemment, Méra n’eut aucune difficulté à esquiver son attaque. La rouquine s’y attendait. En revanche, elle ne s’attendait pas au coup sur la cuisse qui, s’il ne la fit pas tomber, la fit trébucher de surprise. Elle rosit à la remarque de la Héraut mais le sourire de celle-ci la détendit un peu. Ça et ses paroles. Étrangement, savoir qu’on ne s’attendait pas à ce qu’elle soit une escrimeuse ou une combattante hors pair lui retirait comme un poids des épaules. Elle avait assisté de loin à quelques entraînements de son frère, elle avait vu les exigences de Grand-père et elle savait déjà qu’elle ne serait jamais à la hauteur des attentes du vieux soldat. Mais Méra lui fixait un objectif beaucoup plus raisonnable, qui semblait bien plus accessible. Et elle comptait bien faire de son mieux… et y arriver ! Même si c’était moins facile que de galoper sur le dos de Tisia.

Silencieuse, Dyalwen écouta donc attentivement les explications de la Héraut. Les genoux pliés, les muscles tendus, de profil, … La seule chose qui lui semblait à peu près facile, c’était la position des mains sur l’arme. Bon… Après un hochement de tête destiné à indiquer à Méra qu’elle avait compris les indications, le but et le déroulement de l’exercice, la Grise tâcha donc d’imiter la position qu’elle lui avait montrée. Ça tirait dans les cuisses, les fesses, les épaules. La lance, portée ainsi, lui paraissait presque plus lourde que les fourches qu’elle avait déjà maniées. Elle se sentait gauche et passablement ridicule.

S’était-elle sentie aussi gênée lorsque Père lui avait appris à monter à cheval ? Elle ne s’en souvenait plus, comme si l’équitation avait toujours été instinctive. Il était probable que ça n’ait pas été le cas, mais on ne se posait de toute façon pas ce genre de questions quand on était petit.

Respire, entendit-elle dans son esprit quand Méra lui dit de se détendre.

Dyalwen se força à souffler avant d’inspirer et d’expirer à nouveau, et fut récompensée par l’approbation de la Blanche. Elle obéit aux indications suivantes, fermant les yeux pour essayer de mémoriser sa position. Ça lui faisait perdre ses repères visuels et elle ne pouvait plus que se fier à son ressenti pour évaluer sa posture. Elle avait l’impression que celle-ci n’était plus bonne mais sans doute que Méra la corrigerait si c’était le cas. En revanche, elle sentait d’autant mieux la tension dans ses cuisses, comme prévu donc, mais aussi celle dans ses mollets et dans son dos. Inconfortable, la rouquine tenta de se redresser un peu, avant d’écarter légèrement ses pieds pour trouver un appui plus stable et moins désagréable. Elle piétina un peu avant de trouver une position qui lui semblait meilleure que les autres, puis ouvrit les yeux.

« Je pense que c’est bon. »

En tout cas, elle se sentait plus stable que lorsqu’elle avait essayé d’attaquer Méra, quelques instants plus tôt.

« Et j’ai l’impression de tirer sur des muscles dont je ne soupçonnais pas l’existence, » tenta-t-elle avec un essai de sourire.

Héraut Méra

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Re : Tenir le bon bout
« Réponse #7 le: 03 mai 2020, 12:38:53 »
Méra fut très satisfaite de voir Dyalwen prendre son temps pour faire correctement l'exercice. Rien ne l'exaspérait plus que ceux qui bâclaient leur travail. Ceux-ci, elle prenait un malin plaisir à les faire recommencer encore et encore jusqu'à ce qu'ils apprennent à s'appliquer.

Elle lui laissa tout le temps nécessaire, profitant pour faire quelques étirements. Qu'importe si Dyalwen était lente à trouver la bonne position, les prochaines fois seraient plus aisées.

Puis la jeune fille déclara être prête.

«Ah ça, tu vas en découvrir des muscles, en t'entraînant avec moi. Et tu verras demain matin, tu t'en découvriras d'autres encore.» Méra sourit et se remit en position. «Prête?»

Sans vraiment attendre de réponse, Méra attaqua, ou plutôt, tenta de faire tomber Dyalwen du bout de sa lance, en la fauchant derrière le genou. Celle-ci résista plutôt bien, et le coup gentillet de Méra ne parvint pas à la déstabiliser.

«Très bien.»

Puis elle donna un deuxième coup plus vicieux, utilisant sa lance davantage comme un bâton. Elle y mit aussi davantage de force. Cette fois, elle sentit l'équilibre de son élève vaciller, ce qui ne la surprit guère. Mais Dyalwen parvint à rester sur ses deux jambes, ce qui était l'essentiel.

«Bien. Bon, évidemment, on sent les limites de ta musculature. Il va falloir travailler tout ça. Mais au moins, ça t'évitera de te retrouver les quatre fers en l'air avant même que le combat n'ait débuté.»

Méra redressa sa lance en position de garde.

«Maintenant, il faut que tu puisses attaquer en gardant cette position. Enfin, pas exactement cette position, mais en gardant cette tonicité au niveau des jambes, avec ton centre de gravité plus bas. Donc dans un premier temps, on va faire quelques exercices côte à côte. Tu vas d'abord tenter de m'imiter, et ensuite tu les feras seule, en utilisant le miroir pour corriger ta position.»

Méra lui désigna l'immense miroir qui couvrait le côté le plus étroit de la salle d'armes. Il avait coûté une véritable fortune à fabriquer et c'était la hantise de chaque élève de le briser par mégarde.

Elle vint se mettre à côté de Dyalwen et reprit sa position. Elle leva sa lance, projeta son poids en avant, sur sa jambe d'appuis, planta sa lance dans le cou d'un adversaire imaginaire. Elle reprit ensuite sa position initiale, le tout dans un seul grand geste fluide. Elle refit une deuxième fois l'entier du mouvement, plus lentement, pour que Dyalwen puisse bien décomposer les différentes étapes. Et une troisième à la vitesse à laquelle le geste était censé s'effectuer.

«Tu as compris? Alors on va en faire une dizaine ensemble, tranquillement. Je veux que tu sentes bien ton corps, et que réfléchisse à comment rendre ce mouvement le plus fluide possible pour toi. Je m'en fiche si finalement, tu mets ton coude plus haut que moi, si tu adoptes un angle plus aigu, ou je ne sais quoi. Ici, on vise l'efficacité, pas l'esthétique.»

Pour Méra, faire de tels exercices lui rappelait son premier maître d'armes. La lance n'était pas une arme très maniable pour une jeune fille de douze ans, mais elle avait fait de son mieux pour satisfaire les très hautes exigences de son maître. Les premiers temps, elle avait eu son lot de cloque à la main gauche.

«Est-ce que tu te fais à ta vie au Collegium, Dyalwen? J'ai appris qu'Alem t'avait prise comme secrétaire... je te plains, il n'est pas toujours très... commode.»

Dyalwen de Bordebure

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Re : Tenir le bon bout
« Réponse #8 le: 08 mai 2020, 17:23:01 »
Le sourire de Dyalwen s’affermit un peu lorsque Méra lui répondit, même si l’idée véhiculée par ses paroles n’était pas franchement réjouissante. Les courbatures ne lui étaient évidemment pas inconnues et ne faisaient clairement pas partie de ses expériences préférées… Mais c’était prévisible. La rouquine n’eut toutefois pas le temps de hocher la tête pour signifier à son instructrice que, oui, elle était prête, que celle-ci passait à l’action. Mais, malgré la surprise, la Grise résista sans trop d’effort. Méra avait raison : la position qu’elle avait adoptée était bien plus stable que la précédente. C’était un peu comme trouver sa place sur le dos d’un cheval pour ne pas être déséquilibrée au moindre mouvement…

… et, comme sur le dos d’un cheval, la position ne faisait pas tout. L’habitude et la musculature jouaient une part non négligeable dans l’équilibre, et Dyalwen se sentit vaciller au deuxième coup de la Blanche. Elle serra les dents et se contracta, au point de sentir ses muscles protester, mais réussit à rester debout. Mais l’approbation de Méra lui permit de se détendre et de relâcher un peu la tension, et elle hocha la tête, pour montrer qu’elle prenait note de la conclusion – il fallait travailler – et des consignes suivantes. Elle suivit le geste de la Héraut et jeta un œil au miroir qu’elle n’avait même pas encore remarqué. Un miroir si grand, c’était… inhabituel – pour ne pas dire incroyable – et, de prime abord, elle l’avait juste pris pour une perspective plus grande.

Son attention revint tout entière sur Méra quand celle-ci commença l’enchaînement. Ses mouvements étaient si fluides que la Grise doutait de pouvoir l’imiter un jour.

Tu n’as pas su monter à cheval en un jour, souligna Tisia dans son esprit.
Je sais…

Mais ça remontait à tellement loin… À présent, l’équitation lui était aussi familière que la marche. Mais Tisia avait raison – Évidemment – et il était de toute façon hors de question de se décourager.

« D’accord, » répondit donc la rouquine aux explications de Méra, avant de se mettre à l’exercice.

Imitant son instructrice, Dyalwen s’efforça donc de reprendre la position qu’elle avait mis si longtemps à trouver précédemment, avant de projeter son poids vers l’avant, comme l’avait fait Méra. Évidemment, le premier essai ne fut pas vraiment probant et, entre la position de garde qui ne lui était pas encore familière, le changement d’appui qu’elle ne maîtrisait pas bien et le poids de la lance, elle manqua de trébucher. Mais elle reprit son équilibre et revint à sa place, les sourcils froncés, concentrée sur les mouvements de la Héraut et bien décidée à les copier correctement. La deuxième fois, elle prit donc le temps de décomposer ses mouvements, qui furent évidemment plus lents, mais elle conserva sa stabilité. La troisième fois aussi. Ignorant l’échauffement que provoquait le frottement du bois dans la paume de sa main ou la tension dans ses épaules et son dos, elle s’apprêtait à renouveler l’exercice une quatrième fois, en tâchant de le faire un peu plus vite, lorsque Méra reprit la parole pour lui poser une question.

Coupée dans son élan, la Grise trébucha et prit appui sur sa lance pour ne pas tomber.

« Il n’est pas méchant, » protesta-t-elle.

Bon, certes, le Héraut du Roi était loin d’être aussi chaleureux ou amical qu’Enora ou Méra… Contrairement aux deux femmes, ou même à Isabeau, elle ne se voyait pas l’appeler par  son prénom et encore moins le tutoyer. Mais de là à la qualifier de « pas commode »… ! Il était impressionnant, mais pas autant que Grand-père. Ou… pas de la même façon, en tout cas.

« Ça se passe bien… Je ne m’imaginais pas capable de rester à écrire pendant des heures, mais c’est intéressant, reconnut-elle sans préciser qu’elle était également contente d’être utile. Normalement, c’est plutôt mon frère qui aime les livres et les parchemins, moi je préfère m’occuper des chevaux. »

Au grand dam de Mère et de Grand-père.

Elle reprit sa place, près de Méra, prête à répéter l’exercice.

« Mais je ne pensais pas que j’aurais à apprendre à manier une lance un jour. Ça fait beaucoup de changement en peu de temps. »

Heureusement, avec son emploi du temps, elle n’avait pas trop le temps de s’arrêter pour évaluer tous lesdit changements.
« Modifié: 08 mai 2020, 18:08:48 par Dyalwen de Bordebure »

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Re : Tenir le bon bout
« Réponse #9 le: 09 mai 2020, 11:36:15 »
Méra laissa Dyalwen la suivre à son rythme. Elle prenait grand soin à bien décomposer ses gestes, à presque schématiser les différentes étapes du mouvement. Il était important que la Grise en comprenne toutes les étapes. Elle-même s'amusait beaucoup. Cela changeait agréablement des éternels combats à l'épée et des petits cons qui s'estimaient meilleurs qu'elle parce qu'elle était une femme. Ils le regrettaient souvent.

La brunette avait l'habitude de discuter qu'importe la tâche qu'elle effectuait. Elle ne pensait pas déstabiliser son élève à ce point en lui parlant. Elle dut se retenir de rire quand Dyalwen manqua de tomber.

«Je n'ai jamais dit qu'il était méchant. Mais il est capable de te signifier que tu l'emmerdes sans même ouvrir la bouche. Et il n'est pas très malléable. Moi, j'avoue qu'il en faut beaucoup pour me déstabiliser. Mais je pense à tous ceux qui n'ont pas mon aplomb...ça ne doit pas être facile.»

: Je pense plutôt qu'il t'envoie chier justement parce que tu ne te laisses pas démonter. Je parie qu'il est adorable avec les gens timides.:
:Probablement. Après tout, il est très bon, dans son rôle. C'est un très grand Héraut du Roi.: Elle esquissa un sourire. :Mais que cela reste entre nous.:
:Évidemment, très chère.:


Puis Dyalwen lui parla de ses débuts au Collegium. Quand elle mentionna le temps qu'elle passait à écrire, Méra ne put s'empêcher de grimacer.

«Ah, moi j'ai détesté cette partie. Surtout que je n'avais que ces cours-là! Enfin... j'ai eu un peu d'équitation, mais presque pas de cours pratique. Il faut dire que quand je suis arrivée, j'étais déjà bien formée sur tout ce qui concerne les aspects militaires.»

Comme Dyalwen, elle était arrivée relativement tardivement au Collegium. Mais contrairement à elle, elle avait déjà reçu une solide formation comme mercenaire.

«Tu vas encore devoir assimiler des tas de choses dont tu ne soupçonnais même pas l'existence. La formation de Héraut est très complète.» Elle sourit. «Parfois même trop. Mais comme il est difficile de savoir à l'avance à quel poste on assignera quelqu'un, on est obligé de vous préparer à tout.»

Elle fit signe à Dyalwen de reprendre l'exercice et accéléra la cadence. Quand la jeune fille sembla plus à l'aise, Méra rajouta un geste supplémentaire. À la fin de l'attaque, elle ramena la lance en travers de son torse, pointe vers le haut, dans un geste de parade, puis se remit en garde.

«Si tu as mal aux mains, tu peux mettre des lanières en cuir, au début. Mais je te recommande plutôt de serrer les dents le temps de tes premières cloques. Tu te feras de la corne plus rapidement.»

Dyalwen de Bordebure

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Re : Tenir le bon bout
« Réponse #10 le: 22 mai 2020, 00:04:15 »
Appuyée sur sa lance, Dyalwen écoutait ce que son instructrice du jour avait à dire sur le Héraut du Roi et se trouvait partagée entre plusieurs sentiments presque contradictoires. Le premier, c’était une espèce de gêne, comme si elle n’aurait pas dû prêter l’oreille aux critiques de Méra. On parlait du Héraut du Roi, quoi. Il était plus ou moins à la tête de tous les autres Hérauts, il secondait le Roi… et, accessoirement, il était aussi son supérieur direct. C’était…

Ça va. Ce n’est pas un dieu, quand même, émit Tisia à la fois blasée et amusée.

Évidemment que ce n’était pas un dieu. Mais le critiquer, c’était un peu comme critiquer Grand-père. Ça la mettait mal à l’aise. Même si… même si elle devait bien reconnaître que les paroles de Méra sonnaient plutôt justes. « Pas très malléable, » c’était exactement ça. Du coup, la rouquine avait envie de renchérir. Et, en même temps, celle de le défendre parce qu’il n’était pas non plus complètement rigide. Mais elle ne se voyait pas argumenter en citant quelques extraits de leurs rares conversations qui ne touchaient pas au travail – comme leurs discussions sur les vacances ou sa famille – alors elle n’en fit rien. Surtout que, si ça le rendait un peu plus humain et accessible, ça ne faisait pas de lui quelqu’un de vraiment chaleureux.

« C’est vrai qu’il n’est pas très chaleureux, reconnut donc la Grise. Mais on ne parle pas beaucoup, de toute façon. Il m’explique ce que je dois faire et je le fais. C’est souvent de la copie… »

D’où le fait qu’elle passait beaucoup de temps à écrire. Beaucoup plus qu’elle ne l’avait jamais fait. Et ce n’était clairement pas l’activité qu’elle préférait, même si ce n’était pas si terrible qu’elle aurait pu l’imaginer. Ou que s’en souvenait Méra, visiblement. Dyalwen ne put s’empêcher de sourire à la grimace de la Blanche.

« Vou… Tu étais soldat avant d’être Élue ? »

Elle hocha simplement la tête lorsque sa professeure du moment lui expliqua que les Gris étaient préparés à tout en vu de leurs futures affectations. Elle n’avait pas grand-chose à ajouter sur la question. Grand-père aurait certainement pu dire qu’il était dommage que les traditions ancestrales ne soient pas toutes enseignées aux futurs Hérauts mais… la rouquine trouvait son emploi du temps bien assez chargé comme ça. Elle avait d’ailleurs de plus en plus de mal à trouver un moment pour aller voir Vela – ce qui, étrangement, ne semblait pas du tout déranger Tisia.

Mais il n’était pas question de son emploi du temps pour le moment, et Dyalwen reprit l’exercice. Petit à petit, elle avait moins besoin de réfléchir à chaque étape de ses gestes, et ses mouvements devenaient plus assurés. Elle n’en était pas encore à les réaliser automatiquement, loin de là, mais ils se faisaient plus fluides. Suffisamment, apparemment, pour satisfaire Méra, qui ajouta un autre geste à son enchaînement. Concentrée, la rouquine observa bien la jeune femme, avant de tâcher de l’imiter. Position de garde, stable. Lever de lance et projection vers l’avant, toujours en appui. Parade avec la lance. Position de garde.

La tension dans ses muscles commençait à se faire vraiment sentir, tout comme le frottement du bois sur ses paumes, mais la Grise s’efforça de répéter l’exercice autant de fois que Méra e jugeait nécessaire. Toutefois, même si elle n’osa pas ouvrir la bouche pour se plaindre, elle tenta de jouer un peu des épaules ou de repositionner un peu ses mains sur la lance entre deux enchaînements, histoire de soulager un peu les zones les plus douloureuses.

« Ça ira de pair avec les courbatures, acquiesça simplement Dyalwen quand Méra lui conseilla de serrer les dents le temps des premières ampoules, avant d’ajouter avec un sourire : Et puis, ça prouvera que j’ai bien travaillé. »

Son sourire s’élargit un peu tandis qu’elle se remémorait la désolation de Mère quand elle rentrait à la maison, les jupes et les mains sales d’avoir été s’occuper des chevaux… Une jeune fille se devait d’avoir les mains douces et les ongles propres, paraissait-il. C’était raté.

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Re : Tenir le bon bout
« Réponse #11 le: 26 mai 2020, 09:10:56 »
Pour Méra, le poste de Dyalwen auprès d'Alemdar s'apparentait à un véritable cauchemar. Elle détestait rester assise, elle détestait écrire, et par-dessus tout, elle détestait recopier. Elle avait plutôt une jolie écriture, mais cela lui prenait un temps fou d'écrire quelques lignes. Elle manquait d'entraînement, sans doute.

«L'horreur! Je suis incapable de recopier sans faire mille fautes. Entre le moment où je lis ce que je dois copier et celui où j'écris, j'ai déjà complètement oublié les mots.»

Mais c'était une bonne chose qu'Alemdar se soit trouvé une assistante. Cela devait le décharger et lui permettait de se concentrer sur les tâches importantes. La paperasse occupait déjà bien trop de son temps. Dans un monde idéal, l'Attitré aurait eu plusieurs personnes sous des ordres pour l'aider à tout gérer.

:Ça lui serait bien plus utile à lui qu'à Arthon, c'est certain.:
:Oui... Mais c'est aussi à cause de la situation actuelle.:


Méra mentionna ensuite sa propre scolarité au Collegium. Dyalwen y réagit en l'interrogeant.

«Mercenaire, plutôt. Mon père était un soldat reconverti dans la pêche. J'ai commencé par apprendre les armes avec lui et mes frères aînés. Puis j'ai été envoyée chez un maître d'armes et j'ai rapidement travaillé comme surveillante sur les marchés, ou garde de nuit. Shirryl m'a Élue après mon premier engagement officiel comme mercenaire. J'avais seize ans.»

Finalement, elle n'avait été mercenaire qu'un très bref temps. Mais par contre, elle avait toujours vécu dans les milieux des armes.

Elle était d'ailleurs ravie de pouvoir manier à nouveau la lance. C'était amusant pour elle de revenir à ces exercices basiques. Et quelque part relaxant. C'était comme une lente chorégraphie, occupant ses mains, mais libérant son esprit. Elle avait toujours aimé répéter des figures. Une fois les gestes appris, il suffisait de laisser faire le corps. Elle pouvait alors réfléchir ou rêvasser.

Ce jour-là, cependant, elle ne pouvait se permettre de laisser son attention décliner. Elle était censée enseigner et donc expliquer ce qu'elle faisait et donner des conseils. Ce qu'elle faisait à intervalle régulier.

La remarque de Dyalwen sur les ampoules la fit cependant grimacer.

«Moui... autant je suis d'accord pour les courbatures, tant qu'elles restent raisonnables, autant je n'aime pas trop qu'on dise ça des blessures. Une cloque, ou une entorse, ou ce que tu veux, n'est jamais une bonne "preuve". Je n'en ai en tout cas pas besoin.» Elle se tut un instant. «Je connaissais une aide-cuisine à qui l'on avait répété que les brûlures n'étaient que le signe que le métier "rentrait". Quelle connerie! Une brûlure mal soignée peut rapidement s'infecter. Et même si je sais qu'il est normal qu'on se blesse dans une cuisine, ou dans une salle d'armes, ça ne devrait jamais être banalisé.» Elle fit signe à Dyalwen d'arrêter l'exercice. «D'ailleurs, si tu as des cloques, je te conseille de passer voir les Guérisseurs. Ils te donneront une pommade pour soulager la douleur et accélérer la guérison.»

Elle se tut quelques instants, méditative.

«Bon, laissons la lance pour le moment. Je pense que tes épaules ont besoin de se reposer. Et le but n'est pas de te dégoûter dès le premier cours. J'imagine que tu n'as aucune notion de combat au corps-à-corps? Je vais te montrer quelques trucs basiques pour finir.»

Elle lui fit signe de la suivre jusqu'au râtelier où elle rangea les armes et se défit de ses protections. Puis elle la guida vers une zone couverte d'un matelas de son.

«Pour aujourd'hui, je suis gentille, on va faire ça là. Ensuite, on le fera directement sur le parquet.» Elle s'étira et fit craquer ses doigts. «En général, au corps-à-corps, dans une optique de défense, l'idée c'est d'utiliser la force de ton adversaire contre lui. Ou son poids. Ou sa taille. Mais dans un premier temps, on va voir comment se défaire d'une prise simple. Attrape-moi les poignets, je vais te montrer.»

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Re : Tenir le bon bout
« Réponse #12 le: 08 juin 2020, 14:27:49 »
La réponse virulente de Méra concernant le travail de copiste amena cette fois un vrai sourire sur les lèvres de la Grise qui laissa même échapper un bref éclat de rire amusé. Quelques décades plus tôt, elle aurait sans doute fait une grimace à peu près similaire à celle de la Blanche à l’idée de se retrouver assise à un bureau plusieurs heures par jour pour recopier les notes du Héraut du Roi. Ce n’était toujours pas son activité préférée, clairement, mais elle reconnaissait que ce n’était pas si terrible que ça. Elle écrivait plus vite qu’auparavant, ne faisait pas trop de fautes quand elle était concentrée et apprenait pas mal de choses… même si elle laissait avec joie ses plumes et ses parchemins pour aller retrouver Tisia et Veladora.

Et Méra préférait aussi les activités physiques, visiblement. Ce qui n’était pas étonnant, vue sa réponse.

« Ah, répondit donc Dyalwen, très intelligemment. C’est pour ça que tu es seconde du maître d’armes, alors. »

C’était plus une affirmation qu’une question, même s’il était difficile d’imaginer la Héraut en mercenaire. Non seulement, elle semblait trop… joyeuse et rieuse pour l’image que Dyalwen se faisait des mercenaires et, surtout, elles faisaient toutes les deux à peu près la même taille. Et la brune ne semblait pas beaucoup plus musclée que la rousse. Et, pourtant, elle maniait la lance sans peiner… et certainement toutes les autres armes avec autant d’aisance.

Elles reprirent l’exercice et la Grise suivit avec attention les instructions de la Blanche, ajustant ses mouvements aux différentes remarques, malgré la tension qui devenait de plus en plus présente dans ses épaules et ses cuisses. Les courbatures ne manqueraient pas, c’était certain. Les cloques non plus, vu l’échauffement de ses paumes, mais elle ne se plaignit pas et tenta même d’en plaisanter… mais Méra ne partageait visiblement pas son amusement. Un peu inquiète de voir son instructrice grimacer, Dyalwen l’écouta avec attention. Autant elle comprenait le danger potentiel d’une brûlure non soignée, autant une ampoule…

« Je n’ai jamais eu de complications avec des ampoules, émit simplement la rouquine. Mais j’irai voir les guérisseurs si j’en ai besoin, » promit-elle.

Elle ne put retenir un soupir de soulagement, qu’elle tâcha de rendre le plus discret possible, lorsque Méra sonna la fin de l’apprentissage de la lance pour aujourd’hui. Même si le corps-à-corps n’était pas franchement plus rassurant, en fait…

« Non, avoua-t-elle quand Méra lui demanda si elle avait des notions. À part quelques bagarres avec mon frère quand j’étais petite, mais je ne m’en souviens même plus. »

Elle emboîta le pas à la Blanche pour ranger son arme et se débarrasser des protections… et retint un nouveau soupir quand Méra annonça qu’elles allaient continuer sur le matelas et se contenter de quelque chose de simple. Elle n’aurait pas osé se plaindre ou rechigner à un quelconque exercice, mais elle savait déjà que les courbatures la guettaient… et elle n’avait pas franchement envie de rajouter toutes sortes de contusions. Pas tout de suite, quoi.

Sans hésiter, Dyalwen attrapa donc les poignets de la Héraut, sans serrer trop, mais sur la défensive, en attendant la réaction de la brune.

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Re : Tenir le bon bout
« Réponse #13 le: 16 juin 2020, 08:18:09 »
Méra était heureuse de voir qu'elle donnait l'impression de faire ce travail depuis toujours. Elle dût cependant détromper Dyalwen.

«Pas du tout! Je suis seconde du maître d'armes parce que mon Compagnon voulait pouliner. Du coup, j'ai été obligée de demander un poste ici. Normalement, je suis détachée auprès de régiment stationné dans le Peigne. Je suis à ce poste-ci depuis moins d'une année.»

Et elle ne savait toujours pas ce qu'il adviendrait qu'elle une fois Shirryl libérée de ses obligations maternelles. Avait-elle envie de rester? Peut-être. Cela dépendrait beaucoup de l'évolution de sa relation avec Jarhindel. Vu son talent pour les discussions sérieuses, celle-ci ne risquait pas tellement d'avancer. Et le maître d'armes ne semblait guère pressé de s'interroger sur leur avenir commun. Et finalement, quelle importance, s'ils prenaient du bon temps tous les deux?

Dyalwen sembla dubitative, quand Méra lui parla de passer voir les Guérisseurs pour ses cloques. La brunette comprenait ses réticences - après tout, elle aussi avait été du genre à se moquer de ses petits bobos - mais elle savait aussi qu'il était stupide de refuser le confort quand il vous était offert.

«Je ne parle pas de complication, mais c'est quand même plus agréable si ça guérit rapidement.» Elle sourit.«Il ne faudrait pas que ça t'empêche de tenir une plume, par exemple. Ou de revenir à l'entraînement dans trois jours.»

Il n'y avait rien de plus désagréable, à son avis, que de rouvrir une cloque fraîchement refermée. C'était pourtant inévitable, quand on débutait dans le métier des armes.

Méra décida ensuite qu'il était temps qu'elles arrêtent les exercices à la lance pour le moment. Dyalwen aurait déjà son lot de courbatures le lendemain. Pour terminer, elle proposa de voir quelques mouvements d'auto-défense. Évidemment, Dyalwen n'avait aucune expérience dans le combat à main nue.

«Ce n'est pas un problème. Tu apprends vite, ne t'inquiète pas.»

Méra commença donc par l'exercice le plus basique et pourtant le plus essentiel. Dyalwen lui saisit les poignets. Elle ne serrait pas très fort, mais pour faire une démonstration, ça n'avait pas grande importance.

«Quand quelqu'un te saisit les poignets, voilà comment on se libère.»

Brusquement, elle fit bouger ses deux avant-bras, traçant deux cercles en miroir. Évidemment, Dyalwen ne put retenir ses bras, son pouce ne pouvant supporter la torsion que ce geste lui causait.

«Quand quelqu'un te tient les poignets, il faut tenter de se libérer en poussant du côté du pouce. Le mieux est encore de le faire très rapidement, afin de surprendre l'autre. Le pouce seul a moins de force que les quatre autres doigts. Donc, qu'importe l'angle, ce qui compte, c'est d'imprimer un mouvement rotatif en partant dans la direction du pouce. Pour gagner en force, tu peux tenter de ramener le haut de tes bras le long de ton corps, en t'avançant d'un petit pas, par exemple, puis d'appuyer tes coudes sur ton flan avant de te libérer.» Elle sourit. «Cette fois, c'est moi qui vais te tenir, tu vas essayer de te libérer. On va travailler un peu ça, et ensuite, tu seras libre.»

Elle se saisit des bras de la jeune fille, la tenant bien fermement.

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Re : Tenir le bon bout
« Réponse #14 le: 27 juin 2020, 22:39:45 »
À la réponse de son instructrice, Dyalwen haussa un sourcil surpris. Vue la clarté de ses explications, elle pensait vraiment que Méra était la seconde du Maître d’Armes depuis sa probation, et la savoir détachée auprès d’un régiment dans une région frontalière lui faisait le même effet qu’apprendre qu’elle avait été mercenaire. Ça ne collait pas avec l’image qu’elle renvoyait. Mais ce n’était pas forcément étonnant, en y réfléchissant. Tout comme le fait que son Compagnon ait pu vouloir pouliner. Jusque-là, il ne lui était pas venu à l’idée que les Compagnons pouvaient avoir envie d’une descendance et besoin d’un congé maternité. Mais c’était surtout parce qu’elle ne s’était pas posé la question.

Elle ne se pose pas, en même temps, commenta Tisia dans son esprit.

La Grise sourit en silence, mais ne répondit rien sur le sujet. Visiblement, Tisia n’était pas tentée par l’idée d’avoir un poulain.

Et, tout aussi visiblement, Méra n’était pas dupe de sa déclaration concernant les ampoules et les guérisseurs. Son argument sur la plume fit toutefois sourire Dyalwen, tout comme la date du prochain entraînement.

« Juste quand les courbatures d’aujourd’hui se seront estompées, constata-t-elle, avant de promettre, sans plus aucune condition : J’irai voir les guérisseurs. Je ne suis pas sûre que le Héraut du Roi me dispense de copies à cause de quelques cloques. »

Heureusement, la Blanche sonnait la fin de l’entraînement à la lance pour ce jour-là, ce qui signifiait donc la fin de la génération d’ampoules. Pour les courbatures, en revanche, c’était moins sûr. Malgré les encouragements de Méra, Dyalwen n’était pas très rassurée à l’idée de découvrir le corps-à-corps… jusqu’à l’énoncé de l’exercice. Soulagée de savoir qu’elle n’allait a priori pas gagner de nouvelles douleurs, elle n’hésita pas à saisir les poignets de son instructrice. Pas qu’elle aurait hésité dans le cas contraire, hein, mais bon c’était toujours bien de savoir qu’on n’allait pas récolter une collection de bleus supplémentaires. Évidemment, la Héraut se dégagea en une fraction de seconde, mais la rouquine écouta avec attention ses explications avant de hocher la tête. Ça ne paraissait pas sorcier, dit comme ça.

Lorsque Méra lui saisit les poignets, la Grise tâcha donc de mettre en application ses conseils. Pas certaine d’avoir assez de force pour se libérer de la poigne de l’ancienne mercenaire. Elle fit donc un pas en avant, comme l’avait décrit la Blanche, et, dans le même mouvement, fit tourner ses avant-bras en essayant de rapprocher ses bras de son corps.