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Messages - Béryl Allirel

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Cela faisait peu de temps qu'elle était revenue à Haven et moins encore qu'elle passait seule, sans l'égide d'un professeur quelconque. Béryl aimait l'agitation familière du marché, en dépit du risque de se faire fouiller les poches. Il y avait quelque chose de rassurant dans ce foisonnement de vie désordonné que la musicienne appréciait réellement.
Elle était de retour chez elle.

Malgré ses années d'absence, la crainte qu'un membre de sa famille autre qu'Elea ne la reconnaisse au détour d'une rue l'avait poussée à rabattre sa capuche sur sa chevelure flamboyante.
Voir sans être vue, ou plutôt sans être remarquée était devenue une seconde nature, une tendance ancienne mise en exergue par son apprentissage récent.

Elle flânait ce matin-là, n'ayant pas de contrainte particulière et recherchant quelques idées pour composer une nouvelle ballade. Et si en dépit de ses cris elle n'eut pas le temps et la présence d'esprit de se retirer du chemin de Deklan, ses rêveries y étaient pour beaucoup. Le temps qu'elle prenne conscience de ses appels à l'aide, elle ne put que se retourner et...VLAN
Le choc la surprit tellement qu'elle manqua d'en tomber à la renverse et se rétablit in extremis.
Elle n'eut cependant ni le temps de s'enquérir de la situation ni celui de reculer et de laisser ce drôle d'animal poursuivre sa route. En un clin d’œil, il lui saisit le poignet et l'entraîna à sa suite avec force d'injonctions à courir.

Prise de court, Béryl suivit le mouvement, l'esprit encore trop embrouillé pour arriver à déterminer si le danger était devant ou derrière elle... Elle n'eut même pas le temps de voir ou comprendre ce qu'elle fuyait, littéralement sidérée par Deklan qu'elle avait du mal à quitter des yeux.
Était-il fou? Réellement en détresse? Qui était-il? Qu'est-ce que tout cela signifiait?

En dépit de sa course forcée, Béryl avait le pied leste et ne semblait pas devoir anticiper les obstacles qu'elle évitait gracieusement, se demandant toujours ce qu'elle fuyait et ce qu'elle aurait dû fuir.
Quiconque la connaissant un peu savait que Béryl n'aimait pas les hommes. Ou plus exactement qu'elle n'aimait pas les inconnus. La raison demeurait une énigme, mais il ne fallait pas être grand clerc pour comprendre qu'elle avait quelques griefs envers la gent masculine et qu'elle s'en méfiait.

La course surréaliste s'interrompit cependant assez vite, avec une chute soudaine de son guide entraînant la sienne. Béryl avait "apprit" à tomber pour limiter les blessures éventuelles, mais c'était sans compter sur la poigne qui retenait sa main et la pirouette instinctive se termina douloureusement pour son bras droit. Pour ne rien arranger, la horde qui les poursuivaient les piétina sans ménagement pour s'emparer du précieux contenu de la besace de l'étranger. Ce fut à cet instant que Béryl réalisa avoir couru pour échapper à... des chats.

Un peu sonnée, elle se redressa, cherchant instinctivement à comprendre pour réagir le plus vite possible, passant outre les élancements qui couraient de son poignet à son épaule.
Le jeune homme se lamentait sur sa récolte perdue et la situation prit un sens nouveau bien plus clair à l'esprit de la barde. Elle aurait même pu en rire si son bras ne l'avait pas fait souffrir. Quelle drôle de situation! Étrangement, elle s'était attendue à en vouloir à son "ravisseur", mais la conclusion de l'histoire l'avait adoucie.
Ce qui ne signifiait pas qu'elle avait tout à fait statué sur son cas.

Le geste vif de l'homme pour la nettoyer eut le mérite de la faire sursauter, et si Deklan n'avait pas prit les choses en main, la musicienne aurait reculé. Faute de pouvoir se dérober, elle adopta une belle couleur écarlate qui trouvait écho dans le flamboiement roux vif de sa chevelure. Lèvres pincées, elle attendit silencieusement une ouverture pour reculer... et réalisa que même si son camarade était un peu maladroit, il n'avait rien de malveillant. L'habitude et la méfiance lui firent quand même poser un pied en arrière. Et alors seulement, elle consentit à desceller les lèvres.

- Je... Ce n'est rien... ce n'est pas grave...

Une part de la Ménestrelle la fustigeait de ne pas réussir à afficher plus d'assurance, mais comme pour donner le change, elle se força à lever le menton et à parler intelligiblement.

- Béryl. Tout simplement Béryl. Et vous, qui êtes-vous?


Elle n'était pas entièrement rassurée, mais une part d'elle trouvait cet homme trop... "pittoresque" pour être capable de tricher. En matière d'évaluation des autres, il lui restait des progrès à faire, mais elle semblait assez sûre de son idée pour le moment. Regardant le sac éventré, elle observa les restes de plantes. Elle n'y connaissait pas grand chose et la fascination des félins pour ces feuilles l'étonna sincèrement.

- Comment se fait-il que des chats aient pu vous causer autant de soucis?


La question et l'aisance un peu plus nette avec laquelle elle l'avait formulée soulignaient sa volonté de nouer le dialogue malgré son port plus timide qu'elle ne l'aurait voulu...

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[spoiler:1igewxmt]Désolée pour l'attente, très grosse période de boulot...[/spoiler:1igewxmt]

Un apaisement particulier avait fini par gagner la jeune femme, cette sensation que l'on ressent lorsque l'on a prit une résolution qui s'impose à vous comme une évidence. Celle de suivre son chemin. Et la sérénité lui était revenue lorsque le Héraut Wylan renforça cette sensation en lui donnant un aperçu de sa future formation.
Pendant des années, elle avait cherché sa place, avait fui une vie dorée mais limitée pour autre chose, pour l'amour de la musique. Mais rattrapée par des réalités dont sa vie de noble l'avait tenue éloignée, elle voulait devenir plus qu'une musicienne itinérante. Cela avait peu à voir avec le talent, c'était une question d'utilité. Elle avait suivi la voie du Ménestrel pour elle-même, pour satisfaire son amour pour la musique et vivre de ce qu'elle aimait. Mais cet objectif atteint, une part d'elle se sentait... incomplète. Renfermée sur elle-même.
Inutile.

La musique n'offrait qu'un bienfait plutôt faible au regard des menaces qui croissaient tout autour, qui pesaient sur les siens, sur son pays natal. Sur sa famille.
A présent, elle avait l'occasion de devenir un atout pour les siens, et de faire les premiers pas dans ce sens.
Silencieuse, elle écoutait Wylan, notant ses propos. Il avait raison, le repli n'était pas toujours une bonne chose. Cependant, pour ce qui était d'aiguiser ses perceptions pour déjouer la tromperie elle songea qu'elle serait capable d'y arriver. Ce qui l'avait desservie à plusieurs reprises, c'était sa candeur, elle en était consciente. Mais sa tendance à la discrétion se doublait d'une bonne faculté d'observation et d'analyse. En quelques occasions, cela lui avait déjà été plutôt utile. Aussi se contenta t-elle d'un hochement de tête accompagné d'un sourire.
Une manière de dire "je ferai de mon mieux."

Le passage sur le combat sembla la soulager un peu, car il ne lui avait pas semblé absurde qu'au contraire son mentor ne la pousse à apprendre plus qu'elle ne l'aurait souhaité l'usage des armes. Béryl n'était pas née combattante, trop pacifique dans l'âme pour être portée sur l'art du combat. Aussi, la défense était-elle un programme qui lui convenait tout à fait. Un nouveau sourire accompagna la réponse de Wylan, et à son tour, elle prit la parole.

- L'auto-défense améliorée sera parfaite je pense.

L'annonce du repas sonna la fin de la discussion et la jeune fille vint s'installer face à Kurt et Will. Quoique moins nerveuse, elle ne fut guère plus bavarde au cours de la soirée.
Le repas se déroula dans une bonne atmosphère et Béryl présenta l'image d'une jeune personne plutôt agréable. Le reste de la soirée s'étira sans élément notable.
Le sommeil tarda à venir l'emporter et elle songea en silence à tout ce qui l'attendait. Un léger frisson d'excitation lui parcourut l'échine: elle allait pouvoir prendre part aux événements...

[center:1igewxmt]***[/center:1igewxmt]

Le voyage lui semblait prendre un visage tout à fait différent à présent qu'elle savait vers quoi elle chevauchait. Chaque foulée de Merle la rapprochait d'une nouvelle vie. Wylan lui expliqua au fil du voyage en quoi consisterait sa formation. Béryl mit également la période de leur périple à profit pour en apprendre le plus possible.
Le retour sur Haven sonna le début d'une existence rythmée par l'entraînement aux différentes arcanes qui lui seraient nécessaires pour devenir une espionne efficace. Si elle ne goûtait toujours pas le domaine du combat, elle y mit en revanche beaucoup d'efforts. Elle trouva cependant un réel plaisir à travailler avec la troupe résidant aux "Deux Masques", et apprit à dissimuler son manque d'assurance et ses failles derrière un rôle bien travaillé, autant qu'à être capable d'endosser divers visages.
Le temps lui sembla filer à toute allure, et le retour d'Elea la surprit presque tant elle s'était investie dans son travail.
Avec le retour de son aînée, arrivait symboliquement un tournant de sa vie: cette fois, Béryl semblait déterminée à affirmer son indépendance...

3
Lorsque Wylan sortit pour gérer quelques affaires dehors, elle laissa malgré elle échapper un bref soupir. Un homme étrange... Mais qui ne devait pas en penser moins à son égard. Elle espérait que tel soit le cas, tant qu'il supposerait, elle pourrait le tenir à l'écart de son histoire.
Elle ne comptait pas le laisser approcher plus que nécessaire.

Le repas mijotant tranquillement, elle installa ses affaires pour la nuit, rangeant son bagage dans un coin et déposant sa couverture un peu à l'écart des trois hommes présent. Cela serait du reste sans doutes mit au registre des convenances. Sa tâche terminée, elle en revint à la surveillance du repas, accordant quelques regards occasionnels à Kurt et au guérisseur qui échangeaient de temps en temps quelque mots. Béryl de son côté restait silencieuse, ne faisant même que peu de bruit dans ses déplacements. Contrairement à de nombreux artistes, elle ne portait rien de cliquant et encore moins de sonore sur elle, seul le tissu de ses vêtements bruissait discrètement, mais nul cliquetis de bijoux, nul claquement de semelles dures. Elle aurait fait un bon assassin, ayant par ailleurs le geste sûr, si sa conscience un peu trop développée n'y mettait pas un sérieux frein.
Dans d'autres conditions, elle se serait mise à chanter, elle aurait sorti sa lyre et aurait joué quelque chose, mais ce soir-là, ses idées étaient tournées sur autre chose que sur son art.

Le Héraut revint, et elle accueillit son retour d'un hochement de tête machinal. L'entendre reprendre la parole ne la surprit pas. Le contenu de ses propos en revanche sembla l'étonner un peu plus, plus spécifiquement, le commentaire sur les excuses. A l'évidence, elle n'avait jamais envisagé les choses de cette manière, mais se contenta de hausser les épaules pour toute réponse?. Soit, il n'aimait pas les excuses. Après tout, elle n'aimait pas devoir livrer des confidences, chacun ses goûts...
Revenant à la première partie de la tirade, elle hochaQuant aux Européennes, si le FN était cohérent, il ne s'y présenterait même pas, étant contre l'Europe. Sans aller dire que "tout va bien", les choses ne sont pas si affolantes que les médias se complaisent à le dire. la tête.

- Oui, je ne dois pas me laisser distraire par la peur. Cela fait parti des choses que j'aimerais apprendre.

Justement, il donnait l'impression de vouloir connaître ses ambitions. Un léger sourire vint ourler les lèvres de la jeune rousse.

- J'aimerais apprendre à garder mon sang froid, entre autre chose, mais essentiellement à pouvoir faire un bon espion. Me fondre dans la masse, entendre et voir sans attirer l'attention, déjouer les faux-semblants...


Une réponse honnête, accompagnée d'un regard franc. Certes, Béryl n'avait été formée que superficiellement aux Collegia, puis par ses précepteurs. Toutefois, rien dans ses requêtes n'allaient à l'encontre de ses capacités: la discrétion avait l'air d'être chez elle quelque chose de familier, et même s'il lui restait beaucoup à apprendre, elle avait l'esprit vif. Vint une partie qui lui plaisait moins mais qu'elle estimait nécessaire.

- J'aimerais également apprendre à me battre correctement... Si vous estimez la tâche possible. Quant au tutoiement, cela ne me pose pas de problème... si tu préfères.

Le changement de personne ne lui était en réalité pas très familier, et elle ignorait si le fait que Wylan la tutoie impliquait une réciproque ou non, mais elle s'y essayait afin de marquer sa bonne volonté.
Son esprit en revint à l'idée d'une formation martiale et elle fixa le couteau rangé dans sa botte. Non qu'elle eut visé l'excellence, car elle doutait dépasser la moyenne dans l'exercice des armes, même avec beaucoup de travail et d'efforts. Mais savoir défendre correctement sa vie était aussi important que tout le reste. Elle avait beaucoup vécu d'esquives ces dernières années, et savait que la fuite ne la sauverait pas toujours. Il était indispensable qu'elle puisse se protéger un minimum.
De toutes les armes que le Collegium des Hérauts lui avait présenté, les lames courtes avaient sa préférence. Béryl n'était ni très forte ni très grande et n'avait pas l'aisance idéale pour une lame dépassant la dague. Cependant, elle était rapide et jouissait d'excellents réflexes, et le poignet souple d'une musicienne. Sa faveur -comme celle des professeurs à son égard- s'était donc tout naturellement tournée vers des lames légères.
Son regard revint vers Wylan, empreint de calme autant que de curiosité. A l'évidence, elle étudiait sa réaction. Allait-il accepter? Contester? Estimer que finalement, elle ne faisait pas son affaire?

Un fait était sûr à l'esprit de la Ménestrelle: même si le Héraut lui tournait le dos, quelle qu'en soit la raison, elle irait jusqu'au bout, même si cela impliquait de devoir terminer sa formation seule, ou loin de chez elle. Béryl Allirel, jeune Ménestrelle pleine de paradoxes, plus effrayée à l'idée de vivre que de mourir avait au moins une certitude dans l'existence: elle savait ce pourquoi elle voulait se battre.
Cela eut pu sembler déraisonnable ou fou, hors de sa portée, mais seul comptait pour elle d'y arriver. Quitte à essuyer plusieurs échecs avant d'enregistrer une réussite...

4
C'était essentiellement la peur qui avait guidé le plus gros de ses réactions et son humeur tendue jusqu'au Relais. La peur était le pire ennemi de Béryl, car elle savait d'expérience ce qu'y céder signifiait et où cela pouvait mener. Il était donc primordial pour elle de tenir bon face à l'angoisse, et de la surmonter.
Même si cela ne la rendait ni très objective, ni très agréable. Elle n'avait pas assez d'orgueil pour se sentir réellement insultée par la manigance, mais la situation réveillait en elle des échos douloureux qu'elle s'efforçait d'oublier. C'était loin. Une autre vie.

Prenant le temps d'y songer, elle comprenait un peu la démarche de Wylan. Elle ne la validait pas réellement, trop différente de ses propres principes, mais l'idée ne lui semblait plus si déraisonnable. Au moins pouvait-elle imaginer ce qui l'avait motivée.
Pourtant, elle s'interrogea longuement fixant les flammes sur ce que signifiait valider ce genre de méthodes... Elle était un être doux pour qui le combat se cantonnait pour l'essentiel à sa défense, ou à celle de ses pairs. Mais à ce sujet, elle savait n'être pas assez forte pour assumer tout à fait cette charge...
Pour autant, devait-elle devenir quelqu'un d'autre? Cela posait de nombreuses questions qui lui apparaissaient à mesure que la peur de la récente mise à l'épreuve s'estompait.
Elle savait où elle voulait aller, ce qu'elle voulait faire. Restait à déterminer les moyens d'y arriver.

Elle s'était apaisée peu à peu, répondant à Wylan d'un ton progressivement plus calme. Et le fait était qu'elle retrouvait une certaine vivacité d'analyse.
Tout était bon à apprendre et elle devrait courber la tête le temps nécessaire à cette fin, y comprit si cela signifiait ne se fier qu'à elle-même et sacrifier ses principes le temps de sa formation. Ce qui importait était surtout le résultat. Elle serait libre d'agir à sa guise une fois arrivée à ses fins.
Cela valait la peine d'y réfléchir.

La musicienne n'appréciait certes pas les méthodes de Wylan, mais elle était assez lucide pour savoir qu'on ne lui servirait pas une autre opportunité de ce genre sur un plateau une seconde fois. Elle en vint même à soupçonner que sa sœur ait manigancé pour lui permettre de recevoir cette éducation-là. Cette idée l'ennuyait, moins par fierté qu'au contraire par manque d'estime pour elle-même. Il aurait été illusoire d'imaginer qu'on eut pu la remarquer pour ses mérites vu la manière inexistante dont elle s'illustrait...

Elle réprima un soupir et tisonna le feu en silence. Oui, le plus raisonnable était d'accepter sans discuter les choix de Wylan. Après tout, c'était un Héraut. Fort différent de sa sœur certes, mais s'il avait été Élu, c'est qu'il y avait une raison. Ce point-là était ce qu'elle avait de plus rassurant à se mettre sous la dent.
Dans un contexte plus classique, elle avait tendance à chanter aux haltes, mais ce soir le cœur et l'esprit n'y étaient pas. Trop d'idées se bousculaient dans sa tête à lui en donner presque le vertige.

Lorsqu'elle se présenta au Guérisseur, le fil de ses pensées dévia. Peut-être était-ce le fait des soins, mais elle se détendit un peu plus et sembla plus calme.
Que n'aurait-elle donné pour guérir de la peur. Quelle ironie de moins redouter de mourir que de vivre... Mais comment l'expliquer à d'autres? Les soins la berçait, repoussant ses angoisses au loin pour ramener une clarté absolue dans sa réflexion.

C'était pour cela, entre autre chose qu'elle avait décidé de prendre des risques, à cause de la peur. Certes, il était question de protéger et de soutenir Elea. Mais aussi de vaincre cette terreur qui la rendait si faible.
Elle en était capable, du moins s'en persuadait-elle en cet instant. Ne plus trembler signifiait devenir plus forte. En devenant plus forte, elle aurait une prise, même minime sur le cours des événements. Même si cela ne représentait qu'un grain de sable dans le désert, au moins cette idée avait du sens.
C'était toujours mieux que subir passivement une situation oppressante contre laquelle d'autres prenaient des risques.

Béryl remercia le guérisseur et s'effaça sitôt les soins terminés, peu fière d'avoir prit le tour de Kurt -même de manière fortuite. La musicienne revint s'asseoir non loin de Wylan mais n'ouvrit pas la bouche, gardant un œil sur la potée qui mijotait et qu'elle retournait de temps à autre à l'aide d'une cuiller récupérée dans son paquetage. Maedren s'étira et vint se frotter à sa jambe.

Les propos de Wylan la firent sursauter. Brièvement, la Ménestrelle se figea, silencieuse, le regard rivé vers les flammes. Quelques secondes s'égrenèrent avant qu'elle ne relève la tête vers lui avec une expression étrange.

"Ah oui?"

L'interrogation sonnait sincère, mais la jeune femme ne poussa pas son commentaire plus loin. La révélation lui avait fait un choc qu'elle n'avait pas retranscrit à l'oral et qu'elle gardait pour elle.
Elle ignorait si elle devait y croire. Elea aurait su ce que Wylan préparait et n'en aurait rien dit?
Cela ne ressemblait pas au style trop protecteur de sa sœur et elle ignorait jusqu'à quel point elle pouvait prêter crédit à Wylan. Cependant, cela lui semblait possible, d'autant qu'elle ignorait comment son vis à vis avait présenté la chose à son aînée. Par ailleurs, ce n'était pas à Elea de s'y opposer, car après tout, les deux sœurs si elles étaient proches essayaient de ne pas empiéter sur la vie l'une de l'autre... Et elle pouvait estimer que si Elea était au courant sans lui en avoir rien dit, cela signifiait qu'elle n'estimait pas la situation particulièrement dangereuse, connaissant sa tendance protectrice...
Sa confiance en Elea supporterait encore cette frasque si toutefois elle était vraie, car elle savait ce qui guidait sa sœur, et savait sur quoi fonder sa foi en elle. Elles avaient eue toute une vie pour apprendre à se connaître après tout...

Mais la jeune femme avait surtout prit une décision qui concluait ses réflexions: ne sachant à quoi s'en tenir avec Wylan, elle n'irait pas au conflit et suivrait son sens. Le temps nécessaire tout du moins pour apprendre ce qui lui serait utile à remplir son objectif, seul ce but importait. Ses intentions n'étaient pas moins louables que précédemment, mais à présent, elle les gardait pour elle, en tout cas tant qu'elle ne saurait pas qui elle avait face à elle.

Elle joua légèrement avec la cuiller et finit par fixer Wylan. Plutôt calmement par ailleurs.

- Je suis désolée pour ma réaction précédente. Tout cela est nouveau pour moi... Et je dois bien l'admettre, j'étais terrifiée. Mais je veux apprendre. Je le souhaite vraiment.

La "vraie" Béryl avait retrouvé son équilibre réfléchi et elle le fixait en quête de réponses. Ces affirmations étaient sincères, même si elle avait profondément enfoui tous ses doutes et toutes ses contestations sans les avoir totalement effacés. Quelque part, la jeune femme n'appréciait pas beaucoup son professeur, mais avait fini par conclure que ce détail était accessoire. Sur l'intégralité des professeurs qui l'avaient éduqué, elle n'avait pas eu la même affection pour tous, et ce détail avait toujours été subsidiaire, d'autant que la jeune femme était une élève assidue la plupart du temps.
Ce n'était guère différent: ce n'était qu'un professeur de plus... Mais celui-là lui promettait bien des surprises à son avis.
Sur ce point, Béryl avait des chances de ne pas être en reste...

5
Elle n'avait pas attendu la réaction de Wylan à dire vrai, même si elle l'avait malgré tout écouté... Et il lui apparut avec une certaine pénibilité que les Hérauts n'étaient peut-être pas exactement ce qu'elle avait imaginé... Elle n'avait toujours vu cet ordre qu'au travers de sa sœur et l'avait sans doute idéalisé...
Finalement, ils n'étaient qu'une variante améliorée d'une caste guerrière si elle se fiait à l'impression que lui donnait Wylan. Et cela la décevait plutôt.

Elle s'abstint de toute réponse même si les idées fusaient dans son esprit rendu malhabile et subjectif par l'émotion.
Heureusement, le trio lui laissa un peu d'espace... Elle sursauta tout de même à la réponse de Kyra à qui elle n'accorda qu'un bref haussement d'épaules. Tel Héraut, tel Compagnon... Ou inversement. Rien de tout à fait étonnant...

Aucun des deux ne semblaient parfaitement mesurer la marge d'imprévu et de danger relatif à leur petit exercice... Tout s'était à peu près bien passé exception faite de la blessure de Kurt, mais si dans sa panique, Merle l'avait piétinée après l'avoir jetée à terre? - La peur de la jument était authentique, et elle doutait que le Compagnon eut réussi à la calmer à temps.-
Si dans sa frappe maladroite elle avait plus grièvement touché son adversaire? Si de véritables bandits avaient frappé avant cette fameuse mise en scène, ou après avoir mis Kurt et Will hors d'état de nuire? Les Hérauts n'étaient pas invulnérables, elle ne le savait que trop bien. Wylan ou Kyra pouvaient être blessés ou tués.
Ces cas de figure existaient, et n'étaient pas improbables. Aux yeux de la Ménestrelle, le fait que le test se soit passé sans incident majeur relevait en partie de la chance.
Et elle ne s'en remettait pas à la chance. Le hasard ne l'aimait pas, et réciproquement.

Prendre soin de Merle eut le mérite de l'apaiser un peu. Pas suffisamment pour qu'elle daigne desceller les lèvres durant le voyage jusqu'au Relais, mais assez pour qu'elle parvienne en partie à se détendre. Le chat qui dormait dans ses fontes avant l'incident avait prit la fuite lorsque la jument s'était cabrée, et revint timidement alors que Béryl brossait sa monture. La jeune femme le flatta de quelques caresses avant de lui ouvrir la charge de selle où il bondit souplement.

Will vint à sa rencontre un instant pour estimer son humeur et la prévenir du départ, posant une main sur son épaule. La réaction de la jeune femme fut brusque et elle se déroba vivement comme si ce contact l'avait brûlée. Un instant, elle fixa le soldat comme si s'attendait à voir quelqu'un d'autre, une expression indéchiffrable dans le regard, émaillé d'une peur manifeste. Son expression d'animal aux abois ne dura que quelques secondes et la Ménestrelle reprit son masque d'impassibilité, acquiesçant au signal du départ.
La musicienne grimpa en selle sans un bruit et suivit les trois hommes à petite distance. Il était encore un peu tôt pour qu'elle accepte de se frotter à eux.
Craignant que Wylan ou son Compagnon ne prenne l'idée de jauger son esprit, elle se borna à imaginer un mur de toute ses pensées. Une "technique" qu'elle avait développé lorsqu'elle voulait cacher quelque chose à sa sœur, même si cette dernière n'était pas toujours prompte à la sonder.
Pour l'heure, elle souhaitait simplement rester seule avec elle-même.


[center:22gp6ck0]***[/center:22gp6ck0]

Sa mauvaise humeur revint à l'arrivée au Relais, qui lui promettait une certaine promiscuité avec au moins une personne qu'elle aurait préféré éviter pour le moment... Cependant, fidèle à son habitude, elle s'en tint au silence. Cela pouvait sembler étonnant de voir une musicienne itinérante aussi repliée sur elle-même dans la mesure où ce métier laissait plutôt entrevoir des personnalités volubiles, mais Béryl avait l'air de se plaire à jouer sur les paradoxes... Et les événements précédents ne prêtaient pas réellement aux discussions insouciantes.

Elle ôta la selle et le paquetage de Merle et la pansa avant de rejoindre l'abri. Une partie d'elle aurait volontiers trouvé d'autres corvées à faire pour retarder le moment d'y entrer. Mais ce genre de fuite ne menait nulle part et elle soupira profondément avant de s'installer dans un coin du Relais.
Elle était occupée à masser son poignet blessé avec un onguent contre la douleur lorsque Wylan revint.
Elle n'y couperait pas, et se résigna à cette discussion, sans grand plaisir.

La jeune femme n'afficha pas de réaction, visible ou plus subtile aux compliments de son guide. Elle ne se sentait absolument pas fière d'elle-même. Lorsqu'il aborda la force de Kurt, elle secoua la tête.

- Si je n'avais aucun remord après avoir blessé un homme qui ne me voulait pas de mal, si je n'avais pas cette limite, ce ne serait pas une formation d'espionne que j'aurais pu rechercher auprès d'un Héraut, mais plutôt les subtilités d'une vie de criminelle auprès de l'un d'entre eux... Quelque part, envisageriez-vous de former une personne sans éthique, sans principes, sans valeurs morales? Ma réaction ne devrait pas vous surprendre...


Manifestement, la conversation allait durer un peu et le Héraut l'invita à s'installer, ce qu'elle fit sans manières. Silencieuse, elle l'écoutait les bras reposant dans son giron.
Ne pas se fier aux apparences... Certes, mais dans cette mesure, était-il si improbable que deux hommes apparemment seuls, ou apparemment des adversaires faciles eurent pu attaquer un Héraut? Une logique qui dans l'esprit de la Ménestrelle, se retournait contre Wylan. Elle garda cette idée pour elle et joua l'humilité, même si à cet instant cela lui coûtait un peu. La journée avait été pénible et de se voir traiter comme une jouvencelle de quinze ans n'allait pas tout à fait pour améliorer son humeur. Béryl n'était pas de ces nobles qui prenaient leurs congénères moins bien nés de haut, eut égard à leurs rangs. Même avant d'avoir renoncé à sa place en quittant sa Maison. Mais il lui semblait que cela ne représentait pas une raison pour qu'on la traite comme une enfant inconséquente et naïve qui n'avait jamais rien connu d'autre qu'une vie douillette et protégée. Si cela avait été vrai à une époque, ce ne l'était plus depuis plusieurs années.
Dans son cas également, il était avisé de ne pas se fier aux apparences... Béryl était du reste douée pour jouer sur son innocence présumée, souvent prise à tort pour une oiselle naïve. Elle avait parfois travaillé cette image pour se faire passer pour une jeune fille simple et parfaitement négligeable, ce qui avait parfois abouti sur des situations intéressantes...
Après un court silence, elle lui répondit

- Le danger pouvait se présenter sur les deux chemins. Il aurait pu être n'importe où, hors de votre maîtrise. Vous l'avez dit vous-même, il n'est pas bon de se fier aux apparences, et un chemin lugubre n'est pas toujours celui où la menace se tapit. Mais j'entends ce que vous dites. Concernant ce que vous m'avez dit sur la confiance, j'en reste à penser qu'elle doit être réciproque: l'on ne peut pas tout apprendre d'une personne dont on se méfie, cela remettrait en question chaque élément de son enseignement.


Sa voix était un peu lasse mais ne trahissait pas de ressentiment, juste un mélange curieux de tristesse et de fatigue.

- Je n'accorde pas facilement ma confiance, et pour être tout à fait honnête, j'avoue ne pas savoir ce qu'il convient de faire à votre sujet. Toutefois oui, je veux apprendre, ma résolution n'a pas changé.

Ce qui avait changé en revanche, c'était sa capacité à apprendre sans remise en question ce que cet homme voudrait lui enseigner. Béryl était le genre de personne que l'on ne piège qu'une seule fois. Du moins était-elle devenue ainsi depuis qu'elle menait sa vie d'errance.
Une petite part d'elle lui soufflait que, quelque soit la longueur ou la teneur du discours, ils auraient toujours un peu de mal à se comprendre. Sur ce point, elle n'en voulait pas à Wylan, il n'avait pas tous les éléments pour ce faire. Et c'était heureux. Elle lui en aurait voulu d'aller fouiller dans son passé.
Et de son côté, elle ne le connaissait pas assez pour s'y fier, particulièrement après la mise en scène qu'il avait orchestré.

Leurs avis divergeaient parce que leurs raisonnements ne prenaient pas les mêmes bases. Cela ne signifiait pas que leurs points de vue étaient obligatoirement incompatibles, mais la musicienne commençait à renoncer se faire comprendre et le comprendre sur tous les plans.
Tant que leurs divergences ne les opposaient pas systématiquement, elle était prête aux concessions.
Pour sa part, elle préféra laisser là leur discussion lorsque le guérisseur s'enquit des soins à distribuer. Sans un bruit, elle se leva, et vint lui présenter son poignet.

- C'est peu de choses, une mauvaise chute... Mais j'ai besoin de cette main pour jouer de la musique.


En vérité, la jeune femme minimisait un peu les faits, mélange de fierté et de volonté de ne pas perdre encore plus la face devant le petit groupe. Elle se sentait suffisamment humiliée ainsi... La blessure, passé le choc la gênait de plus en plus, freinant ses mouvements et les rendant pénibles. Mais pour la douleur comme pour la colère, la jeune femme s'appliquait à ne rien laisser paraître.

6
La jeune femme resta un instant parfaitement abasourdie de la scène qui se jouait devant elle, ne trouvant sur l'instant aucune explication cohérente. Cependant, elle comprit qu'il s'agissait d'un tour avant que Wylan ne daigne le lui expliquer et elle s'empourpra violemment, prise dans une série de sentiments contradictoire. Colère, rancune, frustration, mais aussi culpabilité envers l'homme qu'elle avait blessé. Même si cette histoire n'était qu'une vaste mascarade et qu'à ce compte, elle aurait bien botté les fesses de trois acolytes et d'un Compagnon par la même occasion... L'idée d'un traitement plus violent envers une personne qui n'était définitivement pas hostile la poussait à la honte.
Ce n'était pas son genre de frapper inconsidérément.

Mais ils se sont joués de moi, comment aurais-je pu savoir?


Contrairement aux Hérauts et aux mages, elle n'avait pas de dons lui permettant de lire dans les esprits et n'avait aucun moyen de savoir ce que lui cachait les autres, en dehors des méthodes traditionnelles, peu efficaces dans ce genre de situation... Cette perspective qui poussait son teint à l'écarlate la faisait également bouillir d'une colère contenue. Vestige d'une éducation de noble, elle ne montrait pas facilement son désappointement. Cela ne signifiait pas qu'il n'était pas réel ou profond...
Sa colère allait pour l'ensemble à Wylan. Aux yeux de la ménestrelle, ces méthodes n'étaient pas dignes des Hérauts. Ils pouvaient sonder ses pensées -à son plus grand déplaisir du reste-, ils pouvaient même la soumettre à l'Enchantement de Vérité en dernier recours s'ils estimaient qu'elle n'était pas ce qu'elle voulait faire croire alors pourquoi ce genre de supercherie...?

L'explication de Wylan ne la convainquit qu'à moitié, son jugement obscurci par la rancœur qu'elle allait lui tenir certainement pendant quelques heures.

Kurt lui avait rendu son arme et par réflexe, elle l'avait rangée dans la tige de sa botte, raide, les lèvres scellées. Mais le couteau lui semblait... sale. Non pas à cause du sang qu'il avait fait couler mais à cause de la cible qu'il avait touché. Elle regrettait tellement...

Elle était restée silencieuse face aux propos des hommes qui lui faisaient face. Silencieuse et fermée, cachant sa désapprobation derrière un retrait affiché. Elle voulait avoir le temps de digérer l'information avant de choisir quelle réaction adopter.
Finalement, elle vint trouver Kurt et lui tendit un bandage tiré de ses fontes.

- Pour votre bras...

Mais ne se sentant pas encore assez calmée pour s'excuser, elle tint sa langue sur une réplique acerbe qui lui vint par rapport à une remarque que Wylan avait fait un peu plus tôt "le meilleur dans son domaine".
Votre domaine serait donc d'éprouver les jeunes filles? Beau métier que voilà...
Cependant, comme la rancune disputait l'avantage à la sensation d'avoir mal agi, elle s'abstint de toute réflexion.
Puis elle abandonna Kurt pour aller voir Wylan, les bras croisés.

- Je comprends ce que vous avez voulu faire et pourquoi, mais je crois qu'il n'est pas très utile de vous dire ce que j'en pense... Vous avez dit que vous ne voulez pas former n'importe qui, je le conçois. Je conçois également l'utilité d'un test. Cependant, il me semble que dans un rapport mentor-élève, la confiance doit être mutuelle et réciproque si toutefois vous estimez bon de me former. Dites-moi dans ce cas comment vous représentez-vous l'image que j'ai de vous à présent? Et expliquez-moi comment je peux vous faire confiance... Je ne demande qu'à me fier à vous... Mais avec des tours de ce genre...

Elle secoua la tête avec une expression plutôt réprobatrice et laissa sa phrase en suspend. Son interlocuteur de toute façon en avait saisi le sens, à n'en point douter.

Le fait était que Béryl ne défiait pas une autorité qu'elle avait accepté de suivre. Ce qui était le cas au départ de leur voyage lorsque Wylan avait évoqué une possibilité de formation. Seulement à présent, la confusion qui la tiraillait avait parlé: pourrait-elle se fier aveuglément à un homme qui ne croyait pas assez en elle pour estimer qu'un test de ce genre était nécessaire? A la vérité, elle était blessée, mais surtout terrifiée par la scène qu'elle avait cru vivre. Si l'attaque avait été réelle... Son cœur accéléra à cette pensée qu'elle repoussa avant de fixer intensément Wylan, en quête de sa réaction. Par nature, Béryl n'était pas rancunière. Mais dans le cas présent, il lui faudrait un peu de temps pour s'apaiser et oublier...

Elle avait blessé un homme, se croyant en danger, et cette idée lui serrait douloureusement la gorge malgré son apparente neutralité. Il avait été finalement heureux que sa maîtrise du corps à corps soit aussi légère, sans quoi elle aurait pu faire bien pire qu'une lame dans le bras... Cette idée la fit frémir.
Ce n'était pas tant l'idée de tuer qui la perturbait que l'idée de toucher un innocent... Dans le contexte de l'attaque, elle avait réagi par instinct de préservation et savait que si elle avait eut une autre arme, elle aurait pu aller plus loin...

La jeune musicienne savait que dans une situation réelle, ses adversaires ne se seraient pas inquiétés de l'effrayer. Mais dans une situation réelle, elle ne se serait pas non plus inquiétée de blesser un attaquant, à son corps défendant. Une vague amertume l'étreignit alors qu'elle se demandait comment elle était censée réagir à présent s'ils croisaient de véritables brigands...

Son regard se posa sur Kurt et une nouvelle bouffée de honte et de frayeur différée la saisit. Elle ne s'y arrêta pas malgré une vague sensation de vertige.
Son regard se posa sur le Compagnon alors qu'elle cherchait un dérivatif et elle eut une moue un peu déçue à l'égard de Kyra.

Toi au moins, je t'aurais imaginée au dessus de ça...

Ne disait-on pas des Compagnons qu'ils étaient incapables de la moindre malice? Et se rappelant que le Compagnon pouvait sonder son esprit, elle rougit et se détourna pour s'occuper de Merle, assumant encore le contrecoup de cette mauvaise farce. La compagnie des trois hommes et de Kyra lui était à cette minute plutôt désagréable et elle fit un effort pour le cacher en s'occupant de sa jument.
Pour une fois, elle était heureuse de posséder un animal parfaitement ordinaire...

Détail qu'elle avait oublié dans le tumulte et la confusion, son poignet gauche recommençait à la lancer. A première vue, ce n'était rien de dramatique, mais cela n'allait pas l'aider pour jouer...
Merle qui s'était calmée après que le combat eut cessé la regarda d'un air vaguement intrigué alors que Béryl se nichait contre son flanc, un peu secouée par les émotions.
Elle apprendrait à gérer ce genre de situation, même si elle ne se promettait pas de s'y habituer...

7
Elle avait rapidement noué les rennes de Merle à une branche pour centrer toute son attention et son énergie sur la scène qui se jouait. Si elle voulait pouvoir réagir efficacement, il fallait que rien ne vienne la perturber. Sa pratique du combat aux armes courtes était rudimentaire, correspondant à ce que l'on enseignait à une future dame en espérant qu'elle puisse se protéger le temps que sa garde personnelle ne réagisse.
Béryl savait qu'elle n'aurait pas toujours un Héraut pour la protéger et qu'il lui faudrait devenir meilleure dans ce domaine également. Et sans tarder.
Elle avait eut de la chance jusqu'à présent que la prudence et le hasard lui permettent d'éviter des situations qu'elle ne pouvait pas gérer, mais le facteur "chance" n'était pas quelque chose sur lequel elle espérait compter...

Les deux bandits se séparèrent pour affronter Wylan et la charger du même coup. Elle vit Kyra s'interposer et tenter une charge, mais l'attaquant l'évita avec une agilité déconcertante. En un clin d’œil, Béryl se trouva face au bandit qui avait l'air heureux se se trouver face à un vis-à-vis relativement inoffensif...
C'était mal connaître Béryl.

Serrant les dents, la jeune fille loin de chercher à éviter l'attaque de son agresseur vint à sa rencontre, poignard levé. Le Héraut Wylan avait jusque là ménagé les brigands, mais la ménestrelle n'était pas partie pour en faire autant. C'était elle ou lui et l'instinct de survie prit le pas pour guider sa parade.
Elle n'avait pas la précision d'une grande combattante et n'aurait pu prédire si le coup porté serait mortel ou simplement handicapant, mais une fougue presque vengeresse armait sa main d'une arme plus acérée que la lame d'acier: aucun cas de conscience ne l'arrêterait. Peut-être ressentirait-elle la culpabilité après coup, mais pour l'heure c'était la soif de vivre qui primait.
Son seul frein était la crainte qu'elle concevait pour les autres, et celle de souffrir. Dans le cas présent, elle réagissait à la nécessité et sans plaisir. Même si elle ne faisait que blesser son adversaire, la gêne d'une plaie pourrait faire basculer un affrontement singulier en sa faveur.

L'homme poussa un cri mi-rageur mi-étranglé de douleur, avant de l’insulter vertement preuve s'il en fallait une que son coup avait au moins porté. Le bref contact qu'elle eut avec lui lui sembla chancelant et elle se recula vivement pour se dérober à une riposte, ne laissant pas même le temps à l'homme de saisir les longues mèches rousses qu'il tenta d'attraper. Elle était désarmée à présent, n'ayant pas réussi à extraire sa lame dans son mouvement d'esquive, mais elle n'était pas prête à s'en laisser compter pour autant... Elle se battrait à la seule force de ses poings s'il le fallait mais il était hors de question qu'elle capitule!
Après avoir prit une certaine distance, elle profita du trouble de son adversaire pour ramasser une branche épaisse qui émergeait du manteau neigeux et brandit son arme de fortune avec une détermination presque désespérée.
Ses chances n'étaient pas très élevées, et elle en était consciente, mais elles existaient, et de ce point de vue, il était hors de question qu'elle cède au défaitisme. Par ailleurs, elle n'était pas seule...

8
Bercée par le pas régulier de Merle, elle suivait le fil de ses pensées lorsque la conversation s'était tarie. Le bon professeur...
Depuis le début de son aventure, Béryl avait prit sur elle d'apprendre seule -et elle réalisait aujourd'hui combien ce choix avait été hasardeux. Il avait été heureux pour elle que sa famille l'envoie suivre l'enseignement des Bleus aux Collegia, et que son inexpérience se double d'un farouche instinct de survie. Mais malgré le chaos dans lequel elle s'était doucement dessinée, elle avait un regard plutôt lucide sur la situation: il lui faudrait du temps, et l'expérience d'une personne rodée pour devenir quelqu'un d'utile, apprendre à être partout sans attirer l'attention, être aussi insignifiante que possible tout en invitant au secret...
Elle y arriverait. Elle le devait à Elea.
Béryl était jeune et inexpérimentée, mais lorsqu'il s'agissait d'apprendre quelque chose qu'elle souhaitait acquérir, elle n'hésitait pas devant l'effort.

Le décor défila sans grande perturbation jusqu'à une fourche qui les mena en sous-bois. Le manque de perspective rappela ses pensées à une prudence élémentaire et presque instinctive: se méfier de ce qui était hors de son champ de vision...

Ses mains agrippèrent un peu plus fort les rennes de sa jument, au point de faire gémir le cuir de ses gants. Cet endroit la rendait nerveuse, était-ce lié au silence des lieux? Son oreille musicale ne captait pas le moindre chant d'oiseau, ni frémissements de branches au passage d'un blaireau, d'un renard ou d'un chevreuil. Rien que le silence à perte d'oreille, rompu uniquement par les pas cadencés de Merle et du Compagnon. Elle jeta un regard vers le Héraut Wylan en selle quelques mètres devant elle. Il ne trahissait pas grand chose, mais il se tenait raide en selle lui aussi... Cette image renforça sa sensation de malaise que le crépuscule n'arrangeait pas. Car si Béryl avait une ouïe excellente, elle ne jouissait en revanche que d'une vision ordinaire qui ne défiait hélas pas l'obscurité...
Afin de ne pas se laisser perturber, elle ferma les yeux et se concentra sur le silence, le bruit des sabots de Merle clapotant dans la neige fondue, ceux plus ténus du Compagnon de Wylan... Rien d'autre... Rien...? Une branche cassée la fit sursauter et elle rouvrit brusquement les yeux pour chercher du regard la provenance du son. Son regard passa vers Wylan qui l'enjoignit au silence. En dépit de la crainte, elle fit montre d'un calme étonnant et s'exécuta.

Face à eux se tenaient deux brigands qui les sommaient de céder leurs biens. Instinctivement, une bouffée de colère froide mêlée de rancœur la saisit mais elle resta impassible et silencieuse.
Elle avait apprit à se battre avec les Bleus, même si cela n'était que rudimentaire, elle savait pouvoir se défendre un minimum sans gêner Wylan au cœur d'un combat et elle songea au couteau dissimulé dans la tige de sa botte, sans esquisser de geste pour l'attraper.
Uniquement si les choses tournaient mal... Elle savait qu'une intervention intempestive ne ferait que gêner son chaperon.

Il ordonna aux malandrins de céder le passage, lesquels n'eurent pas réellement l'air de le prendre au sérieux... Béryl frissonna en fixant les armes qu'ils saisirent. Le Héraut lui ordonna de descendre de selle et de se tenir à l'écart, ce qu'elle s'apprêta à faire. Elle fut interrompue par une ruade de Merle lorsque leurs attaquants chargèrent en criant.
Jurant intérieurement, elle se sentit décoller pour atterrir dos dans la neige. Une chute heureusement amortie par l'épais manteau blanc et les vêtements molletonnés qu'elle portait, mais son poignet gauche s'était tordu selon un angle douloureux.
Il ne lui fallut cependant qu'un instant pour se reprendre et se relever. Elle se plaça près de Kyra, tirant sur les rennes de Merle pour la forcer à se calmer tout en se jurant de rapidement racheter une jument plus calme...

De son point de vue derrière l'encolure du Compagnon, elle suivait le combat avec une certaine angoisse. Même si le Héraut Wylan semblait maîtriser la situation...
Sa dextérité au combat l'étonnant, mais certainement moins que furent surpris les deux ruffians. Ils semblèrent se concentrer un temps sur une attaque groupée en espérant avoir le dessus par supériorité numérique mais Wylan les repoussaient et les déviaient habillement.

Lorsqu'elle croisa le regard d'un des brigands, elle regretta de ne pas avoir le dixième de la maîtrise de son protecteur... Et s'empara du couteau caché dans sa botte, une rage farouche sur le visage. Si l'un de ces malandrins tentaient d'approcher, elle s'occuperait de le recevoir comme il convenait! Cette pensée dépassait la terreur qui lui nouait l'estomac et la douleur qui irradiait son bras gauche.
Elle comptait bien se défendre bec et ongles si l'un de ces pendards osaient approcher...

9
Rajustant sa pelisse, elle souffla légèrement, s'obligeant à garder l'esprit le plus neutre possible.
Certes, le point de vue de Wylan était bon et elle le comprenait bien qu'il lui soit pénible: Elea prenait les risques relatifs à sa fonction, et ces risques étaient accrus par la présence de sa petite sœur dans les parages, car en dépit de tout, les liens du sang étaient aussi fort que les liens du cœur entre les deux Allirel. Si Béryl était en danger, elle mettait automatiquement Elea dans la même position, sans compter les risques déjà importants liés aux devoirs des Hérauts...
Avec la meilleure volonté du monde, elle ne pouvait être qu'un fardeau pour son aînée. A cette idée, ses épaules s’affaissèrent à mesure qu'un sentiment de culpabilité lui serrait la gorge.
Si une menace était survenue le temps de leur brève entrevue, Elea n'aurait pas eue la même efficacité sachant sa cadette toute proche, c'était indéniable hélas.
Et l"idée que ces retrouvailles n'étaient que quelques jours volés à leurs solitudes respectives n'offraient qu'une bien maigre consolation...
Insidieusement, une idée commença à s'imposer douloureusement à son esprit: tant que la menace pèserait sur le pays, et tant qu'elle n'avait pas les moyens d'y faire face pour elle-même comme pour les autres, mieux vaudrait que les deux sœurs s'évitent...

Béryl ne répondit rien au Héraut Wylan, crispant simplement un peu la mâchoire en assimilant une information dont elle n'avait déjà que trop conscience: la vie d'un Héraut était dangereuse et souvent très courte...
Et elle ne pouvait se permettre d'ajouter le poids de sa présence inexpérimentée à des personnes qui se mettaient déjà en danger.
Si l'humeur avec laquelle elle accueillit cette idée n'était pas très bonne, elle affichait une humilité stoïque. Après tout, ce qu'elle n'était pas encore aujourd'hui, elle pourrait le devenir demain...
Car bien que manquant de confiance en ses capacités, Béryl avait une qualité en suffisance: la persévérance et l'opiniâtreté. Il n'était pas né celui qui la pousserait à renoncer...
Car elle avait au moins un point commun avec sa sœur: la mort ne l'effrayait plus depuis déjà quelques temps...

Lorsque le Héraut vanta son objectif, elle le dévisagea un instant, plissant légèrement les yeux, braquant sur lui ses pupilles vertes emplies d'incrédulité. Devait-elle se sentir flattée ou raillée? Une idée qu'elle abandonna toutefois rapidement: qu'importe ce qu'il en pensait vraiment dans le fond, elle ne comptait pas changer d'avis pour autant.
Mais lorsqu'il souligna la nature du compliment, elle haussa légèrement les épaules.

- C'est bien aimable, mais vous savez, je ne fais pas cela pour que l'on vante mon mérite. Je le fais parce que je sais que je pourrai y arriver un jour. Je ferai tout dans ce but, peu importe le temps et les efforts que cela demandera. En dehors de ma sœur, personne ne m'attend nulle part...

Une vérité sur laquelle elle ne comptait pas s'attarder, préférant éviter de dire qu'elle n'avait jamais démenti sa disparition à sa propre famille et qu'elle avait fait juré le secret à sa sœur. Mieux valait que Wylan ne s'y intéresse pas, car elle ne comptait pas lui révéler les dessous de l'histoire.
Elle dressa l'oreille lorsqu'il évoqua la possibilité de soutenir son but, et retrouva légèrement le sourire.

- Toute aide est bienvenue...

Elle parlait à voix basse en dépit de la note presque joyeuse de ces derniers mots. Oui, sa résolution ne semblait pas prête à s'ébranler à la première difficulté...
Le chat sur ses épaules dressa la tête, scruta le décor avant de bailler et de miauler discrètement pour quémander une place dans une des fontes.
Le décor était calme au point d'en être monotone, mais Béryl appréciait cette tranquillité qui lui semblait synonyme de sécurité. Toutefois, la présence du Héraut à ses côtés la rassurait plus que l'illusion de paix des alentours.

Lorsque le Héraut Wylan reprit le fil de ses propos, elle ne put s'empêcher d'un sourire discret.

- Comme je vous le disais, je ne tiens pas à récolter des lauriers pour mon engagement. Cela m'est égal de ne pas avoir reconnaissance ou prestige, ce n'est pas ce qui me motive.

Et lorsqu'il aborda la question de l'uniforme, elle hocha la tête. Les vêtements blancs faisaient parti de la charge du Héraut, avec tout ce que cela impliquait, elle le savait pour en avoir longuement discuté avec son aînée. Mais Wylan était en train de ramener de l'eau à son moulin et elle esquissa un nouveau sourire fin.

-... Et un ménestrel entend et voit beaucoup de choses. Par ailleurs, il est rarement vu autrement que comme un artiste itinérant, ce qui permet de rester relativement inaperçu d'une certaine manière...

Laissant sa phrase en suspend, elle fixa un moment son interlocuteur, guettant sa réaction. S'il pouvait l'aider, cela l'intéressait.
Toute aide à réaliser son objectif était providentielle.

10
La réponse que lui offrit Wylan vis à vis de sa sœur la surprit légèrement, mais elle hocha doucement la tête. Ainsi donc ils ne se connaissaient pas particulièrement. Cela la surprenait qu'Elea lui aie tendu ce "piège" en la confiant à une personne qui ne fut pas de son cercle proche. Cela ne ressemblait pas vraiment à l'attitude générale de sa sœur et Béryl sentit son estomac se nouer: une telle précipitation à l'éloigner de la frontière n'était assurément pas bon signe pour son aînée.

Et une fois de plus, la musicienne pesta intérieurement contre son impuissance. Si seulement elle avait pu soutenir Elea! Elles étaient véritablement devenues proches lorsque Béryl avait quitté foyer et lignée, mais la jeune fille savait que sa sœur s'était sentie en devoir de veiller sur elle.
Et telle était la raison pour laquelle elle s'était efforcée de grandir vite, de devenir meilleure, plus discrète, plus maligne, plus avertie, plus débrouillarde. Un jour, elle en avait la certitude, ce serait à elle d'aider Elea. L'échec ne lui était pas autorisé, elle devait y arriver.

Malgré tout, elle avait plus l'impression d'être entrevue comme une gêne par son guide que comme une personne consciente des risques entrepris. Certes, consciente, elle ne l'avait pas toujours été, mais Béryl apprenait vite, surtout lorsque la motivation était édictée par la survie.
D'une voix douce, elle hasarda une réponse à l'explication de son interlocuteur sur le souci fraternel.

- Mais l'inquiétude n'est pas l'apanage des aînés vous savez. Ni même des Hérauts. Sans doutes jugerez-vous mon opinion quelque peu naïve, mais je pense que nous avons tous les moyens de faire quelque chose d'utile, quelque chose de bien, à notre échelle. Et toute prise de risque entraîne ses conséquences. Mais vaut-il mieux ne rien tenter et accepter en espérant être à l'abri? Et ce faisant se reposer et peser lourdement sur ceux qui défendent nos droits et notre liberté? Si j'ai la conviction profonde pouvoir arriver un jour à me rendre utile pour l'aider, cela ne vaut-il pas de prendre des risques à mon tour?

Le regard qui accompagnait ces propos était aussi doux que le ton de sa voix, mais étrangement intense, scrutant au delà de la surface pour chercher ses réponses.
A tort ou à raison, Béryl ne se percevait pas comme quelqu'un de faible requérant une protection particulière. Et si cet état de fait n'avait pas toujours été le cas, il était vrai qu'aujourd'hui, la jeune Ménestrelle avait acquit de nombreuses ressources, et compensait ce qui lui manquait de force ou d'expérience par une certaine sagacité.
Malgré sa nature de tête brûlée pressée de franchir les étapes pour ne plus être un poids à charge de quiconque, la musicienne restait dans l'ensemble lucide sur la situation. Et en dépit de sa soif d'indépendance, son comportement gardait la ligne de conduite la plus raisonnable.

Lorsque le Héraut Wylan aborda les avantages de voyager en sa compagnie, la jeune fille eut un sourire sans joie à sa dernière remarque. Il y avait longtemps qu'elle avait apprit à se méfier des brigands pour avoir apprit ce qu'il en coûtait de partir à l'aventure sans un minimum de prudence. Cependant, elle s'abstint de tout commentaire et plus encore de protester, gardant pour elle le fait qu'elle avait apprit à éviter les autres pour éviter les affrontements. Après tout, elle se voyait mal deviser survie et prudence avec un Héraut, ce qui aurait équivalu à peu de choses de confier des cours d'entraînement au combat à un novice de deuxième année. Elle avait beaucoup apprit en arpentant les chemins, mais ses connaissances restaient inférieures à ceux qui suivaient les formations complètes des Collegia et elle le savait. Elle n'était ni une combattante, ni une magicienne, encore moins une guérisseuse...
Et elle n'était pas une barde non plus, en dépit de toute l'intensité de son désir.

Le chemin restait bien tracé en dépit de la neige lourde. Béryl se doutait que pour Merle qui n'avait pas le sabot aussi léger que le Compagnon, la route serait rapidement fatigante, mais pour l'heure, la petite jument noire marchait d'un bon pas à la suite de Kyra.
Le Héraut lui fit part de leur itinéraire et la jeune fille acquiesça silencieusement, un peu agacée des multiples précisions comportant implicitement ou explicitement la mention "ne pas vous faire courir de risques". Elle comprenait très bien le sens de cette volonté, mais cette démarche lui donnait plus encore la sensation d'être gauche et inutile... Sa mâchoire se crispa légèrement alors qu'elle ravalait une remarque un peu amère pour faire savoir à Wylan qu'elle avait survécu plusieurs années sans protection de quiconque, et que même la bienveillance d'Elea n'avait été qu'occasionnelle depuis qu'elle visait seule...
Mais braquer son compagnon de route ne lui servirait à rien, sinon à détériorer l'atmosphère entre eux, sachant qu'ils allaient cohabiter quelques temps... Mieux valait s'abstenir.

Elle se contenta de sauter au sujet suivant, prenant conscience qu'effectivement Kyra menait une bonne cadence sans donner le sentiment de fatiguer en dépit de la neige lourde qui collait aux sabots des montures.

- Ça va pour le moment, mais Merle ne pourra pas forcément tenir le rythme en terrain plus abrupt.

Puis vint une question à laquelle elle s'attendait.

- Haven est mon foyer. Cela rejoint le principe d'une famille: je ne veux pas attendre de mon pays ou de ma ville d'attache seulement ce qu'ils peuvent m'offrir, et le cueillir sans me soucier de la réciprocité...

Elle évita d'affronter le regard de l'homme à qui elle s'adressait, préférant ne pas expliquer ses années d'errance.

- Si je veux me rendre utile pour mon pays, je dois avant tout m'en donner les moyens. Peu importe les efforts que ça demandera ou le temps que cela prendra. Et avant de pouvoir offrir ma compétence à Haven, je crois qu'il me reste beaucoup à apprendre de ce que je pourrai en retirer... Mais c'est un emprunt que je rembourserai.

Cette fois-ci, elle chercha le regard du Héraut, sourire aux lèvres. Elle était confiante.

11
[center:38djcod5]Béryl Allirel
[/center:38djcod5]

La dispute affectueuse entre les sœurs tourna court avec l'intervention du Héraut Wylan, Béryl se trouvant prise de court. Elea cacha un sourire discret qui trahissait un certain soulagement. Son homologue tombait à point nommé et son intervention avait eut l'effet désiré sur sa cadette. Car si Béryl avait su qu'elle lui réservait un chaperon, elle aurait été plus âpre dans ses revendications et aurait plus sûrement risqué d'envoyer gentiment Wylan sur les roses!
Le tempérament était de famille chez les Allirel, mais Elea avait quelques années d'expérience de plus que sa soeur sur l'art de tourner une situation à son avantage.
Et Béryl en goûtait non sans un peu d’amertume une bonne leçon. Mais, bonne joueuse, elle accueillait la perspective de son retour sous escorte d'un assez bon œil.
Un peu moins l'idée de laisser Elea seule derrière pour plus d'un mois, mais elle savait avoir perdu cette manche...
[center:38djcod5]***[/center:38djcod5]

Elle avait peu dormi et s'était levée à l'aube pour achever ses préparatifs. La silhouette souple de Méadren se détacha de l'ombre pour sauter lestement sur ses épaules, une habitude que le chat avait pris lorsque sa propriétaire reprenait la route. L'animal bien qu'ordinaire avait lié un lien profond avec la jeune femme et la suivait comme son ombre. Béryl lui avait même enseigné quelques tours simples et le traitait moins comme une propriété que comme un ami. Méadren avait rompu sa solitude à un moment où elle n'avait qu'Eléa dans sa vie, et de manière irrégulière.

Le froid était vif à l'extérieur et ne tarda pas à faire paraître des couleurs sur les joues claires de la jeune femme qui serra un peu plus sa pelisse contre elle. Un regard vers le ciel clair lui apprit qu'ils n'auraient au moins pas à craindre les intempéries.
S'empêchant de penser à Eléa et par là même de se donner des regrets, Béryl rejoignit les écuries en fredonnant légèrement, ne s'interrompant qu'en entendant une voix s'élever des stalles. Sans bien savoir s'il l'avait entendue ou non, elle rejoignit Wylan, gardant pour elle un sourire discret. La complicité du Héraut à son Compagnon ne lui avaient pas échappé. Non que la ménestrelle n'y ait porté jugement, mais le tableau lui rappelait sa sœur avec Derna.
Une part d'elle se surprenait à envier un tel lien, Béryl n'étant pas de nature particulièrement intéressée. Mais avec un lien aussi puissant, les Hérauts n'étaient jamais seuls en dépit de l'adage courant qui soutenait le contraire.

La vraie solitude avait un autre visage, elle l'avait apprit en l'affrontant.
Sans un commentaire, elle étrilla Merle avant de la seller, répondant au Héraut Wylan d'une voix calme et légère.

- Presque prête! Il ne me reste qu'à préparer cette brave fille et nous pourrons y aller.

Tapotant l'encolure de la petite jument noire, elle termina ses préparatifs, fixant son paquetage à la selle avant de prendre place sur sa monture. Merle était une jument vive, un peu trop nerveuse au goût de sa propriétaire qui avait parfois du mal à canaliser ses réactions, mais elle avait le sabot sûr et affrontait plutôt bien les sentiers de chèvres.
Flattant une fois encore sa jument, la jeune femme entreprit de la pousser au niveau du Héraut Wylan afin d'entamer la conversation.
Et de poser quelques questions le plus innocemment possible.

- C'est vraiment généreux de votre part d'avoir proposé de m'escorter! Je suppose que vous devez assez bien connaître ma sœur... Elle s'en fait trop pour moi vous savez. Je crois qu'elle prend bien plus de risques que moi en ce moment...

Une bonne manière de tâter le terrain pour savoir jusqu'à quel point Eléa avait pu discuter de son cas avec les autres Hérauts. Béryl doutait que sa sœur ait trahi l'intégralité de son histoire, mais elle voulait évaluer malgré tout ce que pouvait savoir le Héraut... sous réserve qu'il daigne lui répondre.
Si elle n'avait craint qu'il se braque, elle aurait posé ses questions ouvertement.
Est-ce ma sœur qui vous a envoyé jouer les chaperons? Qu'en est-il exactement de la situation actuelle?
Et surtout puis-je me rendre utile à la cause de la couronne?
Lorsqu'elle avait quitté le foyer familial en quête d'avenir, cette idée ne l'avait jamais abandonnée, même une fois hors des terres de son pays. Et cette volonté d'engagement n'avait fait que croître à mesure qu'elle prenait conscience que quelque chose de lourd et de menaçant pesait sur Valdemar. Peu à peu, entre rumeurs et informations diverses, elle avait réussi à se faire une idée du monstre tapi dans l'ombre qui guettait son pays.
Et elle se demandait ce que le Héraut Wylan allait bien daigner lui dire ou non à ce sujet...

12
Après une vie passée dans l'opulence protégée de la noblesse, Béryl avait prit la température des réalités de ce monde en les affrontant nez à nez. Et si la vie sur les routes était moins romantique à expérimenter au quotidien qu'à imaginer, elle avait fini par découvrir un aspect du voyage qu'elle n'avait pas envisagé: les rumeurs.
Malgré sa jeunesse dorée, elle savait que tout n'allait pas bien en sa terre natale comme ailleurs, mais les années de spectacles et de route l'avaient bien formée. Et lorsqu'elle avait fini par prendre conscience des enjeux de ce qui se mettait doucement en place, son idéalisme l'avait poussée à chercher à s'impliquer.
Ce n'était pas la première fois qu'elle en parlait avec Elea, mais comme toujours, son aînée désapprouvait.
Toutefois, la conversation qu'elles tenaient dans ce lieu publique était un peu plus légère, même si la Ménestrelle arborait malgré elle une mine grave. Elle ne vit pas le Héraut qui s'avança vers elles alors qu'elle répondait à sa sœur.

-... consciente, mais je ne comprends pas pourquoi tu dois rester ici...

Pour toute réponse, le Héraut qui se tenait face à elle secoua la tête en soupirant. Les deux sœurs étaient aussi obstinées l'une que l'autre et Elea sentait que cette manche ne serait gagnée ni par l'un ni par l'autre. Béryl ne voulait pas comprendre pourquoi elle avait prit poste à la frontière, et la suppliait de faire route à ses côtés pour Valdemar. Une part d'Elea était déchirée, son affection pour sa cadette la poussant vers le désir de céder, mais son sens du devoir primait. Elle était en mission, et ne pouvait s'y soustraire.
Béryl le savait. Ce qu'elle refusait en revanche, c'était d'accepter les risques qu'impliquaient cette décision.
Une part d'elle comprenait très bien la dévotion de sa sœur à leur royaume. Une autre ne pouvait pas admettre qu'elle mette pour autant sa vie en jeu.
L'arrivée du Héraut Wylan fut providentielle pour l'aînée qui eut du reste un peu de mal à cacher son sourire, alors que la musicienne sursauta presque, surprise de cette irruption qu'elle n'avait pas vue venir.
Elea l'invita d'un geste à prendre place après l'avoir salué et jeta un regard à sa benjamine qui semblait un peu perplexe.
Poliment, Béryl imita sa sœur et se tut, laissant parler le nouveau venu.

L'offre la surprit presque autant que la connaissance que cet homme avait de son identité. Après quelques instants de réflexion et un regard à Elea, elle convint qu'il n'était pas absurde que les Hérauts que d'autres Hérauts la connaissent par le biais de sa sœur. Pourtant, elle eut une très brève hésitation avant de sourire et de hocher la tête.

"Bonsoir... Eh bien, j'en serai enchantée, je vous remercie. Vous connaissez mon nom, mais à qui ai-je le plaisir?"

Le ton de sa voix était mélodieux, et se teintait d'une sympathie sincère, et son inflexion plus stable et sûre que ne l'avait été sa première réaction. Revenue de sa surprise, elle avait reconnu en l'homme un Héraut, et elle avait toute foi en cet ordre.
Pourtant, une part d'elle regrettait de ne pas avoir convaincu Elea de rentrer avec elle. Elle s'abstint de le montrer, affichant une bonne humeur qui n'était pas surjouée.
Après tout, le voyage serait plus agréable en compagnie d'un Héraut.
Il y avait plusieurs années qu'elle avait quitté Valdemar, et y retourner lui inspirait une vague crainte tout autant qu'une réelle impatience, celle de rentrer "chez elle"...

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Présentation des joueurs / Re: Béryl
« le: 19 janvier 2014, 09:18:14 »
Merciiii à tous :D

Barrn: J'aime les hobbits parce qu'ils ont une philosophie de vie proche de la mienne: manger, dormir, et profiter de la vie simple :p
Les elfes sont un peu trop guindés à mon goût, les humains... trop humains justement, et les nains... ben je suis claustrophobe personnellement x)
Donc les hobbits restent un choix logique :p (et puis il y a correspondance au niveau de la taille x)

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Présentation des joueurs / Béryl
« le: 14 janvier 2014, 20:29:05 »
size=150]MON PROFIL DE GEEK[/size]

Prénom ou pseudo: Macka ou Elfie
Age: vieille x)
Ville/Pays: France, L'Arbresle
Boulot/Etudes : Pigiste et en études d'herboristerie

Si j'étais...

une fleur je serais : un myosotis
un animal je serais : un chat
une couleur je serais : le bleu
une pierre précieuse je serais : une pierre de lune
une race du seigneur des anneaux je serais : un hobbit!
un objet je serais : un livre
un livre je serais : Un roman d'aventures! (et s'il faut en nommer un, au risque de faire des infidélités à Mercedes Lackey, l'Empire Ultime de Sanderson)
un plat je serais : une fondue savoyarde (fromaaaaaage )

Pour tous ceux qui ont trouvé ça cucul, la suite n'est pas triste non plus !

Fromage ou dessert ? les deux! (on peut se resservir?)
Votre blague préférée : Les citations du Chat de Geluck (mais en choisir une, dur dur!)

Quel mot trouvez vous absolument irrésistible ? "délicatesse"

Définissez vous en 3 mots : Originale/timbrée/... stressée?

Comment avez vous connu le forum ? Par une amie ^_^
Quels livres de Mercedes Lackey avez-vous lu ? La trilogie des Flèches et Par le Fer (et je continuuuue ^^ )

Allez j'arrête là la torture. Vous en redemandez ? N'hésitez pas à répondre à vos propres questions. Toutes les bonnes questions seront ajoutées à cette fiche et feront la joie des prochains inscrits.  :P

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Fiches des personnages disparus / Béryl Allirel
« le: 14 janvier 2014, 20:18:40 »
RECENSEMENT DU ROYAUME
[Au choix :] Valdemar

[Photo] Karen Gillan

Nom : Allirel
Prénom :
 Béryl

Age : 23 ans

Région d’origine : Valdemar, le quartier marchand de Haven
Métier/Vocation: Ménestrelle

Description physique :
Béryl est de ces jeunes filles qui se contentent d'être jolies en compensant l'étincelle de beauté par le charme. Ce que l'on voit en premier de son visage clair, ce sont ces grands yeux d'un brun tirant sur le vert selon la lumière. Le dessin de son visage est plutôt rond, plein, empreint de douceur et le moindre sourire la fait rayonner. Sa chevelure abondante retombe en mèches fauves et torsadées jusqu'au milieu de son dos. De stature moyenne, elle possède une silhouette harmonieuse aux formes assez rondes et aux courbes marquées. Rien en l'image qu'elle renvoie ne trahit les passages parfois tourmentés d'une vie chaotique, l'ensemble laissant plutôt entrevoir une éternelle optimiste débonnaire.
Une façade longuement travaillée.

Cheveux :Longue chevelure rousse
Yeux : brun-vert
Teint : pâle
Taille : moyenne
Corpulence : équilibrée
Attitude : plutôt simple

Description comportementale :Béryl est un savant mélange entre calme et passion. Benjamine d'une famille nombreuse, elle s'efface volontiers au profit du groupe. Mais cette discrétion apparente cache une soif idéaliste et presque aveugle de justice, d'équité, et un besoin instinctif de se rendre utile.
Depuis son plus jeune âge, Béryl a développé un véritable amour pour la musique à laquelle elle s'adonne dès qu'elle en trouve l'occasion, qu'il s'agisse du chant ou de la lyre. Cette vocation lui a du reste rendu de nombreux services, lui permettant de subsister comme de se retrouver dans un univers bien à elle.
D'une curiosité presque maladive, elle ne peut pas s'empêcher de s'intéresser à tout, et souvent au détriment du bon sens. Malgré un talent réel pour les arts, elle a une piètre estime d'elle-même, et centre la plupart de ses espérances sur ce qu'elle estime être sa seule qualité.
Confrontée jeune à des situations plutôt tortueuse, elle peine à accorder sa confiance, et garde un retrait prudent envers ceux qu'elle considère comme des étrangers. Bien qu'elle tente souvent de le dissimuler, les difficultés l'ont rendue assez cynique et elle accorde un regard très critique à ses frères humains, n'accordant de crédit qu'aux Hérauts, qui représentent à ses yeux une élire véritablement incorruptible, et aux mages qui dans une moindre mesure ont su gagner son estime. Cette déception envers ses pairs s'équilibre d'une soif de changer les choses, de mener campagne à son échelle pour un monde un peu plus juste.


Qualité principale :Générosité[/b]
Défaut principal : Curiosité

Don ordinaire : Une bonne intuition
Don spécifique : Don de Créativité

Animal de compagnie : Un chat gris "éduqué" nommé Méadren

Description Historique :

Elle n'était que la troisième fille. Béryl Allirel, cinquième enfant de la famille Allirel, cadette de deux sœurs et trois frères, une valeur presque insignifiante pour une famille de petite noblesse qui tente de se faire une place au soleil.
Ce statut aurait pu lui valoir une heureuse indifférence qui lui aurait laissé la possibilité d'écrire elle-même sa propre histoire avec la bénédiction des siens. Cela aurait dû être le cas...
Si les plans de sa famille avaient pu suivre leurs cours.

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L'hiver avait été particulièrement rude et s'était attardé sur les premières semaines de ce qui aurait dû être le printemps. Un mauvais présage pour qui avait des intérêts dans le commerce: les récoltes seraient tardives cette année, probablement moins bonnes que l'an passé et le prix du grain allait s'envoler.
La concurrence aussi.
Et la Maison Allirel avait basé la plupart de ses accords commerciaux à Valdemar. Même si le printemps éclatait rapidement, il y avait fort à parier qu'il y aurait de grosses pertes à compenser sur d'autres marchés.
Tels étaient les estimations de Talaen Allirel, debout à l'aube, établissant de nombreux calculs installé au bureau de ses appartements ce fameux matin. Ce même jour où le destin entier de la Maison sembla se révolter contre les plans établis et tracés pour chacun.
La nouvelle arriva avec l'entrée de l'épouse de Talaen, Liza. Cette dernière semblait encore sous le choc d'un événement qui l'avait jetée entre la joie et l'effroi.

- Mon ami... C'est Elea... Notre fille... Elle a été Élue.

Talaen laissa tomber son cahier de compte et fit répéter son épouse afin de s'assurer de ce qu'il avait comprit. Leur foyer allait donc accueillir un Héraut?
La fierté qui le transporta se nuança cependant d'une note d'inquiétude. Elea, l'aînée de ses filles avait quinze ans et était en passe de devenir un parti convoité par de nombreux jeunes gens dans les années à venir.
Ce n'était hélas plus le cas de Menia, sa benjamine, qui au printemps dernier avait été victime d'un accident, la laissant défigurée. La malheureuse s'était alors recluse dans la dévotion pour se destiner à servir la Dame en tant que prêtresse...
Cela ne laissait plus que Béryl dans la liste des filles à marier...
Comme cette dernière n'avait encore que dix ans, l'hypothèse n'était pas à l'ordre du jour, mais le couple Allirel sentit, à juste titre que former la cadette au mariage d'intérêt ne serait pas chose aisée...

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Tous les enfants Allirel, exception faite d'Elea nouvellement Élue et de Menia qui suivait l'école du Temple, fréquentaient les Collegia en tant que non-affiliés. Une éducation accueillie avec plus ou moins d'enthousiasme selon les membres de la fratrie. Tolrik, l'aîné jalousait sa sœur choisie pour devenir Héraut, et Dan, son jeune frère ne s'intéressait qu'au maniement de l'épée. Quant à Béryl, elle traînait dès qu'elle en avait l'occasion du côté du Collegium des Bardes avec le désir plus qu'évident d'en faire parti. Il semblait du reste que l'enfant ait les dons pré-requis pour ce genre d'ambitions. Sa voix était claire et juste, mais son esprit et sa plume encore plus, et elle composait pour son plaisir des complaintes et des odes qui touchaient parfois jusqu'à l'âme.
Une particularité qui, si elle fut remarquée ne fut pas encouragée, sur ordre de la Maison Allirel.
Tous leurs enfants étant déjà appelés à d'autres destinées que celle de leur lignage, ils ne pouvaient se permettre de laisser partir la dernière...
Inconsciente des desseins de sa famille à son propos, elle traversa l'enfance accrochée à son rêve, jusqu'à son dix-septième anniversaire.
Ce fut à l'aube de ses dix-sept ans que tout bascula.

Béryl avait grandi non seulement en âge mais aussi en beauté, et commençait à s'attirer les regards plus qu’approbateurs de nombreux jeunes gens, sans qu'elle n'y prête une grande attention, toute obnubilée qu'elle était par la musique et les rêves d'une vie au grand air. A son grand désarroi, elle n'avait pas réussi à éveiller l'intérêt de ses parents pour son orientation dans le domaine des arts, malgré une obstination des plus louables. On s'acharnait à ne pas y prêter attention...
Elle comprit pourquoi ce jour là.

Cela faisait déjà plusieurs mois qu'elle soupçonnait ses parents de préparer quelque chose. Ils ne cachaient rien de leur désir d'installer le nom des Allirel dans la bonne société par le biais d'alliances de raison, mais ces tâche échoyaient aux aînés. Certes, Elea et Menia n'étaient plus des partis à marier, mais Tolrik et Dan restaient deux jeunes gens plutôt convoités. Cela ne la concernait donc en rien.
Du moins le croyait-elle...

Liza entra dans sa chambre pour tirer les rideaux, laissant la lumière achever de réveiller sa fille, avant de déposer une robe d’apparat sur le dossier d'un fauteuil.

- Debout! Aujourd'hui est un grand jour!

Béryl se frotta les yeux en grognant, se demandant pourquoi l'on faisait tant de manières pour un simple anniversaire. Elle allait avoir dix-sept ans, elle ne venait pas d'être Élue!
Cette pensée lui tira du reste une légère amertume. Pourquoi n'était-on pas "élu" aux tâches pour lesquels on se sentait prédestiné? Elle aurait été appelée elle aussi comme Elea un beau jour pour intégrer le Collegium des bardes et devenir l'une d'entre eux...
Au lieu de quoi on lui imposait de fastidieux cours de protocole, de gestion, d'intendance, tout ce qu'une noble dame était supposée connaître à la perfection...
Mais Béryl ne voulait pas être une noble dame, enfermée dans sa fonction d'aristocrate et de commerçante, jouant à récolter les intérêts les plus juteux d'une quelconque association.
Ce genre de vie serait pour Tolrik.
Elle, elle comptait voyager, apprendre, découvrir au delà des frontières de Valdemar, découvrir, et chanter! Oh oui, chanter et danser, jouer de la lyre, vivre de la douceur des jours...

Avec un soupir bienheureux, elle s'imaginait cette vie rêvée à laquelle on ne lui donnait pas encore accès. Sa mère, manifestement très excitée revint lui ôter son duvet, voyant qu'elle tardait à mettre le nez hors du lit.

- Allez Béryl, ne lambine pas! Il y a beaucoup à faire pour que tout soit parfait aujourd'hui!

Au bout d'une heure, habillée et apprêtée d'une manière qui lui semblait excessive, Béryl se présenta a salon où ses parents l'avaient fait appelé plusieurs fois.
La pièce était bondée d'une manière peu commune et la jeune fille ralentit immédiatement lorsque le tumulte la submergea, prête à faire demi-tour.

Même pour Tolrik, l'enfant prodigue de la famille, l'on avait jamais organisé une telle fête d'anniversaire...

Avant qu'elle n'eut le temps de tourner les talons, Talaen vint à sa rencontre, le visage rayonnant et la menant par le bras, l'entraîna au cœur du groupe, la présentant très solennellement à chaque personne.
Rapidement, Béryl remarqua que tous les convives avaient un lien de parenté et appartenaient de près ou de loin à la maison Dariel.
Ce fut alors qu'on lui présenta Aldan, l'aîné de la lignée directe. Le jeune homme était plus âgé qu'elle, mais ne semblait guère plus à l'aise des aspects de cette rencontre.
Tout prenait un aspect effroyablement clair dans l'esprit de Béryl: cette rencontre n'était qu'une officialisation d'une alliance conclue entre les deux familles. Et à en juger par l'éclat de détresse dans le regard de son "promis", il était à peine plus heureux qu'elle de ce choix!
Cette perspective lui offrit un réconfort bien maigre.

La journée lui paru interminable, et elle attendit le soir et le départ des invités pour se confronter à sa famille. Manifestement Talaen devait s'y attendre car il l’accueillit promptement.
La jeune fille explosa, planquant violemment ses mains sur le bureau.

- POURQUOI? Ce n'est pas à moi de me marier! Tolrik est l'aîné et le premier héritier! Les filles se battent déjà pour lui plaire, alors pourquoi moi?

Talaen voulu réprimer son insolence, mais Liza un peu en retrait s'avança pour tempérer la discussion.

- Chérie, ton frère a été malade... Tolrik n'aura jamais d'enfant.
Béryl resta un moment bouche bée sous le coup de la nouvelle, avant de bégayer.
- Mais... Et Dan?
- Dan est en garnison pour un an à la frontière dans le but d'être promu à la garde royale! C'est une fonction noble mais dangereuse... répondit Talaen un peu radouci Tu connais les situations de tes sœurs, Béryl. Tu comprends donc pourquoi nous comptons sur toi. Le fils Dariel est quelqu'un de très bien, tu apprendras à l'aimer.
Le regard patient de Liza vint soutenir les propos de son mari, son pâle sourire témoignant de sa propre expérience du mariage d'intérêt.
Deux perles cristallines dévalèrent sur les joues de Béryl. Croisant le regard de sa mère, la pensée de vivre la même vie qu'elle la fit frémir d'effroi: être enfermée dans un rôle qui n'était pas le sien sans pouvoir sans évader.
Sans jamais voir le vaste monde...

- Non... souffla t-elle en reculant. NON!
- BÉRYL!

Mais la voix de son père se perdit dans le vide, car déjà la jeune fille courait à en perdre le souffle à travers les couloirs de la résidence familiale pour finir par s'enfermer dans sa chambre et s'écrouler sur son lit.
La fatigue finit par l'arracher aux sanglots quelques heures, et elle se réveilla tard dans la nuit.
Une résolution avait conquit son esprit: rester équivaudrait à renoncer à toutes ses espérances. Sans doutes ne serait-elle jamais barde, mais hors des murs de la Maison Allirel, elle serait toujours libre de devenir quelque chose.
Tirant un sac de ses affaires, elle rassembla quelques biens et se changea pour passer une tenue plus pratique, avant de nouer son balluchon. Elle n'emportait pas grand chose, sinon sa lyre, quelques vêtements et un peu d'argent.
Sortant par la fenêtre, elle se laissa glisser du balcon au muret du jardin avant d'atteindre souplement le sol pour se faufiler à travers un trou de la haie qu'elle utilisait certains soirs pour sortir discrètement écouter les ballades des musiciens en ville.
Sans un regard pour son foyer, elle s'enfonça dans les rues sombres...

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La vie extérieur et le vaste monde se révélèrent bientôt d'une âpre dureté pour la naïve musicienne en fuite qui n'avait jamais vécu la liberté autrement qu'en esprit. Sa priorité fut de quitter Haven où elle savait que sa famille la chercherait en premier. Cependant, mal préparée à affronter les dangers de l'extérieur, elle ne tarda pas à faire une victime de choix...
L'expérience du vaste monde vint rapidement lui faire comprendre qu'il lui faudrait acquérir très vite un grand instinct de survie si elle espérait subsister longtemps seule.

Cela faisait trois jours qu'elle voyageait. Elle avait laissé Haven derrière elle et s'était arrêtée au crépuscule dans une petite ville de taille respectable, espérant y prendre du repos.
Elle n'oublierait jamais ce tout premier voyage...
Sa traversée d'un faubourg peu engageant se termina au sol, lorsqu'on l'eut brutalement désarçonnée. En dépit de ses cris et de ses supplications, personne ne vint à son aide lorsque cinq hommes entreprirent de la dépouiller du peu de possessions qu'elle avait.
Elle savait à leur seuls regards qu'ils ne s'en tiendraient pas au vol et la terreur la saisit bien avant que l'un des hommes ne l'immobilise sous son poids en lui arrachant ses vêtements. Elle eut beau se débattre et hurler, elle ne parvint ni à se défaire de son étreinte, ni à attirer l'attention d'une aide potentielle.
Il la prit brutalement, elle rua, frappa et griffa furieusement, entre rage et sanglots. Ses protestations furent plus faibles lorsque le suivant la posséda sans plus de douceur. Au cinquième viol, elle ne réagissait plus, inerte, lointaine, brisée.

Ils l'abandonnèrent sans plus de cérémonie leurs besoins assouvis, ne prenant pas la peine de la tuer. Dans l'état où elle se trouvait, elle ne représentait pas une bien grande menace!
Combien de temps resta t-elle nue sur le pavé froid, elle ne le sut jamais. Pendant une éternité, il lui sembla que plus rien n'avait d'importance, qu'elle pourrait tout aussi bien mourir là...
Dire que son pire cauchemar avant cette histoire était un mariage de raison! Lorsque le fil de ses pensées lui revint, cette perspective lui sembla amèrement dérisoire et le fils Dariel un bien moindre mal...
Il lui était cependant impossible de faire machine arrière, plus maintenant en tout cas. Comment aurait-elle pu se présenter à nouveau face aux siens à présent? Comment affronter leurs regards?
Elle resta longtemps à sangloter, recroquevillée sur elle-même, rassemblant les lambeaux de ses vêtements sur son corps meurtri.
Elle ne pouvait pas rentrer chez elle. Et elle n'avait plus rien...
Pourtant, le désespoir céda le pas à quelque chose de plus fort au fil des heures: la détermination. Ne serait-ce que pour avoir sa revanche, elle devait se relever...
Et avancer. Un pas après l'autre.
Commander à son corps lui parut incroyablement difficile, mais elle parvint à se redresser et à fouiller la ruelle déserte du regard. Trouver de quoi s'habiller pour commencer...

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Malgré la violence de son apprentissage des dangers de l'extérieur, Béryl s'adapta rapidement pour une noble qui avait connu une existence protégée de tout. Suite à son agression, elle évita les lieux peu fréquentés et apprit à laisser traîner une oreille dans les tavernes pour s'informer sur les gangs locaux. Dépouillée de tout, elle avait eut recourt à de menus larcins pour se procurer l'essentiel et mendiait ou marchandait un repas contre des travaux simples. En moins de deux semaines, la noble jeune fille à l'allure proprette avait laissé la place à une gamine déguenillée et aux mains meurtries. Elle erra un peu au hasard des villes, sans but précis pendant quelques mois, avant de rencontrer un Héraut qu'elle connaissait bien...

Chantant une ballade connue sur la place d'une petite ville agricole, elle contempla le contenu de son châle avec dépit. La générosité n'était pas le fort des gens de la région... Pourtant la jeune fille poursuivait patiemment, narrant avec emphase les tourments d'une histoire d'amour d'une voix claire et mélodieuse. Après tout, malgré la misère, il lui restait le réconfort du chant... Paupières closes, elle se livrait toute entière à la mélodie lorsqu'une voix familière l'interpella.

- Béryl?
Son cœur marqua une pause et sembla se figer dans sa poitrine alors qu'elle ouvrit les yeux sur le Héraut Elea. Sa sœur.
Le visage de son aînée marquait un mélange de joie et d'inquiétude, et avant qu'elle n'ait le temps de réagir, Béryl sentit Elea l'étreindre doucement.

- Oh Béryl... Si tu savais... Nos parents t'ont cru morte...
La jeune femme cru bon de ne pas aller plus loin en sentant sa cadette se raidir dans ses bras. Avec douceur, elle l'emmena dans une auberge proche pour lui permettre de se restaurer, et attendit, silencieuse que Béryl lui livre son histoire. Ce que l'intéressée fit partiellement, passant sous silence l'agression à sa première escale. Cependant, elle se doutait qu'il serait difficile de cacher quelque chose à une personne dont le don était de lire les esprits...
Pourtant, Elea eut la délicatesse de lui épargner cela. Devant l'insistance presque nerveuse de sa cadette à ne pas vouloir reprendre le chemin de la maison, le Héraut capitula.
Mais abandonner Béryl n'était pas une option pour Elea. Sentant qu'elle serait plus utile à l'aider qu'à la traîner contre son gré à Haven, elle lui procura de quoi s'équiper de nouveaux vêtements, une monture et assez d'argent pour couvrir les dépenses courantes pendant deux semaines.
Ce fut ce qui permit à Béryl de reprendre pied.

Soutenue par Elea et ayant rompu d'avec la solitude, la jeune fille retrouva un semblant de but et de stabilité. Se procurant une nouvelle lyre, elle se forma à tous les chants qui venaient à sa connaissance, pour les retranscrire de son mieux, et commença à en écrire de nouveaux contre le gîte et le couvert. Avec le temps elle parvint à s’octroyer une place et un nom de ménestrel. Son talent ravivé par l'étincelle d'une assurance jusque là perdue lui valait souvent un certain succès. Et son Don jusque là délaissé lui revint avec d'autant plus d'acuité. Béryl écrivait avec une verve rare et une intensité fascinante, et ses chants transmettaient joies et peines à ses auditeurs, les menant dans son monde.

Pour tromper l'isolement durant les absences d'Elea, elle entreprit d’éduquer un chat errant qui semblait l'avoir prise en sympathie lors d'une de ses escales.
Les années passèrent, lui apportant maturité, expérience, pour faire d'elle un ménestrel confirmé. Fidèle à ses ambitions, Béryl écuma les terres, traversant Valdemar, parcourant Rethwellan, passant brièvement en Karse avant de revenir dans son pays natal, puis en Haven. L'âge et les événements lui avaient donné la force nécessaire pour surmonter l'essentiel de ses craintes, même si en dehors d'Elea, elle ne chercha pas à prendre contact avec les siens.
Les années lui avaient en outre apportées une certitude: elle n'avait peut-être pas grand chose pour elle, mais elle devait mettre ce qu'elle avait au service de ses idéaux pour changer les choses, pour faire avancer le monde, au moins à son échelle...

Hors-jeu :
Que désirez vous faire de votre personnage ?
J'aimerais beaucoup faire de Béryl une apprentie barde assez zélée envers la Couronne et les Hérauts et nouer un lien entre les deux groupes (peut-être en la faisant jouer les informatrices pour le Collegium des Hérauts à terme)

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