De sages petits princes, ces princes rethwellans. Ce n'était pourtant pas en étant aussi sage que l'on se retrouvait avec un pays en guerre… Mais passons. Ce sujet risquait d'être bien malvenu dans ce contexte. Même si Joshua se serait bien étendu dessus, il doutait que ce soit un bon moyen d'amadouer Lucinda.
Cependant, il fallait avouer que, à choisir, il aurait volontiers continué à parler des deux princes plutôt que d'être contraint d'être l'unique spectateur de la représentation que désirait lui offrir la jeune femme. Il espérait du moins qu'elle ne l'obligerait pas à l'écouter chanter durant des heures Pourtant, lorsqu'elle laissa entendre qu'ils pourraient attendre et qu'ainsi elle lui jouerait plutôt du violon, Joshua ne se défila pas.
« Si vous jouez du violon, je ne pourrai entendre votre voix » fit-il remarquer.
Il pensait que cela lui ferait plaisir qu'il insiste. Après tout, il était sensé lui accorder beaucoup d'attention. C'est ce qu'on attend d'un homme qui courtise une dame, quitte à se montrer gourmand :
« Vous pourrez me jouer du violon une autre fois. J'espère avoir la possibilité de vous entendre jouer un jour, pour moi. »
il avait ajouté ces derniers mots doucement, hésitant presque. il avançait "timidement" la possibilité que leurs rencontres continuent à se répéter. Laissait entendre en tous cas qu'il le désirait.
Mais il sembla que Lucinda, quant à elle, cherchait à se défiler. Joshua trouvait l'ironie de la situation très amusante. Craignait-elle de chanter devant lui ? Elle qui pourtant devait avoir l'habitude de chanter devant témoins, c'était amusant. D'autant plus que, d'eux deux, il était fort probablement celui qui avait le moins envie qu'elle chante pour lui.
Heureusement pour elle, Plume était là. Capricieuse et fougueuse, la jument attirait un peu trop l'attention. Joshua maudissait régulièrement le jour où il avait acquis la bête. Les deux demoiselles s'étaient bien trouvées, elles étaient toutes deux très douées pour se tenir en société. Joshua n'eut même pas le temps de comprendre ce qu'entendait Lucinda par ses paroles qu'elle s'envolait déjà sur le dos de sa monture. Le noble eut un instant d'incertitude, se demandant ce qu'il convenait de faire; Naturellement, les convenances voulaient qu'il ne la suive pas, afin de demeurer sous les yeux du chaperon dont la mule ne pourrait suivre le rythme des deux juments lancées au galop. Mais s'il voulait plaire à Lucinda, mieux valait la suivre dans sa fantaisie, d'autant qu'il devait bien avouer qu'il se fichait totalement du chaperon.
Plume ne se fit pas prier pour prendre le galop. Elle partit dans une course effrénée dont Joshua ne chercha pas à la priver. Ils rattrapèrent sans mal Lucinda et Fewi, Plume ayant sa fougue pour elle. Lorsqu'ils parvinrent à hauteur du duo bardique, Joshua lança un regard taquin à la cavalière, accompagné d'un sourire joueur.
« Croyez-vous vraiment que vous saurez tenir le rythme ? »
Lui-même ne saurait probablement jamais ce qui lui avait prit, il n'était pas dans ses habitudes de se conduire aussi puérilement. Pourtant, c'est bien ce qu'il fit : il lança Plume au triple galop et ils ne mirent pas longtemps à distancer Lucinda et Fewi.
Leur course les mena le long de la route jusque dans la forêt. S'assurant que Lucinda suivait, Joshua quitta la route pour engager Plume sur un chemin forestier, où il la força à revenir au trot. La jeune femme et sa jument plus âgée ne tardèrent pas à les rattraper. Lucinda riait aux éclats, cela n'étonna pas Joshua qui commençait à s'habituer à sa légèreté. Cela le fit même sourire.
« Vous n'aviez aucune chance, savez-vous ? Plume est une jument très vive. Je crains en revanche que nous n'ayons semé celle qui devait veiller à votre vertu. »
Il se faisait l'effet d'un gamin fanfaronnant, et cela doucha aussitôt son enthousiasme. Le sourire du noble s'atténua. Son comportement était en effet puéril. Il ralenti encore Plume et la fit passer au pas. C'était plus prudent dans les sous-bois et plus commode pour converser.
« Nous voilà presque arrivés, alors que nous aurions du prendre plus de temps à parcourir ce chemin Peut-être désirez-vous continuer à chevaucher encore un temps. Ces bois sont accueillants et le temps se prête tout à fait à une balade forestière. A moins que vous ne préfériez que nous nous arrêtions maintenant ? J'avais envisagé que nous nous arrêterions dans une clairière non loin pour déjeuner, mais il est encore tôt, et nous pourrions improviser au besoin. »