8ème jour de la 5ème décade d’automne 1485
[HJ- Suite de L’assistante assistée.]Une heure ne s’était même pas écoulée après la discussion entre Taver et Tisia que Dyalwen commença à s’agiter dans son sommeil. Il faisait noir. Trop noir. Ce n’était pas normal. Le noir recouvrait tout et l’empêchait de voir ce qui l’entourait. Il absorbait la lumière, les sons, les odeurs. Comme une sorte de brouillard. Mais le brouillard, c’était blanc et mouillé, pas noir. Là, il faisait noir, alors que la nuit n’aurait pas dû être tombée. Et la nuit ne l’empêchait pas de sentir ce qui l’entourait. Là, elle ne sentait rien. Même en se concentrant. Sauf sa main qui tenait quelque chose. Un manche. Une lance ou une fourche. Elle ne savait pas quoi mais elle savait que ce n’était pas un balai. Elle n’aurait pas dû avoir une arme en main. C’était dangereux sans savoir ce qu’il y avait autour. Elle voulait la lâcher mais elle n’y parvenait pas. Ses doigts ne s’ouvraient pas. Et son bras s’avançait. Et, quelque part, dans le noir, il y avait une forme blanche. Elle voulait lui dire de partir mais sa bouche ne s’ouvrait pas. Et ses pensées semblaient rebondir dans son esprit sans pouvoir en sortir. Elle avait envie de crier mais il n’y avait que le silence. Et le noir. Et…
Je suis là, émit Tisia, sans attendre le moindre appel, au moment où Dyalwen ouvrit les yeux.
Le souffle court, la rouquine mit quelques secondes à réaliser qu’elle entendait le Compagnon, qu’il allait bien, qu’elle n’avait pas d’arme à la main et qu’il faisait jour. Et qu’elle se trouvait à moitié couchée dans la paille.
Tu m’as laissée dormir !
Oui.
Mais pourquoi ? Je suis en retard !D’un bond, la Grise se mit debout et s’épousseta, tâchant de retirer les brins de paille qui s’accrochaient à son uniforme ou à ses cheveux, sous le regard imperturbable de Tisia qui se levait tranquillement.
Qu’est-ce que je vais dire ?
Rien.
Alemdar m’attend, il va vouloir savoir ce…
Non.Dyalwen cessa de s’épousseter pour jeter un regard incrédule à son Compagnon.
Comment ça, non ? Je devrais y être depuis… je sais pas, une demi-heure au moins.
Il ne t’attend pas.
Pourquoi ?
Parce que je l’ai prévenu que tu ne viendrais pas.
Tu as fait quoi ?!Tisia ne broncha pas et garda le même ton imperturbable.
Tu avais besoin de dormir.Tâchant de juguler son agacement, exacerbé par la fatigue, Dyalwen haussa les épaules.
Je ne dors plus. Je vais y aller et m’excuser et…Non. Tu vas à la Maison de Guérison…Et puis quoi encore ?… voir la Guérisseuse Thalyana.Et pourquoi ça ?Parce que c’est un ordre d’Alemdar.Pour le coup, Dyalwen ne trouva rien à répondre pendant quelques secondes.
Qu’est-ce que tu lui as dit exactement ?La vérité, rétorqua Tisia d’un ton sans réplique, avant de donner un coup de nez dans le giron de son Élue.
On y va.À court d’argument, la Grise ne put qu’obtempérer et prit la direction de la Maison de Guérison, son Compagnon sur les talons. Des fois qu’il lui viendrait à l’idée de ne pas y aller, par exemple, songea la rouquine, agacée de… agacée de tout. Et fatiguée. Et agacée.
Arrivée à destination, Dyalwen faillit s’arrêter mais le nez de Tisia au creux de ses reins lui rappela qu’elle n’avait pas le choix. Elle entra donc et salua la première personne qu’elle aperçut.
« Bonjour ? On m’a dit de venir voir la Guérisseuse Thalyana. Mais je ne veux pas la déranger si elle est occupée, je repasserai plus tard… »Dans tes rêves.