[justify:3o17ir8d]Visiblement, le choc qu'avait ressenti Manuchan s'était répercuté chez son vis-à-vis pour ainsi dire à l'instant même. Cette capacité d'empathie était pour le moins fascinante, mais le Mage pensait également qu'elle pouvait s'avérer dangereuse à bien des niveaux. Plus spécialement si l'on n'était pas à même de se protéger des émotions extérieures aux nôtres. Il devait absolument aider Aaron à améliorer ses barrières. Ça, c'était une certitude.
L'Adepte esquissa un sourire à la vue de la surprise qui se peignait sur le visage du héraut après qu'il eut annoncé être désolé d'ainsi transmettre involontairement sa souffrance. C'était bien un blanc, il n'y avait aucun doute. Plutôt que de se fâcher de cet état de fait, il était évident que le héraut du Sénéchal estimait que Manuchan n'y pouvait simplement rien.
Mais c'était une erreur aux yeux du rethwellan.
Après tout, cela faisait bien longtemps maintenant qu'il trainait cette souffrance, la laissant s'enfler démesurément au fil du temps sans rien faire ou presque pour améliorer son état émotionnel. Il était donc fautif, même si Aaron ignorait tout cela. Il avait vraiment de quoi être désolé car il était peut-être trop tard désormais pour que le Mage parvienne à se soigner par lui-même comme il l'avait toujours fait jusqu'alors pendant ses périodes de dépression, entraînées par une chose ou une autre.
C'était différent cette fois. Très différent. C'était comme si toutes les souffrances qu'il était jusqu'alors parvenu à combattre ou à refouler ressortaient d'un coup, cherchant à lui vriller l'âme et le cerveau. Puisant dans ses réserves d'énergie, occultant sa gentillesse et sa bonne volonté pour le transformer petit à petit en un être aigri, égocentrique, et peut-être même repoussant à certains égards.
Oui, Manuchan avait conscience de tout cela, mais que pouvait-il y faire? Personne n'était à même de l'aider vraiment puisque cette "dépression" même le poussait à refuser de l'aide. Le serpent se mordait la queue et ce cercle vicieux ne serait certainement pas facile à briser pour qui que ce soit. Hormis peut-être - voire probablement - pour Airamant ou Glenn.
Ces blessures du cœur au moins pourraient certainement être soignées par ceux qui les avaient provoquées sans vraiment le vouloir mais il ne pensait pas revoir un jour l'un ou l'autre, même si il était plus probable de revoir Glenn un jour tout de même vu qu'ils œuvraient dans le même but et dans la même optique.
Mais la solitude..... Quelqu'un parviendrait-il vraiment à l'en sortir? A se livrer à lui plus ou moins et à passer la majorité de son temps à ses côtés, si ce n'était physiquement au moins mentalement? Quelqu'un en ce monde pourrait-il jamais l'aimer suffisamment? Tout se résumait à ça en fin de compte. L'amour. La plus terrible et la plus vicieuse des maladies de cette Terre. Le sentiment le plus dur et incontrôlable qu'un être vivant puisse ressentir et qui provoquait tant de peine par le vaste monde.
Mais à son grand dam, Manuchan avait toujours été amoureux. Amoureux de l'amour lui-même. Encore une erreur qu'il payait cher, bien qu'il n'ait pas vraiment choisit ce besoin et cette envie de se sentir fusionner avec un autre. De se sentir esclave de l'autre mais son maître en même temps. Il avait désespérément envie de se livrer tout entier à quelqu'un qui en ferait autant. Mais l'amour n'avait que rarement une force égale pour les deux, et encore, quand on avait la chance qu'il soit au moins réciproque.
Dans tous les cas, l'Adepte n'avait tout simplement pas pu jusqu'à maintenant, se contenter de simples expressions d'affection, ni même d'un amour juste tendre et sans passion. Cela lui semblait tellement fade qu'inévitablement, il venait à douter de la véracité des sentiments et mettait son partenaire au pied du mur, ce qui le faisait invariablement fuir.
C'était probablement lui qui ne faisait pas ce qu'il aurait fallut. Il ne l'ignorait pas et aurait aimé être capable de changer.
"Je te remercie pour ta compassion, mais vraiment, je n'aime pas faire souffrir. Je ne peux donc qu'en être désolé."
C'était simple et concis mais ça n'en restait pas moins vrai pour autant. Manuchan tendit un sourire doux à Aaron. Il pensait qu'au final, tout le monde était désolé, et c'était bien dommage. Tout cela à cause de ses sentiments trop passionnés et de son manque de self-control quelque part.
Et voilà qu'il recommençait à s'apitoyer. Mais dire ou penser - ce qui était pire - que tout était de sa faute n'était au final que de l'arrogance. Il prit une autre gorgée d'hydromel, logue délicieuse et réchauffée par la température qui régnait en ces lieux. Fermant les yeux, il se délectait de la saveur sucrée-amère qui glissait le long de son œsophage et du parfum subtil - bien qu'un peu trop alcoolisé - qui emplissait ses narines.
*Je suis en train de devenir un alcoolique. Je n'ai même plus force morale de me morigéner. Tant pis*Manuchan poussa un long soupir tant de soulagement dû à la sensation de l'alcool sur son cerveau qui commençait tout juste à fondre ses pensées dans une brume éthérée que par le dépit que ses pensées provoquaient en lui.
Il était devenu inutile et le devenait de plus en plus. Si tout cela continuait, bientôt, il deviendrait un poids. Mais cela, il ne le permettrait jamais. Il partirait plutôt que d'être un fardeau. Personne n'avait à souffrir de son comportement idiot et encore moins les hérauts.
*surtout quand ils sont mignons de surcroit.*Ah ! la désinhibition commençait à pointer le bout de son nez. Il était temps de penser à des choses plus triviales. Comme d'un doux lit de satin blanc sur lequel serait allongé le corps sensuel et dénudé d'un beau héraut dans une position langoureuse.
Pourtant, le Mage avait désormais un tel recul sur pratiquement tout que même ces pensées ne parvinrent à rosir ses joues. Il devenait de plus en plus indifférent à tout, même aux appels furieux de ses hormones négligées. La vision restait pourtant agréable et son bas-ventre approuvait.
Peut-être un peu trop d 'ailleurs. Il était temps de se recentrer.
l'Adepte écoutait l'explication du héraut, faisant de son mieux pour ne pas laisser des pensées trop épicuriennes s'insinuer en lui. De plus, il n'était pas sûr du tout de la réaction qu'aurait son vis-à-vis s'il parvenait à capter son désir.
"Hum, je vois."
C'était plutôt court mais qu'aurait-il pu dire d'autre? Il comprenait que certaines personnes ait du mal à aborder des inconnus. Il n'y avait pas de quoi fouetter un chat. Pauvre bête.
Le rethwellan un léger rire à ce trait d'humour. Il était clair que certaines expressions portaient à sourire et celle-ci n'était pas des moindres.
Aaron rit également mais le Mage ne saisit pas vraiment pour quelle raison. Bah, peu importait au final. Rire était toujours mieux que pleurer. Pour tout le monde et si l'homme face à lui pouvait rire ainsi, Manuchan espérait que c'était un signe. Que la souffrance qu'il partageait involontairement n'était pas trop pesante.
"Je t'enseignerais tout ce que je sais dans ce cas, et pour commencer sache qu'il y a plusieurs niveaux de barrières et la possibilité d'en créer plusieurs. De combien disposes-tu ?"
Dans le cas d'un Mage, il lui aurait aussi demandé de quelle énergie il se servait pour les bâtir, mais il lui semblait évident cette fois que c'était son énergie personnelle qui servait de fondation aussi n'en dit-il rien.
L'Adepte vit le héraut commencer à chercher son souffle suite au maelstrom de sentiments qui c'étaient déclenché chez le rethwellan et celui-ci tendit la main vers celle du héraut prêt à apporter son secours. Il l'effleura, mais ne voulant pas égratigner la fierté de l'homme aux yeux changeants, ne fit que l'effleurer.
Ce contact, si léger fut-il était somme toute plutôt sensuel, mais l'heure n'était pas à la bagatelle.
Les choses parurent rentrer dans l'ordre après une bonne rasade du liquide brun qu'Aaron resservait régulièrement à l'un comme à l'autre. Clairement, il ne fallait pas lui en conter sur une soirée beuverie. ils étaient aussi pochtrons l'un que l'autre. C'étaient ces hommes qui devaient aider le pays? Pauvre Valdemar.
Aaron expliqua qu'il disposait auparavant de deux autres Dons, hésitant entre le tutoiement et le vouvoiement. Manuchan ne s'était aps aperçu être repassé au vouvoiement et venait de s'en rendre compte, il faudrait l'expliquer. Dans tous les cas, la présence de ces dons ne devait pas faciliter la tâche au héraut.
"Désolé d'être repassé au vouvoiement, c'est mon côté professionnel, n'en prends pas ombrage."
La vérité était tout autre. En fait, alors que ces sentiments débordaient et que la larme sortait, Manuchan qui ne souhaitait rien montrer s'était tout simplement replié sur lui-même, se focalisant sur son métier et parlant donc, comme s'il eut été en compagnie non pas d'un héraut en demande d'aide, mais d'un confrère inconnu. Ça facilitait les choses. C'était tordu, il le savait, mais malheureusement réel.
"Le fait d'avoir déjà un Don de téléportation et un autre avoisinant de télékinésie pose en fait un petit soucis, ce qui explique probablement que tu aie des difficultés avec ce nouveau Don. Pour faire simple, tu a appris à maîtriser tes autres Dons, ce qui fait que tu use ta concentration sans même t'en rendre compte pour les maîtriser et dispose donc de moins d'énergie pour bâtir des barrières efficaces. Ca me semble le plus probable. Nous allons vérifier cela tout de suite.
Je vais t'envoyer de l'énergie en quantité suffisante, sans trop en faire ou tu ne pourras pas la gérer. Essaie de la rediriger. Visualise la dans ton corps et dirige vers ton centre pour la lisser se diffuser sur tes barrières. Si tout se passe bien, tes barrières se trouveront largement renforcées et pourras même en élever d'autres. Je commence."
Manuchan tendit la main et se saisit cette fois de celle d'Aaron. Ce contact n'était absolument pas utile pour l'opération, mais enfin, toucher la peau d'un autre être, s'il était séduisant, cela ne lui était pas arrivé depuis longtemps et le démon de l'hydromel lui soufflait des gestes qu'il n'aurait pas eu normalement.
Doucement il laissa une partie minime de son énergie parcourir son bras et pénétrer celui d'Aaron. C'était une solution temporaire, mais si cela s'avérait efficace, il pourrait proposer des solutions concrètes au héraut par la suite.
« Il ne manquerait plus que la tendance s'inverse... »
Sans lâcher la main prise, Manuchan prit note de ces propos et répondit aussitôt.
"Pourquoi dis-tu ça? Souffrirais-tu toi-même?"
Manuchan se sentait le dernier des égoïstes. A aucune moment il n'avait pensé qu'il était possible qu'Aaron ait également de sérieux problèmes, plus sérieux que ce Don mal contrôlé. Une fois encore, il n'avait pensé qu'à lui.
"Si tu veux en parler, je suis à ton écoute."
Difficile d'être plus clair et puis, appréciant de plus en plus la compagnie de l'homme à mesure que les bouteilles se vidaient - il allait être temps d'en commander une autre - il ne souhaitait pas que cette conversation se termine trop vite. Sans compter qu'un secret espoir commençait à s'insinuer dans un coin de son cerveau.
*Les hérauts ont des mœurs un peu légères paraît-il..... Peut-être que nous pourrions nous réconforter autrement plus tard*Une fois qu'il eut estimé avoir assez donné, Manuchan écarta doucement sa main de celle du blanc, laissant ses doigts caresser la paume de son interlocuteur comme si de rien n'était. Il n'y avait plus qu'à attendre et voir si cette "opération" fonctionnait. Heureusement il était encore loin d'être assez ivre pour faire n'importe quoi et pensait avoir bien jaugé de la quantité d'énergie transmise.[/justify:3o17ir8d]