Dreyan secoua la tête énergiquement. Impatient était un terme bien trop faible pour qualifier la hâte de Dreyan à monter un de ces splendides êtres à la blancheur surnaturelle. Il regarda ses chaussures à la remarque du Héraut et lui concéda le point. Il avait bien sûr des bottes de monte dans sa chambre mais il n'avait pas pensé à les prendre, supposant que la chevauchée viendrait plus tard. Trop impatient, il ne voulut pas aller les chercher. Et de toute façon, le garçon doutait que la dame Héraut le laisserait monter son Compagnon plus de quelques instants. Il n'aurait donc pas de soucis à se faire au sujet des étriers.
Quand le Héraut Méra fut prêt, Dreyan se retrouva mis dehors et poussé en direction du champ des Compagnons. En route, le garçon repensa à tout ce que lui avait dit la dame Blanche. Elle n'avait fait que dire ce qu'il ressentait depuis toujours. Étant le troisième né, lui aussi n'avait aucun espoir d'héritage. Même avec un nom de famille comme celui de Orthallen. C'était pour cela qu'il avait tant voulu intégrer le Collegium et devenir un architecte reconnu, car il voulait une vie qui lui plaise et où il ne dépendrait de personne. Il garderait précieusement les conseils du Héraut et tâcherait de les appliquer.
À la vue du champ des Compagnons, les pensées de Dreyan s'éclairèrent et oublièrent les sombres idées qui les habitaient peu de temps auparavant. Les yeux du jeune garçon se mirent à pétiller à la vue des silhouettes encore lointaines mais largement reconnaissables. D'une blancheur immaculée, la robe des Compagnon n'avait rien à envier aux plus beaux des palefrois. Mais le plus étrange dans leur apparence, hormis leurs formidables yeux bleu, c'était leurs sabots argentés.
Il fallut faire un détour pour aller chercher tout le nécessaire. Dreyan proposa ses bras pour décharger un peu le Héraut mais elle garda tout, soit qu'elle n'avait pas confiance en les brindilles qui lui servaient de bras, soit qu'elle soit quelque peu possessive. Bien chargée, la dame Héraut s'engagea dans le champ des Compagnons. En cette saison, la terre avait reçu plus que son content d'eau, ils marchaient donc dans une gadoue qui ne serait pas du goût des personnes qui nettoieraient leurs uniformes. Tant pis, Dreyan était prêt à affronter les foudres de n'importe qui pour pouvoir rencontrer le Compagnon du Héraut. Il suivait difficilement la dame Blanche, trop pressé de rejoindre le Compagnon il avait du mal à suivre son rythme trop lent.
« Comment savez-vous où retrouver votre Compagnon ? » s'enquit-il
Le Héraut marchait droit devant elle, comme si elle savait où trouver l'équidé. Pourtant le champ était grand, et tous les Compagnons se ressemblaient ce qui n'aidait pas à trouver le bon. Mais la dame trouva sans mal. Dreyan était fébrile face au Compagnon. Il était soudain plus timide, ne sachant trop quoi dire ou faire.
Impressionné par la majesté de la créature qui se tenait devant lui, il retrouva ses bonnes manières. Il s'inclina comme on lui avait apprit à le faire devant des personnes de haut rang et se présenta :
« Je suis honoré de vous rencontrer, Shirryl. Mon nom est Dreyan. Ce serait un honneur pour moi que vous me permettiez de monter sur votre dos. »
Naturellement, Dreyan n'envisageait pas que le cheval qui se trouvait face à lui, aussi intelligent qu'il puisse être pour un animal, soit capable de comprendre ce qu'il racontait. Son petit manège s'adressait plutôt au Héraut propriétaire du Compagnon. D'ailleurs, lorsqu'il eut fini sa tirade, il s'approcha prudemment du Compagnon et tendit sa main devant le museau de l'équidé afin qu'il puisse sentir son odeur et que Dreyan puisse le caresser.
Le garçon était hypnotisé par le regard bleu qui le fixait. Ce n'était pas la première fois qu'il voyait un Compagnon de si près, mais chaque fois il ne pouvait s'empêcher d'admirer leur beauté. Dreyan comprenait sans mal pourquoi les Hérauts avaient choisi d'en faire leur apanage. Il n'existait nulle part ailleurs d'animaux si extraordinaires, il en était certain.
C'est alors que la dame Héraut lui signifia que le Compagnon était prêt à être monté.
« Cela devrait aller » répondit-il à la question du Héraut « je ne suis pas le meilleur cavalier qui soit mais je devrais pouvoir être capable de monter en selle. »
Dreyan se glissa le long du flanc du Compagnon et en profita pour flatter son encolure. Il s'arrêta devant le Héraut et la regarda.
« Je peux, vous êtes vraiment sûre ? Vous n'aurez pas de problème ? »
Après tout, il y avait peut-être des règles. On ne voyait pas de Compagnon monté par quelqu'un d'autre que son Élu.