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Planning Compagnonnal

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Héraut Méra:
5e jour de la 4e décade d'hiver 1485 — Bureau de l'Attitré

Mera s'était enfin décidée à aller voir Alemdar pour organiser avec lui la grossesse de Shirryl. Si elle avait cédé à son Compagnon sur ce point, elle avait refusé d'être prise au dépourvu le moment où cela arriverait. Elle voulait planifier les choses pour ne pas se retrouver coincée à Haven sans autre perspective que de devenir Héraut dans une cour. Elle était prête à faire des concessions pour son Compagnon, mais pas à devenir folle d'ennui. Elle comptait donc s'arranger pour avoir un poste intéressant avant même que Shirryl se fasse sau...

:Je suis choquée! :
:Engrossée? :
:Humpf.:
:Fécondée? :
:Admettons.:

Arrivée devant la porte du bureau d'Alemdar, elle toqua. Puis entra avant d'y être invitée. En temps normal, elle serait rentrée en trombe, un grand sourire enthousiaste sur les lèvres. Mais quand on venait solliciter une faveur, il était plus sage de ne pas se mettre son créancier à dos. D'autant qu'Alemdar avait déjà suffisamment de raison de l'emmerder. À son arrivée, une fois qu'il avait été clair qu'il était célibataire et qu’aucune poule noble ne semblait l'intéresser, Méra s'était essayé à le séduire. De manière répétée et fort peu subtile. Jusqu'à ce que Shirryl lui apprenne le peu d'intérêt qu'Alemdar portait à la chose. Elle avait alors continué, mais uniquement par jeu, parce qu'elle trouvait ça très amusant. Elle s'était bien entendu rapidement lassée — draguer quelqu'un qui ne montre aucune réaction n'a aucun intérêt — mais Alemdar avait dû subir ses attentions sans doute trop longtemps à son goût.

Comme d'habitude, le bureau de l'Attitré était recouvert de papiers et de dossiers. Méra vint s'assoir sur une chaise de libre, en face d'Alemdar.

«Je te dérange? J'aimerais te parler d'un truc. Ça concerne Shirryl.»

Héraut Alemdar:
Alem avait passé une huitaine de jours à la maison de guérison avant qu'on ne l'autorise à sortir, avec ordre d'entrainer ce don, histoire de ne pas se refaire surprendre stupidement. Alem, ne pouvait être que d'accord. Surtout quand il contemplait sa chambre vide de tous bibelots.

A son entrainement aux armes suivants, il avait enfin mis le doigt sur la familiarité que l'emploie de ce nouveau don éveillait en lui. Ce don n'était pas nouveau, mais avant, il l'utilisait complètement inconsciemment en escrime. Ca expliquait sa vielle tendance à utiliser des armes qui auraient du être trop lourdes pour lui, mais qui ne l'étaient étonnement pas.

Jarhindel l'avait traité de tricheur. Il n’avait pas totalement tort. Mais en combat qui se soucis des règles?

Bon, après, le jeune maitre d'arme s'était vengé en lui collant une raclée. Alem était perturbé par cette nouvelle connaissance de son don. Maintenant qu'il en avait pris conscience, il n'arrivait plus à le contrôler instinctivement comme avant. C'était souvent le problème avec les maitrises instinctives. Et c'était en général pour ça que les Compagnons essayaient d'éviter le problème en prévenant leurs élus. Mais Taver avait d'abord voulu épargner trop d'informations à son élu, puis il s'était laissé dépasser par les choses. Et, si Alem ne se trompait pas, il avait dû se dire que ce serait drôle de voir la surprise d'Alem le jour où il comprendrait.

Moui. Hilarant.

Alem ruminait ces pensées en bossant sur l'assignement des hérauts de tournées dans les marches quand on frappa et entra dans son bureau. Alem leva les yeux sur le héraut qui venait d'entrer. C'était forcément un héraut, personne d'autre n'avait le droit de se dispenser de la sorte de la courtoisie élémentaire d'attendre qu'on l'invite à entrer.

"Méra?"

Mais cette héraut-là, le simple fait qu'elle prenne la peine de frapper était une anormalité. Alem leva un sourcil ironiquement.

"Qui êtes-vous et qu'avez-vous fait de mon héraut? Mera ne frappe pas aux portes."

Mera n'avait qu'une notion floue de l'intimité. Normalement. Et normalement elle ne s'asseyait pas poliment sur une chaise. Elle se rependait sur son bureau ou contre lui au mépris total de son espace vital (ou de celui de ses dossiers).

"Me déranger? Dans l'absolu, oui. Mais je suis étonnée que tu me dérange si peu par rapport à tes standards habituels. Shirryl va bien au moins?"

Taver le lui aurait dit, normalement, si la jument avait été souffrante.

Héraut Méra:
«Tu exagères... ça m'arrive de frapper aux portes. Par exemple avant d'entrer dans la salle d'eau... ou les cabinets d'aisances.»

En fait, si Méra ne frappait pas, c'était parce qu'elle adorait surprendre les gens dans des positions compromettantes. Ça et voir leur air ahuri quand elle entrait en trombe dans une pièce.

Pour faire bonne mesure, elle cala ses jambes sur le coin presque libre du bureau.

La réponse d'Alemdar ne la surprit pas outre mesure. Comme d'habitude, l'Attitré était débordé. Mais comme c'était son rôle, parmi d'autres choses, de gérer les effectifs de Héraut, elle n'avait pas le choix de le déranger lui.

«Ah ça oui, elle va très bien. Trop bien même, sans doute.» Méra prit une grande inspiration. «Shirryl veut un poulain. Rapidement. Bon... vu mes assignations habituelles, elle m'a quand même prévenu avant d'aller remuer la croupe devant Taver. Parce qu'elle savait que je prendrais la chose très très mal si je n'étais pas avertie à l'avance.» Elle soupira. «Bref... je suis venue te demander un poste à Haven, pour au moins un an, voire un an et demi, le temps que madame se fasse sauter, accouche et que le poulain soit assez grand pour s'en sortir sans nous, sous la surveillance d'autres Compagnons.» Elle remit une mèche de cheveux imaginaire en place. «Un poste qui ne soit pas dans un tribunal, je voulais dire. Hors de question que je passe mes journées assises à entendre des gens parler de la vandalisation de leur jardinière et à lancer l'Enchantement de Vérité. Le Guet, c'est à la limite de l'envisageable. Mais je pensais voir pour donner des cours, peut-être aux plus avancés? Pistage, survie, ce genre de choses. Sauf si tu as une meilleure idée?»

Oui, Méra était exigeante. Mais son tempérament la rendait vraiment impropre à la plupart des professions d'intérieur. Elle ne tenait pas assez en place pour cela.

Héraut Alemdar:
"Je note de déménager mon bureau dans une salle d'eau alors."

Méra profitait qu'il répondait narquoisement pour balancer ses bottes salles sur le bureau propre de l'Attitré. Elle les auraient a moitié mises sur un papier important si Alem ne l'avait pas poussé in extremis d'un coup de kinèse. C'était vraiment pratique ce truc. Bon, évidemment, la feuille avait décidé de lui échapper, mais au moins elle était intacte. Il soupira et se leva pour la ramasser.

Certains jours, il se disait que vraiment, diriger les hérauts, c'était comme mener un putain de troupeau de chats. Surtout des gens comme Mera ou Wylan. Les Matt et les Raimon, c'était déjà plus gérable. Il voulait plus de gens comme ça. Et voilà que Shirryl se sentait d'humeur maternelle... Alem écouta attentivement les explications et suggestions de Mera avant de soupirer et de la rayer de la liste sur laquelle elle travaillait.

"Tu vas regretter, je comptais t'envoyer à la chasse aux contrebandiers. Mais si Shirryl est volontaire pour perpétuer l’espèce..."

C'était pas encore gravé dans le marbre, mais bon... Bref. Il allait envoyer quelqu'un d'autre. Et devoir réfléchir à ou assigner Mera. Hors de question de lui donner le poste qu'elle voulait. Déjà parce qu'ils avaient déjà un excellent prof de survie.

"Tu n'enseigneras pas la survie, déjà. Adam a déjà décidé de reconfier ce cours au capitaine Fitz. Il est dingue et fiche la trouille aux gens, ça les motive à apprendre la survie. Toi, ta fourberie n'est pas aussi visible. Les gens n'ont pas peur. Pas spontanément."

En fait, vu la manière dont elle le traquait, la seule personne qui devait être effrayé par Mera sur la Coline, c'était la cible ses assiduités, Jarhindel.

"Ce que je voudrais que tu enseignes aux jeunes, ce serait ta manière de rester accroché à ton cheval comme une tique à son rat. Mais avec une monture gravide... C'est pas idéal. Et le travail du guet est bien plus monotone que tu ne l'imagines. Je vois pas trop à quoi t'assigner..."

Alem pianota sur le bureau en réfléchissant ou placer la punaise. Machinalement, il tripota les écorchures qu'il avait sur les mains. Jar avait réussis à bien lui faire mordre la poussière cette fois...

...

Jarhindel....

Le héraut d'Arthon se rejeta en arrière sur son siège en éclatant d'un grand rire sonore.

Héraut Méra:
«Je sais que je vais le regretter! Avoir des vacances, après 4 ans sur le front, c'était génial, mais je me réjouissais de repartir. Et là elle m'avoue qu'elle veut porter. Qu'on a plus de missions en cours et que c'est le moment idéal. Pfffiu, je t'en ficherais, moi, des moments idéals... idéaux.»

Surtout que rien ne retenait Méra à Haven. Certes, elle adorait débarquer en trombe dans la chambre de son ancienne pupille pour lui faire subir ses lubies du moment. Mais elle savait que le charme viendrait bien vite à s'estomper et qu'une fois Mina ne trouverait plus ça drôle du tout. Il valait mieux qu'elle parte avant. Ou qu'elle se trouve une autre victime.

Alemdar commença par refuser sa proposition de donner des cours. Mais Méra n'allait pas s'avouer vaincue pour si peu. Elle avait de bons arguments — elle avait préparé cet entretien dans sa tête depuis la veille — et il devait les entendre.

«Je parlais de survie avancée. J'ai pas tellement envie d'enseigner à une bande de gamins pas secs derrière les oreilles à allumer un feu. Je pensais plutôt à de la survie en milieu hostile. Ou du pistage. Sérieusement, qui a-t-on ici qui se targuer d'une expérience aussi importante et surtout récente? Y a encore deux saisons, je traquais des types à travers les forêts escarpées du Peigne! Je suis capable de lire une piste sur un terrain accidenté.»

Méra ne comptait pas laisser un homme qui n'était même pas Héraut lui voler son job de rêve. En tout cas pas sans se battre. Mais elle se doutait bien qu'elle ne parviendrait pas à faire changer Adam et Alemdar d'avis. S'ils avaient choisi ce Fitz, c'était qu'il était très bon dans son domaine. Et Bouclette avait raison: pour enseigner la survie, il fallait être capable d'instiller la peur chez ses élèves. Pas forcément la peur du professeur, mais de la sanction en cas d'échec... la mort. Or Méra était d'un caractère bien trop léger pour être capable de transmettre une telle crainte. Sa manière de parler des pires souffrances, un énorme sourire sur les lèvres, n'était sans doute pas adaptée à des jeunes qui se pensaient encore immortels.

Alemdar lui confia ensuite quelle matière il aurait aimé lui confier. Méra grimaça. Elle aussi aurait aimé qu'on lui confie ça, à défaut de cours de survie.

«En effet. J'aurais adoré donner des cours d'équitation avancée. C'est quand même ma spécialité, à la base, avant tout le reste. Enfin, avec les armes. Avec Shirryl, c'est vrai qu'on est sans doute parmi les meilleures. Dans les Hérauts plus jeunes, il y a Shandara qui est vraiment bonne, aussi. Mais elle c'est plus dans le genre artistique quand même. Et elle est peut-être un peu jeune pour enseigner. Bref... quand Shirryl aura accouché, peut-être pourras-tu me convaincre de rester plus que nécessaire pour donner quelque cours? Ou entre deux missions, à la limite.»

Régler ce problème d'affectation risquait d'être compliqué, si on tenait compte de ses réticences à elle et des places disponibles. Elle s'attendait à moitié à être tout de même assignée à un tribunal. Si cela devait arriver, elle s'arrangerait pour se faire confier des enquêtes par le Guet, ou par Wylan.

Alors qu'elle méditait elle aussi à une possible place adaptée pour elle, Alemdar se mit à rire.

Oh non. Oh non. Ce rire n'augurait rien de bon. Elle connaissait assez l'Attitré pour savoir qu'un tel rire était TOUJOURS un mauvais signe. Cet homme, c'était un... un... il n'y avait pas de mot pour le décrire, il faudrait l'inventer. Il adorait se moquer des autres, rire à leurs dépens tout en les faisant marcher. C'était un vrai krashak*!

«Allez, crache! Je te préviens, si c'est trop tordu, je demande à Wylan de me reprendre. Je préfère encore mille fois ses coups bas aux tiens.»

Spoiler: montrer*Créature qui fait deux fois la taille d'un homme, a quatre bras, avec une tête comme un ours, des mains griffues, de la couleur de l'argile. (les Parjures)

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