Méra regarda avec intérêt (et amusement) les essais de la fillette. De fait, ce qui l'intéressait était moins le résultat de l'exercice que de voir comment Sou percevait son propre corps. Et la réponse était: parfaitement bien. On voyait bien là les restes de son passé de voleuse. Les gamins de son âge étaient généralement agiles, mais de manière inconsciente, alors que la petite était capable de réfléchir à la position de son corps et s'en interroger.
«C'est très bien, merci.» Méra hésita un instant avant de continuer. Elle n'était pas réputée pour sa subtilité, une image qu'elle cultivait plutôt que de chercher à l'effacer. Il lui était bien pratique de pouvoir mettre les pieds dans le plat sans que les gens ne se doutent qu'elle avait parfaitement conscience de ce qu'elle faisait. «On voit que tu as eu l'habitude de travailler avec ton corps dès ton plus jeune âge. Si je ne me trompe pas... » Un peu facile les devinettes, quand on connaissait la réponse. «... tu as sans doute dû œuvrer comme tire-laine à une époque, non? Ne t'inquiète pas. Si tu es ici, c'est que tu es digne de confiance, et ton passé ne me regarde pas. Mais cela te donne un énorme avantage. Tu sais comment ton corps bouge, comme il réagit. Et ça, c'est idéal pour devenir un bon combattant.»
Elle lui adressa un des sourires rayonnants qui faisait sa réputation. Vraiment, elle trouvait cette enfant adorable. Si un jour elle-même...
:Si un jour toi-même... continue ta pensée.:
:Silence, toi!:
:Si un jour tu as une fille, tu aimerais qu'elle lui ressemble, c'est ça?:
:Non, ce serait manquer de respect au parcours difficile qu'a connu cette gamine. Ce qu'elle sait, aucune enfant chouchoutée ne le saurait. Non, j'aimerais... je ne sais pas. Qu'elle soit aussi mignonne?:
Méra se pencha sur Sou pour corriger légèrement la position de sa main sur le manche. Puis elle lui fit baisser les épaules et écarter un peu plus les jambes.
«Là, c'est juste. Essaie de mémoriser ça? Après, évidemment, le couteau n'est pas une arme défensive. Mais tu as demandé à savoir te battre, pas te défendre spécifiquement. Et de toute manière, tu apprendras aussi le maniement avec une dague dans la main gauche.» Elle sortit son propre couteau. «Maintenant regarde et imite.»
Méra se tourna face au miroir et se positionna avec le couteau dans la main. Par réflexe, et parce qu'elle avait plutôt l'habitude de travailler à deux lames courtes, elle prit d'abord sa lame en prise inversée, avant de changer pour une prise plus classique "en marteau" en faisant tourner son couteau.
«L'avantage du couteau, c'est qu'il existe à peu près autant de moyen de le tenir que d'écoles de combat. Moi, en général, je laisse choisir mes étudiants. Évidemment, si la position est totalement fausse ou dangereuse je corrige, mais ce n'est pas ton cas.»
Elle donna ensuite un coup de taille rapide en l'air, de droite à gauche, à hauteur de gorge d'un hypothétique assaillant. Puis elle répéta le geste en décomposant ses mouvements.
«À ton tour.»