[justify:2vwlocnz]Enju fut absorbée par tout ce que dit Isabeau et le consigna presque mot pour mot, impressionnée par sa culture, son sens de l'observation, et celui de la déduction... Puis par celui de la répartie. La plume de la karsite se figea quand la jeune Bleue lui reprocha ses superstitions ridicules... Enju en fut même blessée, à vrai dire. Isabeau, qui avait été si agréable, si gentille, qui lui avait présenté des excuses pour quelque chose qu'elle n'avait pas fait, se retrouvait soudain être un bourreau qui refroidit la jeune femme d'un coup simple mais efficace. La noble demoiselle n'avait pas entièrement tort, Enju se sentait obligée de le reconnaître ; pourtant, quand on parlait de religion - et d'autant plus de religion disparue ! - les superstitions n'étaient-elles pas les premières sources de connaissance populaire dont il fallait s'abreuver ? Aussi Enju se contenta-t-elle de baisser la tête, et elle ne dit rien, préférant se concentrer sur les recherches, les notes qu'elle devait prendre, plutôt que sur ses états d'âme. Et comme la prêtresse n'était pas sure de pouvoir compter sur la mémoire qui faisait la réputation des secrétaires karsites, elle préféra tout noter.
La réaction de Manuchan, qui n'avait toujours ressenti que la bonté de sa Déesse. (Enju aussi, ne ressentait que la chaleur de Vkandis. Note : pourtant, Il avait été dépeint comme un Dieu Cruel et Vengeur. Elle fit un parallèle là dessus. Aanor, malgré toutes ses manifestations terribles, n'était peut-être pas une déesse entièrement mauvaise. Peut-être pas.)
Et la réaction du mercenaire Fitz, qui en était l'exact opposé.
La tête penchée sur le côté, Enju trouva cela étrange. Ils étaient tous deux Elus par une Déesse, mais s'opposaient en de nombreux points. L'un acceptait son sort sans se poser de question, acceptant même de se plier à son destin et d'aider autant que possible ; l'autre au contraire, ne voyait là qu'une malédiction, et moins il se frottait à Aanor, mieux s'en porterait-il, visiblement. Enju sentit naître en elle une réelle sympathie pour Manuchan, alors qu'elle ne comprenait pas la façon de penser de Fitz... Enfin, elle, elle n'aspirait qu'à attirer l'attention de Vkandis...
Enju finit de prendre des notes, de tout ce qui pourrait lui être utile pour faire son rapport, et le tout en silence. Quand tout le monde commença à prendre congé, la secrétaire karsite, ne fit qu'incliner la tête face à l'assemblée, et s'en alla silencieusement jusqu'à ses quartiers. Là, elle disposa soigneusement et de manière organisée les notes qu'elle avait prises, de façon à avoir ce qu'elle voulait sous la main, quand elle en aurait besoin, lorsqu'elle rédigerait son rapport. L'on pourrait d'ailleurs croire que la consciencieuse prêtresse s'y mettrait tout de suite, avec ardeur.
Non. Enju se dirige vers la fenêtre, et le visage ruisselant de larmes, elle observe le soleil couchant. Les mains croisées sur la poitrine, Enju prie, son esprit essayant d'attendre un état d'apaisement et de transe. Les mots sont incohérents, en désordre. Il y a des "Pourquoi" et des "Ysaline". Des "Aanor" prononcés parfois avec colère, d'autre fois par désespoir. Mais il y a souvent des "J'ai besoin de vous" ponctués par des "Au secours".[/justify:2vwlocnz]