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Cours d'architecture dérobée
Sou:
Tout en explorant les lieux, la fillette se fait la réflexion qu'en se faisant la plus petite possible dans l'un des grands bassins de pierre elle serait alors invisible. Une idée à garder en tête. Démontrant ses talents de voleuse Sou se glisse jusqu'à la porte en silence. Pour un peu sa présence ne dérangerait pas les toiles des araignées ou la vie des musaraignes courants le long des murs et entre les piles d'ustensiles. Fronçant les sourcils l'enfant se demande quand même ce qui pousse ces gens si riches à garder autant de choses inutiles. Croient-ils réellement qu'ils ressortirons tout ça et en auront besoins un jour ? Alors qu'elle connait des tas de gens qui pourraient en avoir vraiment l'utilité. Même usagé ou cassé, tout cela pourrait être réparé ou fondu ou utilisé en bois de chauffage l'hiver ou transformé. Elle connait des gens qui font cela très bien. L'idée de vider la pièce petit à petit lui vient aussi spontanément que de respirer. En revendant ce fatra, elle se ferra un peu d'argent et pourra le donner à sa mère ou le garder pour elle pourquoi pas.
Passant dans la réserve Sou est encore plus amère. Toutes ces réserves ! Pour tous ces gens (en dehors des domestiques) qui à ses yeux ne font rien de leurs journées ! Et son héraut qui s'y promène et se sert comme si cela lui était naturel. Elle se renfrogne un instant tout en prenant la pomme qu'il lui tend. Antoine prétend que les hérauts se nourrissent sur le dos des pauvres gens. Mais en regardant Wylan, elle n'en est plus si sure. Alors même qu'il lui apporte les preuves du contraire. Sou baisse le nez sur le fruit un peu fripé entre ses doigts. Il y a une différence entre penser et faire. C'est ce que Wylan lui a fait comprendre ce matin. Elle peut penser à voler mais pas le faire. Frustrée elle ne trouve pas de solution. Pourtant elle ne peut pas ne rien faire.
Sou rumine maintenant ses pensées sans vraiment écouter Wylan. Mais elle ne veut pas qu'il s'en rende compte. Alors elle trouve la force de lui sourire de nouveau. Et elle prend le problème comme elle sait le gérer en temps normal.
"Est-ce qu'il y a des passages qui mènent en dehors du palais sans se faire voir de la garde ? En inversement ?"
Voilà qui lui facilitera grandement les choses si elle se décide à mettre ses plans à exécution. Mais la fillette a déjà réfléchi auparavant à la question et elle en profite pour demander.
"Est-ce que c'est vrai qu'il y a des passages qui permettent d'espionner des gens ? La salle du Conseil par exemple. Et j'ai entendu un page dire que son grand-père assistait à toutes les cérémonies dans la grande salle du trône caché dans le haut d'une colonnade. Mais là je crois qu'il fanfanronne. Fanfaronne." - Que ce dernier mot est fascinant à sa bouche d'enfant ! Elle a l'impression que c'est une sucrerie. - Il a jamais pu nous dire comment on y va.
De son index et son pouce Sou fait un œilleton à travers lequel elle regarde le grand Héraut. Mais voilà que autre chose la turlupine à son tour. Elle a eu un court d'éthique. Et le professeur a bien insisté. Si un page surprend des adultes en train de négocier des affaires ou de parler de choses personnelles, ils ne doivent pas le révéler, sauf si cela concerne la sécurité du royaume. Ce qu'elle n'a pas très bien comprit. Comment savoir si ce qu'on apprend est important ou pas ?
Héraut Wylan:
«Des passages qui?» Il fronça les sourcils. «Non. Il n'y en a aucun. Le but de ses passages, initialement, était de faciliter la circulation des gens. Ou à la rigueur de permettre au roi d'échapper à une conversation désagréable.»
De fait, il y avait bien un passage qui menait hors du Palais. Il se trouvait dans les jardins et la petite Liane l'avait utilisé pour s'enfuir. Il avait normalement été sécurisé et ne pouvait plus être employé. Une autre fois, elle était aussi passée par un trou dans une partie fort endommagée des remparts. Mais avec la guerre et ses menaces, la moindre fissure avait été bouchée. Il ne restait donc aucun passage utilisable pour sortir en douce du Palais.
Wylan n'était pas certain d'apprécier la question de la fillette. Il ne voyait qu'un seul usage à une sortie dérobée, et celui-ci n'avait rien de légal.
Sou reprit et l'interrogea encore sur les passages. Le Héraut se demanda s'il s'agissait-là d'une technique de diversion, pour lui faire oublier sa précédente question.
«Il n'y a aucun passage qui mène en haut d'une colonnade, c'est certain. Déjà parce que la salle du Conseil n'a pas, à mon souvenir, de colonnade. Il y a bien ces horribles moulures, près du plafond, mais... quoi qu'il en soit, non, il n'y a pas de passage secret qui mène là-bas. En tout cas, s'il existe, je ne l'ai jamais découvert.»
Et il doutait fortement que plusieurs générations de Doués aient pu se succéder dans cette pièce sans jamais réaliser qu'ils étaient observés par un espion. Être mentalement invisible était extrêmement difficile. Et une fine épaisseur de plâtre ne camouflait pas les émissions mentales.
«Concernant ce passage, pour sortir incognito...» Il se mit à la hauteur de la fillette et la dévisagea. «Si tu veux l'utiliser pour quelque chose dont tu n'oserais pas me parler, alors c'est que tu ne dois pas faire cette chose. Et si tu penses que tu oses m'en parler, alors fais-le et je te dirai si c'est réalisable.»
Wylan savait dès l'instant où il l'avait amené au Palais qu'il serait difficile pour la fillette de se défaire de ses mauvaises habitudes. Mais il espérait qu'avec un ventre plein et l'assurance que sa mère allait bien, Sou réussirait à perdre ses réflexes de voleuse. Après tout, personne ne volait par choix ou par inclination. Si elle n'avait plus de raison de voler, elle ne le ferait sans doute plus. Même si ses doigts la démangeaient.
Sou:
Comment ça pas de sorties vers l'extérieur ? Sou est terriblement déçue. Il y a toujours une sortie dérobée dans les histoires. Et elle en a besoin. Cela la met de mauvaise humeur et encore plus en comprenant que finalement tout cela est bien moins excitant que ce que son imagination lui avait fait croire. Pas d'yeux cachés dans les tableaux alors ? Pas de conversation ultra confidentielle surprise par un espion caché derrière un panneau de bois. Pas de passage permettant d'aller dérober un trésor dans des appartements. Oui, Sou est vraiment vraiment vraiment déçue.
Sou a pourtant un instant d'espoir quand Wylan se met à reparler du passage vers l'extérieur. Il a put-être pensé à quelque chose qui pourrait l'aider. Ce qui rend la suite encore plus désagréable. La fillette sursaute et fait un pas en arrière devant le visage à sa hauteur. Tout son petit corps est crispé. Elle a l'impression que Wylan a découvert ses vilaines pensées et redevient un petit animal traqué. Elle irradie de culpabilité et ne sait pas dans un premier temps quoi répondre. Ses yeux évitent ceux du Héraut, jusqu'à lui faire détourner la tête.
"J'ai r'en fait !"
Dite t'elle en reprenant le ton et l'accent des bas quartiers. Elle a l'impression de faire de la vérité un mensonge. Usant du petit noyau dur présent tout au fond d'elle, elle fusille du regard le Héraut toujours attentif.
"Z'ont pleins d'choses qui ne leur serv't-à r'en. Et j'connais plein de gens qu-s'en serviraient. C'pas juste ! Si'j'prends, y s'en apercevront même pas."
Elle-même un peu surprise de son éclat, elle baisse le nez et renifle une fois.
"Penser c'est pas faire."
Héraut Wylan:
Wylan n'était pas du genre à se mettre en colère et il n'avait pas l'intention de la réprimander. Sou n'était pas responsable de l'éducation qu'elle avait reçue. Et elle était encore un peu jeune pour prendre du recul sur ses actes.
« En effet, il y a ici beaucoup de choses qui ont été mises ici et oubliées. C'est comme ça, dans un gros château comme ça. Quelqu'un s'est dit : je vais mettre ça là, je le réparerai quand j'aurai le temps. Et ce quelqu'un a oublié. Puis d'autres personnes ont fait pareil, et finalement les gens, des années après, on a continué à entasser des choses là sans trop savoir pourquoi ils le faisaient. Et après on a même oublié la pièce, parce qu'elle a été cachée par d'autres choses. » Il soupira. « Et tu as raison, penser ce n'est pas faire. D'ailleurs, tu vois, je ne suis pas fâché. »
Wylan regarda un instant la fillette, incertain sur la conduite à tenir. Il ne voulait pas risquer de perdre sa confiance. Il était déjà ravi qu'elle ait admis aussi facilement avoir eu des pensées peu avouables. C'était signe qu'elle commençait à lui faire confiance.
« Qu'est-ce que tu dirais si on regardait avec l'intendante pour réparer certains de ces objets. Je suis sûr que le maréchal-ferrant serait ravi d'aider. Et ensuite on pourrait donner de l'argent de la vente à un orphelinat, ou à un couvent qui s'occupe d'enfants? Est-ce que ça te semblerait un compromis acceptable? »
: Heureusement que tes sœurs et nièces ne connaissent pas tes talents avec les enfants, sinon tu serais réquisitionné. :
: C'est un talent que je cache bien... elles me réquisitionnent déjà bien assez. :
Sou:
Sou trouve le système aberrant. Ce que le plissement de ses paupières et de sa bouche montrent bien. Oublier que l'on a quelque chose dont on a besoin. Ça revenait à oublier de sortir les doigts d'une bourse au moment ou son propriétaire s’aperçoit de la captation. (Sou ne connait pas ce mot mais moi je le trouve bien et je n'ai pas envie d'en changer.) En clair un beau gâchis.
Au moins Wylan ne se fâche pas contre elle. Surement parce qu'elle a reprit à son compte ses explications. Il faudrait qu'elle s'en souvienne.
La fillette l'écoute développer son idée. Immédiatement elle se sent flouée par le marché. L'argent lui passe sous le nez. Qu'est-ce qu'elle en a à faire des orphelins ? Elle ne l'est pas. Quand aux Temples elle n'y met jamais les pieds que contrainte et forcée. Sa relation avec Lurchan et d'autres dieux est très particulière. Cela nécessite une cérémonie bien particulière mettant en scène généralement un mur très difficile à escalader, ou une ferrure qui ne se laisse pas faire ou encore un insomniaque faisant des rondes. Et la liste n'est pas exhaustive ! Et il faut croire qu'ils ne lui en tiennent pas rigueur.
De plus dès l'instant ou l'intendante ou qui que se soit viendra fourrer son nez dans le fourbi s'en serra terminé de la cachette. Tout cela est bien contrariant. Mais c'est de sa faute aussi, elle aurait du mieux expliquer au lieu de laisser le Héraut tout choisir à sa convenance. Et ce que veulent les adultes...
Sou hoche la tête pour approuver l'idée. Bien amère de s'être laissée avoir ainsi. Adieu argent. Adieu cachette. Plus calme la petite répond en tirant sur une de ses boucles de cheveux.
"Mais tu dis que c'est toi qui a eu l'idée."
Il ne faudrait quand même pas que l'on croit qu'elle fouine partout. Même si cela est vrai.
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