Wylan s'était assoupi. Il avait demandé à être prévenu quand Alemdar de Firyngde se réveillerait. Or il avait émergé une première fois une marque plus tôt, avant de sombrer à nouveau dans une inconscience agitée. Il s'était donc installé dans une chaise en attendant que celui-ci se réveille pour de bon.
Lui, l'espion royal, n'avait pas été capable de prévoir le dénouement de cette étrange histoire. Il avait même cru, comme tout le monde, que seul le petit avait été envoûté, et que maintenant qu'il était guérit, il n'y avait plus rien à craindre. Quand on avait allégé la surveillance dont la famille royale de Rethwellan faisait l'objet, il ne s'y était pas opposé, lui qui était toujours très prudent. Il avait été aveugle, comme tout le monde…
Il fut tiré du sommeil par un cri déchirant de peine. Il ouvrit les yeux, tous les sens en alerte, pour constater que le pauvre gamin venait de reprendre conscience, et de réaliser ce qu'il avait été poussé à faire. Ses pensées étaient si puissantes que Wylan ne put s'empêcher de les entendre (et il n'allait pas se gêner).
Il se pencha en avant et lui parla d'une voix douce.
" Il est sain et sauf. Et il sera très heureux d'apprendre que vous vous êtes réveillé. Visiblement, malgré le sort dont vous avez été la victime, vous avez été incapable de le tuer. Vous avez une sacré volonté, d'après la petite Guérisseuse qui s'est occupé de vous. Entre ça et les Barrières du Palais…"
Wylan rapprocha sa chaise du lit. Il se sentait étonnamment proche de ce gamin… de cet homme. Il n'avait pas été ménagé par la vie, ou plutôt pour cette satanée mage. Si on l'avait poussé, lui, à vouloir tuer ses soeurs… il frissonna.
"Tenez…"
Il tendit un mouchoir au jeune noble alité, puis lui posa une main réconfortante sur l'épaule.
"Vous attirez la poisse, dans votre famille…"
: Euh… c'est censé le réconforter ça?:
: Tu sais ce qu'on dit à un type qui a été envoûté pendant des mois, et qu'on a poussé à vouloir tuer son frère bien-aimé? :
:…:
: Il me semblait aussi.:
Wylan se sentait désolé pour le jeune homme. Comment se reconstruire après un tel choc? Comment soutenir le regard des siens? Heureusement pour tout le monde, celle chambre se trouvait dans l'aile de la Maison de Guérison dévolue aux "malades mentaux". Elle se trouvait donc au rez-de-chaussé, et sa fenêtre ne s'ouvrait pas, si ce n'était pour un petit carreau. La pièce était dépourvue de meubles autres qu'un lit et une chaise, entièrement tapissée. Aucun coin sur lequel s'assommer. Alemdar n'aurait donc aucun "geste malheureux". Malgré tout, il faudrait le surveiller. Il resterait isolé de ses frères jusqu'à ce qu'il soit suffisamment fort pour supporter leurs regards.
Wylan s'était proposé pour servir de chaperon au jeune homme, il ne savait pas trop pourquoi d'ailleurs. Mais cette histoire le touchait. Il était venu voir Alemdar plusieurs fois depuis trois jours, depuis qu'il avait été assommé par un garde, puis soigné pendant plusieurs marques par une clique de Guérisseurs spécialisés en Guérison de l'Esprit.
"ça ira… je vous assure, ça ira."