Enora sourit, Dunwyn semblait percer à jour son chat avec facilité. Il était vrai, aussi, que ce n'était pas difficile. Son chat était de ceux sur qui le visage est comme un livre ouvert. Tout ce que Grabuge pensait, on le voyait reflété dans ses yeux et son visage. Il en était presque humain parfois. Ça faisait surtout bien rire la jeune fille.
En ce moment, d'ailleurs, on pouvait lire une sorte de calcul dans les yeux du félin. Il essayait sans doute de trouver un moyen de regagner l'attention. Mais la grise se dit qu'il était temps d'y mettre fin, avant qu'il n'ennuie réellement le jeune mage devant eux. Et elle trouvait sa compagnie amusante.
"Oui, du genre à chaparder de la crème chantilly, du lait, ou du poulet. Et les cuisiniers le laissent presque faire. Mais comment en vouloir à un être aussi gentil et mignon ? Je l'ai souvent surpris à consoler les filles de cuisine, les marmitons, et même une fois le cuisinier. Il a un don ce chat."
Elle s'approcha donc jusqu'à ramasser le chat délicatement, avec tendresse. Elle installa le géant dans ses bras et ce dernier se mit en devoir de lui démontré toute son affection. Il se mit à la lécher consciencieusement, avec tendresse et peut-être un petit quelque chose de malicieux. Enora ne put s'empêcher de rire un peu sous la chatouille.
"Oui Grabuge, moi aussi je t'aime."
Elle se mit à le caresser avec vigueur, car elle savait qu'il aimait bien ce genre de traitement aussi. Puis, tout en continuant les caresses et de se faire câliner en retour, elle retourna son attention sur le jeune homme. Elle sourit un peu tristement. Oui, trouver sa place lui a pris du temps. Beaucoup de temps. Sa famille était aimante et tout, mais il y avait tellement d'écart entre elle et ses frères, et elle et ses parents aussi. Ses derniers étaient beaucoup trop impliqués dans la politique, dans la gestion de leur terre aussi. Elle les adorait, mais elle n'avait jamais eu sa place au manoir. Pas plus avec les paysans non plus, elle était la fille de leur seigneur.
En arrivant ici, elle s'était aussi rendu compte que les livres étaient loin de la vérité et que la noblesse de coeur était souvent mise de côté devant les privilèges et le sang. Et son élection l'avait sauvé de quelque chose de brutal et d'horrible.
"Oui, c'est une surprise, et s'il ne l'avait pas fait... et bien je serais peut-être morte, ou, à tout le moins, j'aurais subi quelque chose d’horrible. Il m'a aidée à comprendre où était ma vraie place, même si au départ, cela m'a quand même causé bien des problèmes avec plusieurs bleus qui ne m'avaient jamais aimée."
Elle sourit à Jorel avec toute l'affection qu'elle ressent pour lui. Il est sa moitié, son âme sœur, en quelque sorte. Elle préférerait revivre mille fois la journée de son élection que de le perdre.
"Oui, c'est différent, mais en fait mes cours n'ont pas tellement changé, je dirais. C'est surtout le regard des autres qui change quand on est vêtus de gris. Parce qu'avant j'étudiais pour être ambassadrice ou diplomate. Les cours sont très semblables donc, sauf pour l'équitation et les cours de survie."
Et vient alors la question. Avant, la blessure aurait été grande, la honte surtout. Heureusement, Enora avait grandi et pris de la maturité face à sa relation avec Jorel.
"Non, malheureusement, nous ne parlons pas par l'esprit. Je ne sais pas pourquoi, mais nous pouvons échanger nos idées, des images, des impressions, des odeurs, et tout cela, mais pas des mots. C'est une forme de communication intéressante. Parfois très rapide, mais difficile pour de vrai conversation. On a développé des alternatives. Ce n'est pas au point de la Héraut Talia, mais nous arrivons à bien nous comprendre malgré tout."