Fleur écouta la correction que Thalyana fit au sujet de ce qu'elle avait (mal) comprit, et la jeune femme hocha la tête:
"Bien entendu, je suis d'accord"
La jeune femme n'était pas du genre à se braquer trop longtemps, ça en devenait interminable, alors, elle abonda dans son sens. De toute façon, elle était vraiment d'accord avec le fond. Et Thalyana ne semblait pas prête à lâcher le nom du géniteur secret de la petite, Fleur dut donc pour le moment en rester là. Mais elle connaîtrait la vérité avant longtemps, elle en était sûre! Il faudrait juste un peu de patience, une vertu qu'elle ne possédait malheureusement pas.
Le sujet sur Riannon s'épuisa aussi, et il n'y avait rien à dire de plus que les civilités d'usage qu'elle avait exprimé plus tôt.
En revanche, la discussion autour du métier de Pluiechantante ne finissait pas de rebondir. Fleur, qui n'avait pas l'habitude qu'on la force tant à creuser, chercher des arguments, laissa échapper un soupir. Elle commençait à entendre dans le ton de la guérisseuse de la réprobation.
"En vérité, vous n'êtes pas loin de la réponse. Un homme, dans mon milieu, peut se marier, avoir une maîtresse, sortir dans des endroits... particuliers, fréquenter des prostitués. C'est acquis, c'est un homme, c'est ainsi. Il n'y a rien de choquant. Tant que tout cela reste dans des proportions... normales. Une femme ne peut pas faire ça, sauf si elle s'est arrangée avec son époux mais dans ce cas l'absolue discrétion est de mise. Pour revenir à la Kestra'chern, en ce qui me concerne, je ne pense pas que mon époux laisserait une autre personne que lui poser ses mains sur moi, en dehors d'un guérisseur du Collegium, ou d'une sage-femme le temps venu."
Elle n'avait jamais eu à tester l'éventuelle jalousie d'Owen. Mais elle le connaissait bien et nul doute qu'il refuserait de la partager, comme un jouet. Après tout, c'était encore à bien des égards un enfant.
Puis quand Fleur répéta ce qu'on lui avait appris, elle eut la surprise désagréable de voir Thalyana lui rire au nez et lui répondre que non, elle n'était un modèle pour personne. Pour le coup, la jeune femme, qui était pourtant difficile à vexer, vit rouge. Qui était-elle, cette guérisseuse de campagne pour remettre en cause le rôle de la Noblesse de Valdemar?! Elle referma son éventail d'un coup sec.
"Je vous demande pardon, mais mes mimiques comme les appelez sont partie intégrante de ma personnalité! Et je n'apprécie guère entendre de fait que je suis inutile! Je ne peux pas parler au nom de tous les nobles de ce pays, bien entendu, mais en ce qui me concerne oui, j'espère bien être une exemple, et faire du bien autour de moi. Savez-vous l'importance de Trevale dans l'est? Combien de personne le domaine fait tout simplement vivre? Quel travail c'est que de garder une exploitation de cette envergure pérenne, afin que chacun puisse en vivre décemment, les nobles comme le peuple?"
Tient donc, mais c'est que la future Dame de Trevale perçait sous la frêle jeune mariée!
"Alors si vous jugez que nous sommes ridicules, grand bien vous fasse, mais pas moi. Chacun ces codes, et son éducation. Vous remettez la mienne en question et ça, je ne vous le permet pas. Les seules personne à qui je dois rendre des comptes sont mon époux, ma famille, et mon Roi."
Thalyana ne le savait sûrement pas, mais elle venait de faire une expérience que peu de gens avaient fait, celle de voir Fleur en colère. C'était extrêmement rare tant la jeune femme était de bonne composition. C'est dire si les propos de la guérisseuse étaient mal venus!
Et la suite de son discours n'arrangea pas les choses.
"J'aime beaucoup les ragots, pourtant, je ne crois pas être animé des pires sentiments, moi!" se récria-t-elle.
Tout le monde s'accordait à dire qu'elle était charmante, depuis sa naissance. Il n'y avait pas plus gentil qu'elle et la méchanceté la révoltait.
Elle se leva un peu brusquement et épousseta sa robe avec application tout en continuant:
"Vous deviez peut-être prendre exemple, oui, et peser vos mots si à l'avenir vous vous retrouvez au milieu de la bonne société."
Elle se calma, et poursuivit, voulant réellement prévenir la jeune femme de futurs problèmes:
"Vos commentaires sur notre style de vie ne seront pas pris avec humour, ou légèreté. On ne me vexe pas facilement, et vous avez réussi à le faire, alors, avec mes pairs, je vous garanti que la réaction sera plus hostile que la mienne. Tout vaniteux que nous soyons, j'espère que vous n'ignorez pas notre pouvoir de nuisance. Même moi, qui ne ferai de mal à une mouche, je le sais. Vous me conseillez d'aller voir Pluiechantante, fort bien, peut-être irais-je après tout, en retour, laissez-moi vous en donner aussi un conseil. Faites attention à ce que vous dites, et à qui. Vous êtes souvent à la caserne, profitez donc en pour apprendre quelques base avec le Capitaine Beltran qui est très au fait de nos us et coutumes."
Un peu effrayée par ce qu'elle était capable de dire, elle s'accroupit devant Thalyana, adoucissant encore son ton:
"Et je vous en prie, ne prenez pas mes mots pour une quelconque menace, c'est un conseil... amical. Vous êtes Guérisseuse et avait donc un statut très particulier aux Collegia, au Palais, cependant, il n'est jamais vain d'avoir l'estime et la protection d'un Noble."