Auteur Sujet: La vérité est cachée au fond du jardin  (Lu 9933 fois)

Fleur de Trevale

Re: La vérité est cachée au fond du jardin
« Réponse #15 le: 25 juillet 2014, 20:19:37 »
Fleur était frustrée. Frustrée de ne pas réussir à faire dire le nom du père de Liane à Thalyana. Bon sang, ce n'était pourtant pas loin! Elle n'avait pas dit son dernier mot!

"Enfant, j'étais folle de mon père, je peux comprendre qu'elle soit si heureuse de vivre avec lui à demeure. Ce n'est pas donné à tout le monde de pouvoir grandir un peu dans cet univers n'est-ce pas? L'avantage d'avoir un père haut gradé!"

Encore de la supposition qu'elle affirmait comme une vérité. Elle ne prêchait pas le faux mais l’hypothétique pour savoir le vrai. Tout un talent qu'elle maîtrisait depuis quelques années déjà!
Quand Thalyana lui parla des visites que la petite fille rendait à sa mère, Fleur se fustigea mentalement. Elle n'avait jamais essayé de réfléchir à qui était allé souvent rendre visite à Riannon, de sexe masculin, ayant l'âge d'être le père de Liane. Elle savait qu'Alemdar s'y était rendu, mais ça ne pouvait être lui, même s'ils se connaissaient d'avant, ce qui n'était pas impossible, car dans ce cas la petite ne logerai pas à la Caserne, mais avec le Roi détrôné de Retwellan. Du reste, elle ne savait pas qui était venu, ne s'étant pas plus renseignée que ça. Oh, elle le ferait si elle n'apprenait pas la vérité d'ici là, mais cela dit, ça ne coûtait rien d'essayer avec Thalyana:

"C'est une chose difficile que d'être astreint à rester dans un lit de malade si longtemps. J'espère que Riannon a eu d'autres visites que celles de sa fille pour occuper son temps?"

Au sujet des enfants, Fleur, qui était si fine pour savoir quand on lui cachait des choses ne sentit pas la réprobabtion de la guérisseuse. Elle se contenta de confirmer:

"Les enfants sont parfaitement heureux avec leur nourrice. Ils n'ont pas leur place en société."

C'est vrai quoi, que feraient les femmes pendant les réceptions ou réunions s'il fallait surveiller leur progéniture prompte à courir partout et bousculer les gens? Non, quand on recevait, on les faisait venir quelques minutes pour présenter un charmant tableau familial pour les renvoyer dans la nurserie. L'ordre des choses en somme.

Quand le sujet de Pluiechantante fut de mise, ce fut un camaïeu de rouge qui se déclinait sur les jours des deux jeunes femmes, aussi gênée l'une que l'autre. Il est vrai que le sexe était un sujet rarement abordé en société, plus encore entre deux personnes qui se connaissaient si peu.
Les prostituées, Fleur connaissait bien sûr. Elle avait été fiancée à Arsène Krohp, ça décillait les yeux sur quelques pratiques! Et puis dans leur milieu, c'était somme toute courant qu'un homme aille chercher son plaisir ailleurs, avec une femme dont c'était le métier. Cependant, jamais Fleur n'aurait imaginé que celles-ci soient au courant de tous leurs secrets. C'était bon à savoir, même si elle n'en était pas à aller fréquenter des filles de joies pour satisfaire sa curiosité, pas plus que les payer pour des ragots.
Enfin, heureusement, Owen ne se confiait qu'à elle! Et ne couchait qu'avec elle d'ailleurs! Elle l'imaginait mal faire appel à une prostituée, quelle blague!
Cela dit, elle pouvait comprendre que les hommes se laissent aller à des confidences après l'amour. Owen n'avait pas grand chose à dire, dieux merci, mais il se montrait invariablement mielleux et bavard quand il lui avait fait l'amour. Ce devait donc être un trait commun de la gent masculine.

Est-ce qu'elle connaissait le concept de coeur brisé?! Bien sûr, elle était une jeune femme tout de même!
Pourtant, dans la bouche de Thalyana, le concept était beaucoup plus glauque que dans les balades ou les livres! Parce que cela pouvait être réel. Bon dans son cas, il était peu probable qu'elle meurt de chagrin si Owen disparaissait. Elle serait triste bien entendu, mais pas au point de se laisser mourir. La vie continuerait!

Fleur n'avait pas de meilleure amie, mais elle avait sa soeur jumelle. Bien sûr, elles ne se voyaient plus, elle à Haven, sa soeur dans son manoir éloigné, mais elle savait ce c'était de se sentir si proche d'une personne, totalement comprise. Cependant, elle se montrait plus réservée quant à se confier à un inconnu quand on n'avait une telle personne dans sa vie. Elle eut une moue dubitative qui le fit certainement comprendre à Thalyana. Elle coupa la poire en deux:

"Je comprends une partie du raisonnement. Mais ça ne veut pas dire que je l'approuve. Enfin, je sais que les hommes ne se confient pas entre eux, alors pourquoi pas... Mais les femmes..."

Elle haussa les épaules. Pour elle, les femmes avaient toujours quelqu'un à qui poser des question, ne serait-ce qu'une vieille nourrice. Cela dit, pour les questions gênantes peut-être... Mais était-ce une raison pour se laisser toucher si intimement par une autre femme?
Fleur était perdue.

Il fallait bien avouer que l'idée d'aller voir Pluiechantante était séduisante étant donnée sa position par rapport aux enfants royaux et à Liane. Mais ça ne suffisait pas à rattraper les rumeurs sur son comptes.

"Vous donnez trop d'importance au rôle de marraine de Pluiechantante par rapport aux rumeurs, je vous le garanti... Les choses ne sont pas aussi simples..."


Et cela n'ennuyait pas Fleur plus que cela. Cela compliquait certaines choses au quotidien, certainement, mais elle avait grandit avec ces codes.
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Thalyana

Re: La vérité est cachée au fond du jardin
« Réponse #16 le: 25 juillet 2014, 22:08:15 »
Fleur de Trevale savait-elle qui était le père de Liane? Elle en donnait l’illusion en tout cas. Mais en bonne courtisane, elle savait forcément comment avoir l’air au courant de tout. Prudente, Thalyana partait du principe que la dame ne savait rien.

« Haut gradé? Ah... En tout cas, la caserne semble réussir à la petite. Et je pense que n’importe quel soldat dans cette situation se verrait octroyer le droit de garder sa fille avec lui. »

Beltran l’aurait autorisé sans aucun doute. Il aimait ses hommes, qui le lui rendaient bien. Elle ne l'imaginait pas empêcher un homme de recueillir sa fille si la mère de celle-ci était dans l'impossibilité de s'en occuper.

Quant à la longue convalescence de la Doyenne, elle avait été en grande partie solitaire. Riannon supportait encore difficilement la présence des gens, et elle portait encore trop lourdement le poids de sa conscience. Bientôt, elle pourrait affronter les autres. Mais pas encore.

« Je ne m’occupais pas de la Doyenne, je ne sais donc pas qui lui rendait visite. Et même si c’était le cas, je ne pourrais malheureusement pas en parler. Cela fait partie du secret professionnel. »

En fait, si elle n’avait pas soigné elle-même la Barde, elle avait aidé. Et c’était elle qui l’avait récupérée, le fameux jour. Mais elle ne préférait pas en parler. Et elle n’avait pas menti, elle était tenu au secret. D’une part en tant que Guérisseuse, d’autre part parce que Beltran lui avait demandé d’être discrète.

Fleur semblait heureuse avec les habitudes de sa classe. Tant mieux, au fond. Thalyana aurait trouvé très triste de ne pas participer à la vie de ses parents. Elle avait adoré singer son père lors de ses entraînements, et apprendre de sa mère comment cultiver les plantes. Elle avait aimé écouter ses oncles et tantes raconter des histoires aux repas familiaux, et leur poser des questions.

« Non, effectivement, pas dans la vôtre.»

Parler des Kestra’cherns mettait les deux femmes très mal à l’aise. Cependant, les causes en étaient probablement très différentes. Thalyana était d’un naturel plutôt timide, et elle rougissait facilement. Parler de sexualité ne la dérangeait pas, quand c’était dans un contexte s’y prêtant. En discuter avec une noble coincée, c’était autre chose. Surtout que ladite noble semblait décidée à être outrée.

« Ah... c’est cet aspect-là qui vous dérange? L’homosexualité vous rebute-t-elle? Je ne sais pas si Pluiechantante couche avec ses patientes. Je sais qu’elle les masse. Mais c’est très différent. Et même si elle couche avec elles... honnêtement, une femme peut prodiguer de l’attention à une femme.» Elle était très très rouge. « La finalité n’est pas... enfin... la même qu’avec un homme. Mais... euh... enfin. S’il s’agit de réconforter, je pense que le sexe a très peu d’importance. En même temps, je suis très mal placée pour en parler, j’étais parfaitement innocente avant Kalaïd...»

En fait, elle n’avait aucune idée de sa réelle orientation sexuelle. Elle ne s’était jamais posé la question avant Kalaïd, et maintenant, ce n’était plus d’actualité. Mais elle parvenait sans peine à imaginer ce qu’une femme pouvait faire à une autre femme.

Quant aux rumeurs qui courraient sur Pluiechantante, elles étaient simplement ridicules. Mais celle-ci était bien trop sage pour les écouter et les démentir. Elle avait repris sa vie tranquillement, et d’après ce que Thalyana avait vu, elle s’était particulièrement rapprochée de son amie Tayledras, la mage un peu effrayante. Elle semblait se remettre, même si Thalyana la trouvait moins “brillante” qu’avant. Liane en tout cas était très heureuse d’avoir sa tatie pour elle. Et elle se souciait comme de sa première couche des regards qu’on leur lançait parfois.

« La vie doit être bien compliquée quand on la vit selon le regard des autres, et non selon son propre chemin. Si le Roi lui-même s’entretient avec elle, j’aimerais savoir pourquoi sa réputation serait trop mauvaise pour une simple noble. »

Elle était légèrement irritée maintenant.
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Fleur de Trevale

Re: La vérité est cachée au fond du jardin
« Réponse #17 le: 26 juillet 2014, 15:21:47 »
Encore raté! Fleur se voyait confirmait le poste plutôt haut place du papa mystère sans connaître son nom. Elle abandonna les questions indirectes mais resta sur le même sujet, le nom pouvait toujours échapper à Thalyana, et s'étonna:

"Vous pensez qu'une enfant est à sa place dans une caserne? Quand on y a un logement confortable pour elle, peut-être, mais sinon, j'en doute..."

C'était raté aussi du côté de son investigation sur Riannon. Mais ça, ce n'était pas grave du tout, il lui suffisait en repartant d'aller faire un tour et de questionner les bons domestiques. Elle devrait pouvoir rencontrer ceux qu'elle connaissait quand elle était une simple Bleue.

"J'espère qu'elle sera de nouveau sur pied, c'est quelqu'un qui sait très bien gérer son Cercle." commenta tout de même Fleur poliment.

Ca n'était un secret pour personne que Riannon était une personne extrêmement compétente, que  ce soit pour son métier de Barde ou ses responsabilités de Doyenne. Tout comme elle avait un caractère explosif. Elle devait fatiguer le Collegium des Guérisseurs.

Le sujet de la place des enfant fut bouclé sur la remarque de Thalyana. Leurs éducations avaient été si diamétralement opposées que même avec un débat plus poussé, il aurait été impossible qu'elles s'entendent. Mais Fleur ne le prenait pas mal.
En revanche, la discussion autour de Pluiechantante ne faiblissait pas, au contraire, et donnait lieu à évoquer certaines pratiques qui mirent Fleur mal à l'aise. Oui, il était possible de la mettre mal à l'aise! Surtout en posant des questions directes dans un vocabulaire tout sauf imagé!

"Non, ça me rebute pas, j'ai passé de nombreuses années au Collegium je vous rappelle."

Et mine de rien, quand on vivait à Haven et plus encore dans l'enceinte des Collegia, on faisait forcément face à l'amour entre personne du même sexe tant la population était cosmopolite. Fleur n'était pas homophobe, et elle était terriblement fleur bleue, donc si une personne en aimait une autre, qu'elle soit un homme ou une femme, finalement quelle importance tant qu'on était amoureux? Sauf que dans son milieu, quand on n'était ni Barde, ni Héraut, ni Guérisseur, bref, qu'on représentait surtout son Nom, ça s'affichait rarement. Un homme se mariait avec une femme, et chacun faisait ce qu'il voulait ensuite (surtout l'homme il fallait l'avouer) mais en toute discrétion. Ce qui impliquait de ne pas se montrer quand on allait rencontrer une femme comme Pluiechantante, que ce soit pour un simple massage ou plus. Surtout quand on était une femme!

Thalyana lui parla même de sa propre expérience, et Fleur ne sut pas tellement quoi répondre, certainement pas qu'elle était vierge avant le mariage elle aussi, ce n'était pas le sujet. Pas plus qu'elle n'allait rajouter qu'étant donné son état, même si elle allait se marier, il était préférable qu'elle ait au moins réservé sa vertu à l'homme qu'elle épouserait bientôt!

Puis Thalyana commenta la difficulté de la vie des nobles si l'on devait tout prendre en compte continuellement, en finissant par citer le Roi pour témoin.
Fleur comprenait que la guérisseuse fut légèrement exaspérée, mais ça ne la troublait pas personnellement. Elle répondit tout d'abord ce qu'elle avait souvent entendu dans la bouche de sa nourrice et de son père, quand ils essayaient de lui inculquer les bases de la vie en société:

"Nous sommes nés en jouissant de certains privilèges, je ne crois pas que ce soit cher payé que de réfléchir à ce que nous faisons. Nous sommes des personnes publiques, avons souvent de grandes responsabilités, nous devons être un exemple."

Sur le papier, c'était bien joli tout ça. Mais si on jugeait cette maxime à la lumière de leur conversation, cela ne voulait plus rien dire. En vérité, c'était surtout au yeux des autres nobles qu'il fallait donner le change, au risque de se voir affublé d'une réputation, méritée ou non. Mais encore une fois, c'était le jeu. Si on était respecté, on avait du pouvoir, Fleur l'avait très vite compris.

"Je ne trouve pas ma vie compliquée, je vous l'assure, mais j'ai grandit ainsi. Quant au Roi..."

Elle hésita tout de même à continuer. Répandre rumeurs et ragots sur les nobles, les Hérauts, les Bardes... c'était une chose, mais sur la famille royale! Bien sûr elle le faisait, mais en présence de personne de son milieu.

"Avec tout le respect que j'ai pour notre souverain, sa position ne le met pas à l'abri des jugements. C'est une remarque générale bien sûr, car je n'ai jamais entendu, et j'entends beaucoup de chose, quoique ce soit à son encontre au sujet de Pluiechantante, vous pouvez en être sûre."
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Thalyana

Re: La vérité est cachée au fond du jardin
« Réponse #18 le: 26 juillet 2014, 17:20:43 »
Parfois, Thalyana avait l’impression que les mots qu’elle formulait dans sa tête sortaient de sa bouche sous une forme toute différente. Il lui semblait avoir simplement constaté que Liane appréciait de vivre à la caserne. Pas que c’était sa place.

« Je n’ai jamais dit cela. Mais la place d’un enfant est auprès de ses parents, quand c’est possible. Si j’étais dans l’impossibilité de prendre soin de ma fille, j’aimerais que Kalaïd la garde près de lui. »

Thalyana ne commenta pas la présence ou l’absence d’une chambre pour Liane. Donner une telle information risquait de révéler l’identité du père. Qui, à la caserne, avait des appartements suffisamment vastes pour accueillir une fillette et sa nourrice ? Bien peu...

Au moins, Fleur eut l’élégance de ne pas poursuivre avec sa curiosité indélicate quant à Riannon et ses visites.

« J’espère aussi qu’elle reprendra bien vite sa place... » * Même si c’est très peu probable *

Thalyana doutait que Riannon ait la force de reprendre sa place avant longtemps. Si d’aventure on lui laissait la reprendre. Ce qu’elle avait commis, même si elle y avait été contrainte, était une trahison, purement et simplement. La jeune Guérisseuse ne connaissait pas tous les détails. Mais sa présence sur les lieux avaient obligés ses supérieurs à l’informer un minimum, pour qu’elle réalise l’importance de son silence.

Si l’homosexualité n’était pas la source du dégoût de la jeune noble, Thalyana ne voyait pas ce qui pouvait l’être. Si on admettait les relations homosexuelles, il n’y avait alors plus de raison de condamner plus sévèrement les soins que Pluiechantante prodiguait aux femmes que ceux dont elle gratifiait les hommes.

« Alors pourquoi cela vous choque-t-il davantage que Pluiechantante s’occupe de femmes ? Selon vous, seuls les hommes peuvent s’autoriser ce genre de “plaisirs”?  Sincèrement, je ne comprends pas. C’est comme si vous préfériez être choquée plutôt que d’admettre la légitimité de la chose. Est-ce parce que cela contrevient trop à votre éducation ? »

Pleine d’un bon sens typiquement terrien, et même parfois terre-à-terre, Thalyana ne comprenait simplement pas qu’on réprouve quelque chose dont on comprenait l’utilité, ou la réalité. Pour elle, même si la profession de Kestra’chern était étrange, elle en comprenait l’utilité, et ne voyait donc aucun problème à ce que des gens l’exercent.

Quand Fleur prétendit que les nobles se devaient de montrer l’exemple, Thalyana fit quelque chose qu’elle ne faisait quasiment jamais. Elle éclata de rire. Cela commença par une main placée vivement devant sa bouche. Puis ses épaules tressaillirent et se secouèrent par à-coups. Enfin, elle laissa sa voix exprimer ce fou rire contenu.

La grossesse avait de nombreux désavantages. Mais pour Thalyana, le pire était qu’elle exacerbait les émotions, et qu’elle avait donc un mal fou à les contenir.

« Pardon... navrée. » Elle essuyait les larmes qui avaient perlé au coin de ses yeux. « Je ne voulais pas vous offenser... mais un modèle... c’était trop drôle. Un modèle pour qui ? Le peuple ? Si vraiment vous étiez le modèle du peuple, tout le pays marcherait sur la tête ! Vous connaissez le proverbe qui dit qu’un vautour n’est beau que pour ses congénères ? Je crois qu’il vient des Tayledras. Bref... C’est exactement ça. Vos mimiques et vos manières n’ont d’importance que pour vos semblables. Le peuple les trouve certainement ravissantes. Aussi ravissantes que la queue d’un paon. Donc parfaitement inutiles. »

C’était dit sans méchanceté, avec une franchise à faire fuir n’importe quel courtisan. Thalyana n’était pas douée pour les ronds de jambe.

« Mais je suis heureuse d’apprendre que votre vie vous convient. Après tout, vous avez été éduquée pour survivre dans cet univers... »

C’était un véritable euphémisme qu’employait là Fleur de Trevale. Il y avait quantité de ragots et de rumeurs qui circulaient sur le Roi. La plupart étaient simplement ridicules, d’autres idiotement offensantes, et certaines simplement révoltantes. Le Roi Arthon était, d’après l’opinion de Thalyana, un bien brave homme.

« Les ragots et les rumeurs se nourrissent des pires sentiments : la peur, l’envie, la rancœur, l’incompréhension. Sincèrement, vous rendriez un grand service à tous en allant parler à Pluiechantante. Peut-être vos préjugés se trouveraient alors incapables de survivre à la réalité. Et vous pourriez ainsi contribuer à restaurer l’honneur d’une personne dont la réputation a été injustement salie. »

Elle ne savait pas trop ce qui la poussait à défendre ainsi la jeune femme. Peut-être avait-elle simplement été touchée par le courage dont avait fait preuve la Kestra’chern en affrontant quelque chose qu’elle n’était pas en mesure de vaincre, et qu’elle avait cependant défait.
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Fleur de Trevale

Re: La vérité est cachée au fond du jardin
« Réponse #19 le: 26 juillet 2014, 20:12:29 »
Fleur écouta la correction que Thalyana fit au sujet de ce qu'elle avait (mal) comprit, et la jeune femme hocha la tête:

"Bien entendu, je suis d'accord"
 
La jeune femme n'était pas du genre à se braquer trop longtemps, ça en devenait interminable, alors, elle abonda dans son sens. De toute façon, elle était vraiment d'accord avec le fond. Et Thalyana ne semblait pas prête à lâcher le nom du géniteur secret de la petite, Fleur dut donc pour le moment en rester là. Mais elle connaîtrait la vérité avant longtemps, elle en était sûre! Il faudrait juste un peu de patience, une vertu qu'elle ne possédait malheureusement pas.
Le sujet sur Riannon s'épuisa aussi, et il n'y avait rien à dire de plus que les civilités d'usage qu'elle avait exprimé plus tôt.

En revanche, la discussion autour du métier de Pluiechantante ne finissait pas de rebondir. Fleur, qui n'avait pas l'habitude qu'on la force tant à creuser, chercher des arguments, laissa échapper un soupir. Elle commençait à entendre dans le ton de la guérisseuse de la réprobation.

"En vérité, vous n'êtes pas loin de la réponse. Un homme, dans mon milieu, peut se marier, avoir une maîtresse, sortir dans des endroits... particuliers, fréquenter des prostitués. C'est acquis, c'est un homme, c'est ainsi. Il n'y a rien de choquant. Tant que tout cela reste dans des proportions... normales. Une femme ne peut pas faire ça, sauf si elle s'est arrangée avec son époux mais dans ce cas l'absolue discrétion est de mise. Pour revenir à la Kestra'chern, en ce qui me concerne, je ne pense pas que mon époux laisserait une autre personne que lui poser ses mains sur moi, en dehors d'un guérisseur du Collegium, ou d'une sage-femme le temps venu."

Elle n'avait jamais eu à tester l'éventuelle jalousie d'Owen. Mais elle le connaissait bien et nul doute qu'il refuserait de la partager, comme un jouet. Après tout, c'était encore à bien des égards un enfant.

Puis quand Fleur répéta ce qu'on lui avait appris, elle eut la surprise désagréable de voir Thalyana lui rire au nez et lui répondre que non, elle n'était un modèle pour personne. Pour le coup, la jeune femme, qui était pourtant difficile à vexer, vit rouge. Qui était-elle, cette guérisseuse de campagne pour remettre en cause le rôle de la Noblesse de Valdemar?! Elle referma son éventail d'un coup sec.

"Je vous demande pardon, mais mes mimiques comme les appelez sont partie intégrante de ma personnalité! Et je n'apprécie guère entendre de fait que je suis inutile! Je ne peux pas parler au nom de tous les nobles de ce pays, bien entendu, mais en ce qui me concerne oui, j'espère bien être une exemple, et faire du bien autour de moi. Savez-vous l'importance de Trevale dans l'est? Combien de personne le domaine fait tout simplement vivre? Quel travail c'est que de garder une exploitation de cette envergure pérenne, afin que chacun puisse en vivre décemment, les nobles comme le peuple?"


Tient donc, mais c'est que la future Dame de Trevale perçait sous la frêle jeune mariée!

"Alors si vous jugez que nous sommes ridicules, grand bien vous fasse, mais pas moi. Chacun ces codes, et son éducation. Vous remettez la mienne en question et ça, je ne vous le permet pas. Les seules personne à qui je dois rendre des comptes sont mon époux, ma famille, et mon Roi."

Thalyana ne le savait sûrement pas, mais elle venait de faire une expérience que peu de gens avaient fait, celle de voir Fleur en colère. C'était extrêmement rare tant la jeune femme était de bonne composition. C'est dire si les propos de la guérisseuse étaient mal venus!
Et la suite de son discours n'arrangea pas les choses.

"J'aime beaucoup les ragots, pourtant, je ne crois pas être animé des pires sentiments, moi!" se récria-t-elle.

Tout le monde s'accordait à dire qu'elle était charmante, depuis sa naissance. Il n'y avait pas plus gentil qu'elle et la méchanceté la révoltait.
Elle se leva un peu brusquement et épousseta sa robe avec application tout en continuant:

"Vous deviez peut-être prendre exemple, oui, et peser vos mots si à l'avenir vous vous retrouvez au milieu de la bonne société."


Elle se calma, et poursuivit, voulant réellement prévenir la jeune femme de futurs problèmes:

"Vos commentaires sur notre style de vie ne seront pas pris avec humour, ou légèreté. On ne me vexe pas facilement, et vous avez réussi à le faire, alors, avec mes pairs, je vous garanti que la réaction sera plus hostile que la mienne. Tout vaniteux que nous soyons, j'espère que vous n'ignorez pas notre pouvoir de nuisance. Même moi, qui ne ferai de mal à une mouche, je le sais. Vous me conseillez d'aller voir Pluiechantante, fort bien, peut-être irais-je après tout, en retour, laissez-moi vous en donner aussi un conseil. Faites attention à ce que vous dites, et à qui. Vous êtes souvent à la caserne, profitez donc en pour apprendre quelques base avec le Capitaine Beltran qui est très au fait de nos us et coutumes."


Un peu effrayée par ce qu'elle était capable de dire, elle s'accroupit devant Thalyana, adoucissant encore son ton:

"Et je vous en prie, ne prenez pas mes mots pour une quelconque menace, c'est un conseil... amical. Vous êtes Guérisseuse et avait donc un statut très particulier aux Collegia, au Palais, cependant, il n'est jamais vain d'avoir l'estime et la protection d'un Noble."
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Thalyana

Re: La vérité est cachée au fond du jardin
« Réponse #20 le: 26 juillet 2014, 20:44:34 »
Thalyana regretta bien vite son fou rire. Elle ne voulait pas vexer la jeune femme. Juste lui faire réaliser l’absurdité de ses propos. Elle s’y était prise avec maladresse, elle le savait. Mais elle peinait à se contrôler avec le maelström d’émotions qui tourbillonnaient constamment en elle. Elle n'avait pas réfléchi avant de parler. Elle savait avoir mal choisi ses termes. Elle aurait mieux fait de se taire, et de mentir quant à la cause de son fou rire. Mais Thalyana disait toujours le fond de sa pensée. Elle peinait à mentir, car elle ne supportait pas de trahir ses sentiments, et bien souvent, elle avait impression que l'autre pouvait sentir que ses mots n'étaient pas en accord avec ses émotions. Et elle détestait simplement le mensonge.  

Immédiatement, elle tenta de calmer le jeu. Elle supportait mal que l’on crie, et dans son état, cela conduirait immanquablement à une crise de larme.

« Je ne remets pas en cause votre utilité. Sincèrement, simplement l’idée que vous seriez des modèles pour le peuple. Je sais quel rôle vous remplissez. Je sais que vous êtes indispensables à la bonne marche du royaume... Je suis désolée de vous avoir vexée. Vraiment. Mais ...» *vous pourriez remplir votre rôle sans pour autant alourdir votre vie des chaînes inutiles que constitue une réputation “à tenir.”.*

Mais elle n’arrivait pas à s’excuser tant l’autre s’emportait en face. Elle tenta de mieux expliquer son propos, de calmer la jeune noble.

« Et je... je ne remets pas en cause votre éducation. J’expliquais simplement que votre monde est tellement éloigné de celui du peuple... il ne comprend pas vos agissements, je suis désolée de le dire. »

La colère avait poussé la jeune femme à prendre pour elle des mots qui ne la concernaient pas. Thalyana s’en mordit les lèvres. Elle se sentait vraiment mal maintenant. Elle sentait les larmes poindre. Elle avait honte. Elle ne voulait pas pleurer en public. Elle parla d’une vois éteinte:

« Ai-je que les gens qui les colportent sont animés de tels sentiments? Je parlais de ce qui nourrit les ragots, pas de ceux qui les écoutent...»

Fleur agenouillée devant elle tentait de lui faire croire qu’elle ne s’amuserait pas à détruire sa réputation. Thalyana ne la croyait pas. Mais elle s’en fichait, elle n’avait aucune réputation à tenir. Elle savait bien ce qui se disait sur elle, jeune fille non mariée enceinte. Les larmes, traîtresses, commencèrent à mouiller ses yeux. En vain, elle tenta d’expliquer encore une fois:

« Je suis navrée de vous avoir vexée... La grossesse a des effets étonnants sur le corps d’une femme, dont celui d’exacerber tous les sentiments, et de rendre quasiment impossible de retenir une larme ou un rire. La seule chose qui m’a fait rire, c’est votre idée que le peuple vous prendrait en modèle. Il en est incapable, votre comportement est bien trop sophistiqué pour être compréhensible à des gens simples comme nous. Pour nous, imiter les nobles, c’est comme de prétendre agir comme les dieux. Ça ne se fait pas, et on ne ferait que de se couvrir de ridicule.»  

Malgré ses larmes, Thalyana s’était efforcée de tourner ses propos de manière avantageuse pour les nobles, même si elle n’y croyait pas vraiment. Elle se fichait que la jeune fille ne l’appréciait pas, mais elle n’avait pas voulu la blesser, et se sentait désolée de l’avoir fait. Mortifiée, elle réalisa soudainement qu'elle diffusait sa honte et son peine autour d'elle, et elle remonta vivement ses boucliers, désolée que son interlocutrice ait eu à subir l'assaut de ses émotions à elle.

Elle essuya rageusement quelques larmes. Fleur la prenait pour une rustre. Ses menaces laissaient peut-être Thalyana de marbre, mais elle devait penser à Kalaïd. Cependant, elle ne pouvait s'empêcher d'en vouloir à Fleur, et aux nobles en particulier, d'appliquer leurs critères d'honneur sur tout le monde, y compris des gens simples comme elle dont les mœurs étaient bien différentes.  

« Je comprends parfaitement l'utilité d'une réputation sans tache.  Et je ne nie pas que nous autres, pauvres plébéiens, nous n’avons pas notre propre réputation. Simplement, je ne crois pas qu’elle soit salie si facilement. Voyez, vous me méprisez sans doute d’être enceinte sans être mariée. Cela vous choque, et cela vous amuse de flirter avec le scandale en venant me parler. Mais voyez, auprès des miens, ma réputation n’a pas souffert. Il a suffi que j’explique la situation pour que ma réputation soit lavée de toute tâche. »  
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Fleur de Trevale

Re: La vérité est cachée au fond du jardin
« Réponse #21 le: 28 juillet 2014, 21:25:08 »
C'était... sorti tout seul. Des années d'éducation noble avaient finalement servi à quelque chose et avaient transformé, l'espace de quelques minutes, la très pacifique et adorable Fleur de Trevale en jeune femme Noble à la fierté blessée.
Mais en vérité, elle s'épouvanta elle-même de ce qu'elle dit et de la façon dont elle le dit. Bien sûr, elle était vexée, mais il y avait milles autre façon de s'expliquer que celle-ci!
Et forcément, le résultat sur une jeune femme enceinte aux nerfs à fleur de peau ne fut pas très heureux. S'excusant, la voix de plus en plus basse, elle se mit même à pleurer. A pleurer! Fleur n'avait jamais, oh grand jamais fait pleurer quelqu'un! Et cela provoqua ses propres larmes par la même occasion.
Et soudainement, Fleur, qui se sentait déjà mortifiée, se trouva envahit par de puissants sentiments négatifs qui n'étaient pas les siens, elle le savait. La honte et la peine qui l'étreignait malgré elle et lui donnèrent la nausée et la firent paniquer. Elle recula de quelque pas et écarquilla les yeux en dévisageant Thalyana. L'impression de partager sa peine avait été furtive mais intense, et elle savait que cela venait de son interlocutrice. Quelle sort de magie était-ce?!

"Qu'est-ce que vous venez de me faire?" s’insurgea-t-elle d'une voix aiguë.

Elle rouvrit son éventail et le battit furieusement devant son visage pour se calmer, mais elle ne pouvait s'empêcher de balbutier:

"Je promets de ne pas me remettre à vous crier dessus mais ne recommencez pas ça!"


Puis elle répondit à la dernière accusation avec beaucoup de prudence, étant donné ce qu'elle venait de vivre:

"Je ne vous méprise pas mais oui, votre état me choque, bien sûr. A quoi vous vous attendiez de la part d'un femme comme moi? Et non, je ne m'amuse pas à flirter avec le scandale, en général j'essaye de l'éviter."


Elle aimait beaucoup le scandale, nuance! Mais elle s'abstint de le dire, sentant que ce n'était pas vraiment quelque chose à avouer.

"Nous nous sommes rencontrées par hasard ce soir, je n'ai pas couru après vous pour vous observer comme un animal..."

Si Fleur n'avait été qu'un observateur extérieur, elle aurait admit que Thalyana avait raison, dans le fond. Mais elle était elle, c'était bien le problème.
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Thalyana

Re: La vérité est cachée au fond du jardin
« Réponse #22 le: 29 juillet 2014, 13:33:01 »
Fleur de Trevale n’avait visiblement jamais fréquenté d’Empathe. Elle ne comprit pas ce qu’il s’était passé, et semblait persuadée que Thalyana avait tenté de lui faire du mal.

« Oh ! Pardonnez-moi... je suis vraiment désolée. J’ai une peine folle à garder mes barrières baissées. Je ne vous ai rien fait, en tout cas pas consciemment. C’est simplement mes émotions que vous avez perçues. Je suis empathe. Et une Empathe pas très douée à l’heure actuelle. »

Personne ne lui avait jamais dit que la grossesse pourrait perturber ainsi son contrôle. Évidemment, l’Empathie était un Don particulier, qu’il était quasiment impossible à barricader totalement. Et les barrières érigées pour le contenir pouvaient se briser sous le coup d’une émotion particulièrement forte. Thalyana avait énormément peiné à dresser des barrières satisfaisantes ; elle réalisait maintenant que ses efforts avaient été insuffisants.

Fleur prétendit ne pas la mépriser. Thalyana n’y croyait pas, mais elle s’abstint de tout commentaire. Elle avait fait bien assez de dégâts. Elle répondit par contre à la question rhétorique de la jeune femme.

« Je sais pas... vous pourriez simplement estimer que cela ne vous regarde pas, et que probablement, vous n’avez pas les éléments nécessaires pour juger la situation. »

Elle nia être venue lui parler en connaissance de cause. Sans doue disait-elle vrai. Personne ne l’avait vu se glisser dans le jardin, et on ne la voyait pas depuis le chemin. Elle esquissa un pauvre sourire.

« Alors vous devez bien être la seule. Combien sont venues me parler pour découvrir l’identité du père, et me plaindre d’un ton condescendant ? Combien chuchotent à mon passage ? Votre élévation morale doit être exceptionnelle... »

Thalyana ne se moquait pas. Elle pensait vraiment que si Fleur avait été sincère dans ses questions, et que son intérêt était réel, alors elle avait fait preuve d’une grandeur d’âme bien supérieure à celles de ses comparses. Les femmes nobles étaient décidément les pires. Elles étaient promptes à juger, à répandre des rumeurs et à s’amuser de l’effet que leurs mensonges provoquaient.

« Je suis sincèrement navrée, Dame Fleur. Je ne voulais pas vous froisser, ni même vous faire réagir. Je tentais simplement de vous expliquer quelque chose. Je l’ai fait avec une grande maladresse, je le sais bien. Mais cela ne m’arrive pas si souvent de parler de ce genre de choses. Et mon fou rire était très mal à propos. Mais je n’ai pu le retenir. Quant au choix de mes mots... il n’a pas été des plus délicats. Mais vous voyez bien, je ne suis qu’une pauvre paysanne sans raffinement. »
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Fleur de Trevale

Re: La vérité est cachée au fond du jardin
« Réponse #23 le: 29 juillet 2014, 20:22:28 »
Fleur avait déjà entendu parler du don d'Empathe, en cours, probablement. En tout cas, le terme ne lui était pas étranger, ni sa définition. Elle n'avait en revanche jamais eu à se retrouver confronté à l'empathie, et elle se promis d'éviter à l'avenir de se trouver dans la même situation.

Thalyana, était, en gros, en train d'essayer de lui faire comprendre à quel point courir après les ragots et s'en délecter était malvenu. Mais si Fleur était une personne facilement influençable sur bien des points, sur celui-là, il était impossible de lui faire entendre raison.
Se rendait-elle compte que cela pouvait blesser cruellement les personnes au sujet desquelles les gens parlaient?
Bien sûr que non.
Elle avait une vision très moderne sur ce point: elle prônait la libre circulation de l'information. Ce qui était plutôt paradoxal puisqu'elle-même avait des secrets qu'elle refusait de voir propagés, mais elle n'avait jamais prétendu être logique.
Elle savait qu'elle avait été un sujet inépuisable de ragot quand elle s'était marié en tout hâte avec Owen, à Trevale. Elle acceptait ce fait, parce qu'elle n'y pouvait rien. Nous étions tous amenés, à un moment de notre vie, à être au centre de l'attention des autres. Que celle-ci soit malavisée ou non.

"Probablement" répondit-elle toutefois, disposée à ne pas vexer de nouveau l'Empathe et faire face à ses sentiments.

Mais elle secoua la tête quand Thalyana lui dit qu'elle devait être exceptionnelle.

"Je ne crois pas être meilleure qu'un autre, ou du moins... que la moyenne des autres. J'essaye de ne pas faire souffrir les autres, car je déteste ça, et je ne dois pas être la seule, en tout les cas je l'espère."

Puis la guérisseuse s'excusa et Fleur lui sourit gentiment, pencha la tête et lui répondit:

"Vous n'êtes certainement pas sans raffinement. Ce n'est pas l’apanage des Nobles, croyez-le bien. Vous êtes très jolie et la grossesse vous va à ravir. Nous sommes d'accord sur un point, nous ne sommes pas du même monde. Cependant, nos mondes se mélangent, constamment. Essayer de vous battre contre les codes des classes différents de la votre qui ne vous plaisent pas... ce serait interminable."
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Thalyana

Re: La vérité est cachée au fond du jardin
« Réponse #24 le: 30 juillet 2014, 09:58:46 »
Thalyana se demandait ce qui fascinait tant les gens dans le fait de colporter des ragots et des rumeurs. Elle ne s’était jamais prêtée à cette activité qu’elle jugeait vaine et cruelle. Elle ne s’intéressait pas à la vie des gens, qu’ils pouvaient mener comme ils l’entendaient, du moment qu’ils ne commettaient aucun crime. Elle demandait le droit de vivre en paix, et l’accordait spontanément aux autres. Alors elle souffrait énormément de l’intérêt malsain qu’elle suscitait.

Elle se demandait souvent comment les gens avaient pu établir avec certitude qu’elle n’était pas mariée. Après tout, elle aurait pu être très secrète, plus encore qu’elle ne l’était réellement. De plus, elle doutait que quelqu’un ait obtenu l’autorisation de consulter des registres civils pour une question aussi triviale. Les rumeurs n’étaient donc fondées sur rien de concret. Elle ne comprenait d’ailleurs pas en quoi le fait qu’elle soit mariée ou non pouvait avoir une quelconque importance, ici en tout cas. Nombreux étaient les Hérauts et les Bardes qui avaient des enfants sans être mariés.

 Elle savait par contre pertinemment d’où venait la certitude que le père était un soldat ; elle passait de nombreuses heures à la caserne. Mais elle s’étonnait que personne ne soit parvenu à arracher la vérité entière à un soldat. Après tout, plusieurs étaient au courant, et ils ne se gênaient pas pour le montrer. Mais la solidarité était forte entre les soldats et ils protégeaient les leurs.

Elle soupira. Fleur de Trevale était plutôt un gentil spécimen de noble. Elle était sans doute bien trop simple et naïve pour voir le mal sous ses actions. Ça ne les rendait pas moins méprisables, mais il était plus facile d’excuser la jeune fille.

« Ce qui vous fait souffrir n’est sans doute pas la même chose que ce qui me fait souffrir. Je souffre moins de me faire jeter mes quatre vérités au visage plutôt qu’on chuchote dans mon dos. Vous souffrez sans doute de choses qui me laissent de marbre. C’est ainsi. Si vraiment vous ne voulez commettre aucun mal, demandez-vous ce qui fera souffrir l’autre... même si cette chose vous paraît absurde. »

Elle sourit avec gentillesse.

Fleur sembla accepter ses excuses à sa manière, et chercha même à complimenter la Guérisseuse. Mais Thalyana ne voyait pas le rapport entre la beauté et le raffinement. À ses yeux, ils étaient même diamétralement opposés.

« Je ne me bats pas contre eux. Je demande simplement à ce qu’on ne m’y soumette pas sans raison. Si je devais me présenter à la cour, certes, je me conformerais à ces codes. Mais dans mon environnement, dans ma vie quotidienne, je demande le droit de vivre selon les codes de ma classe. Je suis avant tout une Guérisseuse. Parmi les Guérisseurs, une grossesse est un bienfait, la plupart du temps, qu’importe que les parents soient mariés ou non. Qu’ils connaissent ou non l’identité du père, ils estiment que mes choix ne regardent que moi, tant que cela n’affecte pas ma santé, ni celle de ma fille. Vous laissez aux Hérauts le droit d’avoir une vie excentrique, des mœurs très libres. Certains remettent ce droit en question, mais la majeure partie du peuple et des nobles non. Pourquoi moi, qui me sacrifie pour le royaume presque autant qu’un Héraut, qui continue à travailler malgré ma grossesse, qui donne tout mon temps à la santé des autres, pourquoi moi aussi, ne pourrais-je bénéficier de la même indulgence ? »
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Fleur de Trevale

Re: La vérité est cachée au fond du jardin
« Réponse #25 le: 30 juillet 2014, 14:47:13 »
Il fallait vraiment toute la patience de Thalyana pour essayer d'expliquer certaines choses à Fleur et ne pas s'emporter quand elle-ci répondait en toute innocence à côté de la plaque. Il n'était pas certain que face à quelqu'un d'autre, la jeune De Trevale ait bénéficié de la même indulgence. Mais l'Empathe, de par son don, avait une grande maîtrise d'elle-même qui l'empêchait certainement d'avoir envie d'étrangler son interlocutrice, surtout quand celle-ci répondit:

"Je ne crois faire souffrir personne. Jamais. Sauf tout à l'heure quand je vous ai crié dessus, mais ça n'arrive jamais!"

Fleur était sensible et incapable de faire sciemment du mal mais elle manquait de profondeur pour se rendre compte de la réelle portée de ses actes, et surtout de ses paroles. L'absurdité d'une source de malheur pour une autre personne ne lui venait même pas à l'esprit.  

Puis Thalyana donna son point de vue sur le respect des codes de conduite des autres, mais bien sûr, Fleur ne partageait pas du tout son point de vue.

"Pour ma part, je n'ai jamais dit que j’approuvais la vie... libérée des Hérauts. Il est vrai cependant qu'ils ont, aux yeux de tous je crois, plus de prestige que les autres cercles du royaume. Car ça ne m'empêche pas de beaucoup les admirer! Mais je ne crois pas qu'essayer d'être reconnue comme un Héraut soit un combat utile à mener, ça me semble perdu d'avance... Enfin, quand vous êtes chez vous, dans l'intimité ou avec votre cercle, bien sûr que vous vivez comme vous l'entendez, selon vos valeurs. Vous savez, moi je sais que l'on a parlé dans mon dos lorsque j'étais en Lune de Miel, et ce n'est pas grave!"

Dieux qu'elle était naïve...
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Thalyana

Re: La vérité est cachée au fond du jardin
« Réponse #26 le: 02 août 2014, 10:40:19 »
L’idée que Fleur était peut-être légèrement “simple d’esprit” avait effleuré Thalyana. Mais elle penchait plutôt pour une naïveté totale et une candeur presque effrayante. Comment pouvait-on en tout bonne foi prétendre ne jamais faire souffrir personne? A la rigueur, on pouvait affirmer faire de son mieux et espérer que cela suffise. Car il était tellement facile de faire du mal sans le vouloir. Thalyana avait très certainement heurté ses parents en négligeant de les mettre au courant. Et ne blessait-elle pas parfois ses semblables, par une parole un peu rude? Fleur se pouvait-elle pas se rendre compte que son attitude pouvait vexer bien des gens? Sans doute pas. Elle vivait dans un monde qui paraissait si simple, si délimité.

« Vous avez bien de la chance de ne jamais faire souffrir personne...»

Thalyana ne mit aucun sarcasme dans sa voix, bien qu’elle en ait très envie. La noble n’aurait pas compris. Et il n’y avait aucune gloire à se moquer de quelqu’un comme elle.

Fleur de Trevale semblait parfaitement adapté au monde dans lequel elle vivait. Elle en acceptait les règles sans sourciller et les considérait comme immuables. Elle jugeait les autres à l’aune de sa propre vie. Si elle-même acceptait avec grâce d’être la cible des ragots, il devrait en être de même pour tous.

Thalyana trouvait pourtant très légitime de demander un minimum de reconnaissance. Et si celle-ci lui était refusée, elle ne désirait qu’avoir la paix. Elle souhaitait pouvoir vivre soulagée du poids des regards malveillants. Car elles souhaitaient faire du mal, ces personnes qui médisaient dans son dos, qui lançaient des rumeurs sans fondement et traînaient sa vie dans le boue. Qu’importe que dame Fleur prétendre qu’il n’en était rien, que les ragots n’étaient pas motivés par des sentiments mauvais. Peut-être qu’elle-même s’y voyait qu’un inoffensive passe-temps. Mais elle ne réalisait pas à quel point ce passe-temps était cruel. La rumeur pouvait anéantir un homme. Très souvent, c’était le but recherché. Comment alors prétendre que colporter des rumeurs était une activité totalement innocente?

« Et vous n’avez pas souffert de réaliser que ces personnes, qui sans doute vous étaient proches, prenaient plaisir à mentir sur votre compte? A déformer votre histoire? A nier votre vérité? N’avez-vous pas redouté de croiser à nouveau leur regard, de crainte d’y voir le mépris engendré par ces rumeurs? Et sans ça, comment supportez-vous de plaisanter le cœur léger avec des gens qui récemment encore riaient de votre vie? Sincèrement, j’admire votre capacité à prendre tout cela avec philosophie et recul. Vraiment. Moi, je ne peux pas.»
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Fleur de Trevale

Re: La vérité est cachée au fond du jardin
« Réponse #27 le: 02 août 2014, 14:45:27 »
"J'en ai conscience!" répondit joyeusement Fleur quand Thalyana lui dit qu'elle avait la chance de ne faire souffrir personne.

Il en fallait peu à Fleur pour être heureuse. Enfin, dans le sens d'être de belle humeur grâce à de gentille parole. Car comme la grande majorité des Nobles, toute gentille soit-elle, elle ne concevait pas sa vie en dessous d'une certaine abondance matérielle bien sûr.

"Mais j'ai aussi conscience que c'est loin d'être une généralité!" continua-t-elle avec gravité.

Ce n'était pas là une façon de se mettre en avant. Elle connaissait quelques personne pour qui faire souffrir les autres était un passe-temps comme un autre, et elle détestait cela.
Quand la guérisseuse la poussa à réfléchir sur ce qu'on avait pu dire sur elle, Fleur haussa les épaules:

"Je ne vais pas le leur reprocher du moment où ça n'atteint pas mon honneur. Je n'étais pas là, j'ai disparue de Haven assez soudainement et ils ont appris que j'étais mariée à Owen de Trevale, honnêtement, il y avait de quoi jaser! Je l'aurais fait si ça n'avait pas été moi! Je sais avec précision ce qui a été dit, souvent des bêtises, mais ça ne m'atteint pas comme ça le fait pour vous. Je suis revenue ici, heureusement mariée, et mon comportement a suffit à faire taire les plus bavards, ainsi que ma version des choses, voilà tout! Je n'ai pas eu l'impression qu'on m'ait regarder avec mépris ou quoique ce soit d'approchant, sauf de la curiosité. Après, il est tout à fait possible que ce que je considère comme de la curiosité soit vu comme du mépris pour vous, vous avez l'air sensible."

En effet, Thalyana donnait l'impression de beaucoup souffrir d'être l'objet de ragot. Fleur réfléchit quelques secondes puis poursuivit:

"Trop sensible. Peut-être parce que vous êtes empathe? J'ai grandit dans le monde que je fréquente, et grandit avec beaucoup de personne de cette société. Ils se sont moqué de moi? Je l'ai certainement fait aussi à un moment, personne n'est irréprochable et même moi je n'échappe pas au ridicule de temps en temps!"

Et puis bon, elle était l'épouse d'Owen quoi! Dans le genre ridicule, il était bien placé!

"Thalyana, vous accordez trop d'importance à ces choses-là, et vous allez vous en rendre malade, un comble pour une Guérisseuse. Mais si ça peut vous calmer un peu, car je vois bien que vous prenez tout ça très à coeur, je promets de ne plus parler de vous avec quiconque aborderai le sujet, d'accord?"

Elle lui sourit gentiment. Elle tiendrai sa promesse car l'affliction de la future mère était trop visible pour qu'elle l'ignore.
Ca ne voulait pour autant pas dire qu'elle arrêterai de colporter des rumeurs sous prétexte que cela pouvait faire souffrir. Elle arrêtait dans le cas de Thalyana car elle avait sa souffrance, et son explication, sous les yeux. Pour les autres, tant qu'ils ne viendraient pas lui défendre leur cause, tant pis...
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Thalyana

Re: La vérité est cachée au fond du jardin
« Réponse #28 le: 04 août 2014, 08:01:24 »
Dieux ! Elle y croyait réellement ! Fleur pensait sincèrement qu’elle ne causait jamais aucun mal ! Qu’il devait être doux de pouvoir vivre avec cette certitude ! Malgré la maxime des Guérisseurs — “Ne commets aucun mal” — Thalyana n’aurait jamais pu affirmer qu’elle ne faisait jamais souffrir personne. Elle savait que c’était faux. Elle faisait de son mieux pour préserver son prochain, mais il était impossible de ne pas faire souffrir les autres. Impossible.

« Ce n’est pas une question de sensibilité. » *Enfin, pas seulement.* « Je déteste vivre dans la lumière. Je déteste que les gens sachent qui je suis sans que la réciproque ne soit vraie. Je déteste que les gens commentent ma vie sans rien savoir de moi. Je déteste qu’on me pose des questions dont les réponses n’ont finalement pas d’importance. Je veux qu’on me fiche la paix, qu’on continue à m’ignorer comme avant. Vous aimez être dans la lumière et bénéficier de ses avantages, vous acceptez donc les inconvénients que cela suppose. Moi je n’ai jamais voulu l’être, au contraire, j’ai toujours tout fait pour l’éviter. Je refuse donc de m’habituer à ses inconvénients, car je n’ai pas non plus les avantages. » Elle eut un pauvre sourire. « Et moi je ne me suis jamais moquée d’eux. Je n’ai jamais colporté de ragots. Quand quelqu’un me raconte des rumeurs, je me contente de lui répondre : “En quoi cela me concerne-t-il ? Cette personne peut bien vivre comme elle l’entend.” Alors non, désolée, ce n’est pas qu’une question de sensibilité. »

Malgré tout, Fleur était une brave fille. Thalyana comprenait un peu pourquoi Isabeau la considérait comme une amie. La vie semblait si simple à ses côtés. Il n’y avait pas de grands questionnements philosophiques ou éthiques. Pas de grandes conversations sérieuses. Juste du badinage qui semblait sans conséquence dans sa bouche.

« Vous êtes bien gentille... mais ne pensez-vous pas que vous me causerez plus de tort en agissant ainsi ? On supposera que je vous ai menacé, non plutôt que mon amant vous a menacé. Ou une autre imbécillité du genre. » Elle haussa les épaules. « Je sais très bien que maintenant, je dois patiemment attendre que de nouveaux sujets de ragots fassent leur apparition. J’ai hâte. Mais en même temps, je me sens coupable de souhaiter que d’autres vivent ce que je vis maintenant. » Elle soupira.« “Ne commets aucun mal” — c’est le credo des Guérisseurs. Je ne vais donc rien faire pour hâter mon oubli, de peur de participer à la souffrance de quelqu’un qui ne l’aura pas plus mérité que moi. »

Elle se doutait bien que la plupart des gens ne réagissaient pas aussi mal qu’elle. Pluiechantante, par exemple, s’en fichait totalement des rumeurs sur son compte. Elle trouvait même cela amusant. Mais elle avait accompli un acte héroïque, et bien que peu soient au courant, cela devait la rendre plus forte encore. Thalyana avait simplement négligé de prendre ses herbes. Un jour. Elle ne le regrettait pas, mais elle n’en était pas fière non plus. Il n’y avait là rien pour la conforter, pour la soutenir face aux masses imbéciles. Et elle souffrait de savoir que c’était par sa faute que la réputation des officiers de Beltran avait été entachée. Kalaïd se moquait sans doute des ragots, mais la Guérisseuse s’en voulait de la manière dont la rumeur le dépeignait : un vil séducteur qui avait mis une Guérisseuse naïve et innocente dans son lit.
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Fleur de Trevale

Re: La vérité est cachée au fond du jardin
« Réponse #29 le: 05 août 2014, 17:08:18 »
Devant le plaidoyer honnête de Thalyana, Fleur se mordit la lèvre inférieure, cherchant ses mots. Elle se rassit sur le sol, là où la terre ne risquait pas de trop la salir, et finalement prit la parole:

"Excusez-moi, je ne veux pas vous faire de peine ni rien de ce genre, mais vous être une Guérisseuse qui travaille au Palais, au contact de toutes les rangs de notre royaume. Vous êtes enceinte, cela se voit, et les gens savent que vous n'êtes pas mariée, car tout se sait, en dépit du soin que l'on peut prendre pour s'assurer du contraire. Donc vous êtes dans la lumière, le temps que cela se tasse. Je sais bien que vous ne l'avez pas voulu, mais c'est ainsi..."

Fleur acceptait si facilement la fatalité de la vie et de ses aléas que c'en était parfois désespérant. On pouvait même se demander si elle serait capable de se battre pour ce qu'elle pensait important.
Elle, elle savait que oui, elle l'avait bien fait pour son mariage, mais pas les autres.

En revanche, l'idée de refuser d'apprendre des secrets la laissait songeuse. Mais son hypothèse sur la raison pour laquelle elle arrêterai de parler de Thalyana la fit rire:

"Certes non! Me menacer, moi? Personne de bon sens n'y songerait! Je ne dirais jamais que je refuse de parler de vous, je parlerai juste d'autres choses. Vous savez, les sujets de discutions sont assez éphémères, et de fait, vous avez défrayé les chroniques depuis assez longtemps pour que l'on parle d'autre chose. Ce sera vite oublié! De plus, vous allez vous marier, donc tout rentrera dans l'ordre!"

Oui, Fleur était parfaitement capable de sous-entendre sans s'en rendre compte qu'être enceinte sans être mariée n'était pas dans l'ordre des choses pour consoler la future maman.
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »