Valdemar RPG
Palais - Collegia => Collegia => Collegium des Guérisseurs => Discussion démarrée par: Isabeau d'Armentières le 30 janvier 2014, 00:40:37
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4eme décade de l'hiver 1481, une semaine après La nuit, tous les chevaux sont gris. (http://www.valdemar.fr/forum/index.php?topic=1054)
On lui avait dit de lever le pied pourtant... Tout le monde. Les profs, ses camarades, ses amis... même Raimon en avait rajouté une couche, lui qui respectait scrupuleusement l'indépendance de sa fiancée. Mais elle n'avait évidemment rien écouté. Pas un mot, pas une ligne.
Bien sûr, Barrn lui avait ordonné de lever le pied à la bibliothèque, mais sans lui en interdire l'entrée (il savait qu'elle finirait par rerentrer). Et à chaque fois qu'il lui disait de se ménager, elle lui renvoyait le commentaire en pleine tête, à propos de ses rhumatismes juvéniles.
Du bras droit elle rangeait donc un petit dictionnaire en haut d'une étagère quand celui-ci lui avait échappé et était tombé sur son épaule blessée
Aie
Aie
Aie Aie Aie.
Mais, déterminée à ne pas refaire sa diva en partant au milieu de son service, elle se massa légèrement l'épaule, posa le dictionnaire dans un coin et retourna au bureau de prêt. Plus qu'une petite demi-heure à tenir...
A la fin de cette demi-heure, elle avait de petites larmes qui lui perlaient aux coins des yeux. Bien sûr, elle aurait pu prendre un antidouleur, mais elle risquait de fausser le diagnostic du guérisseur qu’elle allait courir consulter. Contrairement à son habitude, elle quitta la bibliothèque sans un au revoir et fonça chez les guérisseurs. Elle toqua rapidement à une porte au hasard.
[Thalyana?]
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La matinée de Thalyana avait été particulièrement calme. Trop calme en fait. Elle s'était rarement autant ennuyé lors d'une de ses gardes à la maison de Guérisseurs. Habituellement, elle croulait sous les patients, manquait de lits et devait improviser pour parvenir à caser tout le monde.
Son unique patient du matin avait été un élève Barde qui avait glissé sur une plaque de glace. Il était arrivé totalement désespéré, criant que sa carrière était fichue car il s'était brisé la main. Finalement, la main n'était que contusionnée, et le Barde avait été renvoyé dans sa chambre avec une pommade à appliquer quelques jours. Thalyana aurait bien volontiers ajouté à sa prescription un coup de pied aux fesses, car il l'avait dérangé en pleine lecture d'un livre prenant. Il était des crimes qu'elle ne pardonnait que difficilement.
Le livre terminé, elle s'était résolue à mettre un peu d'ordre dans la pièce. Elle vérifia et compléta les stocks de pansements, herbes, pommades. Elle en était à trier les pots par ordre alphabétique quand on frappa à la porte du cabinet.
Elle alla ouvrir, remerciant les dieux de lui envoyer enfin quelque chose à faire.
"Oui?"
Elle avisa le bras en écharpe et s'écarta pour laisser entrer la Grise.
"Laisse-moi deviner. Tu étais censé reposer ton bras, mais tu t'es dit que ton devoir passait avant tout et que donc tu ne pouvais pas te ménager?"
Elle soupira. Pourquoi les Hérauts et les Gris étaient-ils les seuls à ne pas respecter les prescriptions des Guérisseurs? Fichu syndrome du Sauveur.
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Apres être entré, Isabeau ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel lorsque la guérisseuse l'attaqua sans même un bonjour. En la tutoyant comme une gamine prise en faute en plus.
"Je voudrais vous y voir, moi! La dernière fois que j'ai quitté mon poste, j'ai mis des mois à tout réparer! Vous savez combien d'ouvrages ont disparu? Dix-huit!"
En huit mois, ça faisait un rythme admirable de plus de deux ouvrages par mois, volé ou perdu, tout ça parce que les secrétaires provisoires de Barrn avaient pris le boulot comme une gentille petite sinécure. Le pire étant que ces livres n'avaient même pas été volés! En collant quelques mots dans le Collégium, elle en avait certes récupéré seize, mais ça lui en avait laissé deux à recopier. Le problème venait du fait que les gens les avaient empruntés, posés dans un coin, et oublié. Et comme les emprunts n'étaient correctement notés nulle part, ben personne ne les avaient cherché chez eux.
"Invitez-vous dans mon monde guérisseuse. Disons que vous ne pouvez pas remplir les fiches de vos malades. On vous envoie un élevé en corvée pour le faire et il oublie la moitié des infos, écrit de manière illisible ou pire, laisse les patients remplir leur propre fiche. Vous laisseriez faire, vous? J'avais ma main d'écriture de valide, je suis allé faire mon travail."
La grise soupira néanmoins.
"Bon, ok, je n'aurais pas dû essayer de ranger les retours. Un dictionnaire m'a échappé et est tombé sur mon épaule. Je me la suis démise a l'entrainement il y a une semaine pile. Ca fait super mal, ca s'est déclenché crescendo."
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[Je te tutoie parce qu'on a sensiblement le même âge, et que il ne me viendrait jamais à l'esprit de vouvoyer une fille de mon âge... et que Thalyana est une fille simple... ]
Thalyana sourit. Au moins admettait-elle son manque de jugeote.
"Si j'avais un bras écharpe, et qu'on m'envoyait un élève si peu appliqué, d'une part je lui passerais un savon et lui ferais tout réécrire. D'autre part, je pense que je confierai mes dossiers à un autre Guérisseur, et que je me contenterai de rester dans mon lit et de profiter des quelques jours de repos que l'on m'a prescrit. Enfin... heureusement pour tout le monde, nous ne sommes pas tous des Hérauts."
Elle fit assoir la Grise sur la table d'examen.
"Bonjour au fait. A qui ai-je l'honneur? Que je sache qui je devrai excuser auprès du professeur d'équitation et du maître d'armes pour encore une... voire deux dizaine. Et du bibliothécaire, si j'ai bien tout compris?"
Thalyana dégagea en douceur le bras du tissu qui la soutenait. Elle trouvait encore bien trop raide. Une semaine après s'être démis l'épaule, il aurait dû être beaucoup plus relâché. Elle fit une grimace.
"Le Guérisseur qui t'a vue il y a une semaine a-t-il enclenché le processus de Guérison, ou a-t-il préféré laisser agir le temps? Quoi qu'il en soit, il faut que je regarde ça de plus près. Il faudrait enlever la tunique, au moins. Tu as besoin d'aide ou tu t'en sors seule? "
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[La joueuse tiens à dire que les paroles et les critique d'Isa n'engagent qu'elle ^^]
Isabeau se retint de lever de nouveau les yeux au ciel très fort. Ouaiiiiiis genre les hérauts sont les seuls acharnés du boulot au monde. Mais bien sûr. Et la marmotte, elle mettait le chocolat dans le papier d'alu. En montant sur la table d'examen, elle se demanda comment diable elle avait pu avoir l'idée d'une expression pareille. C'était quoi du papier d'alu d'abord? (mais laisse là les anachronismes de langage)
"Isabeau de Girier, élue de Bethaniel. Et ne vous embêtez pas pour Messire Barrn, il me poussait à me faire remplacer de toutes façons, je lui dirais moi-même..."
En temps normal, elle aurait dit ça dans le but d'arnaquer Barrn, mais elle n'était pas idiote. En allant à la bibliothèque elle ne pensait vraiment pas remettre en cause sa guérison. Preuve avait été faite du contraire (aie), elle resterait éloignée.
"Il a enclenché le processus, dame. Et oui, il va me falloir de l'aide. Ma femme de chambre doit m'aider en ce moment, le matin." D'une main, elle commença à défaire les boutons de sa veste. "D'habitude je ne l'appelle que pour passer des tenues de cours, mais bon... Contrairement à ce que vous pensez, Dame, je suis prudente avec mon épaule. Je ne tiens pas à me retrouver infirme. Simplement, l'expérience a prouvé que la bibliothèque est mal tenue quand je n'y suis pas. Surtout que Messire Barrn est mal l'hiver."
Isabeau haussa les épaules, l'air de dire que ses paroles avaient peu d'importance. Non, c'est sûr. La bibliothèque était juste le seul endroit où elle se sentait vraiment utile. C'était totalement négligeable. La grise avaient eu beau s'affirmer depuis son élection, elle ne pouvait s'empêcher de se sentir... comment dire... Pas à la hauteur. Ou inutile. Donc elle bossait là ou elle avait fait ses preuves.
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Une femme de chambre? Les Gris étaient autorisés à garder des domestiques? Dans ce cas précis, Thalyana devait reconnaître que cela devait grandement aider Isabeau. Mais elle n'en voyait pas l'utilité autrement. La seule fois où elle avait mis une jolie robe, elle l'avait passée seule, et s'était débrouillé pour serrer le laçage en se contorsionnant. En même temps, sa robe n'avait sans doute pas la complexité de celle qu'une noble comme Isabeau pouvait revêtir.
Thalyana hocha la tête pour montrer qu'elle écoutait, et enleva délicatement la veste d'uniforme de la grise. Elle ne put s'empêcher de grimacer quand elle vit l'étendue des dégâts. Un magnifique hématome violet s'étendait de la clavicule à l'épaule. La zone était légèrement gonflée. La Grise n'allait pas remettre une robe de cour de sitôt...
"J'avais entendu dire que le savoir pouvait parfois être pesant... je ne pensais pas en avoir une fois la confirmation..."
Elle réprima un sourire.
"Pardon... mon humour est vraiment..." *pourri* "...mauvais. Tu t'es pris le coin sur l'attache de la clavicule... J'espère qu'elle n'est pas fissurée..."
La Guérisseuse commença à palper le plus délicatement possible.
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Si Thalyana s'étonnais de la nécessité d'une femme de chambre, c'était qu'elle n'avait jamais vu les robes de cour d'Isabeau, qui étaient simplement impossible a mettre seule, sans parler des coiffures complexes qui allaient avec. Cela dit, Betty n'était pas a proprement parler la femme de chambre d'Isabeau, c'était une bonne dans la maison de ses parents et elle montait au malais si besoin. Tous les jours en ce moment, donc. Ca permettait à Isa de ne pas dépendre de ses camarades pour s'habiller et quelques autres menues tâches.
Mais passons sur cet espionnage patent des pensées de la guérisseuse par une joueuse un peu trop prolixe.
Isabeau pouffa de rire à la remarque de la guérisseuse, son animosité totalement envolée:
"Vous avez pas idée... C'était un dictionnaire de Karsite... Les karsites sont des gens très bien, je dis pas..."
Isabeau sourit fugitivement en pensant à la digne Enju.
"Mais leur langue... leur satanée langue! Et j'ai pourtant des facilités!"
Des facilités... Hin hin hin... Ouais. De la tricherie, surtout. Douloureuse pour le cerveau, ladite facilité. Pas pratique en cours en fait. Mais Thalyana devait savoir de quoi elle parlait. Elle en avait parlé à Fleur Arkadia à une époque. Donc tout le palais devait être au courant.
Soudains, la verte palpa le truc de trop et Isabeau hurla, repoussant violemment la guérisseuse de son bras valide. Sans méchanceté, hein. Par pur reflexe.
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Thalyana recula, se sentant nauséeuse. Elle avait gardé une partie de ses boucliers baissés, pour mieux ausculter Isabeau, et ce soudain pique de douleur avait été de trop pour son organisme fragilisé par plusieurs nuits blanches et quelques mauvaises journées. En temps normal, elle aurait mieux encaissé le choc...
Elle sentit le sang quitter ses joues et dû lutter fermement quelques instants pour parvenir à vaincre la nausée. Elle eut ensuite un regard désolé pour la jeune fille.
"Heureusement que ton Don n'est pas la Télékinésie, je pense que j'aurais valsé à travers la pièce. Je crois pouvoir affirmer qu'elle est cassée. Ta clavicule. Plutôt que deux dizaines, ça sera trois dizaines de repos... et une quatrième de reprise tranquille."
Tout en parlant, elle s'approcha d'un meuble à tiroirs. Elle commença à en sortir du matériel: des bandages, un harnais spécial, une pommade sentant très fort. Elle se sentait encore tremblante et faisait de son mieux pour le cacher. Elle n'avait pas envie d'ébruiter son état...État qu'il lui serait bientôt difficile de cacher si elle ne se décidait pas rapidement. Elle savait qu'elle devait régler ce problème, mais elle n'était pas certaine de la solution à choisir.
Elle revint vers la patiente.
"Bon, si tu as déjà subi une séance de soins, tu dois savoir qu'après tu seras complètement exténuée? Je vais te garder ici pour la nuit, ça t'évitera le trajet dans la neige et le froid, et tous les risques qu'un tel déplacement comporte. Si ça te va, bien sûr. Sinon je t'escorterai à ta chambre, vu que tu seras probablement mon dernier patient." *Je doute d'être bonne à quoi que ce soit après ça, de toute façon*
Thalyana s'assit sur la table d'examen et aida Isabeau à s'étendre.
"Si tu es prête, on y va."
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Au moment où elle rejetait Thalyana, Isabeau sentit le cris inquiet de Rinnerl, qui avait senti l'éclair de douleur de sa mère d'adoption, mais Bethaniel calma aussitôt la Kyree en lui expliquant qu'Isabeau était justement en train de se faire soigner, que c'était comme la semaine précédente et qu'une grande fille comme Rinnerl savait rester calme, hein?
La petite noble s'en voulut avant même d'avoir achevé son geste de défense. La guérisseuse avait quasiment volé à l'autre bout de la pièce, et maintenant elle était pale comme un linge, les yeux fermés comme si elle se concentrait pour ne pas tomber dans les pommes. Ou ne pas vomir sur sa patiente (ce qui eut fait mauvais genre, il faillait l'admettre).
"Mince! Ca va dame? Je ne vous ai pas fait trop mal? Je suis désolée, vous m'avez surprise."
Isabeau rigola d'un air gêné à la boutade de la guérisseuse.
"C'est sur... Mais avec ma préscience bizarre, vous ne risquez rien."
La grise pris bonne note de la prescription de la verte, sans la lâcher des yeux. Quelque chose disait à Isabeau que sa vis à vis... y avait un truc qui clochait. L'avait-elle vraiment blessée?
"J'aurais mauvaise fois à passer outre cette fois, hein? Mais franchement, je ne pensais pas vraiment risquer de me reblesser..."
Isabeau ne quittait pas des yeux la jeune femme, et quand elle fouilla le tiroir, elle crut entendre un drôle de bruit, comme si... un truc tremblait. Non, ça devait venir de dehors. ... Vraiment? Non. Si. Oh elle n'en savait rien. Absorbée par l'observation de la guérisseuse, elle rata la moitié de ses paroles et ne se laissa pas étendre. Au contraire.
"Moi je suis prête, mais vous? Vous devriez vous assoir, vous êtes terriblement pale. Je vous ai fait mal."
Cette fois, ce n'était plus une question.
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(Euh… elle est assise, sur le bord de la table d'examen)
Malgré les précédentes dénégations de Thalyana, la Grise refusait de la croire et de se laisser faire. Elle soupira. Elle s'était montrée imprudente et le payait maintenant.
"Non, tu ne m'as pas fait mal… j'ai trop baissé mes boucliers, et c'est ta douleur qui m'a secouée. Une erreur stupide."
Sa voix tremblait un peu. Elle ferma les yeux quelques instants, respira lentement, tenta de reprendre contenance. La nausée semblait s'être calmée, mais elle se savait fébrile. Elle s'était pourtant sentie bien toute la journée. Pour la première fois depuis une dizaine. Elle n'aurait pas dû être tant secouée. Ce n'était pas la première fois que la douleur d'un patient traversait ses boucliers. Sauf que les dernières fois, cela ne l'avait pas rendu malade…
Elle sourit tristement à Isabeau.
"Je comprendrais que tu veuilles quelqu'un d'autre pour ton épaule. Tu veux que j'aille chercher un collègue?"
Ce serait vraiment gênant pour Thalyana. Demander à un collègue de la remplacer pour une simple fracture ne manquerait pas de soulever des questions. Mais elle ne voulait - pouvait - pas y répondre pour le moment. Quand les Guérisseurs étaient trop malades pour venir travailler, ils l'annonçaient directement. S'ils tombaient malades durant le service, ils refusaient les patients et les transmettaient directement à un collègue. Elle s'était portée comme un charme toute la journée, et n'importe quel Guérisseur comprendrait que c'était cette consultation qui l'avait rendue malade. Or une fracture était une blessure très commune aux Collegia. Il n'y avait aucune raison normale pour que cela l'ait perturbée ce point. Elle-même, d'ailleurs, ne comprenait pas pourquoi elle avait ressenti la douleur avec une telle force. Il ne s'agissait que d'une fracture. Les brûlures, par exemple, provoquaient des souffrances tellement insupportables que tous devaient fortement se barricader pour les soigner. Elle aurait du simplement percevoir la douleur à travers les boucliers, pas se la prendre de plein fouet. Elle se demandait si…
Alors qu'elle s'interrogeait, sa main glissa inconsciemment vers son bas-ventre.
*Au moins tout est en ordre de ce côté-là*, pensa-t-elle avec soulagement… mais aussi avec regret.
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"Ah..."
Oui, bon, c'était logique, elle devait avouer. Si la guérisseuse était trop empathique, elle devait ressentir sa douleur. Qui n’était quand même pas si forte. Je veux dire, elle n’était pas verte, elle (hein?). Mais bon. Si ça se trouve, ça lui arrivait souvent et elle avait subi les douleurs de plusieurs personnes aujourd'hui. Peut-être. Dans ce cas, elle ferait mieux de reprendre quelques cours. Ce n’était pas sérieux, quand même, elle risquait d'avoir de problèmes à force, non? Maintenant, par exemple.
La dame proposa d'appeler quelqu'un d'autre avant de se replier sur elle-même et de se caresser le ventre. Le... ventre? Non, c'était idiot. Non non.
"Non. Non, si vous me garantissez que vous êtes en état, je vous fais confiance, allez-y. Juste... Vous êtes sûr que ça va vraiment?"
Isabeau hésita un moment...
"Si vous avez un problème, vous... Enfin je sais tenir ma langue, quoi."
Ouais. Franchement, Isabeau ne savait pas bien expliquer son intuition, mais elle sentait bien que Thalyana avait un autre problème que son Empathie. Euh... Isabeau vérifia mentalement ses boucliers. Non, ils étaient en place. Elle n'était pas en train de fouiller inconsciemment dans la tête de sa camarade.
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Remarquant son geste inconscient, Thalyana mit brusquement ses mains dans ses poches et rougit. Puis, pour rassurer Isabeau, elle tenta de mentir.
"Oui, je vais parfaitement… "
Sa voix se brisa. Elle déglutit douloureusement, tentant de reprendre contenance. Tout allait bien, tout allait parfaitement bien. Elle avait juste un choix à faire. Mais le choix était tellement douloureux qu'elle en restait paralysée.
" Je…"
Elle ne put pas aller plus loin. Sa voix refusa de fonctionner, comme étouffée par la boule d'angoisse qui la saisit. Elle sentit une larme s'échapper. Elle essaya de retenir les suivantes, mais celles-ci ruisselaient maintenant le long de ses joues pour venir s'écraser sur la table. Maintenant qu'une brèche était apparue dans ses défenses, elle n'était plus capable de rien retenir. Elle fut secouée de gros sanglots, incapable de se reprendre.
Elle avait eu une confiance aveugle dans les potions des Guérisseurs, elle n'avait pris aucune précaution supplémentaire. Ce n'étaient d'ailleurs pas les potions qui lui avaient fait défaut. Non, c'était elle-même. Pendant deux jours, elle avait omis de boire sa décoction d'herbes, simplement parce qu'elle n'était pas rentrée dans sa chambre. Elle connaissait les probabilités, elle pensait que les chances étaient trop faibles, et que donc elle n'avait aucune souci à se faire.
Elle s'était trompée. Une nuit avait suffi.
Et maintenant elle ne savait que faire. Son coeur lui dictait un choix, son sens du devoir un autre.
"enceinte… je suis enceinte."
Sa voix était très faible, à peine audible.
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Patiemment, Isabeau attendit que l'armure de la guérisseuse se désagrège. C'était... bizarre. Un peu fascinant aussi, cette capacité à lâcher prise au point de fondre en larme devant une inconnue. Bien sûr, Isabeau était une élue, et elle ne profiterait jamais de ce genre de faiblesse, mais... Isabeau ne se souvenait s'être laissé aller de la sorte une seule et unique fois. Apres les annonces de départ en mission, celles où elle ne figurait pas. Bien sûr, Enju l'avait débusqué, mais le premier réflexe de celle qui n'était alors qu'une bleue avait été de se cacher.
Tiens, maintenant qu'elle y pensait, pourquoi Bethaniel ne l'avait pas choisis à ce moment-là? Ou même avant?
Tu te débrouillais bien assez bien toute seule, et à ce moment-là, nous n'étions pas surs que la maladie des compagnons était vraiment finie. Il n'y avait pas d'urgence et si je devais mourir, je ne voulais pas t'entrainer avec moi. Et puis nous n’étions simplement pas prêt, ni toi ni moi.
Oh. D'accord.
Mais si tu avais décidé de fuir, pour échapper à un fiancé bien pire que Raimon, je t'aurais peut être choisie prématurément. Je ne sais pas.
Je n’avais pas assez besoin de toi, c'est ça?
Oui.
Voyant que la guérisseuse ne parvenait pas à reprendre le contrôle de ses nerfs, Isabeau descendit de la table pour enlacer la jeune femme de son bras valide et déposer délicatement la tête blonde sur son épaule saine. Elle lui marmonna les même chuts et les mêmes petits riens qu'elle avait souvent répétés à Rinnerl pour la calmer. La Kyree avait fait quelques cauchemars, au retour de Sironis. De vagues impressions de peur et de détresses, floues, mais la réveillant parfois la nuit. Isabeau pensais que certains souvenir de sa vie avant Haven avaient resurgis.
Enfin, la verte avoua ce qu'elle avait sur le cœur. Le réflexe logique d'Isabeau aurait été de la féliciter, mais à son ton, ce n'était pas une bonne nouvelle...
"Ah... Euh... C'est... C'est grave? Vous n'êtes pas mariée, c'est cela? Qu'en pense donc le P... géniteur?"
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Thalyana réalisa qu'elle était dans les bras de sa patiente quand elle réussit à se calmer un peu. Elle se dégagea un peu, l'air affreusement gênée. Elle qui se contrôlait si bien, en temps normal, se retrouvait esclave de ses hormones. Et non contentes d'influer sur son humeur, celles-ci semblaient aussi perturber ses boucliers. Toutes les Guérisseuses enceintes étaient-elles dans son cas? Elle n'avait jamais pensé à demander. Et le faire maintenant attirerait inévitablement des soupçons.
Elle se força à respirer calmement, profondément, pour tenter de répondre à Isabeau.
"Je ne suis pas mariée, mais ça, c'est pas très important. Et le père n'en pense rien, car il n'en sait rien. Il prépare la guerre contre Rethwellan et il est stationné là-bas depuis cet automne... Il est revenu une ou deux fois en permission. Je..."
Elle avait tenté d'écrire à Kalaïd pour lui annoncer la nouvelle, lui demander son opinion. Mais comment annoncer quelque chose d'aussi important dans une lettre? Elle avait raturé, déchiré, froissé un nombre incalculable de feuilles avant de renoncer.
"Je sais pas comment le lui dire. Je veux dire, par lettre, ça me semble tellement... irréel. Si ça se trouve, en plus, il a compris que quelque chose clochait... s'il a réfléchi un peu, il doit être au courant."
En fait, elle n'en savait rien. Mais elle avait été malade, déprimée, perdue, et des sentiments aussi forts ne pouvaient que parvenir à Kalaïd. Surtout que son empathie renforçait leur Lien. Le sentirait-il, si elle se débarrassait du bébé? Non, pas du bébé, du fœtus... de l'embryon à ce stade.
"Moi, je pensais m'en débarrasser... mais je n'y arrive pas. J'hésite. J'ai peur. Et bientôt ce sera trop tard pour faire quoi que ce soit."
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"Je ne suis pas mariée, mais ça, c'est pas très important" Ben non, voyons. Le mariage c'était qu'une idiotie négligeable! Non mais franchement qui se souciait de demander une bénédiction sur son couple et son futur foyer. Non mais vraiment, aucun besoin de mariage pour faire des enfants...
Ben non, c'est pas necess...
Merci pour ce cour d'éducation sexuelle, Bethaniel! Je suis coincée, pas stupide!
La bouffée de colère d'Isabeau retomba comme elle était montée. Elle était bien consciente que sa colère venait en grande partie de la remarque récurrente qu'elle recevait de la part de ses camarades gris vis à vis de son mariage. Combien de fois ne lui avait-on dis qu'en tant que héraut, il n'y avait pas de problème à coucher/avoir des gosses hors mariage. Mais d'un, ce n'était pas l'opinion d'Isabeau, de deux, Héraut ou pas, Raimon restait l'héritier d'Armentières, et en tant que tel, il avait besoin d'un héritier légitime.
Cependant, elle était consciente qu'en l'occurrence, elle n'était PAS le sujet de la discussion (et que la guérisseuse ne connaissait probablement pas sa situation), aussi se calma-t-elle pour se concentrer sur la verte.
"Comment peut-il être au courant si vous ne lui avez rien dit? Je ne vous suis pas, là."
L'intention de la guérisseuse de renvoyer son enfant chez les esprits choqua vraiment Isabeau. Précipitamment, elle se composa une expression neutre et elle resserra ses boucliers, ne laissant rien passer. Comme toujours quand elle était choquée, elle se refermait. Puis elle se rouvrit un peu, au moins physiquement. Elle hésitait avait-elle dit. Il y avait peut-être une chance de... Elle garda ses boucliers relevés, bien consciente que les idées tranchées définitives qu'elle avait de ce genre de meurtre d'enfant risquait de braquer la dame.
Elle sortit un mouchoir de sa poche et le tendit à la verte pour qu'elle sèche ses larmes:
"Mais Pourquoi donc faire une chose pareille? Vous êtes jeune et vigoureuse, votre... compagnon semble avoir un poste important... Qu'est-ce qui vous empêche de... Enfin de... d'accueillir votre enfant, quoi?"
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Isabeau ne semblait pas la suivre, ce qui n'étonnait pas Thalyana. Ses pensées tourbillonnaient, et elle avait parlé sans réfléchir, sans tenter d'ordonner son discours.
"Pardon? Ah... Kalaïd et moi partageons un Lien pour la Vie. Et il m'est quasiment impossible de ne pas partager mes émotions à travers ce Lien."
Cela lui avait semblé tellement évident, elle n'avait pas pensé que la Grise n'était pas au courant. Mais à bien y réfléchir, très peu de gens étaient au courant: Beltran, Alder... Elle ne parvenait pas à trouver quelqu'un de plus. Ah si, Fiersaule avait fait quelques sous-entendus. Quelqu'un d'autre? Était-elle si associale? Peut-être Kalaïd avait-il mis quelqu'un au courant? Mais elle en doutait...
Thalyana prit le mouchoir qu'on lui tendait et s'essuya le visage. Isabeau semblait ne pas voir pourquoi elle voulait se débarrasser de cet enfant. C'était évident pourtant...
Elle répondit d'une voix tremblante.
"La guerre... Comment pourrais-je aller faire mon travail sur le front, si je suis enceinte? Comment Kalaïd pourra-t-il faire son devoir s'il craint constamment pour ma santé? Et si Kal meurt, si je meurs, qui s'occupera de lui?"
Alors pourquoi ne l'avait-elle toujours pas fait, si tout était si clair dans son esprit? Elle soupira.
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Un lien pour la vie. Ok, CA, ça expliquait le truc du mariage à la satisfaction d'Isabeau. Effectivement, pas besoin de bénédiction chez un couple déjà rapproché par les dieux. Cela dit, une inscription au registre ferait pas de mal administrativement parlant M'enfin, c'était son avis à elle.
Bref.
La guérisseuse se remis à trembler. Sans la reprendre dans ses (son) bras, Isabeau lui attrapa la main pour la caresser gentiment.
"Mais pourquoi voulez-vous aller sur le front... Il y a plein de gens à soigner ici même. Il y aura probablement des convalescents longs durés du front, en plus de tous les patients habituels. Il y a la famille royale, sans parler de tous les ambassadeurs... Croyez-moi, je suis héraut, je ne suis pas du genre à refuser mes responsabilité. Simplement on peut très bien les remplir ici, à l'arrière. Et votre Kalaid, un des lieutenants de Beltran, je crois? Il sera je pense très soulagé de vous savoir ici, loin du danger. Je pense qu'au contraire, ça le rassureras. Personne n'aime savoir les siens à la guerre."
Isabeau réfléchis un moment à une grossesse et ce que ça supposait de risque. Elle revit Saskia, épuisée par la gestation de son fils...
"Ah bien sûr, une grossesse n'est pas sans risque, mais bon, pas plus que de soigner des soldats à quelques encablures du champs de bataille, non? A sa place, je préfèrerais vraiment vous savoir ici en sureté."
Un éclair de douleur traversa soudain l'épaule d'Isabeau. Ah, oui, c'est vrai, c'était toujours pas soignée ça. Elle avait dû bouger un peu. Bon, au moins avec ses boucliers, la guérisseuse ne devait pas l'avoir trop sentit cette fois.
Le bouclier, oui... Ca et le fait que tu ne l'a pas envoyé dans un mur...
Tss... Mauvaise langue.
Isabeau ferma les yeux et respira profondément, le temps de contrôler la douleur.
"Et si par malheur, il vous arrive quelque chose... Ma foi, c'est à ça que servent les parents. Ou le parrainage."
La jeune noble caressa gentiment la main de Thalyana avant de conclure:
"Ne laissez pas la guerre vous forcer à un acte qui semble vous... Enfin vous. Ne laissez pas la peur de la guerre tuer votre enfant, Dame"
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Isabeau pensait-elle que Thalyana se satisferait de faire du travail de soutien alors qu'on manquerait bientôt cruellement de Guérisseurs sur le front? Elle ne voulait pas rester en arrière alors que Kalaïd risquait sa vie. Elle avait négocié durement avec Beltran pour avoir le droit - éventuel - de suivre son amant. Elle n'allait pas renoncer...
"Je veux aller sur le front pour être avec Kal... Tu crois que j'aime être à des kilomètres de lui, ne pas le voir pendant des dizaines? Tu crois que c'est facile à vivre? J'ai... je me suis formée pour pouvoir le rejoindre. Quant à Kalaïd... il ne m'a pas laissé le choix quand il est parti, pourquoi devrais-je le lui laisser? C'est ma vie..."
*Enfin, plus maintenant*
Isabeau était clairement contre l'avortement. Ses mots, bien que mesurés, montraient son opinion.Tuer... allait-elle réellement tuer un enfant? Pour le moment, ce n'était qu'un embryon... enfin... elle sentait son cœur battre. Mais ce n'était qu'un des nombreux paramètres qui définissaient la vie... c'était le plus évident, le plus palpable. Mais ce n'était pas le seul.
"Ce n'est pas encore un enfant, juste un embryon...Ça ne devrait pas me poser de problèmes, après tout, je l'ai déjà fait pour d'autres. Je n'ai rien contre le fait de renoncer à une grossesse. Mais... moi je sens son cœur. Ça n'aide pas."
Elle était vaincue, et elle le savait. Elle ne serait pas capable de faire le nécessaire pour mettre fin à sa grossesse. Pourtant, c'était si simple. Il suffisait d'une impulsion... le lien qui retenait l'embryon à la vie était si ténu.
"Enfin... Au fait, tu peux m'appeler Thalyana. Après tout, je ne suis pas une dame. Ma mère en aurait les larmes aux yeux, à force de rire, de t'entendre t'adresser à moi de cette manière."
Elle sourit.
"Il est temps que je te soigne, non? Après tout, c'est pour cela que tu es ici, pas pour m'entendre me torturer à propos d'une décision que je ne prendrais pas. Tu es prête?"
Elle aida la Grise à se réinstaller sur la table d'examen.
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"C'est sa vie"? Vraiment? Isabeau ne dit rien mais son regard le fit pour elle. Non, ce n'était pas sa vie. C'était la leur, à elle et au bébé. Et il était du devoir de toute mère de faire passer son enfant en premier. Au moins les neuf premiers mois. Thalyana devrais s'y faire, elle avait certaines responsabilités, maintenant qu'elle était enceinte.
"Je ne dis pas que c'est facile... Ni que c'est ce que vous voulez. Simplement... Ben vous allez avoir un enfant, faut bien faire avec. Au moins le temps de la grossesse. Apres... Apres je pourrais vous trouver une nourrice. Je devrais pas trop tarder à avoir besoin de l'une d'elle moi-même de toutes façons."
Oui. Le mariage était dans six mois... avec un peu de chance, dans huit, elle serait enceinte et alors... ce serait un confort d'avoir déjà quelqu'un à disposition.
Thalyana choqua de nouveau la grise en avouant avoir pratiqué des... avortement. Ok. Carrément.
"Je... Non rien. Rien"
Elle avait envie de dire qu'elle ne comprenais pas comment Thalyana pouvait parler aussi librement de l'élimination de bébés innocents, de futurs êtres vivants. Comme elle disait, son cœur battait. Il etait vivant! Voilà ce qu'elle avait envie de dire, mais elle se retenait de toutes ses forces. Thalyana semblait avoir pris la bonne décision, elle ne devait PAS l'agresser. Surtout pas.
Elle apprécia énormément le changement de sujet.
"Très bien Thalyana. Et oui, je vous en prie, occupez-vous de cette épaule, ça fait vraiment mal. Enfin, si votre malaise est bien passé."
Une seconde plus tard, elle était de nouveau assise sur la table.
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Elle s'installa à côté de la Grise, comme précédemment.
"Une nourrice? Pour quoi faire? J'espère avoir assez de lait moi-même... Et pourquoi en aurais-tu besoin? Tu n'es pas enceinte, je peux te l'assurer. Tu comptes le devenir? Ne préférerais-tu pas attendre d'avoir fait ton année de probation? Tu te vois, sur les routes, loin de ton enfant pendant une année? Enfin, c'est ton choix..."
Comment pouvait-on souhaiter tomber enceinte dans la situation actuelle? Elle-même trouvait sa décision - ou plutôt son absence de décision - totalement irraisonnable.
Pendant qu'elle parlait, elle plaça ses mains autour de la fracture. Sans avertir Isabeau, elle remit en place la clavicule. Puis elle se concentra pour accélérer la consolidation des os. Voilà. Une fragile zone de soudure s'était formée. Elle soupira. Sa nausée était revenue.
"Voilà. Ne bouge pas.. Je vais te mettre un bandage pour les cinq jours prochains. Ensuite on verra pour un harnais...Il faut par contre que je baisse les bretelles de ton linge de corps. "
Elle joignit le geste à la parole, prenant garde de ne pas faire mal à Isabeau. Elle réalisa ensuite un bandage en huit. Celui-ci maintenait les épaules en arrière.
Elle remit en place les bretelles du vêtement d'Isabeau, puis elle fit passer le bras gauche dans un harnais pour soulager l'épaule qui avait été démise.
"Je préférerais que tu ne remettes pas ta tunique ce soir. Il faut vraiment que jusqu'à demain tu bouges le moins possible le bras. Donc passe-la par-dessus son bras si elle est assez large. Sinon je vais te trouver un gros pull à mettre à la place. Ah, et tu te contenteras d'une toilette sèche pendant ces cinq premiers jours. Reviens me voir ensuite, sauf si tu sens que ça te fait mal ailleurs que sur la clavicule. Dans ce cas viens tout de suite. "
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Isabeau haussa les épaules (ou plutôt l'épaule. Aie.) vis à vis des remarques de Thalyana sur les nourrices et la pertinence d'une grossesse. La Nourrice... Thalyana avait l'air tellement avide de ne pas manquer le travail que ça lui avait semblé être une solution logique. Quant au envies d'enfants de la grise... Ça lui était venue progressivement au cours de l’année écoulée jusqu’à devenir obsédante. Sans être capable de l’avouer à qui que ce soit, pas même ses liés, Isabeau savait pertinemment d’où cela venait.
Ça venait de ce terrifiant moment, à Sironis, quand elle s’était retrouvée confronté au danger et à la trahison du second de leurs protecteurs. L’évènement avait marqué tout le groupe, elle le savait, Mina, par exemple s’était renfermée sur elle-même pendant des mois. Isabeau, elle, s’y était sentie confrontée à sa propre mortalité. Elle était faible, sans beaucoup de défense, et elle n’hésiterait pas une seule seconde à se jeter entre le danger et les gens qu’elle se sentait devoir protéger (bien qu’elle préfère de loin les attraper et courir en sens inverse). En ces temps de trouble, ça augurait mal de sa durée de vie.
Et elle ne voulait pas mourir sans laisser quelque chose d’elle en ce monde. Bien sûr, il y avait Rinnerl, mais… Mais aussi fort qu’elle aime Rinnerl, la Kyree n’était pas, et de loin, de son sang. Elle voulait avoir un enfant. Juste un. Pour qu’il reste quelque chose de ce qui faisait Isabeau de Girier si elle devait disparaitre.
Pendant cette longue introspection, Elle s'était docilement laissé faire par Thalyana qui s'occupait (enfin) de son épaule. Elle avait bien sur lourdement sursauté quand Thalyana avait remis en place son os, mais sinon elle n'avait pas bronché.
"Ok. Tu voulais me faire dormir ici, ça ne me pose pas de problème, à condition qu'on laisse Rinnerl, ma Kyree, dormir avec moi. Elle est encore très jeune et je n'aime pas l'idée qu'elle dorme seule loin de moi et il fait trop froid pour qu'elle dorme avec Betha, elle n’a pas l'habitude. Je te promet qu'elle sera sage."
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Thalyana acquiesça. Elle ne voyait aucun problème à la présence du Kyree. Après tout, Isabeau ne souffrait pas d'une infection, ou d'une quelconque maladie pouvant être transmise à un non-humain.
"Je vais te mettre dans une chambre pour Héraut. On en a encore une ou deux de libres. Elles possèdent un accès direct vers l'extérieur, vu que la présence d'un Compagnon est souvent indispensable à la guérison de son Élu. Comme ça Rinnerl pourra sortir, si jamais. Je ne sais pas quel âge elle a… mais évite peut-être les jeux quelques temps. "
Elle alla farfouiller dans ses affaires, jetées négligemment dans un coin de la pièce. Elle trouva son gros châle en laine et vint le mettre sur les épaules d'Isabeau.
"Je suis désolée, il gratte… mais il tient chaud et c'est tout ce que j'ai sous la main."
Elle adorait ce châle. Il était hideux, mais tenait bien chaud. Et il ne grattait pas tant que ça. Mais pour une noble, il était sans doute à peine bon à servir de couverture à une vieille carne.
"Allez, debout. Je t'amène à ta chambre."
Elle prit la Grise par la taille et l'aida à se mettre debout.
"Suis-moi…"
Elle ramassa rapidement ses affaires et sortit de la pièce, gardant la porte ouverte pour Isabeau. Elle s'engagea ensuite dans le couloir, restant à côté de la Grise pour l'aider si le besoin se faisait sentir. Elles arrivèrent dans une zone plus tranquille. Thalyana s'arrêta devant une porte laissée entr'ouverte. Elle jeta un bref coup d’œil dans la pièce avant d'inviter Isabeau à entrer.
Elle alla déverrouiller la grande porte qui donnait sur l'extérieur et revint aider sa patiente à se mettre au lit.
"Ça ira? Tu as besoin de compagnie pour la soirée? Sinon je peux te donner quelque chose pour dormir, mais ce serait bien si tu pouvais t'en passer. Je n'aime pas gaver mes patients de potions"
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Isabeau allait répliquer que ce n'était pas la peine de lui faire occuper une chambre de héraut quand Bethaniel émit un raclement de gorge à son attention. Euh... Ouais, elle allait dire qu'elle n'était pas héraut, mais c'était vrai qu'elle l'était.
Elle était héraut.
Bon, pas encore totalement, pas avant deux ans, mais n'empêche. Elle était sur la bonne voie. Et quelque part, elle ne s'identifiait pas vraiment à son Cercle. Pourquoi? Elle ne savait pas. Elle devrait y réfléchir.
Sans qu'elle le voit venir, la guérisseuse l'enveloppa dans un grand et vieux châle dans lequel Isabeau s'enroula avec bonheur. Elle pouvait sentir la fatigue de la guérison forcée s'abattre sur elle et s'enrouler dans un truc, même moche, qui soit bien chaud...
"Merci..."
La jeune femme se leva docilement et suivit sa guérisseuse jusqu'à sa chambre. A l'instant où elle vit la petite chambre, elle sentit Bethaniel sursauter dans son esprit:
Ça ne va pas?
Si si. Je t'envoie la petite.
Tu ne viens pas?
NON! Je veux dire, non. Non, j'aime pas trop cet endroit.
Ah? Euh... Tu es sur...?
Oui. Je t'envoie Rinnerl.
Elle adressa un grand sourire à la guérisseuse, tout en s’asseyant sur le lit.
"Non, je te remercie, je vais dormir tôt, je crois, merci. Et… Si vous avez besoin de quoi que ce soit, par rapport à votre enfant, demandez moi, surtout, hein ?"
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Thalyana sourit.
"J'y penserai… après tout…"
Elle rougit.
"Enfin, nous nous reverrons de toute façon dans cinq jours. Reste tranquille ce soir. Demain matin, tu peux partir sans autre. Sauf si tu as trop mal, ou que tu a l'impression que le bandage d'étouffe. Normalement ça ne devrait pas gonfler, mais on ne sait jamais."
Elle jeta un dernier coup d'oeil autour d'elle pour vérifier qu'elle n'oubliait rien.
"On viendra te servir un repas pour ce soir. Demain matin, tu pourras manger au réfectoire. Voilà, je crois que c'est bon…"
Elle sortit encore une couverture supplémentaire de la commode et la disposa sur le lit.
"Bonne nuit."
Elle sortit, refermant la porte derrière elle.
Quand elle fut dehors, dans le froid, elle réalisa qu'elle avait oublié son châle… Tant pis.
[RP CLOS]