Valdemar RPG
Palais - Collegia => Palais => Aile publique => Discussion démarrée par: Pluiechantante le 30 mars 2014, 20:39:07
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Fin de la 1ère décade de printemps 1481 - sous-sol du Palais
Si Pluiechantante n’était pas toujours ravie de faire partie du personnel "officiel" du Palais, elle adorait être responsable des enfants, et plus particulièrement de Liane. Si elle avait pu avoir une fille, elle aurait aimé qu’elle lui ressemble. À défaut d’avoir sa propre descendance, elle était ravie de prendre soin de celle des autres. Mais elle avait insisté pour conserver son autre activité, sa vocation, celle de Kestra’chern. Elle avait des patients qui ne pouvaient se passer d’elle: Sourcedésert, Manuchan… et bien d’autres encore. Parfois on venait la voir pour régler un unique problème. Parfois, on avait besoin d’elle pour avancer dans sa vie, pour avoir quelqu’un à qui raconter ses malheurs, quelqu’un qui comprenait et qui n’hésitait pas à vous remettre dans le droit chemin à coup de pied dans le derrière. Elle avait donc largement de quoi occuper ses journées.
Liane étant sa préférée, et une petite fille particulièrement précoce en ce qui concernait les Dons, Pluie avait décidé de lui donner quelques cours pour lui apprendre quand utiliser ses Dons, et quand elle ne devait pas le faire. Ce n’était pas de l’éthique à proprement parler. Liane était trop jeune pour comprendre ce concept. Mais la Kestra’chern cherchait à lui faire comprendre la notion d’intimité, mais aussi de responsabilité personnelle. Elle tentait aussi de lui montrer qu’il y avait des tas d’activités qui perdaient tout leur intérêt si on trichait avec les Dons.
Aussi Pluiechantante avait-elle emmené la fillette dans une zone du Palais remplies de placards, de débarras, de pièces de stockages. Dans certaines, on trouvait des chaises qui devaient dater de Vanyel, au moins, voire du Comte Valdemar lui-même. Comme elle n’était pas certaine d’avoir le droit de se trouver ici, Pluiechantante avait inciter la fillette à chuchoter, et à marcher le plus silencieusement possible tandis qu’elles empruntaient les escaliers qui menaient aux sous-sols. Elle avait du retenir de nombreux fous rires. Elle s’amusait beaucoup à se promener dans des zones reculées du Palais. Elle adorait explorer, et elle avait l’impression que Liane aussi adorait aller dans ces endroits un peu "interdits".
« Aujourd’hui, on va jouer à cache-cache, oui. Mais tu n’utilises pas tes Dons. Si tu le fais, je vais savoir.» Elle sourit. « Tu comptes jusqu'à 30, et ensuite, tu vas me chercher. Ensuite c’est à moi de chercher. Ça te va? Après, on fera de la fouille, oui. J’ai besoin de quelques meubles pour ma chambre. Tu pourras m’aider à décorer, si ça te plaît. »
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Liane bouillait d'impatience. Elle savait que voir Pluiechantante était une promesse de jeux excitants et d'avoir quelqu'un qui faisait attention à ce qu'elle disait ou à ce qu'elle voulait faire. Parfois, l'envie de s'échapper était la plus forte, mais Pluie semblait avoir le don de la retrouver à chaque fois. Une chose que Liane ne comprenait pas non plus, c'était l'obstination de sa "tatie" quant à la maîtrise de ses Dons. Elle pouvait sentir et projeter des émotions, et alors? Parler par l'esprit demandait moins de temps que d'ouvrir la bouche, pourquoi s'en priver? Fouiner partout était une aventure, pourquoi arrêter? Mais l'enfant aimait trop sa nouvelle tatie pour vouloir lui déplaire, et les jeux qu'elle lui inventait valaient bien quelques compromis.
Cette fois-là, Pluiechantante vint chercher la fillette pour l'emmener dans les sous-sols. Cette partie du Palais n'était pas le lieu privilégié des fuites de la gamine, qui ne connaissait donc pas (pour une fois) les moindres recoins de l'endroit. La Kestra'chern avait commencé le jeu en la faisant aller sur la pointe des pieds et en silence. Il fallait avouer que Liane excellait dans cet exercice, mais elle avait surtout l'habitude de se faufiler seule dans les endroits interdits, et être accompagnée de "son" adulte avait pimenté le jeu. Elle n'avait pu retenir des éclats de rire sur le chemin, partageant gaiement sa joie avec sa tutrice improvisée. Elles finirent par atteindre le but de Pluiechantante qui expliqua les règles du jeu.
Liane fronça les sourcils en écoutant sa compagne, pour être sûre de bien comprendre (oui, froncer les sourcils aidait à mieux comprendre: les adultes faisaient toujours ça.)
Tu sais toujours ça. Mais pourquoi? protesta-t-elle mentalement pour la forme avant de promettre: Pas de Don.(puis à voix haute) D'accord. Tu te caches bien. Je compte."
Elle se détourna pour aller appuyer la tête sur un mur et commença à compter.
"Un, deux, trois, quatre, six, quatre, neuf, cinq, ..."
Elle tendait l'oreille en même temps, énonçant des nombres au petit bonheur la chance, trop concentrée sur son ouie pour se rappeller ce que sa nourrice tentait de lui inculquer régulièrement. Elle suivit un moment les déplacements de Pluie, puis perdit sa trace en même temps que le compte des chiffres. Elle continua pour le plaisir à dire à voix haute les nombres dont elle se souvenait puis se retourna brusquement:
"J'arrive!"
Liane s'enfonça dans les dédales de vieux meubles poussiéreux, sautillant gaiment d'une chaise à une commode, passant un vieux canapé, regardant derrière de grands tableaux d'illustres inconnus. Elle chantonnait en même temps:
"Je vais te trouver
tu sens les fleurs et la pluie
je vais te trouver
et après on rit
..."
La ritournelle continua un moment pendant que Liane cherchait, se forçant à ne pas utiliser son Don et à chanter à haute voix.
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Pluiechantante s’amusa d’abord à tourner un peu en rond pour perturber la fillette. Celle-ci avait de la peine à compter déjà jusqu’à dix. Pauvre nourrice, qui ne parvenait même pas à faire entrer des notions aussi simples dans la tête de la fillette… Il faudrait qu’elle prenne le relais, là aussi.
Elle avisa un gros coffre recouvert d’une pile de coussin. Elle se glissa donc derrière et empila soigneusement les coussins devant elle, entre l’angle du coffre et le mur. Elle prit garde à ne pas respirer trop fort; l’endroit était recouvert d’une couche de poussière aussi épaisse qu’une phalange, et elle ne voulait pas éternuer. Elle se recroquevilla au maximum, et attendit.
Liane se mit à chantonner en la cherchant… Avait-elle le Don des Bardes, comme sa mère? Probablement. Pluiechantante se demandait quelle formation cette petite pourrait bien suivre, avec ses nombreux Dons. Elle s’amusa de la comptine, ayant sincèrement envie de rire (ce qui ne changeait guère de la normale). Elle fronça les sourcils, se forçant à dresser quelques barrières supplémentaires autour de son esprit. L’envie de rire s’estompa… Pluie secoua la tête, un sourire résigné sur les lèvres. Encore un Don de plus pour la petite… Heureusement que Viveplume ne connaissait que des comptines d’enfants. Il faudrait qu’elle dise à la nourrice de ne lui enseigner que des chansons joyeuses et absolument dépourvues de double sens. Sinon la situation promettait d’être… intéressante.
Viveplume s’approcha du coffre où Pluie était cachée, mais elle se dirigea plutôt vers des tableaux empilés contre le mur, à quelques pas de la Kestra’chern. Pluie s’amusa à faire tomber un coussin pour attirer l’attention de Liane. Puis elle sortit de sa cachette en poussant un grand « Bouh ». Elle attrapa la petite fille et la fit tourner dans ses bras avant de la reposer au sol.
« Tu chantes joli, Viveplume. Ta maman sait que tu chantes, oui? »
Si ce n’était pas le cas, il faudrait mettre au courant Riannon.
« A moi de chercher. »
Elle alla à son tour s’appuyer contre le mur.
« Un, deux, trois, quatre, cinq… »
Elle entendit la fillette détaler.
« … vingt-cinq, vingt-six, vingt-sept, vingt-huit, vingt-neuf, trente! J’arrive »
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Une fois lancée à la recherche de Pluiechantante, Liane se mit donc à chanter, ignorant qu'elle projetait malgré elle. Investie dans sa quête avec la pugnacité d'une enfant de quatre ans, elle sautillait d'une cachette potentielle à une autre avec sa comptine aux lèvres. Soudain, un bruit sourd la fit se retourner et avec un grand éclat de rire, elle désigna le tas de coussins et cria d'effroi mêlé de joie quand la jeune femme sortit brusquement de sa cachette avec un grand "bouh"! Elle continua de rire joyeusement quand Pluiechantante la fit tournoyer et elle octroya un gros baiser à la joue près d'elle quand celle-ci la reposa au sol.
"Maman elle chante aussi pour moi." répondit l'enfant sans répondre vraiment à la question. "Nourrice aussi."
Elle sautilla sur place d'excitation quand sa tatie lui annonça que c'était son tour de se cacher. Elle s'éloigna en courant, tourna plusieurs fois sur elle-même pour chercher des yeux une cachette alors que le compte à rebours commençait. Indécise, elle regarda les tableaux, hésita devant une vieille armoire branlante, et finit par se décider pour un vieux coffre rempli de vieux tissus. Elle s'enfouit sous ce qui avait dû être des châles de servantes et retint sa respiration, petit tas tremblant d'énergie sur les étoffes poussiéreuses.
La voix de Pluie annonçant le top départ faillit déclencher une nouvelle crise de rire mais la fillette se retint bravement. Elle se rappela brusquement qu'elle n'avait pas à utiliser ses Dons et se recroquevilla mentalement pour être mieux cachée. Sa décision ne tint pas longtemps et elle risqua un coup d'oeil en dehors de sa cachette. La kestra'chern n'était pas bien loin.
"Tu me trouveras pas
nanana..."chantonna-t-elle tout doucement pour elle-même.
Elle bougea un peu, mal installée, et sa main fouilla machinalement dans les tissus. Elle toucha une chose dure, qu'elle saisit et remonta jusqu'à elle. C'était une petite pierre bleue, sertie pour servir de pendentif, accrochée à un lacet de cuir. L'enfant serra sa découverte dans sa main et revint momentanément au jeu. Elle se prépara à imiter la jeune femme et à sortir comme un diablotin de sa caisse...
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Liane ne répondit pas à la question, mais c’était suffisamment habituel pour que Pluie ne s’en offusque pas. Elle en parlerait à Riannon, c’était le plus simple. Elle obtiendrait une réponse claire, et à deux, elles pourraient mettre au point un angle d’approche pour palier à ce problème. Il était plus que compliqué de devoir gérer une enfant comme Liane. Elle avait trop de Dons pour son jeune âge, et sa nourrice - sa vraie nourrice - n’était vraiment pas qualifié pour s’occuper d’une petite fille comme elle.
Tandis qu’elle comptait, Pluiechantante écoutait les petits pas de Liane qui semblait indécise. Puis le bruit s’éloigna, et Pluie estima que la petite avait dû trouver une cachette. L'imagine de la nourrice totalement découragée s'imposa à son esprit; Liane et elle seraient bientôt couvertes de poussière. Or la nourrice tenait particulièrement à la propreté de la petite fille. C'était quelque chose que la Kestra'chern ne comprenait pas. Un enfant, c'était conçu pour se salir continuellement. Il ne servait donc à rien de les habiller de beaux vêtements et d'espérer que ceux-ci resteraient propres.
Elle arriva enfin au bout de son décompte - cela lui demandait de la concentration de compter dans une autre langue que la sienne - et elle se retourna. Sans chercher vraiment Liane, dans un premier temps, elle se promena dans le bric-à-brac, faisait un boucan de tous les diables. Elle ouvrit bruyamment plusieurs coffres, bouscula une vieille armure, déplaça quelque tableaux.
« Viveplume, tu es cachée là? Ici? Je vais te trouver. »
Après avoir soulevé un nombre certain de coussins, tableaux et autres éléments mobiliers, elle se dirigea vers le dernier endroit où elle avait entendu la petite. Elle avisa un coffre, puis sourit. Elle s’en approcha, mais s’intéressa plutôt un à un mannequin de couture un peu mité, puis à une pile de vieux dossiers de cuir. Elle s’arrêta devant le coffre et fit mine de chercher autour d’elle.
« Je vais te trouver, Viveplume. »
Elle leva même la tête au plafond, et puis se baissa pour regarder sous une table. Elle finit par revenir vers le coffre, et posa la main sur le couvercle, prête à le soulever.
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Dans son coffre, Liane jouait du bout des doigts avec la pierre du pendentif. Elle était lisse et froide mais se réchauffait rapidement au contact de sa peau. La gamine adorait les contrastes. Elle pouvait passer des heures à trimballer des feuilles, des cailloux, des morceaux de bois, du tissu, parce qu'elle aimait leur forme, leur rendu, et passer ses doigts d'une surface à une autre, pour bien se rendre compte des spécificités de leur surface. En général, elle s'inventait des comptines pour accompagner ses jeux, mais cette fois-ci, cachée dans son coffre, elle réprimait tant bien que mal les paroles qui lui montaient aux lèvres.
Pluiechantante faisait beaucoup de bruit à l'extérieur, et elle mit un certain temps à s'approcher du bon coffre. Liane était très fière d'être aussi bien cachée. Elle ne put réprimer son petit chant de victoire mais se tut rapidement quand la présence de la jeune femme fut assez proche de sa cachette pour que Pluie puisse l'entendre.
Le poingt serré sur sa découverte, Liane attendit que sa chasseuse s'approche encore. Quand elle l'entendit au plus près d'elle, l'enfant ne put réprimer un petit rire d'excitation. Enfin, quand elle sentit Pluiechantante au-dessus du couvercle de bois, elle poussa ce dernier des demains et jaillit comme un diable de sa boîte:
"C'est moi BOUH maintenant!" hurla-t-elle, très satisfaite d'elle-même.
Dans sa main se balançait le collier. Liane sortit maladroitement du coffre, refusant toute aide extérieure, et se dressa devant Pluiechantante, main levée, pour lui montrer sa découverte. Se rappelant qu'elle n'avait pas le droit de prendre des choses hors de sa chambre (elle avait subi des heures de remontrances de sa nourrice parce qu'elle ramenait ses jouets improvisés dans sa chambre), elle demanda, subitement très polie:
"Je peux garder la jolie pierre? Ca fait collier de grande, et je suis presque grande."
Elle fit un grand sourire charmeur à sa tatie et attendit le verdict, transpirant de bonne volonté et de désir de garder le joli collier.
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Pluiechantante fit mine d’être prise par surprise par la subite apparition de la petite. Elle mit la main sur le coeur et poussa un « oh » surpris. Elle se mit ensuite à rire doucement.
Elle laissa Liane sortir du coffre, se gardant bien de l’aider. La petite aimait montrer qu’elle était grande. Puis la fillette lui montra sa dernière trouvaille et lui demanda si elle pouvait la garder.
« Oh, comme il est joli! Je pense c’est bon, oui. C’est à plus personne, maintenant. Attends, je regarde aussi dans le coffre. »
Pluiechantante se pencha sur le coffre et en sortit les châles. Au fond, plusieurs bijoux de confection similaire étaient étalés.
« Regarde Viveplume, il y a aussi un joli bracelet, et des boucles d’oreilles. Je prends le bracelet, oui? Ou tu veux? Je prends une boucle d’oreille. Tu gardes l’autre, oui. Quand tu seras grande, tu pourras la mettre et on sera relié par les pierres, oui? »
Elle ramassa le reste de la parure et s’attacha le bracelet à la cheville droite. A cause de son métier, elle évitait de porter des bracelets aux poignets: les clients n’appréciaient pas le contact froid du métal sur leur peau. Elle enfila une des deux boucles d’oreilles dans un de ses trous libres. Elle s'accordait parfaitement avec les nombreux anneaux, perles, plumes et autres qu'elle avait aux oreilles. En tout, la Kestra'chern avait une dizaine de trous dans les oreilles: quatre dans chaque lobe et un sur chaque pavillon.
« Joli, oui? » demanda-t-elle en soulevant un peu son ample pantalon.
Pluiechantante aida ensuite la petite fille à mettre son collier. Elle dut fait une boucle au lacet de cuir - qui ne tarderait pas à se rompre - pour le mettre à la bonne taille. Elle nota dans un coin de sa tête de donner un nouveau lacet à la fillette, sinon elle risquerait de le perdre.
« Comme une grande oui. Il faut encore la jolie robe de dame! »
Pluiechantante regarda autour d’elle et avisa un mannequin soutenant une vieille tunique élégante, blanche, qui avait dû appartenir à une femme Héraut. D’après la coupe, personne n’avait dû la porter depuis plusieurs siècles.
La Kestra’chern s’approcha du mannequin qu’elle déshabilla. Ce faisant, elle souleva un gros nuage de poussière. Elle secoua donc vivement la tunique. Elle dût froncer le nez pour s’empêcher d’éternuer.
« Regarde, Viveplume. Une jolie robe pour être comme les Blancs. »
Sur un mannequin situé dans l’autre coin de la pièce, Pluiechantante avait repéré une robe telle qu’on en voyait sur les peintures, avec une large jupe - tellement large qu’on ne pouvait sans doute pas passer les portes avec - qu’elle rêverait d’essayer, elle aussi. Elle aussi adorait les "trucs de dame" et se déguiser quand elle le pouvait.
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Très satisfaite de son petit effet, totalement confiante sur le fait que Pluie ne jouait pas la surprise mais l'était vraiment, Liane enchaîna rapidement avec un sujet encore plus intéressant: les bijoux. Elle montra fièrement sa découverte à la jeune femme et réclama poliment le droit de garder son nouveau trésor. Elle trépigna d'enthousiasme quand Pluiechantante lui donna son autorisation et se pencha avec elle au-dessus du coffre pour vérifier que d'autres jolies choses ne s'y cachaient pas.
"Ooooh c'est beau!" s'extasia-t-elle devant les objets que la Kestra'chern sortit au fur et à mesure.
L'envie de posséder des beaux objets faisaient de Liane une vraie petite pie humaine. Elle dévora des yeux le bracelet et les boucles d'oreilles et hésita indubitablement quand Pluie s'octroya le bracelet. Elle le voulait. Mais sa tatie aussi. Le dilemme entre son désir et son envie de faire plaisir à sa compagne se battirent durement en duel dans sa tête. Puis la boucle d'oreille régla le conflit.
"D'accord. Et je mets la boucle d'oreille dans mon trésor, d'accord?"
Son trésor était une boîte qu'elle cachait sous son lit, remplie de petits cailloux, de plumes, et de feuilles mortes. Elle pourrait y ajouter une vraie chose précieuse, comme sa maman, désormais. L'idée même de faire comme sa mère la remplissait de joie. Riannon serait fière d'elle, elle en était sûre.
L'enfant regarda Pluiechantante se préparer avec leurs découvertes et elle serra la petite boucle d'oreille dans sa petite main avec satisfaction. Elle approuva avec enthousiasme devant le résultat de la préparation de la femme.
"Très jolie. Moi aussi je veux être jolie." réclama-t-elle, aussi égoïste qu'une enfant de son âge peut l'être.
Liane resta sagement immobile tandis que Pluiechantante accédait à sa demande et lui attachait son collier autour du coup. Penchant la tête, l'enfant admira sa nouvelle acquisition et poussa un gros soupir de contentement. Sa nourrice improvisée enchaînait cependant déjà et le jeu de cache-cache se transforma en jeu de déguisement pour le plus grand plaisir de la fillette. Cette dernière suivit Pluie comme son ombre jusqu'au mannequin que la jeune femme déshabilla. Liane éternua plusieurs fois devant le nuage de poussière et, les yeux un peu humides, tendit les bras vers la tunique:
"Je veux être une Blanche aussi. Rian il fait le Blanc aussi. On va tous les deux être Blancs et se marier. Bientôt." babilla-t-elle en tirant sur la tunique pour la réclamer.
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Pluiechantante rit. Si à quatre ans elle avait déjà hâte de se marier… Enfin, c’était un jeu d’enfants typique de cette région. Chez elle, le mariage n’existant pas sous cette forme, les enfants se donnaient des petites plumes qu’ils ramassaient dans les buissons, ou même des jolies feuilles, pour singer les adultes.
Elle déboutonna le col de la tunique, détachant aux passages quelques jolis moutons. Puis elle fit tendre les bras à Liane et la lui passa. Elle reboutonna ensuite le col. Cela faisait une mignonne petite robe à la fillette. Pluie fronça cependant les sourcils. Elle chercha autour d’elle de quoi faire une petite ceinture. Finalement, elle avisa les châles, laissés à l’abandon sur le sol. Elle en chercha un abîmé, qu’elle pourrait déchirer sans scrupule. Elle finit par trouver un fin châle de lin gris. Elle préleva une bande de tissu, qu’elle tordit. Puis elle vint l’attacher autour de la taille de Liane.
« Il faut un miroir, oui. Pour que tu vois comme tu es jolie. »
Elle essaya de ne pas penser à la tête que ferait la vraie nourrice de la fillette quand celle-ci rentrerait, couverte de poussière de la tête au pied. Enfin, un enfant, ça se lave, et les vêtements aussi.
Pluiechantante observa la pièce, à la recherche d’un miroir ou d’une coiffeuse pour la petite puisse se voir. Elle aperçut enfin un éclat révélateur, non loin de la jolie robe qu’elle avait repérée.
« Ici, Viveplume. »
Elle entraîna la fillette dans son sillage, déplaçant quelques paniers pour libérer un petit espace devant le vieux miroir. Le coin supérieur manquait, ce qui ne dérangerait nullement la petite fille.
« Tu veux qu’on cherche un joli habit pour Adrian? Sinon je peux trouver du tissus, oui, et faire moi. Comme ça ça fera joli, vous deux. »
Tandis qu’elle parlait, elle s’approcha du mannequin supportant la somptueuse robe. Dans cette lumière, elle semblait grise, mais elle plus probablement d’un violet pâle. Elle avait des manches ballons et un décolleté très large sur les épaules. Le genre de robe que Pluiechantante n’avait jamais vue de sa vie…
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Liane se montra totalement docile à l'habillage. Ce n'était pas comme certains matins où elle se cachait pour éviter la torture des habits trop propres et des coups de brosse trop appuyés. Cette fois, c'était pour la transformer en grande, et mieux encore, en "Blanche". Elle se laissa donc faire en babillant joyeusement sur la beauté du vêtement, l'envie de se marier avec Adrian, et comment elle allait être "trop forte" pour "sauver Valdemar" "comme les Blancs". L'enfant ne faisait évidemment que répéter des concepts très vagues pour elle, qu'elle avait entendu lors de ses nombreuses escapades. Les adultes avaient tendance à oublier qu'une enfant a des oreilles et une langue pour ressortir la moindre expression qui sonnait un peu héroïque.
Pluie finit de déguiser la fillette qui tourna sur elle-même, très satisfaite du résultat:
"Voilà, je suis Blanche. Maman est fière si je suis Blanche!" affirma-t-elle avec véhémence comme si Pluie allait lui répondre le contraire.
Elle suivit la Kestra'chern entre les meubles jusqu'à l'éclat de miroir qui résistait vaillament au temps qui passe. Malgré la surface mouchetée de rouille ou autre dépots se battant en duel avec la poussière, il permettait cependant une bonne vue d'ensemble pour la gamine.
"Je suis jolie." conclut l'enfant d'un ton qui n'autorisait aucun démenti. Elle leva un regard plein d'amour vers sa tatie qui proposait déjà d'enchaîner sur la recherche d'un habit pour Adrian. Pluie lui faisait tellement plaisir qu'elle sautilla en criaillant d'enthousiasme: "Oh oui, oui, oui! Pour Adrian, un blanc aussi! Comme ça on sera les blancs et on ira faire les blancs avec les Blancs."
Cela faisait beaucoup de blancs dans une seule phrase mais Liane était persuadée d'être claire comme de l'eau de roche. L'enfant s'apperçut alors que Pluiechantante avait le regard sur une robe d'antan. Elle se précipita pour aller toucher le vêtement d'un air de ravissement intense:
"Toi aussi, tu mets la robe. Tu fais la princesse avec moi? Si tu veux, je te sauve. Je suis Blanche, je peux." assura-t-elle en regardant d'un air suppliant sa compagne de jeu.
Totalement prise par l'excitation du moment, elle se tendit vers Pluiechantante pour la faire céder.
"S'il te plait." ajouta-t-elle, se souvenant vaguement qu'il fallait être polie quand on voulait quelque chose.
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Pluiechantante se demandait d’où venait la certitude de la petite fille qu’elle serait Élue. Pourtant, ni sa mère, ni son père - pour ce qu’elle en savait - n’était un Héraut. Peut-être était-ce les Compagnons qui le lui avaient dit. Certes, il ne faisait presque aucune doute que la petite serait un jour Élue. D’abord à cause de ses Dons. Et les Compagnons la chouchoutaient. Deux très bonnes raisons.
La Kestra’chern avait l’habitude des explications embrouillées de la fillette. Aussi comprit-elle à peu près ce que Liane lui racontait. Elle lui sourit.
« D’accord, je cherche après. »
Elle n’était par contre pas tout à fait certaine de connaître la taille du garçon. Il était quand même plus grand que la petite fille, mais elle ne savait pas à quel point. Le plus simple serait de trouver du tissu blanc et de lui coudre quelque chose. Elle n'était pas trop mauvaise en couture. Et les vêtements pour enfant étaient moins long à confectionner, car ils nécessitaient moins de complications, comme des pinces.
Puis Liane vint elle aussi regarder la belle robe, et l’encouragea à l’essayer.
« Je sais pas si je sais mettre ça, Viveplume. Chez moi, il n’y a pas des habits compliqués. »
Elle inspecta la robe un peu mieux. Le dos était fermé par un laçage complexe, et la jupe comportait un gigantesque jupon. Comment pouvait-on marcher avec un tel vêtement? Sans doute le but était-il se rester joliment assise sur un siège et de sourire.
« Je regarde, oui. »
Elle enleva la robe du mannequin, puis le jupon. Elle n’était pas certaine que ses épaules entraient là-dedans. Elle avait la musculature d’une femme qui travaillait avec ses mains. Tandis que cette robe avait été taillée pour une petite chose fragile.
« C’est bizarre… le corps il est tout dur. Comment on respire? »
Pluiechantante avait entendu parlé des corsets, ces outils qui servaient à affiner la taille et à soutenir la poitrine. Mais elle n’en avait jamais tenu un dans les mains. Et elle ne s'était jamais imaginée qu'elle en porterait un...
L’air profondément dubitative, elle desserra le laçage du dos. Jetant un bref coup d’œil autour d’elle, elle retira sa tunique, sa liquette, et se contorsionna pour tenter d’entrer dans la robe. Elle dut retenir sa respiration et serrer les épaules au maximum pour qu’enfin elle puisse se glisser correctement dans la robe. Précautionneusement, elle prit une inspiration. Rien, pas de craquement. Elle se tordit les bras pour attraper les lacets et resserrer le corset. Elle fit un vague nœud pour le maintenir en place. Puis elle attrapa le jupon pour l’enfiler rapidement.
« Mais… comment on peut inventer des trucs pareils ?!? »
Elle tourna un peu sur elle-même pour regarder la robe, puis sourit à Liane.
« Alors, je suis comme une princesse? »
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Contente que Pluiechantante n'ait pas oublié son petit fiancé, Liane acquiesça avec un sérieux exagéré:
"D'accord."
La Kestra'chern avait promis, et elle tenait toujours ses promesses, donc l'enfant n'avait pas à s'en faire: Adrian serait lui aussi un Blanc très rapidement. La réalité et les rêves se mélangeaient un peu dans la petite tête brune et elle se prenait déjà réellement pour un Héraut. Après tout, elle en avait l'accoutrement, et on savait bien que l'habit fait le moine. En parlant d'habits, les deux filles venaient de trouver le vêtement idéal pour transformer l'étrangère en vraie princesse valdemarane. Liane s'enflamma brusquement et poussa sa tatie improvisée à essayer les habits, convaincue que cela irait parfaitement à la Kestra'chern, n'ayant aucune notion de taille ou de complications dues aux boutons et autres lacets. C'était joli, ça irait donc à Pluiechantante, point final.
"Mais si tu peux. Tu tires un peu et tu mets." assura la fillette d'un ton docte, spécialiste des jolies robes pour cette fois.
Elle n'avait pas si tort que ça. Après avoir étudié le vêtement, Pluiechantante retira les vêtements du mannequin. Liane se précipita sous le jupon et cria "BOUH" avant de se retirer et de laisser la jeune femme tripoter la robe pour comprendre son fonctionnement.
"C'est pour faire joli." assura la petite à propos du corset. "Les filles elles portent souvent ça. Ma maman dit que c'est mauvais pour respirer et qu'elle aime pas chanter avec. Tu chantes avec, toi?"
Pour Liane, l'air dubitatif de Pluiechantante fut comme une menace pour son jeu. La gamine se mit alors à insister:
"Mets la robe. S'il te plait. Tu es la princesse après."
Pluiechantante se déshabillait déjà, mais ça valait le coup d'être sûre qu'elle ne s'arrêterait pas en si bon chemin. En quelques minutes, l'étrangère avait pris des airs très valdemarans, si ce n'était l'exotique accoutrement de ses oreilles et ses cheveux. Cela ne choquait pas du tout le sens esthétique de Liane qui sautilla de joie devant les résultats.
"C'est inventé parce que c'est joli. Tu es une princesse maintenant." confirma l'enfant.
Puis Liane attrappa la main de Pluiechantante et gazouilla d'un air innocent:
"Les princesses ça danse. Mon papa me l'a dit."
Et si papa l'avait dit... c'était sûrement vrai. D'ailleurs Beltran faisait danser une Blanche. Et être Héraut n'empêchait pas d'être une jolie princesse. Alors une Kestra'chern ferait une excellente danseuse également.
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Pluiechantante approuvait Riannon sur ce point. Cette tenue ne pouvait être que mauvaise pour respirer, mais aussi pour bouger, manger, rire, tousser. Bref, pour tout à part rester immobile, et peut-être danser de manière modérée. Il fallait aimer souffrir pour porter un tel vêtement. Déjà, elle rechignait en général à porter des bandes pour soutenir sa poitrine, car elle aimait bouger et respirer librement. Ça, c'était autrement plus contraignant.
« Je chante pas avec, Viveplume. Si je chante, je pense que je casse, oui. Enfin, pas moi, la robe. »
Elle parlait encore plus mal avec Liane, car elle ne se sentait pas tenue de faire des efforts. La petite venait allègrement piocher les informations lacunaires ou obscures directement dans sa tête. Ce qui convenait à Pluie. D’ailleurs, la petite maîtrisait de mieux en mieux le Kaled’a’in. Bientôt elle serait meilleur dans le langue de Pluie que Pluie en Valdemaran.
Maintenant engoncée dans la robe, Pluiechantante peinait à respirer de manière normale. Elle était obligée d’adopter une respiration poitrinaire, plutôt que ventrale.
« Joli? Oui… mais pas bien à porter. Pas confortable. »
Elle sourit.
« D’accord, je suis une princesse et je danse. »
Sauf qu’elle ne connaissait pas les danses de salon. Elle connaissait les danses endiablées de son peuple, les danses acrobatiques, suggestives, sauvages… pas des danses qui pouvaient convenir à une telle tenue. Elle se demandait où le couturier qui avait créé ce modèle était allé pêché ses idées. Elle se faisait l’impression d’être comme ses roses ornementales, dans les jardins des nobles, dont la tige ne pouvait soutenir la corolle surchargée de pétales. Certes, le corset remontait esthétiquement la poitrine, donnant l’impression qu’elle était plus généreuse. Il affinait aussi la taille. Mais Pluiechantante avait toujours estimé qu’elle était joliment formée. Elle ne voyait donc pas l’intérêt d’améliorer sa silhouette. Et les canons de beauté n’étaient vraiment pas les mêmes à Valdemar ou chez elle. Ici, on aimait les femmes aux bras délicats, aux épaules étroites, à la peau pâle. Chez elle, on préférait les corps musclés, respirant la santé, la peau halée. Sa peau, d’une complexion différente de ses concitoyens, lui avait toujours amené de nombreuses faveurs.
Elle vérifia une fois encore la mise de sa robe et tendit les bras à la petite fille.
« Tu conduis, oui. Parce que je suis la princesse, et je sais pas les danses de Valdemar. »
En fait si, elle avait appris sur la route quelques danses paysannes. Mais il s’agissait de rondes ou de danse en ligne, ce qui était très différent de la valse qu’on pratiquait à la cour.
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Liane pencha la tête de côté, indécise, quand Pluiechantante lui avoua qu'elle ne pouvait pas chanter sous peine de se casser et de casser la robe. Dans l'esprit imaginatif de la petite, l'image devint très réelle et elle fronça les sourcils d'inquiétude:
"Alors ne chante pas! Je veux pas que tu casses." s'exclama-t-elle avec une véhémence inquiète.
Cependant, une seconde d'observation la rassura. Il n'y avait pas de fissures ou de couture déchirée sur sa tatie, elle devait donc aller bien même si elle semblait un peu étrange, engoncée dans cette robe inhabituelle pour elle. Pluiechantante découvrait les joies du corset et des lacets et confirmait une chose que l'enfant avait déjà conclu par elle-même puisqu'on la forçait régulièrement à être bien habillée pour la cour: les robes sont belles mais pas confortables. Rien ne valait sa belle tenue improvisée de Héraut, Liane en était sûre. Pourtant, le jeu en valait la chandelle aux yeux de la fillette. Maintenant qu'elle avait réussi à transformer la Kestra'chern en princesse, elle en oublia les petits problèmes de respiration et décida de profiter au maximum de sa nouvelle princesse. De plus, Pluiechantante venait d'accepter de danser avec elle. Liane battit les mains de contentement avant de lever un visage concentré vers sa compagne: elle cherchait quelle danse elle pouvait faire.
Liane n'avait pas encore de cours de maintien ou de danse. A son âge, la petite avait déjà suffisamment à faire avec les cours de lecture, de chiffres et de politesse. Cependant, on lui avait déjà montré les danses de salon, et entre sa mère Barde et son père galant homme, tout ce qui avait trait à la musique et aux mouvements la fascinaient. Comme tout enfant normalement constituée, elle aimait singer les adultes et s'y connaissait plutôt pas mal en "danse" en général, si on ne portait pas attention aux détails. Elle hocha donc la tête avec enthousiasme lorsque Pluiechantante assura qu'elle était une princesse et dansait donc. La Kestra'chern tendit les bras vers Liane qui s'empara de ses mains, très fière qu'on lui demande de conduire.
"C'est facile." promit l'enfant. "On fait des ronds et on fait les pieds doucement. C'est moi le Héraut alors je conduis la princesse."
La petite se rappela comment son père faisait. Un pied derrière, l'autre pied revient... elle trébucha mais se reprit avec un large sourire, changea de pied... La valse ne ressemblait pas à une valse mais Liane trouvait bien suffisant qu'elles bougent à peu près ensemble. A ses yeux, l'illusion était parfaite. Elle leva soudain les yeux dans un petit cri coupable:
"J'ai oublié! La danse c'est sur la musique! Il faut la musique!" Elle hésita une seconde: "Tu peux pas chanter si tu casses, alors je fais?"
Liane prit une grande inspiration d'un air très sérieux et commença à chanter à pleins poumons, ignorant les notions adultes de retenue ou de ridicule, s'accrochant toujours aux mains de Pluie pour mener la danse:
"Pompompom pompompom pompompom pooooom pooooom poompompom on danse bien pompompom pompompom..."
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Liane semblait ravie de conduire la danse, et malgré sa petite taille, elle prit avec énergie les mains de Pluiechantante. Elle tenta de lui expliquer le fonctionnement de la danse de salon avec ses expressions enfantines. La jeune femme n’était pas beaucoup plus avancée. Elle imaginait qu’il s’agissait de bouger les pieds de manière à effectuer de grands cercles… c’est en tout cas ce qu’elle avait vu.
Liane commença à déplacer un pied, puis le second. Elle trébucha, se reprit et recommença. Cela ne ressemblait que de très loin à une danse, mais on ne pouvait demander à une enfant de cet âge d’avoir la coordination nécessaire pour danser à peu près correctement. Puis Liane s’écria soudain qu’il manquait la musique. Aux yeux de Pluie, ce n’était pas indispensable, mais la petite fille, elle, trouvait cela très important. Elle se mit donc à chanter, plutôt à hurler une imitation approximative de musique de bal.
Pluiechantante dut réprimer une grand éclat de rire. La robe était tellement serrée qu’elle était certaine de la faire craquer si elle riait trop fort. La petite hurlait à plein poumon, à peu près juste malgré tout, avec un sérieux comique. Le bric-à-brac alentours absorbait heureusement la majeure partie du son. Mais la Kestra’chern était certaine qu’on pouvait les entendre depuis les escaliers du palier supérieur.
« On… danse oui. » parvint-elle à répondre, secouée d’un grand rire silencieux.
Après quelques tours maladroits supplémentaires, Pluiechantante décida de changer un peu la donne. Avec peine, elle se baissa, attrapa la fillette, la cala sur sa hanche, remonta et se remit à tourner sur elle-même, avec plus de grâce cette fois. Elle aimait beaucoup l’effet de la jupe quand elle dansait. Le tissu, légèrement irisé, donnait l’impression d’onduler comme de l’eau. Elle allait peut-être la garder, finalement. Il lui suffirait de retoucher le haut pour le rendre plus confortable, en rajoutant un tissu de contraste. Elle réduirait aussi l’amplitude du jupon, en lui ôtant les parties rigides. Après tout, elle n’avait aucune robe de bal, cela lui serait donc réellement utile. Et puis la robe ne manquerait à personne. Elle avait été oubliée ici depuis fort longtemps, et vu la couche de poussière tapissant les lieux, on ne venait que rarement par ici. Pluiechantante avait découvert l’endroit en se perdant, alors qu’elle cherchait la salle réservée à la Vision à Distance.
Après quelques tours de plus, la jeune femme commença à avoir des petits problèmes d’équilibre. Elle dut s’arrêter quelques instants.
« Je te montre après, comment on coud les jolis vêtements, oui? Comme ça, tu peux aider pour faire le costume pour Adrian. Comme une vraie épouse… »
A son âge, Liane devait être capable de réaliser quelques coutures droites, du moment qu’on la guidait. Et cela plairait à la nourrice de constater que Pluiechantante était aussi capable d’initier la petite fille à des activités traditionnelles, plutôt qu’à des « bêtises ».
Pluiechantante se remit à tourner, mais cette fois dans le sens inverse.
« Et ton papa, il danse aussi avec toi? Je connais pas lui… Tu me montres une fois? »
L’histoire familiale de Liane était un peu bizarre. Son père était connu de tous, mais il n’avait jamais réellement reconnu la fillette. C’était quelque chose que Pluiechantante ne comprenait pas. Qu’on ne souhaite pas se marier malgré la naissance d’un enfant lui paraissait tout à fait normal. Son peuple procédait ainsi. Mais qu’on ne reconnaisse pas sa paternité la choquait. Quelle honte y avait-il à avoir une petite fille aussi charmante? Surtout que d’après ce qu’elle avait compris de la noblesse, les hommes étaient presque encouragés - en tout cas pas découragés - à aller planter des bâtards un peu partout. C’était les femmes qui se devaient d’être vertueuses avant et pendant leur mariage. L’attitude du père de Liane n’avait donc aucun sens à ses yeux, que ce soit du point de vue de sa culture, ou de celle de Valdemar.
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Liane prit très à coeur son rôle de jukebox vivant et y mit tout l'enthousiasme qu'elle avait en réserve. L'enfant ne se lâchait vraiment qu'avec Adrian et Pluiechantante et son petit corps avait besoin de ces débordements de temps à autres. Elle mettait tellement de coeur à chanter et à danser qu'on aurait pu croire que c'était sa plus grande passion dans la vie. Cela l'était sur le moment, d'ailleurs. Le reste du temps, cela se bataillait avec son goût pour les cachettes et les histoires qu'elle racontait à sa poupée ou à Adrian, selon ses rencontres de la journée.
Pluiechantante se plia gentiment à l'exercice, laissant Liane s'époumoner joyeusement plus ou moins en rythme et mener la danse. La jeune femme confirma ce que la petite savait déjà: elles dansaient, princesse et héraut réunis dans la musique.
La fillette ne s'imaginait même pas que Pluiechantante pouvait ne pas prendre tout ceci aussi au sérieux qu'elle. Elle était totalement transportée dans son monde, loin des manigances des adultes et des fâcheux souvenirs.
Soudain, Liane fut soulevée et calée contre la hanche de la Kestra'chern. D'abord prise par surprise, Liane s'arrêta brusquement de chanter pour s'accrocher à Pluie. Une fois bien assurée, elle desserra légèrement les mains et profita du manège. Elle rit joyeusement et le rythme de la chanson changea - passant du "pompompom" à une mélodie plus du genre "wahaha haha, whaaa". Quand Pluiechantante s'arrêta de tourner, elle ramena Liane dans ses propositions de coutures et l'enfant prit très au sérieux la proposition.
"C'est vrai je peux?! Oh je suis contente!" fit-elle en plantant un baiser quelque peu baveux sur la joue à sa portée.
Elle lâcha un éclat de rire quand la jeune femme recommença leur "danse" improvisée et se serra contre elle avant de répondre d'un ton indécis:
"Il danse avec la Blanche. Moi j'ai trop petite des fois. Tu veux voir mon papa? Il veut pas beaucoup parce qu'il a peur que la méchante sorcière revient." affirma la gamine, le sourire disparu. Décidée à ne pas se laisser gâcher sa joie par une conversation sérieuse, Liane reprit: "Mais nous on danse trop bien et on sait se battre, nous. Tu montres à Rian aussi?"
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« Bien sûr que tu peux. Tu vas voir, oui, c’est facile. »
Enfin, les coutures droites. Parce que le reste, cela pouvait être sacrément compliqué. Mais Liane était assez grande pour s’y essayer.
Liane se rembrunit à l’évocation de son père. Ce n’était pas un sujet facile à aborder pour elle.
« Je comprends… »
Après ce qui était arrivé à Liane, il était normal que Beltran se méfie de tout le monde. Sauf que sa paternité était plus ou moins un secret… En fait, Pluie ne voyait pas le lien entre les tortures dont Liane avait été victime et le fait que Beltran ne veuille pas qu’on le rencontre en sa qualité de père de la petite. Avait-il l’impression que sa paternité le rendait plus vulnérable aux attaques? Pluichantante était quand même la personne qui s’occupait le plus de Liane, Riannon mise à part. Même la vrai nourrice de la fillette ne participait pas autant à son éducation. N’aurait-il pas dû s’assurer qu’elle était une personne de confiance? Et au-delà de ça, s’informer des valeurs de la jeune femme.
Liane changea de sujet pour revenir à la danse… et à Adrian. La petite ne souhaitait sans doute pas s’étendre sur un sujet qui la rendait triste.
« On danse oui… on se bat… on se bat? On peut montrer, oui. Enfin, la danse. Le combat… je me défends, je me bats pas. »
Pluiechantante pratiquait une forme d’auto-défense basée sur la connaissance du corps et de ses mécanismes. Elle pouvait désarmer assez facilement un agresseur, voire même paralyser quelqu’un. Mais elle ne s’en servait jamais. Elle n’avait jamais été attaquée, comme si la confiance qui se lisait sur ses traits repoussait les attaques.
Quoi qu’il en soit, elle ne pouvait donc pas se battre comme Liane l’entendait. Et encore moins le montrer à Adrian. Simplement parce qu’il n’y avait rien à voir.
Pluiechantante s’arrêta de tourner. Son oreille interne commençait à se plaindre du traitement qu’on lui infligeait.
« On cherche le tissu pour Rian, puis on cherche Rian, oui? »
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Liane ne pouvait que se féliciter d'avoir Pluiechantante dans sa vie. Sans que l'enfant s'en rende compte, la jeune femme transformait ce qui avait des odeurs de corvée en possibilité d'amusement infinies. La nourrice se rendait bien compte qu'elle ratait quelque chose avec l'enfant - elle compensait par un amour envahissant pour sa protégée - mais Pluiechantante semblait rattrapper le coup quand elle avait le temps de s'occuper de la gamine. Jamais l'idée ne serait venue à la nourrice de proposer un atelier couture avec un sens réel pour Liane. Alors que, présentée telle que venait de le faire la Kestra'chern, la promesse de mettre la main à la pâte enthousiasmait grandement la petite noble.
Liane était une enfant presque tout le temps de bonne humeur. Elle se renfermait devant les adultes inconnus, évitait ceux qu'elle ne connaissait pas, ne pouvait s'empêcher de se cacher tout le temps, mais face à des gens de confiance elle s'ouvrait telle une fleur ayant besoin de soleil - et de rire. Si elle se refermait, c'était soit qu'on évoquait son père soit qu'on lui rappelait la femme qui l'avait torturée quelques mois auparavant. Cette fois-ci, elle avait eu en mémoire les deux.
Pluiechantante affirma qu'elle comprenait et Liane se détendit, confiante que sa protectrice n'insisterait pas. Elle pouvait donc se concentrer de nouveau sur les choses importantes de sa vie d'enfant. Sa tatie improvisée accepta une chose de plus. Liane eut un grand sourire puis leva un sourcil perplexe, gênée par un point de détail.
"C'est quoi je défends je bats pas?"
La petite se serra de nouveau contre Pluiechantante alors que celle-ci ralentissait et s'arrêtait de tourner. Puis elle gigota pour qu'on la repose et hocha bravement la tête d'un air mortellement sérieux:
"Un beau tissu blanc aussi hein. Il est un Blanc aussi. Et on sauve la princesse - toi. Mais je sais où Rian est. C'est facile." précisa Liane.
L'enfant montrait déjà des signes qu'elle avait besoin de se bouger de nouveau.
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Le concept de défense était peut-être un peu compliqué pour la fillette qui ne comprit pas ce que Pluie tentait de lui expliquer. Elle précisa sa pensée.
« C’est que je… n’attaque pas. Je commence pas la bagarre, oui? Si on me tape, j’empêche qu’on continue. Mais je fais pas mal oui. Je peux pas avec Empathie. »
En fait, si, elle pouvait. Les barrières servaient à cela. Mais elles ne permettaient pas de se couper totalement. Elles bloquaient les émotions faibles et moyennes. Les émotions intenses les franchissaient tout de même. Mais la Kestra’chern était une pacifiste dans l’âme. Elle aidait les gens, elle refusait donc de les blesser. Évidemment, elle avait dû apprendre à se défendre. On ne lui avait pas laissé le choix. Mais elle avait refusé d'apprendre les gestes létaux, et c'était contenté de pratiquer les techniques d'immobilisation et de désarmement.
Elle reposa Liane, qui s’agitait, en prenant garde de ne pas faire craquer dans sa robe. Ce n'était vraiment pas un vêtement adapté à une femme aussi active que Pluie.
« On cherche oui. Mais avant je deviens à nouveau Pluiechantante, oui? »
Elle délaça avec peine le corset puis se contorsionna pour enlever le robe. Elle se débarrassa rapidement du jupon et remit sa propre tunique. Elle plia soigneusement l’ensemble et l’emballa dans une couverture abandonnée sur un tableau.
« Je cherche le tissu, oui. Puis on cherche Rian… tu cherches. »
Elle regarda autour d’elle. Vu la quantité de bric-à-brac entassé ici, il était plus que probable qu’elles trouvent relativement facilement des coupons de tissu blanc... et de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Le problème serait plutôt de trouver un tissu adapté à la fabrication de vêtement. Elles trouveraient sans doute quantité de draps et de nappes blanches. Si Pluie ne parvenait pas à mettre la main sur quelque chose de mieux, c'est ce qu'elle utiliserait.
« On regarde dans les coffres pour le tissu? Peut-être on trouvera d’autres trésors. »
Pluie repéra quelques coffres autour d’elles. Elle alla ouvrir le premier. Il contenait de vieilles lames rouillées. Elle le referma, et s’intéressa au deuxième. Dans celui-ci se trouvaient de vieux vêtements de bonnes, des tabliers, des coiffes. Rien d’utile.
« Tu cherches aussi Viveplume? Et ensuite on cherche Rian. »
Le troisième coffre n’était pas très accessible. Il avait relégué contre le mur alors que devant s’entassaient des paniers, des tableaux, une banquette… La Kestra’chern escalada le meuble, déplaça les toiles, repoussa les paniers et parvint enfin devant le coffre, qu’elle ouvrit.
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Liane resta une seconde à méditer sur ce que Pluiechantante venait de lui expliquer. C'était un concept dur à interprêter. Pluie ne commençait jamais la bagarre mais elle empêchait les bagarres. Elle ne faisait pas mal aux gens à cause de l'Empathie. La gamine avait un gros problème avec ça. Si une méchante voulait lui faire mal, encore une fois, comment elle se battrait si elle n'avait pas le droit de se battre justement? Liane grimaça:
"Si elle te fait mal tu fais pas mal?" demanda-t-elle lentement, indécise. "Comment tu empêches qu'on fasse mal? Moi je veux me battre si y a un méchant." ajouta-t-elle, vindicative.
Une fois à terre, Liane devint moins agitée et elle accèda au désir de Pluiechantante de se débarrasser de ses atours de princesse. Elle vérifia cependant que son jeu n'était pas fini pour autant:
"Tu gardes la robe pour jouer encore, d'accord? Avec Rian."
L'enfant regarda sa tatie se rhabiller en habits normaux, tout en s'observant elle-même dans le miroir avec un ravissement sans cesse renouvelée. Elle, elle était un Héraut et rien ni personne n'aurait pu la rhabiller normalement à ce stade. Elle fit mille grimaces devant la glace, se contorsionna pour se voir sous toutes les coutures, finit par prendre l'air sérieux et mimer quelques postures défensives qu'elle avait vu chez les élèves Hérauts en cours lorsqu'elle espionnait. Une fois Pluiechantante redevenue elle-même, Liane alla la rejoindre et acquiesça:
"Je cherche aussi. Des jolis tissus. Moi j'aime les trésors."
La gamine toucha avec tendresse son nouveau collier et se mit activement à seconder la Kestra'chern dans sa quête. Pendant que Pluiechantante ouvrait des coffres, la petite fille se précipita sur un placard qu'elle ouvrit avec difficulté en relâchant un gros nuage de poussière qui la fit éternuer. Rien d'interessant à ses yeux n'apparut et elle se détourna pour fouiller dans de gros sacs en toile posés dans un coin. Après avoir bataillé avec la corde qui fermait le premier sac, elle réussit à l'ouvrir et poussa un cri d'émerveillement. Le sac était rempli de figurines en bois et en pierre, représentant tant des humains que des créatures non-humaines. Elles avaient sans doute servi à décorer des appartements nobles avant de tomber en désuétudes et reléguées dans un coin puis abandonnées dans les sous-sols. Liane observa de près plusieurs statuettes. Elle en sortit plusieurs avec des "oooh" d'approbation. Elle hésita longuement devant la représentation d'un kyree puis elle s'empara d'un Griffon grand comme son bras et se dépêcha de ramener sa découverte à Pluiechantante.
"Je veux. Je peux? S'il te plait." fit-elle soudain très polie, se tendant vers la jeune femme pour la faire accepter. "Y a assez pour toi et pour Rian..." précisa-t-elle pour faire céder sa compagne. "Y a Rinnerl aussi."
Elle avait l'air innocent d'une enfant qui veut un jouet, toute couverte de poussière qu'elle était.
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« Si, je peux faire un peu mal. Mais pas plus qu’il faut, oui. J’im… immobilise. Je bloque les mouvements… » Elle sourit. Liane était Empathe, et même avec la meilleure volonté du monde, il lui serait difficile de se "battre si y a un méchant". « On peut se battre sans faire mal, avec les mots, l’esprit, pas les épées, tu comprends? »
Pluiechantante doutait que la petite fille comprenne réellement ce qu’elle essayait d’expliquer. Mais cela n’avait aucune importance. Elle s’en souviendrait, et en grandissant, y songerait naturellement.
Alors qu’elle ôtait sa robe, Liane s’inquiéta du sort qu’elle réservait à son déguisement du jour.
« Oui, tu regardes, j’emballe pour prendre la robe chez moi. »
Adapter cette robe lui prendrait beaucoup de temps, mais elle ne doutait absolument pas du résultat. Il lui faudrait se procurer des coupons de soie assortie et de nouveaux galons. Il lui faudrait aussi étudier attentivement les robes de cour pour avoir leur silhouette dans l’œil et être capable de modifier correctement la forme de la sienne.
Liane, enthousiaste, était ravi de l'aider, comme toujours.
« Tu aimes, oui… Moi aussi. »
Alors qu'elle fouillait dans les coffres, Liane s'était précipité, comme magiquement attirée, vers un sac rempli de figurines qui émerveillèrent tant l'enfant qu'elle revint avec un gigantesque griffon dans les bras. Pluie ne sut que répondre à sa demande de conserver l'objet.
« … » Elle réfléchit quelques instants. Cet objet-ci était bien trop encombrant pour passer inaperçu dans la chambre de la fillette. Il faudrait donc négocier avec la nourrice… « Tu cherches un trésor pour la nourrice, oui, et pour ta maman. Comme ça, tu peux garder, je pense… Mais tu fais attention, oui. C’est fragile. Mais moi je prends pas, oui. Pas un trésor pour moi. Trop… dur, immobile. »
Difficile d’expliquer dans une langue étrangère que la petite statuaire déplaisait à Pluiechantante. Elle trouvait cela à la fois kitsch et encombrant. Sans parler de l’aspect légèrement angoissant de ses regards vides pointés en permanence sur soi. Elle préférait les coussins, les couvertures, les mobiles.
Pluie avait été interrompue alors qu’elle ouvrait le coffre, elle regarda donc enfin son contenu. Avec un sourire, elle commença à soulever des coupons de tissus de toutes les couleurs, principalement rouge écarlate et vert intense. Elle mit deux coupons rouges de coté et continua à chercher. Finalement, au fond, elle aperçut du tissu blanc. Avec peine, elle tira une pile de coupon d’un blanc un peu grisé par la poussière.
« Viveplume. J’ai trouvé. J’ai pris aussi du rouge, oui. Pour faire un robe à Lila… et peut-être on peut faire un cadeau à ta maman? »
Elle se redressa et secoua sa chevelure blanchie par la poussière. Elle rassembla la robe et les coupons. Il était temps d’aller faire un peu de couture.
« Liane. On monte, oui. On va coudre. Tu prends tes trésors. On revient, oui, une fois. »
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Bien que Pluiechantante ait raison et que Liane ne comprenait pas tout ce qu'elle expliquait, cela n'empêcha pas la fillette de boire les paroles de son mentor et de hocher gravement la tête comme si elle venait de lui confier un secret d'Etat. Elle prit même le temps d'analyser la réponse sous toutes ses coutures avant de conclure pour elle-même que de toute façon Pluiechantante avait souvent raison et qu'elle la protégerait même sans épée. D'ailleurs, la Magie c'était se battre aussi sans épée. Elle ne voyait donc pas le problème de se battre avec les mots ou l'esprit ou n'importe quel concept d'adulte.
De toute façon, l'enfant avait des soucis plus pressants, tels que s'assurer que le jeu ne prenait pas fin définitivement et que Pluie n'oubliait pas qu'elles avaient une mission sacrée: trouver de quoi donner à Adrian son véritable statut de Héraut et d'époux.
Les recherches prirent un certain temps à Pluiechantante comme à Liane, mais celle-ci estima avoir touché le jackpot (oubliant une seconde sa quête de tissus) quand elle déballa un sac de figurines. C'était exactement le genre de choses qu'adorait l'enfant. Les statuettes avaient des courbes, des coins rugueux qui contrastaient avec le lustre du bois, des détails minuscules qu'on pouvait suivre du doigt. Aux yeux de la fillette, ils étaient presque vivants et cela en faisait un trésor important - presque autant que son nouveau collier. Il fallait donc convaincre Pluiechantante de la laisser ramener son butin à la surface. Liane mit donc tout son coeur dans la demande, son griffon dans les bras.
Une seconde, Liane crut que la Kestra'chern allait refuser. Sa bouche se plissa de déception, son regard devint triste... Puis le beau temps revint quand Pluiechantante céda, ayant en plus une stratégie pour attendrir la nourrice et la mère à la fois. Liane fronça un sourcil étonné devant le refus de sa tatie d'avoir un trésor à elle, mais, trop contente pour tenter de savoir pourquoi elle n'en voulait pas, elle se contenta de sauter de joie et de se précipiter vers le sac pour faire son tri.
Ce fut très difficile. Liane passait d'un objet à un autre, tentée, séduite, avant de mettre une figurine de côté, puis la reprendre, indécise. Finalement, elle choisit une statuette de noble dame pour sa nourrice et celle d'un grand oiseau à la queue aux longues plumes pour sa mère. Pour elle-même, elle se décida à garder le griffon. Une fois son importante décision prise, elle retourna vers Pluie, chargée comme un âne.
"J'ai pris. Oooh tu as trouvé pour Rian!" célébra Liane avec un grand mouvement, manquant d'envoyer valser son butin.
Elle ne tint plus en place après que la jeune femme ait parlé de faire une robe à Lila en plus, et elle accepta l'idée de faire un cadeau à Riannon avec un enthousiasme plus que débordant. De pluis, Pluiechantante venait de la rassurer: elles reviendraient donc les trésors ne seraient pas perdus.
"On va faire la couture. Pour Rian et pour maman. Je fais la couture aussi hein?"
Liane prit le chemin des étages en sautillant, et elle ne s'arrêta pas de babiller jusqu'à ce qu'elles atteignent les appartements. Là, la nourrice eut le droit au récit détaillé de l'après-midi (avec certains détails qui la firent un peu tiquer). Mais le soir, Liane étant épuisée par une journée riche en émotions, la nourrice put la coucher tôt avec son griffon de bois, et elle bénit en silence Pluiechantante de lui accorder une soirée tranquille. Mais bien sûr, elle ne l'aurait jamais avoué à voix haute.
[RP clos]