3eme Jour 5eme décade d'été
Bon, une mission pour Karse, un nouveau pouvoir qu’il apprenait à maîtriser, une femme dont il devait prendre soin, un nouveau grade de Capitaine. Les choses changeaient dans la vie du gamin au dos lacéré de coup de fouet, et il avait pris une décision.
Le matin même avant de se rendre en ville il avait accroché en face de son lit son énorme hache de bûcheron au mur. Il estimait qu’elle avait le droit à un repos bien mérité, il la récupérerait le jour où tout cela sera fini, et qu’il pourrait accomplir son rêve : se trouver une petite mansarde à l’orée d’un bois, où il pourrait élever ses enfants avec Feuille, tout en taillant des jouets en bois qu’il irait vendre en capitale pour les gosses. Même si il n’avait pas encore parlé d’une éventuelle progéniture avec Feuille quand toute cette histoire de divinité sera conclue.
Depuis plusieurs semaines déjà il s’entraînait au maniement d’arme à une main, et il avait trouvé un équilibre dans l’utilisation simultanée de deux haches courtes. Il retrouvait les sensations lors de l’impact et les positions de combat de son ancienne arme, en gagnant en élégance et en rapidité d’action. Et puis il faisait moins brute mal dégrossie, ce qui était un plus si il devait se rendre auprès des Karsites… Il allait y représenter l’armée de Valdemar après tout. Et il avait du mal avec l’idée que les langues de vipères de la cour pourraient mentionner le fait que le roi avait envoyé un campagnard comme représentant de l’armée à Karse.
Le voilà donc de retour du marchand d’arme d’Haven, ses deux nouvelles armes attachées dans son dos. Il fallait qu’il s’habitue à les avoir sur lui, et les haches à la ceinture c’était la meilleur façon de s’entailler la moitié de la cuisse au moindre mouvement d’urgence, et comme tout le monde le sait, la course à pied devient compliquée quand il ne reste plus qu’une jambe. Il ajustait donc soigneusement son harnais en cuir, déplaçant légèrement les haches pour gagner en mobilité. Même si la tout de suite ce qui le dérangeait le plus étaient ses épaulettes de Capitaine d’escadron. Il avait dû enfiler un uniforme correct pour pouvoir obtenir ses armes commandées par l’armée de Valdemar, et forcément son nouveau grade était bien voyant sur le haut de son veston.
Il dégaina les haches, vérifiant la facilité qu'il avait pour les enlever du harnais, et d'un mouvement vif du poignet fit tourner les haches autour de ses mains. Elles étaient légères, bien plus légère qu'il ne le pensait, le métal était magnifiquement travaillé. Il se souvint un peu tard qu'il était dans la rue, et le visage effrayé des passants ne laissait aucun doute: il leur avait foutu la trouille de leur vie.