Visiblement, le geste d'affection gêna la jeune fille. Wylan s'était pourtant imaginé qu'un tel geste lui signifierait une certaine acceptation de sa part. Mais, père ou pas, il restait un parfait inconnu pour cette petite, et il comprenait son mal-être, même s'il en était un peu vexé. Il faisait des efforts presque inhumains (et totalement inwylaniens) pour ne pas se montrer sarcastique et moqueur, voire carrément méchant. Il luttait aussi contre son envie de planter là la jeune Guérisseuse pour aller s'enterrer dans sa chambre avec une bouteille d'alcool maternel.
Les bouteilles planquées sous son lit lui firent immanquablement penser à sa mère. Elle allait être ravie. Elle allait accueillir cette petite à bras ouverts tout en faisant vivre à Wylan l'engueulade sa vie. Il l'entendait déjà le traiter de fils ingrat, de père indigne, de Héraut défroqué et probablement aussi de femmelette incapable de faire face à ses responsabilités.
Il ne put retenir un soupir las.
: Tu sais, je préférerais devoir m'infiltrer dans les lignes ennemies dans mon uniforme blanc que d'être ici...:
: Je compatis mon vieux. C'est quand même notre avantage, à nous les femmes. On peut difficilement être mère à notre insu. :
: Moque-toi! :
: Si peu...:
Wylan jeta un regard noir à son Compagnon avant de se tourner vers la jeune fille maintenant assise sur le banc.
«Hum... Je ne connais toujours pas ton nom, petite. D'accord, je ne suis pas réputé pour ma capacité à utiliser les prénoms des gens, mais c'est quand même plus pratique de les connaître.»
Il était presque désolé qu'elle soit déjà étudiante et donc formée à protéger son esprit. Il aurait aimé pouvoir son Don pour le guider et dire ce qu'il fallait. Après tout, même s'il avait la ferme intention d'avoir le moins de rapports possible avec cette demoiselle, il ne voulait pas se montrer blessant.
: C'est ce que tu penses maintenant. Mais tu verras, tu ne pourras t'empêcher de te faire du souci pour elle.:
: On est condamné à devenir débile quand on a des enfants? :
: J'imagine... demande à Beltran.:
: Oh merde, Beltran.:
Il s'était imaginé la réaction d'Alemdar, qui trouvait sans doute toute cette histoire hilarante. Mais il n'avait pas encore pensé à Beltran.
: Non seulement il ne va pas se foutre moi, mais en plus, il va se montrer inquiet et jouer les grands frères pour m'apprendre à être un bon père.:
Wylan se massa le front, l'air désespéré. Il trouvait la sollicitude pire que les moqueries. On pouvait envoyer promener un emmerdeur. On ne pouvait décemment pas envoyer sur les roses un cousin attentionné et par ailleurs chef des armées.
«Bon, je crois qu'on a les deux besoin d'un remontant. Je reviens, petite, un instant.»
Il se dirigea vers la Maison de Guérison et pénétra dans le bâtiment. Quelques instants plus tard, il revenait à grands pas vers sa fille (: Ce mot même m'arrache la bouche, enfin, l'esprit.:).
«Voilà, petite. Tu es indisposée jusqu'à demain matin. Allez, debout, tu vas t'enrhumer si tu restes là. Il n'y a rien de plus ridicule qu'un Guérisseur malade. Comment voulez-vous être pris au sérieux avec le nez qui coule?»
Renonçant pour le moment à tout contact physique, il se contenta de l'encourager en plaquant sur son visage l'air de plus avenant et paternel qu'il connaissait. En son for intérieur, il s'imaginait maintenant avoir la tête de Beltran jouant avec Liane, ou de son frère en pleine partie de cache-cache avec ses enfants.
«Allez, je vais t'offrir un remontant, un thé ou quelque chose de plus fort si tu préfères. À ton âge, dans ma famille, on est normalement capable de reconnaître une bonne vingtaine d'alcools différents.»
Il l'entraîna à sa suite, sans la brusquer, jusqu'à sa petite chambre dans l'aile des Hérauts.
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