Valdemar RPG
Palais - Collegia => Palais => Aile des Ambassadeurs => Discussion démarrée par: Fleur de Trevale le 23 septembre 2016, 22:49:26
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2eme jour de la 1ère décade d'automne 1484
Avec le plus grand naturel possible, Fleur traversait les couloirs du Palais en direction des appartements personnels de Pluiechantante.
Rien qu'à imaginer ce qu'elle allait demander à la Kestrachern, elle en avait des sueurs froides, et l'impression d’exhaler un parfum de scandale.
Elle avait laissé Owen à une séance de Grand Conseil, prétendant devoir rencontrer une amie. Son époux n'avait pas cherché à en savoir plus, depuis qu'elle avait boudé pendant des heures, il avait trop peur qu'elle recommence et le laisse seul.
Elle arriva enfin devant la porte des appartements qu'elle cherchait et donna quelques coups discrets sur le panneau, vérifiant à droite et à gauche que personne ne la voyait.
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Pluiechantante n'avait parlé à personne du rendez-vous que Fleur de Trevale avait souhaité prendre avec elle. La jeune noble semblait avoir quelque chose sur le cœur. Quelque chose qui la perturbait suffisamment pour prendre le risque de flirter avec le scandale.
La Kestra'chern s'était demandé comment elle allait préparer cet entretien. Il était évident que la jeune femme ne venait pas chercher chez elle un massage ou même un cours de relaxation. Elles ne feraient probablement que parler. Elle avait donc décidé de replier la natte de massage dans un coin de la pièce et de tirer les deux fauteuils autour d'une petite table. Elle fit néanmoins brûler un peu d'encens, pour aider la jeune femme à se détendre. Elle prépara aussi une infusion d'herbes et de fruits et sortit quelques biscuits d'une boîte.
Quand on frappa à la porte, elle était prête. Elle avait même passé pour l'occasion une tenue typique de kestra'chern: une longue tunique de tissu léger orange portée sur d'amples pantalons bruns. Rien qui n'entravait les mouvements, rien qui ne montrait trop le corps. Tout était fluidité et suggestion.
Elle alla ouvrir et fit entrer la jeune femme en silence. Elle lui indiqua le fauteuil et, toujours silencieuse, lui servit une tasse d'infusion. Elle prit elle-même place dans l'autre fauteuil.
«Bonjour Fleur. J'espère que ta journée se passe bien.»
Elle lui offrit un sourire encourageant pour l'inciter à se lancer.
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La porte s'ouvrit rapidement et Fleur se dépêcha d'entrer. Une odeur exquise flottait dans l'air. Fleur était très sensible aux odeurs, et celle-ci la détendit un peu.
Elle avisa la kestrachern, habillée de façon très originale, aux yeux de Fleur, mais qui ne dépareillait absolument pas avec la personnalité de Pluie, et ses appartements. Elle était ici dans son élément. D'un coup d'oeil, elle repéra une natte roulée dans un coin de la pièce et pensa à ce qu'on racontait sur les kestrachern et leurs massages si... particuliers. Elle se mordilla la lèvre inférieure, mal à l'aise, et s'assit en lissant bien les plis de sa robe bleue, comme pour gagner du temps.
Elle sourit à Pluie, but une gorgée de l'infusion, qu'elle trouva délicieuse, et s'éclaircit la gorge.
"Bonjour Pluiechantante. Ma journée se passe bien oui."
Elle but une autre gorgée, regardant Pluie au dessus de sa tasse, cherchant le courage de parler.
Et enfin:
"J'aurai voulu qu'on parle, si ça ne vous dérange pas, de..."
Elle tourna sa tête vers la porte, pour être sûre qu'on ne l'entende pas.
"... de la façon dont vous... vous avez eu votre fils, avec votre amie et... le père de l'enfant."
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Pluiechantante but une gorgée en regardant Fleur. La noble hésitait. Elle semblait mal à l'aise. Puis enfin, elle parla. La kestra'chern laissa un de ses sourcils se hausser.
«De la façon dont Cielété est né? J'imagine que tu ne parles pas de l'aspect pratique. Tu dois savoir comment ils ont fait pour que Sourcedésert tombe enceinte...»
Elle sourit à la jeune femme. Il semblait maintenant manifeste que Pluiechantante devrait lui arracher chaque information une à une, tant Fleur était raide et gênée.
«Je voulais un bébé, Sourcedésert devait selon ses mots "se reproduire pour transmettre ses Dons". Sourcedésert n'est pas très... famille. Elle était prête à avoir un enfant pour moi. Mais il nous manquait un homme. Donc Sourcedésert a fait des recherches. Moi aussi. Et nous avons fini par choisir un homme qui nous semblait bien. Il était d'accord de n'être qu'un donneur, même s'il prend parfois des nouvelles du bébé. Et puis là, Sourcedésert a vérifié que c'était le bon moment, ils ont fait l'amour et voilà. C'est ça ce que tu voulais savoir?»
Pluiechantante n'éprouvait aucune gêne à parler de leur démarche. Après tout, pour elle, il n'y avait là dedans rien d'anormal. C'était quelque chose que se pratiquait chez les Tayledras, mais aussi chez les Kaled'a'in modernes. Et elle était pratiquement certaine que ce genre de pratiques avaient aussi cours partout où il existait des couples de même sexe ou frappés par la stérilité.
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"Oui, bien sûr, je sais comment on fait un bébé" répondit Fleur d'une petit voix gênée mais aussi teintée d'exaspération.
Ca, difficile d'ignorer comment se passait la chose!
Elle écouta la réponse de Pluie, et la décision de Sourcedesert se révéla assez proche de la sienne finalement. Mais pour rien au monde elle ne serait allée demander la même chose à la Mage, qui lui semblait bien trop froide.
L'explication de la kestrachern, tout en comportant des éléments de réponse, n'était pas assez claire pour Fleur, pas assez détaillée. Ca ne lui suffisait pas, et elle allait devoir se montrer plus précise, ce qui augmentait son malaise.
"Je... comment vous avez trouvé le donneur? Vous aviez des... critères? Vous le connaissiez?"
Fleur joignit ses mains pour se triturer les doigts.
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Pluiechantante commençait à avoir une petite idée de ce que Fleur voulait. La jeune noble avait vraisemblablement une bonne raison de s'intéresser à son histoire. Sans doute souhaitait-elle tomber enceinte, mais pas de son époux légitime. Et Pluiechantante ne pouvait pas lui en vouloir. Elle non plus n'aurait pas eu envie d'être enceinte d'un tel homme.
Fleur, toujours nerveuse, se tordait les mains en parlant. Pluiechantante la regarda faire quelques instants avant de lui prendre délicatement les mains. Elle commença à lui masser délicatement les paumes tout en répondant à ses questions.
«Je ne le connaissais pas personnellement. Il nous a été suggéré par une connaissance à moi. Un Héraut. À qui j'avais d'ailleurs demandé sa contribution. Il a refusé, pour des raisons assez valables. Sourcedésert a de grands Dons. On ne voulait pas les mélanger avec des Dons qui n'iraient pas. L'homme en question possède un Don très rare et envahissant qui irait très mal avec l'empathie. Donc c'était pas possible. Il nous a proposé une connaissance à lui. Un Barde...» Elle rit en repensant à la conversation surréaliste qui s'était tenue. «Les critères ensuite... alors nous recherchions quelqu'un d'ouvert d'esprit. Que ça ne dérangerait pas de ne pas être présent dans la vie de l'enfant. Il devait aussi avoir des Dons compatibles avec ceux de Sourcedésert. Et il devait lui plaire aussi, physiquement. On l'a choisi dans la force de l'âge, pour ne pas risquer d'avoir un bébé malade. Sinon... je crois que c'était tout. Ah... et je crois qu'on s'est dit à un moment ou à un autre que ce serait bien s'il avait les yeux bleus... Je ne suis plus certaine qu'on ait vraiment défini ça comme critère. Ce n'était pas vraiment obligatoire, mais cela évitait que notre fils a trop l'air d'un métis. Cielété est clairement de sang mêlé, mais avec ses yeux bleus et ses cheveux bruns foncés, il ressemble beaucoup à un tayledras quand même.»
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Fleur fut surprise quand Pluie attrapa ses mains pour les masser. Son premier réflexe faillit être de les retirer, parce que... parce que Pluie était une kestrachern, qu'elle ne voulait pas.. pas quoi d'ailleurs?
Mais Pluie savait faire passer dans ses gestes quelque chose d'étrangement réconfortant, d’apaisant. Sans compter le massage qui était en lui-même très agréable. Fleur ne se faisait jamais masser. Et certainement pas par Owen et ses mains boudinées.
Puis Pluie lui expliqua, en détail, comment Sourcedésert et elle s'y étaient prise. Elle trouva toute la préparation énorme et le fit savoir:
"Ah... tout ça..."
L'infusion, l'encens, le massage, tout contribuait à détendre Fleur, qui avait grande envie de confier ce qu'elle avait sur le coeur, ce qui la tracassait, ce qu'elle envisageait. Pluie lui avait garanti être d'une discrétion absolue, et c'était tentant. Mais terrifiant. Comme si dire ces mots à voix haute rendrait le projet réel, que rien ne pourrait arrêter.
"Ca doit aider de connaître des personnes de tout milieux, moi aussi j'en connais mais..."
"... mais je suis noble, et je ne peux pas me permettre de parler à trop de monde de ce que j'envisage" voilà ce que Fleur voulu rajouter mais ne dit pas.
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Fleur eut presque l'air déçue de voir que cela avait nécessité tant de préparatifs.
«Tout ça... mais dans notre culture, c'est parfaitement normal. C'est un projet comme un autre, quelque chose qui se planifie. Pas juste une aventure à la sauvette. Mais ça, ça marche aussi. Simplement, nous on voulait faire bien les choses.»
Malgré ses efforts, la noble ne se détendait pas suffisamment pour lui parler franchement. Elle se contentait de sous-entendre, de poser des questions un peu détournées, plutôt que d'aborder le sujet de front. Pluiechantante hésitait encore entre deux approches: soit elle laissait Fleur tourner autour du pot en l'incitant par des sourires à enfin parler de ce qui la travaillait, soit elle abordait directement le nœud du problème en lui posant une question précise.
Pour le moment, elle allait tenter d'aiguiller doucement la jeune noble.
«Mais pas suffisamment à qui tu peux parler de ça?» termina-t-elle pour Fleur. «Je suis là pour répondre à tes questions. T'aider si tu as besoin.»
Elle continuait son massage, s'attaquant maintenant aux doigts. Fleur avait des mains très douces, très fines, la peau était parfaitement blanche, aucune marque ne les barrait. C'était des mains vierges de toute histoire. Par contraste, les mains de Pluiechantante paraissaient très foncées, grandes et presque massives, alors qu'elles étaient en réalité très fines et souples.
«Pourquoi cela t'intéresse-t-il? Comment on a fait pour avoir Cielété?»
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Dans l'esprit de Fleur, il y eut un tilt quand Pluie parla d'aventure à la sauvette. Voilà qui semblait mieux, de son point de vue du moins.
La kestrachern était naturellement pénétrante et avait compris ce que Fleur n'avait pas dit. Elle l'encouragea à se confier en continuant son massage.
Après tout, pourquoi pas? Vu ce qu'elle lui demandait, il fallait bien qu'elle explique clairement ce qu'elle voulait. Et peut-être était-elle aller trouver Pluiechantante pour se libérer de ce problème, sachant inconsciemment, c'était la plus à même de l'écouter?
Objectivement, elle risquait moins à se confier à cette femme qu'à n'importe laquelle de ses amies.
"Je... je voudrais avoir un enfant. Je sais que je vous avez dit que ça ne m’intéressait pas il y a quelques saisons mais... tout le monde a des bébés autour de moi, toutes mes amies mariées, et bon, ce serait... bien de perpétuer le nom des Trevale. Avoir un héritier."
Ce que Fleur ne précisait pas, c'est qu'il y avait une raison moins noble aussi. Engendrer un héritier lui donnerait une position, un pouvoir qu'elle n'avait pas. Elle avait couru après un poste à responsabilité pour Owen, en pensant qu'être femme de Conseiller lui donnerait du pouvoir, mais si peu... Alors qu'avoir un enfant! Lucinda Brolin par exemple avait parfaitement réussi et y gagnait un statut enviable, Isabeau d'Armentière aussi, sous peu.
Et elle, Fleur, restait la gentille et jolie femme du Conseiller Trevale, sans enfant, sans perspective.
Et quel pouvoir pouvait-elle prétendre exercer sur Trevale, une fois ses beaux-parents disparus, si les cousins d'Owen faisait déjà la queue pour hériter du domaine?!
Trois ans après son mariage, Fleur était prête à sacrifier son corps pour faire un enfant. Mais il y avait un léger soucis...
"Owen ne peut pas faire d'enfant. Il voudrait, je le sais, et s'étonne parfois que rien ne vienne."
Tout le monde avait comprit qu'Owen serait incapable d'engendrer naturellement, sauf lui-même...
"Ce n'est pas faute d'essayer pourtant..."
Là, Fleur grimaça légèrement. Ce n'était pas que le devoir conjugal soit déplaisant, mais ça n'avait rien de fabuleux, et Owen, lui, adorait ça, elle y échappait donc rarement.
"Peut-être ais-je un soucis, je ne sais pas, mais ma soeur jumelle, elle, a fait trois enfants déjà en peu de temps, donc je me dis que je devrais pouvoir être aussi fertile."
Elle but une gorgée d'infusion, finissant la tasse et soupira:
"Alors voilà, il faut que je trouve une autre solution. Mais dans mon milieu, ça ne se dit pas, alors je ne sais pas trop comment faire et je me suis dit que vous pourriez peut-être m'aider."
Voilà, tout n'était pas dit, mais une bonne partie au moins. Et cela faisait du bien!
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Pluiechantante écouta la jeune femme sans rien dire, jusqu'à ce que celle-ci semble être arrivée au bout de ce qu'elle avait à dire. Elle la regarda, hésitant sur les paroles à prononcer.
«Tu es jeune, en bonne santé. Je ne pense pas que tu as des problèmes... Tu as tes règles? Elles ne sont pas trop douloureuses?» Elle haussa un sourcil pour ponctuer sa question, avant de reprendre. «La stérilité des femmes est rare. Le problème vient le plus souvent des hommes. On ne sait pas pourquoi. Et tu a l'air convaincu que ton mari ne peut pas avoir d'enfant... il y a une raison à ça?» Elle eut l'air soudain pensive. «Un Guérisseur pourra te dire si le problème vient de toi. Ne connais-tu pas de Guérisseur à qui tu pourrais demander? Mais tu sais... la vraie stérilité... souvent, on le sait.»
Elle posa sa main sur son bas-ventre. Peut-être pourrait-elle elle aussi se libérer d'un poids? Mais elle n'était pas certaine d'en être capable, encore maintenant, alors la blessure était presque refermée. Elle prit une grande inspiration et se lança. Elle releva sa tunique de manière à découvrir son ventre et baissa un peu son pantalon. Une étrange cicatrice circulaire, de deux ou trois centimètres de diamètre, ornait son bas-ventre, sur le côté.
«Moi je suis stérile. Complètement. Je n'ai même pas de règles. Je... j'ai eu un accident. Jeune fille. J'ai fait une chute. Une branche m'a transpercé... C'est pour ça que Sourcedésert a porté Cielété pour moi. Moi, je ne pouvais pas tomber enceinte. Comme ton mari qui ne peut pas avoir d'enfant non plus. Sans doute le rendras-tu très heureux si tu lui donnes un enfant. Et il n'en demandera pas l'origine, même si au fond de lui il sait qu'il ne peut pas en faire.»
Elle sourit en repensant à la conversation qui avait conduit à la naissance de Cielété, son fils. À la manière dont la rude et insensible Sourcedésert était parvenue à extraire la vérité et à découvrir la blessure de la Kestra'chern. Elle espérait être capable de combler (ou d'aider à combler dans son cas) les désirs de cette jeune noble aussi bien que l'avait fait Sourcedésert pour elle.
«Quel genre d'aide attends-tu? Je ne peux pas t'aider pour l'aspect fécondation» déclara-t-elle avec un sourire. «Tu voudrais que je t'aide à trouver quelqu'un serait d'accord de faire ça pour toi?» Elle jaugea quelques instants la jeune femme. «Je suis sûre que tu as déjà quelqu'un dans la tête. Mais tu n'oses pas lui demander?»
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Fleur bougea un peu sur sa chaise, mal à l'aise.
"Oui de ce côté là tout va bien. Mais Owen... Ses parents ont eu du mal à l'avoir, ils ont mis beaucoup de temps, et beaucoup de grossesse qui n'ont pas été loin. Ses parents sont cousins, ses grand-parents aussi... vous voyez? Ca fait quelques générations que le sang des Trevale s'appauvrit, c'est pour ça qu'ils voulait une femme étrangère à la famille pour Owen. Moi je pense que ça va parce qu'une fois je crois que j'ai été enceinte et que... ça a pas duré, à peine deux décades, trois... C'est ma femme de chambre qui m'a dit que ca devait être ça."
Et les femmes de chambres des femmes de haute société connaissaient mieux les cycles de celles-ci qu'elles-même souvent, parce que c'étaient elles qui changeaient les draps, tout simplement.
Puis Pluie lui confia sa propre stérilité et Fleur grimaça, très peinée pour la kestrachern. Elle détestait la souffrance, la sienne, celle d'autrui, et cela semblait beaucoup blesser Pluiechantante. Elle serra la main qui était restée sur la sienne pour transmettre son soutien.
La remarque sur la prétendue connaissance d'Owen sur sa stérilité la fit rire jaune.
"Vous connaissez mon mari, il n'a pas comprit ça. Et je ne pense pas qu'il comprenne, ça le dépasse."
Elle haussa les épaules avec fatalité puis les commissures de ses lèvres s'affaissèrent.
"Je ne suis pas amoureuse de lui, mais je l'aime beaucoup, je tiens à lui, et..."
Une larme coula sur sa joue et elle confia ce qui la tracassait, dans des phrases peu construites:
"... je veux pas lui faire de la peine. Dans mon milieu, je sais que ça se fait, mais ça ne se dit pas. Le sang, c'est important. L'illusion au moins, alors je peux pas lui en parler. Il est jaloux. Il m'aime tellement. Il n’accepterai jamais. Et s'il le découvre... Il sera heureux d'avoir un enfant, mais tout ce que ça implique, je vais trahir sa confiance! Sans parler des risques pour ma réputation."
Ses épaules s'affaissèrent à leur tour, comme croulant sous le poids de ses remords.
"Je... je sais pas comment... comment demander ça à un homme, est-ce que si je lui dit pas c'est grave? Et... si je le dis pas, il faut que je séduise un homme, mais pas un homme de ma condition, c'est trop dangereux. Du coup, l'homme ne saurait pas que le bébé est de lui, mais j'aurai encore plus trahit Owen et cet homme et..."
Fleur poussa un grand soupir et secoua la tête quand Pluie lui dit qu'elle avait surement quelqu'un en tête. Fleur mentirait si elle répondait non, mais c'est tellement plus risqué encore!
"Je peux pas avec lui, c'est un Héraut, et mon mari les déteste, ce serait pire!" lâcha-t-elle.
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«C'est très courant les grossesses qui ne durent pas... c'est que le bébé n'était pas fait pour vivre souvent. La nature fait bien les choses. Sans doute ton mari a-t-il une maladie dans le sang qui fait que le bébé n'arrive pas à grandir correctement. C'est possible si comme tu dis ils sont trop proches ses parents. C'est pas bon. Je comprends pas les gens ici. Même un éleveur de chien il sait qu'il faut pas mettre ensemble des animaux qui ont le même sang. Pourquoi vous savez pas appliquer ça pour les humains aussi?»
Pluiechantante s'énervait un peu, et son niveau de langue s'en ressentait. Elle parlait très bien valdemaran maintenant. Mais dans les phrases complexes, on sentait toujours que ce n'était pas sa langue maternelle.
La Kestra'chern n'aurait jamais osé présumer du niveau d'intelligence d'un homme qu'elle ne connaissait finalement pas. Il avait l'air idiot. Mais peut-être n'était-ce qu'une façade. En tout cas, sa femme semblait persuadée qu'il était complètement stupide. C'était un peu triste, même si elle semblait ressentir beaucoup de tendresse pour lui.
Fleur commença à pleurer. Intérieurement, Pluiechantante approuva. Pleurer, c'était souvent une bonne chose. Laisser les larmes sortir enfin c'était se libérer d'un grand poids. Elle attendit à nouveau que la jeune femme se taise pour répondre. Elle avait peur qu'en l'interrompant, elle l'empêche de s'exprimer totalement.
Quand elle fut certaine que la jeune femme ne parlerait plus pour le moment, elle commença à lui répondre en choisissant attentivement ses mots.
«Je crois que la trahison réside dans le cœur avant tout, pas dans les actes. Toi, tu veux un bébé pour que ton mari a un fils. Il n'y a pas de trahison pour moi. Si tu fais les choses bien, personne ne saura jamais. Ni lui ni le père réel. Seulement toi. Il n'y aura que du bien qui sortira de cette affaire. Aucun mal.»
Certes, cela demanderait de gros d'efforts logistiques. Il faudrait aussi s'assurer que le géniteur ne sache jamais qu'il l'avait mise enceinte. Ou alors qu'il soit totalement d'accord avec ce projet. Mais Fleur semblait plutôt partisane de garder le secret.
«Tu dois choisir quelqu'un qui te donne confiance. Quelqu'un qui t'inspire aussi. As-tu envie de concevoir un bébé comme une obligation? C'est pas mieux si ce bébé est le fruit d'un moment de joie et de complicité, vu qu'il sera pas un bébé de l'amour?» Elle n'attendait pas vraiment de réponse à cette question toute rhétorique. «Un Héraut... C'est sans doute la meilleure solution... Surtout si tu éprouves pour lui quelque chose comme du désir, voire peut-être un peu plus.»
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Fleur comprenait dans un sens l'agacement de Pluie. Elle haussa les épaules.
"Ca dépend des familles, certains aiment rester entre eux... On ne fait pas ça chez les Arkadia."
Les soeurs d'Owen, vieilles filles, portaient les stigmates d'une telle consanguinité. Elles étaient gentilles, et Fleur les adorait, mais par tous les dieux qu'elles étaient laides!
Puis elle craqua, sortant tout ce qui la faisait souffrir, et Pluie lui répondit calmement, cherchant à taire justement ses scrupules. Fleur écouta avec une grande attention le point de vue de la kestrachern, qui, il fallait bien l'avouer, l'arrangeait bien!
"Je comprends ce que vous dites, et si ce n'était que moi... mais la trahison du coeur ou du corps, c'est la même chose dans mon milieu, ca ne fera pas de différence si un jour Owen l'apprend, ou pire, quelqu'un d'autre. Ce sont des choses qui se font bien sûr, en secret, tout le monde le sait, et tout le monde nourrit parfois des doutes sur tel ou tel enfant, mais tant que rien n'est public, ça n'a pas d'importance. Mais c'est un tel scandale quand ca éclate au grand jour! Pourquoi vous croyez que beaucoup de nobles sont opposés à la dominance des Hérauts? Le sang ne compte pas là-dedans, le droit d’aînesse non plus, être Héraut vaut plus que son sang..."
Fleur récupéra ses mains pour attraper le tissus de sa jupe et le malmener entre ses doigts. Elle s'était faite à l'idée que sa vie sexuelle serait sans surprise et sans véritable plaisir. Elle savait pourtant que ça pouvait être pire, et que ça pouvait donc logiquement être mieux. Et l'homme dont elle parlait avait réussi à allumer quelque chose en elle qui avait un lien avec tout cas, elle l'avait instinctivement comprit.
"Pourquoi un Héraut serait la meilleure solution? Et... comment je vais faire pour qu'on... en arrive là? Je sais qu'il n'y a pas de manuel de l'infidélité mais..."
Nouveau soupir à fendre l'âme.
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«Et toi? Tu penses que le sang vaut plus que les actes? Qu'a fait ton mari pour mériter son statut? Il a sauvé des familles? Réparer des torts? Participer à la guerre? Pourquoi la noblesse de tes ancêtres devrait-elle faire que cette noblesse vient sur toi aussi? Mon père était un grand Guérisseur, je ne suis pas une Guérisseuse pour autant...»
Loin s'en fallait. Son Don de Guérison était ridiculement peu puissant. Elle pouvait à la rigueur améliorer la circulation localement ou faire diminuer temporairement la douleur. Rien de plus. Mais cela lui suffisait. Elle n'avait jamais éprouvé de ressentiment à l'égard de son frère qui semblait avoir hérité de tous les Dons parentaux.
Pour Pluiechantante, l'importance du sang était quelque chose de totalement abstrait. Même si elle y avait été confrontée bien avant d'arriver à Valdemar. Elle avait visité l'empire des Haighlei dans sa jeunesse, et avait découvert ce qu'étaient les castes. Mais chez les rois noirs, la société était encore plus rigide qu'à Valdemar, car il était quasiment impossible de sortir de son milieu.
Les mains de Fleur s'échappèrent comme deux oiseaux trop longtemps prisonniers et s'en allèrent s'accrocher dans sa jupe. Pluiechantante la regarda faire en haussant un sourcil. Il fallait vraiment qu'elle couse de nouvelles balles antistress. Elle avait égaré sa dernière depuis plus d'une année (elle soupçonnait Liane de la lui avoir empruntée et de l'avoir abandonnée dans un coin).
La question de Fleur la surprit. La noble était native de ce pays, et elle demandait à une étrangère pourquoi faire appel à un Héraut était la meilleure solution pour elle.
«Parce qu'un Héraut ne te trahirait jamais. Ces gens-là ils ont l'honneur épinglé sur le torse. Si tu confies quelque chose à un Héraut, il dira pas plus loin...» Elle sourit. «Oh... moi je crois que tu sais comment on fait. Vous les nobles vous jouez beaucoup à des jeux de séductions... Mais si tu veux, je peux transmettre des messages moi, si cela te rassure. Tu me laisses des messages à un endroit convenu et moi je lui donne.» Une lueur malicieuse s'alluma dans son regard. «Dis-moi son nom... Que je sais de qui on parle.»
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"Et bien... parce que c'est comme ça." répondit Fleur avec évidence.
C'était assez sommaire comme raisonnement, et pas vraiment flatteur pour les capacités de réflexion de Fleur De Trevale, mais c'était, à ses yeux, la vérité. Le sang, les titres étaient primordiaux. Elle avait été éduqué comme ça, et il y avait peu de chance qu'elle se mette à philosopher sur le sens des valeurs de son milieu.
Elle ne se sentait même pas gênée de n'avoir rien fait pour avoir son titre, quoique dans son cas, épouser Owen pouvait valoir une médaille.
Le point de vue de Pluie sur la discrétion et l'honneur des Hérauts fit mouche, la jeune femme n'avait pas pensé à ça du tout. Ca donnait au projet une attirance plus forte, et plus réelle si en plus elle trouvait en Pluie une messagère discrète. Parce que franchement, comment aurait-elle fait? Un page finissait toujours par parler, un messager classique aussi, et elle ne voulait pas impliquer ses amies.
"Je... S'amuser à se séduire c'est pas comme le faire vraiment. En tout cas, moi, avant mon mariage, je l'ai toujours fait de manière innocente. Et puis Owen, il n'a pas eu besoin de me séduire, et moi non plus. Je suis arrivée un jour à Trevale, et l'affaire était entendue. On s'est marié, et nous partageons la même couche depuis, tout simplement."
Elle rougit franchement en repensant au Héraut et à tout ce qu'il avait déclenché chez elle en badinant seulement.
"Le Héraut Noam." révéla-t-elle enfin d'une toute petite voix. Petite, mais avec un accent un peu sourd que Pluie saurait sans aucun doute reconnaître comme du désir, même si Fleur n'en avait elle-même pas totalement conscience.
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La réflexion n'était pas le fort de Fleur de Trevale. Et même si présentement elle avait des velléités de révoltes, elle n'en était pas au stade de toute vouloir remettre en question. Pluiechantante de contenta donc d'un soupir méprisant pour clore ce chapitre.
La jeune noble essayait de prétendre qu'elle ne savait pas comment se jouait le grand jeu courtois et la kestra'chern n'y croyait guère. C'était le passe-temps favori de ces demoiselles. Elles se promenaient en lançant des regards aguicheurs, puis battaient des cils en roucoulant à la moindre occasion.
«Ça marche exactement pareil... La seule différence c'est qu'à la fin on se retrouve nu plutôt que de repartir frustré.»
Pluiechantante s'était attendue à ne se voir révéler le nom du Héraut tant désiré qu'au terme d'une âpre lutte avec la noble. Mais celle-ci lâcha le nom d'une petite voix timide et... amoureuse? La kestra'chern haussa un sourcil, un sourire au coin des lèvres. La petite prétendait être sage et parfaitement irréprochable, mais il était clair qu'elle avait déjà franchi le premier pas sans aide.
«Noam?»
Elle fouilla dans sa mémoire, pour tenter de remettre un visage sur ce nom. Elle se souvint d'une discussion avec le Barde Keldran, à propos de son frère prénommé Noam. Il les avait ensuite présentés l'un à l'autre quand ils s'étaient par hasard croisés tous les trois.
«Grand, blond, très beau? Avec les yeux bleus? Le genre d'homme à qui on a envie de hurler: "vas-y, prends-moi, je suis tout à toi"? C'est un bon choix. Et il a les yeux bleus. C'est important ça. Il a les mêmes couleurs que toi. C'est bien. Pas de risque de mettre au monde un bébé noiraud alors que tu es blonde et que ton mari il est brun.»
Noam... quelle petite coquine. Elle avait jeté son dévolu sur un des plus beaux hommes du coin. Il avait un ravissant sourire et une plastique de rêve.
«Tu veux mon aide ou pas?»
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"La seule différence? Vous admettrez que c'est une différence de taille!"
Jamais, jusqu'à l'autre jour, Fleur n'avait imaginé aller plus loin de que simples sourires et œillades avec un autre homme que son époux. Et encore, quand elle le faisait, c'était en général dans son intérêt, pour tirer un secret, une information. Rarement par coquetterie, tout simplement parce qu'elle était mariée, et qu'elle n'avait jamais envisagé être volage.
Fleur était une femme qui avait l'habitude de se laisser porter par les événements, la vie en général, sans trop réfléchir. Ors, tromper Owen nécessiterait un minimum d'organisation, ce qui l'angoissait, en plus du reste.
"Je devrais le retrouver dans un endroit heu... propice à ce genre d'intimité je suppose? Ohlala, ou est-ce que je pourrais aller? Et puis quoi, donner rendez-vous dans une auberge par exemple, ça manque quand même tout de même de subtilité! Je sais que le but c'est d'avoir un rapport ensemble, mais c'est tellement... évident dans ce cas! Et puis ce serait vulgaire, non? "
C'était paradoxal, car Fleur n'avait pour ainsi dire jamais couché avec son mari spontanément, à la suite d'une envie qui lui serait venue, d'un désir puissant, d'un besoin charnel. Non, cela venait toujours de lui, le soir, dans l'intimité de leur chambre, aucune fantaisie, aucune surprise, et presque aucun plaisir.
Mais s'il fallait qu'elle se déshonore, autant le faire bien, non?
Elle lâcha le nom du Héraut qui l'attirait, et Pluie parla de lui dans des termes si crus que Fleur en fut choquée, et balbutia:
"Je... non, je... il est beau, bien sûr mais..."
Ahah, si les choses devenaient réelles, il fallait espérer que Noam sache parfaitement débrider une femme de bonne famille, car ça ne viendrait pas, initialement du moins, de Fleur!
Elle n'avait pas songé non plus à leur concordances physiques, et cela donnait encore et toujours plus de séduction à ce projet.
"Je veux bien votre aide, il faut que j'écrive un mot?"
Fleur savait décoder les messages secrets, elle avait eu son lot de lettres clandestines entre les mains, mais n'en avait jamais écrit d'une telle importance!
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«... pas pour mon peuple. Chez nous, séduire implique souvent coucher. Mais pour nous ça n'a pas plus d'importance que ce que tu veux lui donner.»
Pluiechantante avait souvent du mal à comprendre l'importance que les gens accordaient à la sexualité. Comme si c'était le plus important, comme si ça révélait quoi que ce soit sur soi. Pour Pluiechantante, faire l'amour, c'était avant tout un moment agréable, un moment de partage aussi. Mais quel besoin de lui attribuer plus que cela?
Tromper son conjoint demandait toute une logistique, et visiblement la jeune femme n'avait jamais pris le temps d'y réfléchir. Pluiechantante l'écouta dérouler son raisonnement embrouillé avec un sourire bienveillant. En cet instant, elle regretta de ne pouvoir raconter son après-midi à personne, car elle était certaine que cela ferait rire tant Fiersaule que Sourcedésert.
«Je peux te prêter ma chambre. Juste à côté.» Elle désigna la porte communicante. «Je te montre après si tu veux. Mais la chambre c'est pas pour tout de suite, non? Tu aimerais peut-être le revoir une fois pour décider?»
Car la noble s'emballait déjà. Elle parlait logistique, ambiance adaptée. Mais peut-être faudrait-il d'abord décider si oui ou non cet homme convenait. Et s'il était intéressé, accessoirement. Même si, de l'expérience de Pluiechantante, il était assez rare de trouver un homme refusant de s'envoyer en l'air.
Passant sur la gêne de la jeune femme suite à son appréciation tout à fait objective de la beauté du Héraut Noam, Pluiechantante proposa son aide. Que Fleur accepta.
«Oui, une lettre c'est bien. Mais il ne faut pas lui faire peur. Propose simplement que vous vous voyez. Une discussion dans les jardins? Ou peut-être ailleurs? Tu préfères ici?» Elle réfléchit. «Si tu me dis en avant, je peux laisser la pièce pour toi quelques marques en journée. J'irai me promener avec Cielété.»
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Quand Pluie proposa à Fleur de lui prêter ses appartements personnels pour y rencontrer le Héraut Noam, la jeune De Trevale écarquilla les yeux, surprise.
Elle ne s'attendait pas à cette généreuse proposition qui lui enlevait une belle épine du pied. Décidément, elle avait été bien inspirée de venir en parler avec la kestra'chern, tant celle-ci aplatissait tous les obstacle d'un mot, d'un geste, d'une proposition.
Fleur n'était pas très portée religion, elle vivait comme beaucoup de ses pairs dans le respect et la crainte des dieux, mais là, on aurait presque pu croire que les Dieux étaient de son côté.
"Je... oui, merci!"
Elle fut surprise de la facilité avec laquelle Pluie proposait son logement, son lit, pour la réalisation d'une telle tromperie. Mais à bien y réfléchir, elle l'"avait dit elle-même, coucher avec un homme n'avait absolument pas la même importance aux yeux de son peuple qu'à ceux du milieu de Fleur, aussi, rien d'étonnant.
Du coup, elle regarda l'appartement dans lequel elle se trouvait avec un oeil nouveau. Ce serait peut-être le berceau de son péché.
"Oui bien sûr, il faudra qu'on... parle. Mais ici oui, pas les jardins!"
Son coeur s'emballa.
"On nous a vu, là-bas, et une rumeur a couru, je me suis disputé avec Owen à ce sujet. Si on me voit de nouveau en public avec lui, je ne préfère pas penser à ce qui va se dire..."
Elle resta songeuse quelques secondes puis:
"Un mot... Est-ce que vous auriez une plume et un papier?"
Pas sûr que des conditions aussi optimales se représentent de si tôt, Fleur décida donc d'aller jusqu'au bout de la manoeuvre.
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Pluiechantante ne proposait pas sa chambre par altruisme. Enfin, pas seulement. Elle devait s'avouer ressentir une curiosité dévorante pour cette histoire. Fleur de Trevale, miss morale, qui planifiait un adultère. Cela avait quelque chose de très savoureux. Évidemment, Pluiechantante lui souhaitait beaucoup de succès dans son projet. Et beaucoup de plaisir. Mais cette situation l'amusait beaucoup.
La noble ne se fit pas prier pour accepter. Après tout, quelle autre solution s'offrait-elle à elle? Comme elle l'avait remarqué à ces dépens, il n'existait guère de lieux à l'abri des regards sur cette colline. Et Pluiechantante doutait que la cité en propose davantage.
Fleur demanda de quoi écrire. Pluiechantante se leva et se dirigea vers une étagère où s'alignaient les flacons d'huile et diverses bricoles. Elle chercha un bref instant avant de revenir avec une bête plume d'oie et un flacon d'encre. Elle fit signe à la noble de la suivre et ouvrit la porte qui menait à sa chambre. Elle posa le nécessaire d'écriture sur sa coiffeuse qu'elle libéra rapidement des nombreux bijoux et colifichets qui l'occupaient. Elle sortit encore d'un tiroir un papier à lettre toute simple qu'elle posa à côté de la plume.
«Voilà pour écrire.»
Elle regarda la pièce. Il faudrait la nettoyer si elle devait accueillir des ébats coupables. Pluiechantante doutait que le Héraut Noam apprécie la décoration; les jouets et les habits de Cielété traînaient un peu partout. De même que diverses tenues de Pluiechantante. Et sur un mannequin de couture était exposée la seule robe de cour qu'elle possédait. Une ancienne robe mauve qu'elle avait découverte avec Liane dans un débarras et qu'elle avait modifiée.
«Ne donne pas rendez-vous trop tôt. Pas demain. Ni après-demain. Peut-être dans trois jours?»
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Quand Feur demanda de quoi écrire, Pluie l'emmena dans sa chambre.
Avec une grande curiosité, la jeune Trevale observa la pièce. Quand ses yeux tombèrent sur le grand lit, et malgré elle, ses joues s'empourprèrent. Difficile, il faut dire, de brider son imagination maintenant que le processus était lancé. Elle chercha quelque chose pour se changer les idées et vit la robe, qu'elle reconnut:
"Oh, vous la portiez au bal où nous avons fait connaissance, je m'en souviens! C'est très joli, même si le style ne m'est pas familier. C'est vous qui l'avez fait? Vous avez bien des talents."
Elle dut alors se concentrer sur la lettre, écouta la conseil de Pluie, et se mordilla la lèvre inférieure, songeuse. Elle devait faire très attention à ce qu'elle écrivait. Elle devait toujours garder en tête que ce mot pouvait tomber entre de mauvaises mains, elle en savait quelque chose!
Finalement, après plusieurs minutes, elle inscrivit avec sa jolie calligraphie:
"Héraut,
Vous m'avez proposé un jour votre amitié, pour remplir mes journées parfois un peu vides.
J'ai réfléchis et si vous êtes toujours d'accord pour honorer votre promesse, alors j'en serai heureuse.
L'amie qui vous remettra ce pli vous dira où nous retrouver, et quand.
A bientôt je l'espère,
Rose"
Signez Rose à la place de Fleur n'était pas très original, mais c'était un clin d'oeil anonyme comme un autre.
Elle tendit la papier comme s'il la brulait à Pluie, effrayée par ce qu'elle venait d'écrire pour de bon, mais aussi... excitée.
"Dans trois jours. Ici, deux marques après le déjeuner?"
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Fleur admira la robe exposée sur le mannequin et Pluiechantante ne put s'empêcher de sourire. Il était certain que comparé à elle, elle possédait en effet de multiples talents. Mais elle avait été élevée dans l'idée qu'on devait toujours être capable de se débrouiller au moins un peu dans tous les domaines.
«Je ne l'ai pas faite vraiment. Modifiée seulement. Je l'ai trouvée. Elle était passée de mode depuis un siècle, je pense. J'ai changé la forme. Surtout les manches. C'était des manches ballons au début. C'est très moche.»
Pendant que Fleur écrivait sa lettre, Pluiechantante en profita pour ranger un peu. Elle voulait que la jeune noble ne se sente pas trop épiée. C'était sans doute très compliqué pour elle que d'écrire une telle missive.
Fleur mit plus longtemps à composer mentalement la lettre qu'à l'écrire, car les grattements de plume ne durèrent que quelques instants. Elle tendit ensuite le papier à Pluiechantante qui le prit et le plia soigneusement en quatre.
«Oui. Tu viens un peu avant par contre.»
Elle rangea la lettre dans une poche et fit signe à Fleur qu'elles pouvaient retourner dans l'autre pièce. Elle servit à la noble encore un peu d'infusion et lui sourit.
«Tu sais quand est le bon moment pour essayer de faire un bébé? Ça sert à rien de faire ça trop près des règles, n'est-ce pas?»
Elle sourit.
«Nous parlerons encore, je pense. C'est assez d'émotions pour aujourd'hui. Et tu me diras comment est allé ton rendez-vous, dans trois jours. Quand tu as fini, envoie un page me chercher. Je serai probablement chez Fiersaule.»
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Quand Pluie valida le rendez-vous, Fleur déglutit d'une façon très peu distinguée. Ce papier qui quittait ses mains, c'était un des plus gros risques qu'elle avait pris dans sa vie.
Un frisson d'anticipation la parcouru malgré elle.
"Bien, je l'attendrais ici, s'il accepte de venir."
Après un dernier coup d'oeil au lit, elle suivit Pluie dans la pièce principale et accepta une nouvelle tasse.
"Oui je sais. J'ai été indisposée la semaine dernière." répondit-elle à la question du moment propice pour essayer d'avoir un bébé.
En trois gorgée, elle vida sa tasse et se leva, les jambes en coton. Elle entrouvrit la porte afin de constater que le couloir était vide.
"Je vous attendrai."
Avant de partir, Fleur se retourna et fit un grand sourire, lumineux, contagieux, comme elle en avait le secret:
"Merci Pluiechantante."
[RP CLOS]