4e jour de la 4e décade d'Été 1485
Micha et Kate arrivèrent ce matin-là à l'atelier comme tous les matins depuis qu'ils étaient mariés, deux décades plus tôt. Mais alors que d'ordinaire ils s'installaient à leurs ateliers pour bosser, cette fois, le majordome les intercepta pour demander à Micha d'aller rejoindre le Maitre dans son bureau. Les deux amis échangèrent un regard interloqué, mais ils se séparèrent néanmoins.
Micha entra dans la maison attenante à l’atelier et se dirigea d'un pas tranquille vers le bureau magiquement caché. Son père le fit entrer et immédiatement, Micha se tendit. Sa mère aussi était là. Ce n'était pas une simple réunion de travail.
"Oui?"
"Assieds-toi, Micha."
"Ok...."
Il s'assit donc, à côté de sa mère, face à son père. Et il laissa s'installer un silence désagréable, jusqu'à ce que son père craque et entame la conversation:
"Nous avons reçu une lettre..."
Sertan laissa mourir sa voix sans sembler vouloir continuer.
"Mais encore?"
Ils en recevaient pleins, des lettres. Mais à ce moment-là, Licile renifla et Micha comprit qu'elle avait pleuré. OK, c'était quoi ce traquenard... Sertan lui tendit la lettre, calmement.
Monsieur,
il m'a semblé être de mon devoir de vous avertir des fréquentations peu convenables de votre fils. En effet, on l'a souvent vu à l'Arpenteur en compagnie d'hommes plus jeunes. Afin de ne pas vous heurter plus que de nécessaire, je passerai sous silence le détail de son comportement, mais sachez qu'il ne laissait aucun doute quant à la nature des relations que votre fils entretient avec ces hommes.
Que la bénédiction de la Couleuse soit sur vous.
"C'est quoi ce torchon? Vous m'accusez sur la base d'un pamphlet anonyme?"
"Micha... Je t'ai vu. Devant l'Arpenteur. Avec un jeune barde. Sur le moment, je n'y ai pas porté attention, mais..."
"Mais quoi? Maintenant qu'un corbeau m'accuse, c'est forcément autre chose? L'arpenteur fait d'excellentes gaufres et j'aime y retrouver des amis. Point."
"Micha..."
"Quoi, Papa! Tu veux que je te prouve que je suis normal, c'est ça? Le fait d'avoir épousé Kate il y a deux décades ne suffit pas, peut être?"
"Si, bien sûr, mais..."
"Alors fin de la discussion. J'ai du travail. Bonne journée."
Et le bijoutier sortit du bureau en en claquant la porte.
Il esquiva les questions de son épouse toute la journée et ne se décida a s'ouvrir à elle qu'en fin de journée, quand ils rentrèrent chez eux.
"L'autre rat a envoyé une lettre de corbeau à mes parents."