Valdemar RPG
Autres RPs => Archives => Sujets scénario => Discussion démarrée par: Kayann le 12 août 2010, 19:34:39
-
Une journée de marchandage, de négociations, de prises de becs et de bruits dans les pattes, cela peut laisser quelques traces de nervosité difficile à dissiper. Il avait fait chaud et le commerce avait été bon train mais la journée avait tendu la jeune Shin'a'in qui ne demandait rien d'autre que de lâcher ses démons et prendre l'air aux alentours de la ville.
C'est donc au petit trop qu'elle avait franchi les portes de la ville, montée sur Safrane, une pouliche de trois ans qui surprenait par sa robe alezan brûlée et ses chaussettes au dessus de ses sabots blancs. Sur son chanfrein, une liste fine partait d'entre ses yeux pour s'élargir vers ses narines, si bien que la jument buvait dans son blanc. Elle était plutôt haute de garrot, la même hauteur que Mephisto, qu'elle tenait à la renne, sellé et trottinant au côté de sa camarade, mais encore sans cavalier.
Le manque serait rapidement comblé et Kayann s'en réjouissait. Le jeune hongre, doux avec sa cavalière, était souvent sur la réserve par rapport aux autres membres de la horde et n'avait que peu d'opportunité de se défouler. La Tale'sedrin manquait de temps pour le travailler autant qu'il le mériterait et le caractère bien trempé de l'équidé avait souvent éconduit les cavaliers qui prétendaient être à sa hauteur.
Etrangement, Fitz lui fit aussitôt une bonne impression et le comportement du cheval face à l'inconnu, étonnamment docile, avait laisser présager que ces deux-là feraient peut-être la paire. Du coup, elle n'avait pas pu résister à l'envie de lui proposer une chevauchée le soir-même.
L'air s'était raffraîchi, depuis la canicule de l'après-midi, ce qui enchantait la cavalière et sans aucun doute, les montures. Elle avait choisi Safrane pour son tempérament de feu qu'elle avait du contenir durant toute la journée de foire. Plus que les autres, la pouliche avait besoin de se dégourdir les jambes et trouvait chez Mephisto un compagnon de taille.
Vraiment, la promenade s'annonçait plaisante.
Un sourire discret mais détendu sur les lèvres, Kayann mit pied à terre sur leur lieu de rendez-vous, près des remparts, au sud de la ville, remit de l'ordre dans ses cheveux vaguement retenus par un lacet de cuir et attendit sur le mercenaire qui ne devait plus tarder.
-
Il avait réussi à marchander sa soirée. Enfin, il l'avait échangé contre un garde à qui il avait promis une tournée dans une taverne du coin.
Les marchés et les gens ce n'était pas vraiment son habitude, et pas non plus sa tasse de thé, pourtant cet après midi avait été radieuse, et cela uniquement grâce à la rencontre qu'il avait faite.
Kayann l'avait impressionné, sa connaissance des chevaux, son assurance, et la douceur qu'elle avait envers eux, avait laissé le mercenaire pantois, et c'est avec plaisir qu'il avait accepté la ballade nocturne qu'elle avait proposé.
De plus il avait enfin pouvoir apprendre à connaitre un peu plus Mephisto, et l'idée était plus que plaisante. Le cheval lui avait forte impression, et il avait senti avec lui un lien qu'il n'aurait su décrire. Depuis qu'il l'avait rencontré, l'image de ce superbe animal lui passait inlassablement dans la tête.
Alors qu'il marchait vers les remparts sud il vérifia qu'il n'avait rien oublié. Il portait une lame courte à la hanche, moins encombrante que sa hache habituel, mais il n'aurait pu s'en séparer. Etre désarmé pour lui c'était un peu comme être nu... Et on ne se présente pas nu devant une femme.
Pour ce qui est de sa tenue, il avait chose rare fait un effort. Une nouvelle chemise blanche, parfaitement ajusté, au tissu extrêmement léger, la nuit était clair et la fraicheur ne pouvait lui faire que du bien après la journée passé au milieu d'une foule désagréable. Rasé de près, sa queue de cheval bien attaché. Il était assez content... Pour une fois qu'il allait se retrouver avec quelqu'un et pire.... Discuter avec, il voulait vraiment faire un effort pour sembler a peu près à son avantage.
Alors qu'il avançait il se mit à sourire pour lui même... Voilà que lui tentait de se faire une connaissance... Et en plus il avait fait attention à son apparence... Son vieux maître se serait moqué de lui.
Alors qu'il approchait du lieu de rendez-vous il vit Kayann, et deux chevaux. Il reconnut Mephisto sans problème, une fois proche d'elle, il tenta de faire une révérence et... Vraiment ce n'est pas un exercice dans lequel il excelle... S'inclinant en avant, il faillit s'étaler de tout son long, réussissant à se rattraper de justesse il se retrouva quasiment à genoux devant Kayann dans une position ridicule, avant de se relever, droit comme un I et visiblement gêné.
*Faudra vraiment que je pense à demander des cours à quelqu'un dans ce domaine.*
"Bonsoir ! C'est un plaisir de vous retrouver ! Vous avez choisi une superbe jument pour cette ballade ! "
-
Le garde fit son apparition alors que le ciel se teintait de couleurs chaudes et Kayann dut relever la mise élégant que Fitz avait choisi pour leur virée. Elle même avait pris soin de se raffraîchir et de se changer tant pour l'occasion que pour se débarrasser de la poussière de la journée. Son sens pratique avait sélectionné un pantalon de cuir mat sombre et un corset couleur crème, tout cela recouvert par un léger manteau de lin rouge vif, sa couleur fétiche.
Sa touche de féminité l'avait obligé à prendre soin de ses cheveux qu'elle laissait habituellement cascader dans son dos sans autre formalité. A force de chignon raté, elle avait opté pour une queue de cheval d'où s'échappaient d'inévitable mêches ondulées.
Alors que devant son miroir, elle avait tenté de se donner une apparence correcte, elle avait repensé à la jeune femme blonde, apeurée et pourtant désireuse d'acquérir l'une de ses bêtes. Elle était le genre de femme à porter en elle la grâce et la noblesse, qu'elle soit née dans la soie ou dans le ruisseau. Sans l'envier, elle s'était dit que quelques conseils à ce niveau lui ferait sans doute du bien, surtout pour ce genre d'occasion. Car si la proposition de ballade s'était faite sans arrière pensée, elle s'était vite rendu compte que c'était la première fois depuis longtemps qu'elle aurait rendez-vous avec un homme.
Elle se sentit moins ridicule de s'être un peu pomponnée quand elle vit que Fitz avait fait de même. Elle l'accueillit avec un sourire franc et allait lui tendre la main quand il tenta de lui faire l'honneur d'une révérence, sujet qu'il maîtrisait aussi bien qu'elle maîtrisait les ficelles de la féminité. Alors qu'il faillit tomber, elle ne put contenir un gloussement qu'elle étouffa avec le revers de sa main gantée.
"Bonsoir! Allons, pas de formalité entre nous, je n'en ai guère le rang..."
Elle tendit les rennes au jeune homme et flatta Safrane.
"J'ai du trouver une monture à la hauteur de Mephisto, il est vrai qu'elle est belle... Mais elle ne sera pas vendue de si tôt, son caractère ne fait pas l'unanimité... Mais je ne suis pas pressée, je l'aime bien moi..."
D'un mouvement gracieux qui tombait sous le naturel pour elle, elle monta en selle.
"Sanglez-le avant d'y aller... Je ne connais pas la région, je m'en remets donc à vos connaissances... Me voilà bien obligée de vous faire confiance! " déclara-t-elle, un sourire amusé aux lèvres.
A vrai dire, elle ne craignait rien. D'abord parce que Fitz ne semblait nullement agressif et ne dissimuler aucune pensée déplacée à son sujet. Et si elle s'était trompée, Mephisto aurait refusé de se laisser approcher par lui. Quand bien même, sous sa houppelande le long de ses côtes, une fine dague et son fourreau était dissimulée...
On était jamais trop prudent.
-
Il sourit à Kayann, se frottant l'arrière de la tête, après sa révérence raté, et la petite phrase de la jeune femme.
"Comme vous pouvez le constater je ne suis pas très doué pour ce qui est des protocoles, et j'avoue ne pas très bien savoir comment réagir. Je suis plus habitué à suivre une piste dans le bois, ou manier mes armes. De plus pour avoir rencontré un Shin'a'in il y a peu de temps, j'avoue, sans vouloir vous offenser, ne pas connaitre grand chose des coutumes qui doivent régir les interactions entre nos peuples"
Il se sentit gêné de dire cela comme ca. Il ne voulait pas que la jeune femme pense qu'il avait un apriori quelqu'il soit , mais il ne savait pas non plus si il avait fait des bourdes ou pas. Non réellement faudrait peut être qu'il aille voire Aranel pour l'aider à se comporter avec les gens qui peuplaient Haven. Cela pourrait s'avérer utile dans ses missions futures !
Alors qu'il prenait les rennes que lui tendait Kayann, il écoutait attentivement ce qu'elle disait sur la jeune jument.
"Le caractère est important pour une monture. C'est aussi ce qui va déterminer le lien qui l'unira à son cavalier, et comme aurait dit mon vieux maître, chaque chaussure doit trouver son pied, sinon la marche devient difficile"
Avant de sangler Mephisto il flatta l'animal, laissant sa main glisser de l'encolure jusqu'à la selle, en prenant son temps, comme pour sentir la présence de la monture, sentir sa chaleur traverser sa main.
Une fois vérifiée la sangle, il grimpa en selle, de façon certes moins gracieuse de Kayann, mais emplit de puissance et de douceur, aucun mouvement superflus, mais aucune violence dans sa façon de s'assoir. Il avait l'impression d'être complet, et le sourire qu'il adressa à Kayann ne laissait aucun doute, il était heureux.
"Me faire confiance quand à la région ? Hé bien, j'éspère pouvoir faire une bonne impression, et ne pas me perdre bêtement dans la nuit"
Il adressa un clin d'oeil amusé à Kayann avant de reprendre.
"Ne vous inquiétez pas je devrai quand même m'en sortir !"
Il incita alors Mephisto à partir tranquillement, à sa vitesse, sans presser l'animal, sans force, il continua à parler à Kayann.
"Je suis assez curieux, de nature, mais si cela vous dérange, vous avez complétement le droit de me le dire et de m'envoyer dans les roses. Je me demandais depuis combien de temps vous avez quitté votre peuple avec vos chevaux ? "
-
Lorsqu'il parla de sa rencontre avec un Shin'a'in, elle pensa directement à Ann'dra, elle ne voyait pas qui d'autre. Peut-être la dénommée Darea mais qui semblait s'être murée dans le silence. A vrai dire, Kayann n'avait pas vraiment essayé d'entrer en contact avec elle depuis son arrivée, elle n'avait tout simplement pas pris le temps pour ça.
"Je parcours les routes depuis assez longtemps pour faire fi du protocole, vous savez. Tant que le respect est de mise, le reste n'a pas d'importance... Si la personne en face est muni de deux brins de jugeotte, elle saura si l'attention vient du coeur malgré une révérence loupée. Une magnifique courbette peut tout aussi bien caché un traître..."
Elle aussi, avait parlé sans vraiment penser ses mots et espérait ne pas offusquer le garde.
Tout en l'écoutant parler du caractère des chevaux, elle repensa à son allusion à l'âme soeur en choisissant une monture. Fitz semblait du même avis, ce qui ne fit qu'augmenter l'estime naissante qu'elle nourrissait pour lui, sans qu'elle sache vraiment pourquoi elle souhaitait autant le connaître. Se fiant à son instinct, elle n'approfondit pas la question.
Depuis sa monture, elle observa son comportement vis à vis de Mephisto, qui gardait un calme inhabituel. Sa première impression, ce matin au marché, fut confirmé par les gestes du jeune homme. Une douceur qui n'enlevait rien à sa fermeté, une délicatesse sublimant sa détermination. Il ne laissait pas le choix à sa monture mais n'imposait rien. Toutes ses qualités firent sourire la jeune femme qui prit le pas de Mephisto.
Lorsqu'il parla de son clan et de son départ, son sourire s'évanouit et son regard se fit glacial à nouveau. Fixant l'horizon, elle prit une profonde inspiration et répondit, espérant que son trouble sera passé inaperçu:
"Cela fait plusieurs mois..."
Sans laisser le temps au mercenaire d'approfondir la question, elle enchaîna calmement:
"Et toi?... Je veux dire... Et vous? Etes-vous originaire de Haven?"
-
Kayann fit sourire le mercenaire. Sa réflexion sur le protocole était tellement vrai, que finalement il se rendit compte que tout cela était bien ridicule.
"Vous avez surement raison. Finalement tout ca est bien trop surfait."
Puis il remarqua que sa question provoqua un léger changement chez la jeune femme. Il savait qu'il n'aurait pas du poser cette question, il savait aussi qu'il avait été bien trop brutal dans sa façon de faire, et qu'il n'aurait pas du y aller de façon aussi direct. Il fallait qu'il trouve un moyen de se rattraper.
"Je suis désolé, je ne voulais pas vous faire revivre de mauvais souvenir."
Fitz ne savait plus très bien où se mettre, et finalement c'est Kayann qui lui ouvrit une porte de sortie.
"Je pense que le tutoiement est une bonne idée. Je suis un homme d'arme, j'ai plus l'habitude de cela !"
Il adressa à la jeune femme son plus beau sourire, éspèrant qu'elle passe sur sa question maladroite grâce à ca.
"Originaire de Haven ? Non pas vraiment. Pour être complétement franc ma région d'origine est assez flou. Je sais que mon tuteur m'a trouvé loin vers l'est, et je sais aussi que j'ai habité à la frontière Valdemarienne avec lui pendant un long moment. Haven je n'y passe que le temps des mes contrats d'habitude."
Il reconnut un chemin sur sa droite qu'un jeune noble qu'il avait eu ordre de surveiller lui avait fait prendre un fois.
"Tiens, allons par ici. Le chemin est agréables pour les chevaux, et on tombe au bout sur une petite percée dans la forêt, donnant sur une sorte de petit lac très agréable. "
Il engagea alors Mephisto sur le chemin, il restait complétement abasourdi par la facilité avec laqu'elle il arrivait à communiquer avec ce cheval qu'il ne connaissait pourtant pas le matin même
-
Abasourdie, elle l'était aussi. Même elle, qui avait vu naître le jeune cheval n'avait pas tant d'aisance avec lui. Mephisto faisait preuve de docilité, loin de la molesse pourtant. Son pas assuré et sa longue foulée le rendait difficile à suivre et Safrane faisait de son mieux pour ne pas se laisser distancer. La pouliche avait sa fierté et détestait ne pas être en tête.
Les oreilles des montures tourbillonnaient avec curiosité dans les airs, sondant les environs mais ne semblaient nullement énervés, juste ravis de se dégourdir les jambes sans être affublés du reste de la horde.
Kayann dut s'avouer qu'elle ne prenait pas assez de temps pour travailler chacun d'eux et se félicitait des caractères patients de ses chevaux. Il était rare qu'un problème vienne d'eux.
"Tu sembles être un excellent cavalier", remarqua-t-elle, adoptant le tutoiement, avant de reprendre sur le sujet des origines, "C'est ma première visite à Haven et j'étais impatiente d'arriver. Je ne suis pas très casanière mais retrouver un peu de modernité est assez agréable, après avoir battu la campagne. Je connais encore peu Valdemar. Mais j'ai le temps de m'attarder si le coeur m'en dit..."
Le chemin qu'il proposait semblait parfait et elle le suivit avec plaisir.
"Que dirais-tu d'un petit galop?" proposa la cavalière après avoir jugé idéal le sol de tourbe.
Sans attendre la réponse mais accordant un large sourire amusé au mercenaire, elle lança d'un mouvement de mollet sa jument au galop, qui démarra sans broncher. L'allure n'était pas soutenue par rapport à ce que pouvaient donner les deux chevaux. En période de foire, mieux valait les ménager. Néanmoins, une petite course ne serait pas de refus au retour.
Sous l'effet de la vitesse, le lacet de cuir qui retenait la chevelure de la Shin'a'in se volatilisa, libérant la cascade folle de ses boucles brunes, sans qu'elle ne s'en aperçoive. Seul comptait le vent chaud sur sa peau et la sensation de liberté qui l'avait envahi, sentiment que malgré son statut d'itinérant, elle ne ressentait que rarement.
D'un coup d'oeil par dessus son épaule, elle s'assura que Mephisto les suivait, ce qui ne faisait aucun doute. Il n'était pas cheval à se laisser distancer.
-
Fitz se mit presque à rougir au compliment de Kayann, il lui adressa un sourire sincère.
"Merci, mais Mephisto est surtout un excellent compagnon"
Il caressa doucement l'encolure du cheval, doucement, sentant sa peau frissonner à son contact, il sourit pour lui même.
"Il est vrai que cela fait parfois du bien de retrouver un endroit civilisé après pas mal de missions sur les routes. Cela faisait longtemps que je n'avais pas autant été avec les gens."
Il fut alors surpris lorsque la jeune femme se lança au galop, il la regarda s'éloigner un instant, et fut saisit par l'image de sa chevelure se libérant, le spectacle était beau. Il y avait quelque chose d'iréel dans la complicité qu'elle avait avec la jument, c'était la première fois qu'il assistait à cela.
Il remarqua alors le lacet qui s'envolait derrière elle, et se pencha en avant à l'oreille de Mephisto
"On va quand même pas les laisser faire"
Chuchota-t-il doucement. Le cheval ne se fit pas prier, et à peine avait-il prononcé les mots et donné l'impulsion qu'il partit immédiatement à la poursuite de sa camarade. Fitz fut saisit d'une sorte de folie, se penchant sur le coté et étendant son bras au maximum, il réussit à attraper le lacet juste avant que ce dernier ne touche le sol, il se redressa alors, sur sa selle. Mephisto était réellement une bonne monture, l'animal n'avait pas bronché, il y avait une sorte d'osmose qu'il ne pouvait comprendre.
Kayann devant lui il lui adressa un sourire amusé, le lacet dans la main, il lui adressa un clin d'oeil.
"Que de bonheur"
-
La clarté déclinante des plaines fut bientôt évanoui lorsque le galop des chevaux les menèrent à l'orée de la forêt. Kayann le remarqua à peine tant sa course l'enivrait. Sans s'en rendre compte, elle avait encore poussé la jument qui semblait s'amuser autant qu'elle. Près d'elles, elle entendait le martèlement des sabots de Mephisto indiquant que celui-ci les talonnait. Un regard, un clin d'oeil, un sourire et la voilà qui tentait de remettre de la distance entre eux.
Mephisto et Fitz semblaient en communion parfaite, comme si les deux compères se connaissaient par coeur depuis des années. L'osmose était remarquable. Des quelques regards qu'elle jetait par dessus son épaule, elle pouvait sentir leur complicité.
Bientôt, leur folle embardée les mena dans la clairière, près du lac dont Fitz avait parlé. L'endroit, à la tombée du jour, semblait respiré le mystère, le crépuscule n'étant pas le passage entre le monde réel et les autres? Une petite brume recouvrait l'étendue d'eau, teintée de couleurs chaudes. Soudain calmée par cette ambiance magique, Kayann ralentit sa monture qui passa au trot, puis au pas. La cavalière mena Safrane près de la rive pour mettre pied à terre. Le sol était recouvert d'une appétissante herbe odorante qui ferait sans doute le bonheur des équidés. La Shin'a'in desserra la pression de la sangle et laissa la jument libre de se désaltérer et brouter.
Une petite brise fraîche filtrait entre les arbres, une bénédiction après la lourde journée passée. L'endroit avait des allures de bout du monde, à mille lieux de Haven. Inspirant l'air parfumé à plein poumons, Kayann, face au lac, profitait de cette instant de grâce pour se détendre totalement.
Dans un lieu aussi féerique, la présence de la Déesse Aux Yeux Etoilés n'était pas difficile à déceler, pour qui croyait en elle.
-
Fitz était aux anges. Mephisto réagissait extrêmement bien, et leur rapport était fusionnel presque instantanée. Il pouvait profiter de la course pour regarder ailleurs, contempler le paysage, et admirer le talent de Kayann une fois à cheval.
Réellement les Shin'a'in étaient de bons cavaliers, mais Kayann était impressionante. L'amour qu'elle avait pour ses bêtes se voyait, et Fitz se félicitait de l'avoir choisi pour trouver son futur compagnon.
Ils traversaient la forêt à une vitesse folle. Il n'avait pas besoin de pousser Mephisto, l'animal et lui se comprenaient: Il ne fallait pas lacher Kayann et Safrane. Il fallait aller plus vite, tout droit, toujours plus loin.
Ils arrivèrent enfin jusqu'au bout de la route, ils diminuèrent leur vitesse jusqu'à arrivé au pas.
Le lac était tel que dans ses souvenirs, toujours cette impression de magie omniprésente, ce sentiment de sérénité et de calme, comme si rien ne pouvait atteindre cette endroit.
Lorsque la jeune femme mit pied à terre, Fitz l'imita, avec douceur, il descendit de Mephisto et flatta l'animal pour cette magnifique course. Il desserra la sangle, laissant la monture un peu plus à l'aise pour manger.
Il s'approcha alors de Kayann et lui tendit le lacet de cuir qu'il avait ramassé plus tôt.
"Il me semble que tu as semé tes affaires"
Puis désignant le lac il continua.
"Alors que penses-tu de l'endroit? Un jeune noble que je protégeais, rejoignait ici tous les jours la jeune femme dont il était amoureuse. Amour interdit, car l'homme était promis à une noble, et la femme était une roturière. Je n'ai jamais su la fin de l'histoire, mon contrat finissait avant leur mariage"
Il laissa son regard fixé dans le vide, regardant autre chose, au delà du lac. Cet endroit l'emplissait de nostalgie, c'est comme si son vieux maître était là, pas loin, à le regarder agir, à le guider.
"Mephisto est une excellente monture, et fera un compagnon merveilleux. Tu es réellement extrêmement doué avec les chevaux"
Aucune trace de flatterie dans ces mots. Juste la vérité sincère qui sortait de la bouche du mercenaire, sans qu'il est eu à réfléchir.
-
Mephisto rejoignit Safrane qui lui signifia que le périmètre autour d'elle était désormais son domaine en le menaçant d'un coup de dent hargneux, ce qui fit sourire la jeune femme. Quel caractère cette pouliche! Mephisto obtempéra, visiblement à contre-coeur mais dut se dire que les environs étaient assez grands pour deux têtes de mules. Il s'éloigna de quelques pas, les narines au sol avant de choisir son repas.
Fitz lui tendit son lacet de cuir puis lui parla de la découverte de ses lieux, ce qui n'étonna pas Kayann.
"Ah, je me disais bien qu'il y avait de l'amour dans l'air..." souligna-t-elle en souriant, tortillant le lacet entre ses doigts.
Elle était décidément nulle pour se coiffer et devrait peut-être se faire une raison... Ou se raser la tête... L'avenir en déciderait.
"Ce cheval et toi, vous êtes fait l'un pour l'autre, à n'en point douter. Il est bien sûr à toi si te le souhaites. Ton prix sera le mien", dit-elle d'une voix posée.
C'était une chose qu'elle détestait. Pas marchander, non, lier connaissance avec un acheteur potentiel. Son sens des affaires perdait de son tranchant, bien qu'elle ne soit jamais perdante dans l'affaire conclue. Lorsqu'un cavalier et une monture se rencontraient comme dans le cas de Mephisto et Fitz, l'affaire était plus délicate encore. Marchander une vente de ce genre, c'était comme fixer une dot pour le mariage de deux amoureux. Et Haven avait considérablement renfloué ces comptes pour oser un risque de ce genre, sachant pertinemment que Fitz ne la roulerait pas.
La confiance qu'elle avait placé en lui n'était pas intégral mais la porte était ouverte. Elle avait surtout une confiance sans limite en son cheval, qui l'avait choisi.
-
"De l'amour surement... Ce lieu était magique à chaque fois qu'ils se rejoignaient. Moi je suis revenu ici régulièrement pour méditer, penser au passé, et à l'avenir".
Fitz regardait toujours droit devant, comme si il voyait des choses qu'il ne pouvait pas dire. Tout remonté à la surface quand il était en ce lieu, et il appréciait cela. Il arrivait ainsi à remettre les choses au clair, mieux réfléchir à tout ce qui arrivait, à tout ce qui se passait. Et ces derniers temps il s'en était passé des choses.
Kayann le sortit de ses réflexions, il se tourna alors lentement vers la jeune femme, lui adressant un sourire lorsqu'elle commença à parler de prix. Il savait bien que la question viendrait sur le tapis.
"Bien sur que je le souhaite. Cela fait bien longtemps que je n'ai pas croisé une monture avec qui je me sente aussi bien. Pour ce qui est du prix... Je t'avoue ne pas y avoir songé, ce que je possède est à toi pour Mephisto. Ma bourse est pleine, les contrats ont été juteux ces derniers temps, les routes ne sont pas sur et un mercenaire trouve toujours de quoi travailler. Je n'ai actuellement pas besoin de grand chose étant logé au collégium. Donc je te propose tout ce que j'ai sur moi, ce qui fait déjà une très belle somme. "
Fitz décrocha la bourse qui pendait à son cou, elle était pleine, deux années de contrat dangereux sur les routes. Mais Fitz était ravi. Il n'avait jamais été dépensier, l'argent pour lui n'était qu'un moyen, pas un but. Et aujourd'hui il était prêt à dépenser l'intégralité pour Mephisto, il ne semblait nullement dérangé par cela, pour lui c'était naturel.
Il tendit la bourse à Kayann, elle saurait d'elle même si cela lui suffisait ou si elle désirait plus. De toute façon il ferait ce qu'il faut pour avoir cette monture, quitte à donner toutes ses soldes à venir à la jeune femme.
-
Face au lagon enchanté, Kayann écouta avec attention ce que disait Fitz sur la monture et s'en trouvait ravie, bien qu'elle ne le montra pas, hormis peut-être un léger frémissement sur la commissure de ses lèvres. Ce qu'il disait ne la surprenait pas, elle le savait déjà. Le courant était passé dés le premier instant.
Il lui tendit la bourse qu'elle empocha sans même la vérifier. Il avait fixé le montant, la valeur du cheval selon son entendement et, elle l'avait dit, son prix serait le sien. Rien qu'au poids, elle savait qu'elle aurait pu en tirer le double mais de cela, elle s'en fichait. Elle voulait que Mephisto aille chez Fitz, il n'en serait pas autrement.
Ravie de la transaction, elle resta un instant encore à rêvasser face à l'étendue aquatique, s'imaginant bien venir s'y baigner un soir... Si le temps le lui permettrait.
Les chevaux ne s'étaient pas éloignés et malgré leur allure décontracté, ils restaient attentifs aux mouvements des cavaliers, guettant un rappel ou un danger.
"Vas-tu rester à Haven quelques temps? Je ne suis jamais entrée au Collégium, je ne sais même pas ce qu'il s'y passe... Pourrais-tu me raconter? Peut-être que si je donne des cours à la noble de ce matin aurais-je droit à l'accès aux écuries."
Elle esquissa un sourire amusé et se tourna vers Fitz, le regard espiègle.
"Il y a que je suis bien curieuse, et cela m'intrigue. En plus, vivre en sauvage et en solitaire, cela me va bien mais par moment, j'ai surtout besoin de rencontrer du monde. Non pas que mes chevaux n'aient pas de discussion, mais quand même, nos soucis sont bien différents."
Plutôt sur la réserve, la jeune femme ne donnait jamais plus que le minimum sur sa réelle personnalité, et prenait un vrai plaisir à éviter les questions trop personnelles et à les retourner à son interlocuteur. Suivant le choix de la personne en face, celui-ci s'étendait avec ardeur sur sa vie et ses aventures. Elle semblait être quelqu'un à l'écoute alors que sa méthode tenait plus de la défense que par réel intérêt.
-
Désirait-il restait longtemps au collégium ? Depuis qu'il était arrivé ici, beaucoup de choses lui étaient tombé sur le nez, certaines plus agréables que d'autre, et la rencontre de Kayann faisait plutôt parti des choses agréables. Il regarda la paume de sa main droite avec assistance, avant de replonger son regard au-delà du lac. Il était planté là le regard dans le vide, perdu dans ses réflexions. Ces questions il ne se les étaient pas encore posé, il n'y avait pas réfléchi.
"Rester à Haven ? Cela dépendra surement du contrat. Pour l'instant ils semblent avoir besoin de moi."
Il se retourna alors vers Kayann, un sourire espiègle au lèvres il planta ses yeux dans les siens
"Pour ce qu'il s'y passe, ce qui se passe toujours entre nobliaux, et autres gens de la haute. Ca se drague, ca se cherche, ca se trouve, et ca se déchire. Rien de bien passionant. Quoique pour des gens qui ont vécu à l'extérieur cela fait un bon passe-temps, si on pouvait diffuser cela à toute la population de Haven ils seraient surement scotchés devant"
Il restait le regard fixé dans les yeux de la jeune femme. Il cherchait à la comprendre. La Shin'a'in l'intriguait.
"Par contre une chose est sure tu serais à ta place aux écuries du collégium, et ton savoir leur serait des plus utiles! Et si jamais la jeune noble ne pouvait t'obtenir l'entrée, je pourrai toujours t'ouvrir une porte. Mais ne connais-tu pas le Shin'a'in qui y vit ? Ann'dra un promis à l'épée que j'ai déjà croisé. Il pourrait te faire entrer non ? "
Il se mit à sourire encore plus franchement que d'habitude quand elle aborda le sujet de la vie en solitaire. Il connaissait parfaitement ce sujet, c'était pour lui quelque chose de familier, une seconde nature même.
"La vie en solitaire est notre lot, mais je comprends aussi que parfois l'envie de rencontrer des gens se fait forte"
Il continuait de la regarder dans les yeux, espiègle et amusé.
-
A la question qu'elle posa sur ses attentions de rester ou non, la réponse se fit attendre, le jeune homme semblait pris dans ses reflexions, scrutant soudainement sa paume avec insistance.
Kayann choisit de se retourner vers lui à ce moment-là et remarqua au creux de sa main une drôle de chose. Ce fut furtif mais elle crut déceler une étrange cicatrice. C'est ce qu'il semblait regarder avec suspicion.
Il devait avoir l'âme baroudeuse, sûrement se ressemblait-il un peu. Sa compagnie lui plaisait de plus en plus.
Sa réponse sur les aventures des gens de hauts-rangs dans l'enceinte du collégium la fit partir d'un rire cristallin avant qu'elle ne réplique:
"Pour sûr que les petites gens se régaleraient de pareilles histoires, étonnamment, les coucheries des nobles ont toujours fasciné le peuple, bien plus que leur réel engagement pour le royaume. C'est étonnant."
Elle marqua une pause avant de poursuivre en riant:
"Quoi que, moi la première, de connaître leurs déboires me fait oublier ma vie de solitaire. Peut-être vaut-il mieux être seule que mal accompagnée..."
Sans qu'elle ne l'ai vraiment cherché, la lueur de ses yeux passa un instant de la complicité au charme.
"Quoi que parfois, ne pas être seule, c'est assez agréable... C'est qu'il s'agirait de ne pas se marginaliser..."
Sur la remarque de sa place aux écuries, elle haussa les épaules.
"Oh, utile, je ne sais pas, je n'ai pas la prétention d'être la meilleure des éleveuses... Je connais Ann'dra oui, et je lui demanderai de me faire visiter les écuries. Ses connaissances valent les miennes, peut-être ai-je une meilleure connaissance des comportements en horde... Et je suis assez mal placée pour étaler ma science."
Son regard arctique planté dans le sien, un léger sourire enigmatique aux lèvres, elle se contenta de sourire au commentaire sur la solitude. L'endroit l'enivrait et elle ne désirerait pas se laisser aller à quelques sensibleries.
-
"Notre choix de vie nous marginalise déjà. Peu de gens le comprennent, et finalement pour le commun des mortels on est hors de leur limites."
Fitz répondait sans vraiment faire attention. Parfois la route, les missions, tous ces gens à protéger lui pesait bien plus qu'il ne se l'avouait. Il aurait aimé simplement être de retour dans sa cabane, Aed préparant le repas du soir, lui racontant les histoires de son passé, le feu crépitant dans la cheminée.
Mais maintenant pour tout ca il était bien trop tard. La vie n'était plus qu'une suite de combat, de violence, et de rage.Ce n'était finalement plus que haine. Il était parfois bien dure de vivre là dedans.
Le mercenaire ne s'était pas rendu compte qu'il s'était approché de l'eau, qu'il contemplait d'un oeil vide. Il avait oublié finalement qu'ils étaient deux, que les chevaux était plus loin, que tout ca n'était qu'un petit instant de calme et de repos dans une vie qui ne lui en offrait que peu.
Il avait chaud, il suffoquait presque. Parfois se rendre à la réalité, se rendre compte que l'on est rien de plus qu'une succession de mission était bien plus dure qu'on ne le pensait.
Qu'allait-il laissait sur cette terre ? Il créverait surement sur le bord d'un chemin, terrassé par des ennemis plus nombreux, et quel trace laisserait-il ?
Des amis ? Il n'en avait pas, et n'en avait jamais voulu. Il y avait toujours quelques personnes à qui il parlait, mais guère plus. Il ne se liait pas, jamais. Personne ne pourrait dire "Fitz? Oui je le connaissais bien", non tout le monde dirait "'C'était un brave gars, un bon employé".
Il leva la tête vers le ciel, fixant le ciel nocturne, emplit de nostalgie. Sa vie n'était pas bien différente d'autres vie, son histoire n'était pas plus compliqué. Mais il avait choisit de porter son fardeau seul, et finalement c'était peut être parfois trop lourd pour lui.
Il emerga un instant, et se retournant, il vit Kayann toujours là.
"Finalement grâce à toi, et à ta rencontre, je ne suis pas complètement seul. Merci"
Cette phrase n'avait aucun sens tel quel, mais pour lui elle était naturelle, importante, c'était une vérité qu'il avait à dire, une vérité qu'il ne pouvait garder. Elle avait été sa bouffée d'air de la journée, la première fois depuis longtemps qu'il n'avait pas eu à se masquer, qu'il pouvait être ce grand enfant pas complètement fini, qui rêvait de flâner au grand air à regarder les oiseaux.
-
En parlant d'oiseaux, Kayann tu repère plus rapidement que Fitz un vol de charognards. Ils sont grands, noirs, et ne ressemblent pas à des oiseaux que tu connais.
Fitz, ta main et ton étrange marque te brûlent au même moment. [ pour plus de cohérence pour votre sujet avec Riannon, je considère que ça se passe avant la deuxième séance de traduction des manuscrits. ]
Les oiseaux géants volent en rond mais ne se posent pas. Derrière un bosquet d'arbre ou une colline proche doit se cacher quelque chose ... De gros, vu la quantité de piafs et leur taille.
-
Le ton de la voix du jeune homme se fit soudain monotone, empli d'une nostalgie qui sortit kayann de son ivresse. Le lieu perdit de sa magie et se voila de mélancolie, la nuit avancée n'aidant pas. Son regard bleu se tourna vers son interlocuteur et sentit une sorte de malaise se dégager de son comportement, les mots qui sortaient de sa bouche avaient l'effet d'une torture sur son visage qui se fermait peu à peu.
A le voir s'enfoncer dans pareils tourments, Kayann aurait aimé s'approcher, lui prendre la main, un contact rassurant qui dirait: Comme je comprends tes paroles mon ami... mais évidemment, elle ne fit rien, resta sur place et se laissa vite envahir par la tristesse de Fitz.
"Marginaliser, bien sûr nous le sommes, au même titre que les nobles et les mendiants. Chacun vit de l'apparence qu'il donne au monde et se donne la place qu'il se fait, plus ou moins volontairement", tenta-t-elle en reprenant un peu de vie, "Peut-être devons-nous nous estimer heureux de vivre loin des tourments de la vie sédentaire, ma foi solitaire... Et notre destin n'est pas forcément ce que nous vivons aujourd'hui, gardons confiance en l'avenir... Notre place nous réclamera bien assez tôt..."
Savait-elle seulement de quoi elle parlait? Elle n'avait fait aucun choix depuis sa naissance. Hormis peut-être celui de fuir... Avant cela, se distancer de son clan au profit des chevaux, un choix peut-être... Elle était si jeune.
"Moi aussi je suis ravie de t'avoir rencontrée. Il semblerait qu'on se ressemble..." répondit-elle en souriant.
Son regard dans celui de Fitz fut bientôt attiré par un mouvement un peu plus loin, au dessus d'une colline. Kayann plissa les yeux pour tenter de distinguer ce qu'il se passait. On aurait dit un vol d'oiseaux. Ou plutôt, une approche de charognards avant qu'ils ne fondent sur une proie.
Concentrée sur ce qu'elle tentait de dicerner, elle fit quelques pas inutiles en direction de l'étrange apparition. Elle contourna le mercenaire, jeta un instant un regard aux montures qui elles aussi avaient senti quelque chose.
C'était bel et bien un groupement d'oiseaux dont le comportement indiquait qu'ils avaient repéré une charogne. L'obscurité n'aidant pas, elle ne reconnut aucune des races qu'elle connaissait et se trouva un instant envahi d'un étrange pressentiment. Une légère onde glaciale lui traversa le corps: il était en train de se passer quelque chose à quelques foulées de leur position.
"Regarde. Là." dit-elle seulement en levant le doigt vers les rapaces.
Partagée entre la curiosité et la crainte, elle rappela les montures puis se tourna vers Fitz, espérant qu'il lui en apprendrait plus.
-
Il s'en voulait, il s'était allé à une mélancolie qui ne lui ressemblait guère. Réellement cet endroit avait comme particularité de déclencher ce qu'il y avait de plus enfoui en lui.
Il devait se reprendre. Le regard toujours fixé au loin il posa sa respiration un instant, inspirant et expirant lentement. Il écoutait Kayann, il l'avait inquiété il le sentait, et cela il ne pouvait pas se le permettre.
Alors qu'il allait se retourner vers elle, son sourire le plus enjôleur plaqué sur son visage elle lui montra le ciel, et la douleur revint, il fut stoppé net en plein mouvement, la brulure de sa main remontait dans son bras, des fourmis courraient le long de ses nerfs, il fixa son regard sur elle, comme pour l'arrêter. C'était une horreur, il ne comprit pas ce qui se passait, pourquoi maintenant? Pourquoi encore ? Il avait bien fait attention à n'effleurer personne, ni quoique ce soit avec cette fichu marque!
La colère se succédait à la douleur, puis il sentit Kayann inquiète à ses cotés, il devait reprendre le dessus.
Il esquissa alors un geste rapide des deux poignets, et de sous sa chemise deux lames firent leur apparition. Elle était bien plus légère que sa hache à transporté, et ne lui servait que si il avait été desarmé, mais pour une fois elle ferait exception, de plus elle lui permettait d'avoir les mains libre, et vue la douleur qu'il devait enduré, c'était exactement ce dont il avait besoin.
Il se retourna vers la Shin'a'in et vers les chevaux. Ces derniers semblaient partagés, ils savaient que quelque chose se passait.
Il tourna ses yeux vers les oiseaux. Des charognards. Il en avait déjà vu beaucoup au dessus de charnier, de villages détruits par les pillards, il en avait vu se disputait la chaire encore tiède de corps qui ne ressemblaient plus à rien. Et au vu de leurs cercles funestes ils n'étaient surement pas ici pour le bal...
"Il doit y avoir un corps, voir plusieurs, peut être des animaux victimes de leur prédateur, ou de pièges. Ils sont nombreux mais ne nous attaquerons pas.. Du moins aucun ne m'a jamais attaqué tant qu'ils me croyaient en vie"
Il adressa un sourire à la jeune femme, éspérant que son humour arriverait à détendre l'atmosphère.
"Il faut qu'on aille voir,je dois être sur que ce n'est pas humain, et si cela l'est... Je devrai prévenir le capitaine. Si tu veux rentrer je le comprendrai, tu n'as pas à être forcé de voir tout cela."
Il n'aimait pas montrer des morts à des gens. Il n'aimait pas leur infliger la violence et le sang. Fitz savait très bien que personne n'était obligé de le voir, c'était... Son choix.
Il s'approcha de Mephisto et attrappant sa bride, se tourna vers Kayann.
" A toi de voir, si tu me suis, moi je suis obligé d'y aller"
Il souriait toujours à la jeune femme. Qu'il y est au moins quelque chose de rassurant dans le coin. Puis il s'enfonça vers l'endroit au-dessus duquel les charognards volaient, Mephisto en longe, pour ne pas risquer de blesser l'animal sur un chemin qu'il ne connaissait pas lui même, les lames au clair.
-
Un cri étrange parvient, dédoublé par plusieurs gorges emplumées. Comme pour démentir la théorie énoncée, plusieurs oiseaux quittèrent l'essaim et vinrent vous survoler, comme si vous êtiez les futures proies. Les autres se posèrent derrière la colline hors de vue.
Les oiseaux se rapprochaient en cercles concentriques. Les plumes noires semblaient étrangement gluantes. Les becs, rouges, étaient plus crochus et avaient l'air plus aguisés que ceux de charognards normaux. Les yeux étaient rouges et ne vous quittaient pas.
Les chevaux commencent à s'affoler. L'air semble plus lourd, et la lumière semble s'assombrir.
-
Alors que Fitz remarquait les oiseaux porteurs de malheur, ses traits furent soudain crispés par ce qu'elle pensa être de la douleur. Cela sembla fulgurant car le mercenaire stoppa net son mouvement, comme pétrifié de douleur. Il fixait sa main, celle-là même où Kayann avait semblé voir quelque chose un peu plus tôt.
Elle allait lui demander ce qui n'allait pas quand il annonça qu'il devait s'approcher, histoire de s'assurer que les décombres n'étaient pas humains et lui proposa de rentrer, ce dont il n'était pas question.
"Non, je viens avec toi..." annonça-t-elle d'une voix grave et inquiète tandis qu'elle lui emboîtait le pas, Safrane à la bride. Les craintes de la jeune femme était surtout que les oiseaux décident de s'attaquer aux chevaux, bien qu'il n'y ai aucune raison, ils étaient vaillants et en bonne santé, loin des proies agonisantes coutumières aux charognards.
Mais de quel genre de charognards avaient-ils affaire? Le cri que poussa l'un d'eux, bientôt imité par le reste de la troupe glaça littéralement le sang de la Shin'a'in qui serra le poing sur le cuir de la bride, afin de se rassurer. De sa main libre, elle sortit la petite dague qu'elle avait contre elle.
Quelque chose se tramait, quelque chose qui faisait froid dans le dos.
Alors qu'il marchait, Kayann finit par demander d'une voix qui se voulait rassurante:
"Qu'as-tu à la main?"
Soudain, la danse funèbre des volatiles prit fin et le groupe se divisa en deux parties. Une poignée d'entre eux plongea vers le sol et se posa derrière la colline qu'ils ne tarderaient pas à rejoindre, sitôt un torrent traverser.
La deuxième escadrille resta en l'air mais ne tournoyait plus. Ils... Ils...
"Par la déesse... Fitz!" s'écria-t-elle en constatant avec horreur que les bêtes semblaient les avoir repéré, et pire encore, s'approchaient d'eux avec une telle véhémence qu'ils pourraient laisser croire qu'ils souhaitaient démentir les paroles du soldat.
Sa peur fut bientôt fondée. Lorsqu'ils furent en dessus de leur tête, ils commencèrent à descendre en tournoyant vers le sol, tentant d'intimider les deux cavaliers par des cris effroyables.
Instinctivement, le poing armé levé vers le ciel, elle se vouta sur ses épaules et se rapprocha du jeune homme au plus près qu'elle pouvait. Un instant, elle songea à lâcher Safrane qui paniquait complètement. Avec rage, elle se cabrait et ruait vers les prédateurs, voulant coûte que coûte les intimider. Kayann ne doutait pas que la jument rejoindrait Haven et que son retour sans cavalier alerterait Ann'dra qui montait la garde près de l'enclos, mais elle avait encore besoin de sa monture, au cas où ils devraient prendre la fuite.
Les yeux fixés sur les bêtes volantes, au fur et à mesure qu'ils se rapprochaient, elle put juger leur apparence. De véritables monstres aux becs rougeoyants aussi acéré que leur lame et pourtant plus longs. Leurs yeux injectés de sang ne les quittait pas, laissant planer sur eux le poids d'une menace dont l'air se chargeait. La nuit tombante se fit soudainement plus sombre et emprunte d'une sourde terreur.
Terreur qui se lisait dans l'azur des prunelles de la Tale'sedrin, toujours le poing tremblant levé.
-
Il se doutait qu'elle le suivrait, elle ne semblait pas du genre à se démonter, cela ne le dérangeait pas. Ils commencèrent à marcher alors vers le lieu désigné par les volatiles.
"Ce que j'ai à la main ? C'est une histoire étrange, et pour être franc je ne sais même pas ce que c'est moi même."
Il regardait le chemin, vérifiant qu'il était particable, que les chevaux ne risquait rien, il ne voulait pas que les animaux se blessent, il ne voulait courir aucun risque. Le cri de Kayann, le sortit de ses pensées.
Il leva la tête au ciel, et vu le second groupe qui s'approchait d'eux. Fitz se retourna évaluant la distance avec Kayann, cette dernière s'était rapproché de lui, et il savait qu'en quelque seconde il pourrait la protéger. Ce qui l'inquiétait c'était les chevaux il devait trouver une solution.
Le jeune homme fit craquer ses cervicales, et allongea son bras droit lame au clair contre sa jambe chaque muscle tendu, surveillant tout mouvement étrange. Il ouvrit la main, cela ne servait à rien, mais il se sentait presque rassuré sa cicatrice au clair.
"Et bien je crois que ceux là pense que je suis mort"
Dit-il en souriant, gagnant du temps pour sa réflexion, il devint alors sérieux, et sans regarder la jeune femme recula de facon à ce que son dos soit à son contact. Il murmura alors.
"Kayann si ils s'approchent il y a deux solutions. Celle que je préfère, c'est que tu me laisses les occuper. Ne t'inquiéte pas pour moi je suis solide, pendant ce temps là prends Safrane et Mephisto en longe, je veux que toi et les chevaux ne soyez pas blessé, et je sais qu'ils sont largement apte à les distancer. Une fois à Haven préviens les gardes du collégium ou Ann'dra. "
Il prit une inspiration, il savait déjà qu'elle n'accepterait pas cette solution. Après tout elle avait décidé de le suivre.
"L'autre est de continuer à avancer, ne pas se laisser intimider. Je ne doute pas que tu saches te battre, mais si jamais ils attaquent alors... Laisse-moi faire, je m'en voudrai si il devait t'arriver quelque chose à toi, Safrane ou Mephisto. Mets-toi à couvert, trouve toi un endroit où tu ne seras pas attaqué, protège toi coute que coute. J'avoue que je ne supporterai pas qu'il t'arrive quoique ce soit."
Il se tourna rapidement vers elle, lui adressant un clin d'oeil et son sourire le plus éspiègle:
"Ce ne serait pas bon pour ma réputation de mercenaire"
Tout avait été dit avec sang froid, sans trace de peur. Ces bestioles étaient étrange, leur couleur, leur texture, tout chez eux était horrible. Mais l'horreur Fitz la connaissait bien, la mort il l'avait vu de près, et il savait que peu de chose pourrait encore le faire paniquer. Il était prêt à passer l'arme à gauche. Non ce qu'il ne supportait pas c'était l'idée que la jeune femme risquait elle aussi quelque chose, ainsi que les bêtes qui les suivait.
Safrane était tendu, cela se voyait, elle était presque agressive. Fitz se mit alors à chantonner une chanson que son maitre lui avait apprise, une petite mélodie calme, chanté du fond de sa gorge. Il la lui chantait à chaque fois qu'il se levait dans la nuit en pleurant, chaque fois qu'il repensait à son enfance, et à chaque fois cela le calmait.
"Tu as peur dans la forêt
Tu as peur du monstre caché.
Tu es seul et effrayé
Mais je viens pour te sauver.
Ne t'inquiéte pas on sera deux
Contre le monstre si tu veux.
Ne t'inquiéte pas on sera deux
Pour vivre un avenir radieux."
-
Les oiseaux descendirent bas mais ne semblèrent pas vouloir attaquer maintenant. Ils jaugeaient leurs proies, se riaient visiblement des armes ou des regards que leurs lançaient Fitz et Kayann. On aurait presque dit qu'ils les narguaient et s'amusaient juste à leur faire peur. Mais la tension était trop forte pour qu'on ne se doute pas qu'ils attaquent au moindre geste suspect.
En direction de la colline, une espèce de brouillard s'était levé et un petit vent semblait s'amuser à le modeler. Une demi douzaine de seconde plus tard, le vent cessait et le brouillard s'écartait. Une femme blonde, en habits de capitaine, visiblement mercenaire se tenait debout sur la colline. Elle semblait attendre quelque chose ou quelqu'un. Son regard se posa sur le couple, ignorant les oiseaux, et ceux-ci semblant ne pas la voir, qu'ils soient derrière ou devant elle.
Fitz tu entends dans ta tête une voix inconnue:
Petit frère, ne la laisse pas seule. Elle a besoin de son dernier repos.
Tu es persuadé que c'est cette femme qui te parle. Et qu'elle ne parle pas de Kayann qui semble bien vivante pour le moment.
Kayann, tu remarque une chose étrange sur l'uniforme de la femme: une tache plus sombre sur le haut de la poitrine... une balafre qui semble encore saigner qui lui traverse la gorge. Tu comprends que celle en face est soit grièvement blessée, soit grièvement morte. A toi de décider comme tu le prends.
-
Kayann refusa tout aussi sec de partir tandis qu'ils s'approchaient de la colline, toujours aux aguets.
"Je reste avec toi, ta douleur à la main m'inquiète. Lâche Mephisto. Il ne lui arrivera rien et il rentrera direct à Haven. Son retour sans nous alertera Ann'dra qui pourra nous porter secours. Il faudrait l'avertir d'amener du renfort", dit-elle d'une voix qui se voulait la moins tremblante possible. "Ainsi, il n'arrivera rien à ta nouvelle acquisition et il nous reste Safrane si nous devons nous enfuir...
C'était l'idée la plus judicieuse que son esprit en ébullition avait réussi à faire germer.
Bientôt, ils atteignirent les berges du torrent qui ne serait pas difficile à traverser, mais semblait plus puissant que la Shin'a'in l'avait évalué.
En dessus de leur tête, les oiseaux menaient un véritable bal, semblant se délecter de leur peur et s'amuser de leur sort. Epiant le moindre de leur geste, l'attaque semblait pourtant imminente, leur moindre faux-pas risquait de leur être fâcheux. Les tenant toujours au bout de sa petite dague, Kayann se doutait bien que son arme ne ferait pas longtemps le poing, mais peut-être cela leur ferait-il gagner du temps.
Lorsque les créatures prenaient un malin plaisir à les survoler de tout près, la jeune femme pouvait sentir leur odeur pestilentielle et plâner la mort avec eux.
Sans vraiment s'en être rendu compte, elle avait accorché sa main au bras de Fitz, sa terreur ayant du mal à être camouflée.
Alors qu'ils s'apprêtaient à travers le cours d'eau, le regard de Kayann fut attiré par un mouvement sur la colline. Une brume s'était formé et se balançait dans une brise on ne peut plus suspecte. Tout cela n'avait rien de naturel et se trouva confirmé comme tel. Le rideau de brouillard s'écarta sur une silhouette, celle d'une femme en tenue d'homme, fantômatique et pourtant si présente.
Les deux acolytes stoppèrent net leur avancées pour la regarder. La Tales'edrin plissa les yeux, quelque chose l'intriguait. Les bêtes à plume ne semblaient nullement remarquer cette nouvelle présence et une marque sombre sur sa chemise attirait les prunelles froids de la cavalière.
Du sang...
Du sang avait envahi sa tenue. Et là, compte tenu de la quantité, soit la femme était à l'agonie, soit c'était bel et bien face à un spectre qu'ils allaient se trouver. Saisie d'effroi, elle se allait en parler à Fitz mais celui-ci dévisageait aussi la mercenaire avec intensité. Voir même, il ne semblait plus présent, comme en transe.
Pour Kayann, si rarement confrontée à quelque sorte de sorcellerie, la peur fut si grande qu'elle tenta de sortir son ami de ses pensées au plus vite.
Non, elle ne pouvait pas mourir et ne le laisserait pas se sacrifier pour sa survie. L'heure n'était pas à la panique et Kayann devait se resaisir.
-
Comment dire qu'il s'en serait douté? Bien sur qu'elle refuserait de partir, mais comment la protéger éfficacement.
Fitz regardait autour de lui, à la recherche d'une quelconque façon de s'en sortir, sans résultat. Il écouta alors la proposition de Kayann. La jeune femme avait raison, il fallait de toute façon prévenir en ville qu'il se passait quelque chose. Et si Ann'dra se trouvait bien là où il devait, il ne tarderait pas à venir leur portée main forte.
Il se mit à sourire pour lui même... Le promis à l'épée finirait par se dire que Fitz apportait la poisse si cela continuait. Il continua d'analyser la situation, regardant les oiseaux, et fixant leur ballet, cherchant un signe qui puisse indiquer un passage à l'attaque.
"Tu as raison, je vais lacher Mephisto, on doit avertir Haven au plus vite".
Il caressa longuement les naseaux de l'animal, et lacha la bride. Il n'attendit pas pour courir aussi vite qu'il pouvait en direction de la ville... Réellement c'était une bête puissante qu'il avait là.
Alors qu'il tournait de nouveau son regard vers le ciel, il remarqua que Kayann s'était approché de lui, et lui tenait même le bras. La jeune femme devait vraiment être terrifié, et Fitz aurait apprécié que leur rencontre ne se soit pas faite dans ces circonstances.
Mais il fut très vite tiré de ses pensées. La colline devant eux n'était plus la même, les nuages se levaient, et semblait jouer avec eux, et puis Elle apparut. Une mercenaire surement, comme lui, une femme blonde sur la colline qui semblait les fixer. Elle était comme invisible pour les bêtes qui les suivait, Fitz commencait à plisser les yeux pour mieux la voir quand cela recommenca.
"Pas encore"
Murmura-t-il... Petit frère, ne la laisse pas seule. Elle a besoin de son dernier repos. les mots résonnaient dans sa tête, comme les fois précédentes. Il ne comprenait pas. Il ne comprenait rien. Il restait là, debout, à regarder cette apparition qui entrait dans son esprit.
Un instant la frayeur passa dans ses yeux.
Kayann tenta de le reveiller, et Fitz se mit à réagir. Il attrapa sa tête à deux mains, se pencha un instant en avant, et retournant son regard vers la jeune femme en se redressant, parla de sa voix grave, emplie d'une assurance étonnante en ce lieu et en cet instant.
"Kayann, il y a une dépouille de l'autre coté de la colline. Ne me demande pas comment je le sais, mais j'en suis sur. Je dois aller la voir, je dois la ramener quoiqu'il arrive. Suis-moi et aies confiance. Je ne les laisserai pas te faire de mal, je ne le permettrai pas. Mais je n'ai pas le choix. Je dois aller chercher ce corps quoiqu'il m'en coute."
-
Ann'dra était à son poste près de l'enclos, flattant Sang de Feu de temps en temps pour tromper l'ennui. Personne n'avait osé s'en prendre au troupeau de Kayann, ceci dû probablement à leurs présence à tous deux mais aussi car malgré tout, Haven était un endroit plutôt paisible.
"Alors ma belle, tu ne t'ennuies pas trop?"
La jument poussa sa main des naseaux réclamant plus de caresses et il lui sourit. Un instant pour laisser son regard couver l'enclos et il pourrait reprendre où il en était. Mais le kal'enedral ne put terminer son inspection fugace car ses yeux furent arrêtés par une monture qui arrivait au grand galop. Même de loin, il ne pouvait douter qu'il s'agissait d'un cheval shin'a'in de pure race et de belle prestance. Sa couleur tentait de lui rappeler quelque chose, mais quoi? L'idée lui vint en un souvenir, celui de Kayann qui vendait ce cheval à un Fitz impressionné alors que lui même arrivait tout juste.
Comment se faisait-il que ce cheval soit seul? Il n'était pas du genre de l'un ou de l'autre d'être négligeant pourtant... Et cet animal était par trop intelligent pour s'enfuir sans raison. A moins qu'on le le lui ai demandé bien sûr.... L'inquiétude commençait à gagner le shin'a'in, d'autant plus que l'équidé semblait foncer droit vers lui, reconnaissant sûrement Sang de Feu pour une de ses pairs.
Une fois Mephisto arrêté, Ann'dra s'approcha de lui. Sa jument semblait nerveuse et raclait le sol, elle devait sentir la panique de l'étalon et n'aimait pas ça. Pas plus que le kal'enedral d'ailleurs. Il prit le museau de Mephisto entre ses mains et regarda ses yeux, il était paniqué, c'était évident, quelque chose devait se passer, quelque chose de dangereux, de si dangereux qu'une monture shin'a'in le craignait.... Ann'dra lui parlait en shin'a'in, essayant de le calmer mais son inquiétude était trop grande. un telle monture pourrait sans problèmes les amener lui et sa jument à l'endroit même d'où il était parti.
Le kal'enedral sauta sur Sang de Feu et d'un ordre sec, ordonna à Mephisto de faire le chemin en sens inverse. C'était un ordre souvent appris aux chevaux de leur peuple, dans le cas ou l'on tenterait d'en dérober un, ainsi, l'éleveur pouvait-il tenter de faire payer le vol ou s'il ne le pouvait pas, au moins sauver le pauvre animal qui en fait, se sauvait lui-même.
Kayann était une bonne éleveuse, il n'en avait jamais douté et Mephisto se durcit sous le coup de l'ordre, toute panique disparue, il partit au galop et ils n'avaient plus qu'à le suivre.
-
Merci petit frère, merci pour elle.
L'apparition sembla légèrement s'éclairer dans sa tristesse quand elle sembla entendre tes paroles - bien qu'elle soit encore bien trop loin pour que cela soit possible.
Elle porta aussi la main à son cou, comme pour dissimuler sa blessure pour éviter d'effrayer Kayann. Elle ne bougea pas le temps que la jeune femme et son compagnon la rejoigne sur la colline. Son corps légèrement translucide semblait parfois onduler et flotter dans la légère brise qui l'entourait.
Ses yeux se posèrent sur Kayann et elle demanda à Fitz:
Dis lui que je ne ferais jamais de mal à personne, je suis la protectrice , pas la destructrice.
Puis avec un sourire triste, elle demanda:
Vous direz à Celui qui sert la Dame aux Yeux étoilés qu'il n'y a plus seulement les avatars de Sa déesse mais aussi ceux de la Mienne, et que nous oeuvrons la main dans la main pour le monde. Et donnez mon souvenir amical à Beltran.
Elle tendit une main fantomatique pour effleurer amicalement la main du mercenaire.
Puis elle sourit de nouveau tristement et désigna un amas rocheux / buissonniers au bas de la colline. Elle sourit une dernière fois, de nouveau très triste.
Kayann, tu sens que l'endroit qu'elle a montré recèle quelque chose de très malsain. D'ailleurs tous les oiseaux ont convergé au dessus de vous et de l'endroit. La première moitié est posée près d'une forme sombre et d'une pierre brisée, et noircie.
Fitz, ta main cesse de te faire mal mais tu t'en rends à peine compte : tu as vu les oiseaux aussi et il faut chercher le corps. Sous les oiseaux vraisemblablement.
Ils vous regardent, menaçants, arrêtant de fouiller dans la forme sombre que vous ne pouvez pas bien voir puisque le soleil est presque couché.
Ann'dra, les chevaux accélèrent. Quand vous arrivez à la colline, vous êtes du côté où on ne voit pas les deux autres et les oiseaux. Mais les cris des créatures sont audibles et tes chevaux trouvent la piste pour aller de l'autre côté.
-
Avait-elle d'autre choix que de faire confiance au mercenaire... Oui... Celui de fuir, mais l'idée n'eut pas le temps de traverser son esprit qu'elle opina du chef et emboîta le pas du soldat, agrippée à la bride de Safrane.
Sans trop de difficulté, ils traversèrent le torrent à pied à l'endroit qui leur sembla le moins risqué. Avec l'obscurité de plus en plus opaque, la chose n'était pas aisée mais cela se passa sans encombre.
Au dessus de leur tête, les oiseaux ne cessèrent leur bal avant qu'ils soient sur le sommet de la colline, près de la femme, ou plutôt, du fantôme de femme, cela ne faisait plus aucun doute. Sa peau laiteuse vaguement translucide ne laissait aucun questionnement quand à sa nature.
Bienveillante, elle tenta de camoufler sa blessure, chose bien insignifiante aux yeux de la Shin'a'in qui restait bouche bée de se trouver face à un esprit. De plus, elle ne semblait nullement hostile et ne pas souffrir.
Néanmoins, Kayann resta légèrement en retrait et osait à peine la regarder. Elle observait plutôt Fitz, qui semblait discuter avec la dame blanche par la pensée.
D'un côté, une certitude l'avait envahi. Quoi qu'il se passe, elle n'intéressait nullement la femme et même si le comportement de son ami devenait des plus étranges, elle n'aurait pas su pourquoi il s'en prendrait à elle. Ignorante de tout ce qui est magie et sans autre fortune que ses chevaux, elle n'avait rien à leur apporter.
Lorsque la Dame blanche fit un signe vers le contre-bas, Kayann reporta son regard sur elle puis suivit des yeux la direction qu'elle indiquait. Le semblant de quiétude qu'elle venait d'acquérir se dissipa aussitôt. Les créatures du ciel avaient elles aussi convergé vers l'endroit le plus sinistre qu'elle n'ai côtoyé. Elle ne voyait rien le sentiment qui l'envahit n'avait rien de paisible. Sans qu'elle ne sache pourquoi, elle comprit que s'approcher de cet endroit, ce serait comme descendre dans l'enfer, s'approcher du néant. Sa chair de poule lui donna un spasme de peur mais elle se rattrapa.
Ils n'avaient pas le choix. La Tales'edrin avait compris qu'un innocent gisait sous les assauts des becs ascérés et qu'ils se devaient de le sortir de là, mort ou vif.
"Allons-y", dit-elle d'une voix qui se voulait déterminée à Fitz avant qu'il ne prenne la parole.
-
Fitz regardait la capitaine alors qu'ils s'en approchaient, cet instant avait quelque chose de mystique, quelque chose qui le dépassait et il le savait.
"Tel est mon devoir"
Répondit-il la première fois à l'apparition, avant de se rendre compte que pour la Shin'a'in à ses cotés il parlait tout seul.
Lorsqu'elle s'adressa à lui de nouveau en regardant Kayann, le mercenaire décida qu'il devrait passer le message, tant pis pour l'impression qu'il donnerait.
Puis il écouta la dernière déclaration qu'elle avait à faire. Les avatars ? Alors comme ça il était choisi par une déesse qu'il ne connaissait pas?
"Celui qui sert la Dame aux Yeux étoilés" murmura-t-il, Fitz comprit immédiatement, c'était d'Ann'dra dont elle lui parlait, c'était à lui qu'il devait portait le message. Mais comment expliquer au promis à l'épée que sa déesse n'était pas la seule à choisir des élus ? Et, se rendit-il compte immédiatement, comment arrêter de murmurer tout seul pour ne pas inquiéter les gens autour de lui ?
Et puis elle prononça le nom de Beltran. Fitz la fixa un instant, et les choses devinrent clair. On lui avait parlé du capitaine, et de la campagne des marches, cela remplissait de paroles le réfectoire de la caserne, on lui avait aussi parlé des disparus.
Il adressa un sourire triste à l'apparition.
Fitz répondit à sa main tendu, en tendant la sienne en retour. Il n'y avait plus aucune douleur, mais il n'en avait cure. Tout ce que venait de lui dire la mercenaire le bouleversait, et il avait bien d'autres chat à fouetter à l'heure qu'il était.
Il devait chercher le corps, il l'avait promis. Et ces saletés d'oiseaux ne le laisseraient surement pas faire. Il se décida à faire un pas vers eux… Soit ils s'enfuiraient ce qui faciliterait son travail, soit ils ne s'enfuiraient pas, et la tâche serait alors bien plus ardu. Bizarrement il penchait pour la seconde solution.
Se retournant vers Kayann qui avait déjà décidé de le suivre, il lui adressa un sourire, et d'une mine désolée lui dit:
"Je suis navré de t'avoir entrainé dans tout cela Kayann… Toute cette affaire est de ma faute, et j'ai bien peur que ce ne soit pas fini. Gardes bien les oiseaux à l'oeil, si on pouvait éviter de perdre des membres cela serait pas trop mal"
Ajouta-t-il, en adressant un clin d'oeil à la jeune femme. C'est vrai ce n'était pas l'instant rêver pour en rire, mais Fitz préférait toujours rire de tout plutôt que de paniquer.
"Ne t'inquiète pas. Elle ne te fera pas de mal, tel n'est pas son rôle. Crois moi sur parole je t'en prie, il y a des choses que…. Je sais".
Il hésita sur ces derniers mots. Comment expliquer au gens qu'il entendait des voix? Pire, que des apparitions fantomatiques visiblement décédés lui parlaient dans sa tête en plein milieu de la nuit ? Si il ne se faisait pas jeter en prison, ou enfermé chez les guérisseur en revenant à Haven il pourrait se sentir heureux.
Il attendit un instant et compléta, les yeux fixés sur la masse sombre, tournant le dos à la Shin'a'in.
"Comprends moi, je DOIS ramener ce corps. Quand on sera sorti d'ici je t'expliquerai tout"
Il hésita, et n'ajouta pas les mots qui lui brulaient la bouche.
*Si on sort d'ici*
Il commença alors son chemin vers ce qui semblait être le corps qu'ils cherchaient, et vers les sinistres gardiens volants.
-
Bien que n’étant pas un cheval comme ceux que garderaient les clans, Mephisto avançait à grande allure, loin de distancer Sang de Feu toutefois mais ce n’était pas surprenant, les chevaux de bataille seuls étaient à même d’avoir certaines capacités. Un instant, l’étalon parut ne plus reconnaître son chemin, mais des cris, manifestement inhumains firent penser au kal’enedral que c’était dans cette direction qu’il devait aller. Comme pour le confirmer, l’équidé reprit sa course précisément dans cette direction et Sang de Feu ne se fit pas prier pour le suivre.
Des oiseaux, noirs, grands et d’une espèce que ne connaissait pas le shin’a’in semblait survoler une zone bien précise. Etait-ce cela le danger ? Ces oiseaux pouvaient-ils les attaquer ? En grand nombre, il était plus que probable que Kayann et Fitz seraient vite submergés, tout comme risquait de l’être Ann’dra malgré ses capacités….
Il fit s’arrêter les deux montures et commença à faire avancer la jument au trot vers la nuée d’emplumés. Il avait lâché la bride et ne transmettait plus ses ordres qu’au genou ce qui lui permettait de prendre quatre aiguilles de métal dans chaque main. Si l’un ces volatiles s’approchait de trop, il risquait de le regretter mais il était inutile d’attaquer pour le moment. Autant essayer de ne pas se faire remarquer et avancer prudemment.
C’est ainsi que les deux montures et le kal’enedral contournèrent la colline devant eux pour arriver de l’autre côté. Le pas sûr de Mephisto laissait penser que c’était bien de là qu’il était parti. Les deux amis ne devaient pas être loin. Du moins l’espérait-il.
Les oiseaux poursuivaient leur vol et ne voyant ni la shin’a’in, ni le mercenaire, Ann’dra résolut de faire ce qu’il aurait voulu éviter : Avancer en direction des charognards.
-
Près de la pierre éclatée, une sorte de trou semble avoir été creusé. C'est là que regardent tous les volatiles. Certains ont commencé à arracher des lambeaux de chair. Ils ne semblent pas effrayés par l'arrivée de Kayann et Fitz, au contraire. Mais quand quelques minutes plus tard, Ann'dra fait aussi son apparition, ceux du ciel lancent des appels, avertissant tout le monde de son arrivée. La plupart des créatures ne bougent pas jusqu'à ce que l'homme apparaissent.
Ann'dra, tous les oiseaux semblent avoir plus ou moins peur de toi. Certains s'éloignent, sans quitter cependant le périmètre. Les autres arrêtent le festin pour te fixer, inquiets. Ils sont beaucoup plus silencieux.
Kayann, ton ventre se tord. Tu as des nausées, et l'impression qu'on te tire ton énergie du corps. Il fait tellement plus sombre. Tellement plus triste. Tu te prend à revoir tes pires souvenirs sans pouvoir t'en empêcher. Tu as terriblement envie de pleurer. Tu te sens très mal.
Un léger vent, comme celui autour d'Ellia, vient te caresser, comme une mère rassure son enfant. Tes souvenirs deviennent moins tristes, plus supportables.
Fitz, pendant ce temps, tu peux enfin voir ce que voulaient dévorer les oiseaux. Une jeune femme blonde, visiblement noble, et bien habillée, gît à terre, ses vêtements déchirés, tâchés de sang, les jambes déjà en partie dévorée. Tu ne peux pas la reconnaitre, elle est face contre terre.
-
La confiance que Kayann avait soudain en Fitz semblait soudainement inébranlable. Il était le seul repère "normal" dans ce lieu démoniaque. Lui et la main de la jeune femme serrée autour de la bride de Safrane, qu'elle devait pourtant se résoudre à abandonner. S'approcher des oiseaux était déjà perilleux, le chemin rocailleux et elle devait s'assurer que la pouliche serait en sécurité. Avant de suivre Fitz par le sentier qu'il empruntait, elle prit son courage à deux mains et s'éloigna de lui, en direction de l'orée du bois au sud, toujours aux aguets et la dague en l'air. Au premier arbre, elle noua la bride, de manière à garder la jument à proximité mais par un noeud suffisamment coulant pour que la monture prenne la fuite, au cas où. Une dernière caresse pour la rassurer, et se rassurer puis repartit vers le mercenaire calmement, prenant sur elle pour ne pas courir et alerter les épouvantails. Elle le rejoignit rapidement. La lune presque pleine offrait une certaine luminosité à la nuit maintenant tombée, ce qui permettait d'observer les alentours. Visiblement, sous les volatiles, un trou avait été creusé et l'objet de la convoitise des oiseaux semblaient y avoir été déposé.
"Une tombe", murmura la Shin'a'in, ne pouvant détacher ses yeux de la boucherie qu'elle devinait. Il y avait trop de charognards pour qu'elle ne voit quoi que ce soit.
Lorsqu'elle glissa sa main dans celle du mercenaire, le geste lui parut si naturel qu'elle ne s'en rendit qu'à peine compte. Au fur et à mesure qu'ils descendaient, une étrange sensation grandissait dans le ventre de la Talese'drin. D'abord un malaise, puis une oppression qui se caractérisa par un mal de tête, avant qu'elle ne devienne nauséeuse. Son teinte pâlissait à vue d'oeil, à chaque pas. L'oppression s'étendit de son ventre à sa poitrine, prenant d'assaut son plexus et son coeur. Le souffle court, elle se sentit alors sombrer dans un abîme de tristesse, puis de désespoir. A plusieurs reprises, le sol se déroba sous ses pieds sans qu'elle ne tombe mais perdit le sens de l'équilibre. Se raccorchant à la main chaude dans la sienne, elle tentait de ne pas perdre contact avec l'atroce réalité, alors que des images pires encore défilaient devant ses yeux, voilant sa vue et neutralisaient ses sens. Devant elle, elle crut voir la puissance du cheval qui causa son malheur, elle revit le corps inerte sur le sol, le sang sur l'herbe verte, la rosée sur le caillou où la tête de son frère avait éclaté.
Plus qu'un souvenir, il lui sembla qu'il lui suffisait d'avancer la main pour toucher le corps sans vie du jeune garçon.
Une voix sembla siffler dans son esprit:
"L'étalon a causé ton malheur? Que nenni, c'est toi et tu le sais... Il était trop fougueux, le malheureux était trop sûr de lui... Tu l'as tué en cédant à ses désirs... Tu es responsable de sa mort..."
La gorge nouée, elle allait s'arrêter et se laisser tomber au sol pour libérer les sanglots qu'elle réprima tant bien que mal quand le ton changea. La voix perfide se tut, la noirceur du moment sembla soudainement balayée par une petite brume chaude et rassurante, la même qui entourait le spectre sur la colline. La bise légère tournoya un instant autour de la jeune femme, comme pour l'envelopper. Si Kayann avait eu sa mère, elle y aurait reconnu l'étreinte réconfortante. Lorsque la brume se dissipa, elle avait repoussé les sombres souvenirs et vidé l'angoisse pour ne laisser que du courage au fond du coeur de la jeune femme, qui reprit sa marche d'un pas sûr.
Elle suivit le regard de Fitz, qui apparemment avait repéré quelque chose.
-
Ce n'était pas un ordre. Ce n'était pas son supérieur qui lui avait parlé. Ce n'était qu'une demande, et pourtant il ne pouvait aller contre.
Il savait qu'il emmenait la jeune femme avec lui au devant d'une vision d'horreur, mais il savait aussi qu'il devait le faire. Il lui avait dit, elle l'avait compris, et elle le suivait. Fitz était rassuré par sa présence. Elle était là, avec lui, il n'était donc pas fou, et il n'était donc pas dans un délire.
Kayann s'éloigna un instant, la suivant de yeux il comprit son geste. Pour elle ses chevaux étaient sa vie, mettre sa jument à l'abris était la chose la plus sensé à faire. Il se retourna alors vers les volatiles. Son regard devint sombre, il fixa un instant le sol, et pris une longue respiration.
Devant lui à quelque pas une jeune femme était allongé, le bas du corps déjà en partie en lambeau à cause des charognards avides. Il n'y avait aucun doute sur l'état de santé de cette femme. Il se calma un instant, relâcha sa respiration, et se concentra de nouveau sur le corps.
Blonde, bien habillé, surement de noble naissance. Mais comment a-t-elle pu finir ainsi ? Comment a-t-elle pu arriver là ? Et surtout qui a osé laissé son corps ici ?
Alors qu'il tentait d'analyser les données qu'il venait de recueillir, la main de Kayann se glissa dans la sienne. Ce simple contact stoppa net la machine qui s'était mise en route dans sa tête, la chaleur de la peau de la jeune femme calma la haine et le dégout qui commençaient à monter en lui. Les questions il pourrait se les poser plus tard, quand ils seraient sain et sauf. Pour l'instant il était temps qu'il la sorte de là, elle ne pouvait rester ainsi, offerte aux animaux sauvages et à ses monstres.
La colère se lisait sur son visage, il ne comprenait pas comment on pouvait laisser faire cela, et pendant qu'il descendait en compagnie de Kayann, sa main libre se serrait de plus en plus fort.
Continuant son avancé, Fitz de sa main libre déchira sa chemise comme il put.
Il ne savait pas vraiment si cela suffirait, mais il devait couvrir le corps de cette femme, il devait la protéger de la souillure et de la honte. Pour une fois qu'il n'avait pas pris de cape, il se sentait bien stupide.
Il se retourna un instant, la jeune femme derrière lui semblait avoir des difficultés à avancer, Kayann paraissait mal à l'aise, effrayé peut être ? Mais c'était bien normal. Alors qu'il allait lui dire de rester loin de cette horreur elle parut se reprendre, et continua à avancer.
Réellement la jeune femme l'impressionnait. Il se retourna alors vers le corps, sa chemise déchirée et sa lame dans une main, l'autre serrée toujours sur celle de Kayann, les cicatrices de son dos paraissaient, blanches sous la lune, il fit craquer ses épaules. Il se moquait royalement du froid, ou de toute autre sensation.
Couvrir ce corps, ramener cette femme, c'était tout ce qui comptait. Que ces oiseaux l'attaque donc, il ne lâcherait rien. Il n'abandonnerait pas. Il n'abandonnait jamais de toute façon .
-
Au fur et à mesure de son avancée, les charognards semblaient se méfier. Sentaient-ils qu’il représentait un réel danger pour leur survie ? C’était tout à fait possible, l’instinct pouvait être très développé chez ces oiseaux de mort.
Les aiguilles toujours en main, il faisait avancer Sang de Feu avec une lenteur calculée pour ne pas effrayer les volatiles qui risquaient alors de l’attaquer pour se défendre, mais ils ne semblaient en tout cas pas ralentir sa progression. Au contraire, certains semblèrent s’éloigner à une distance raisonnable sans pour autant disparaître complètement ce que le kal’enedral aurait préféré !
Une nuée de ces gros oiseaux semblait festoyer au sol mais beaucoup s’arrêtèrent à son approche, le fixant de leurs yeux de prédateurs avides de chair, mais ce n’était pas la convoitise que le shin’a’in y lisait, c’était de l’inquiétude. Ils avaient définitivement peur de cet homme à la tenue aussi noire que leurs plumes et aussi tendu que pouvait l’être un guerrier prêt à l’attaque. La jument elle-même devait leur paraître bien effrayante de par sa haute stature, sa robe couleur de nuit ou le bruit de ses sabots martelant le sol avec la force de tout son poids.
Ann’dra aurait voulu savoir de quel cadavre les charognards pouvaient bien se nourrir, priant la Déesse pour que ce ne soit qu’un animal et non un être humain, mais étrangement, il en doutait….
Plus il avançait, plus il prenait confiance, si l’inquiétude qu’il pensait voir était réelle, peut-être n’oseraient-ils pas tous attaquer en même temps ce qui lui permettrait d’en abattre plusieurs et avec de la chance… Cela découragerait le reste d’entre eux.
-
Kayann, le vent a beau t'avoir apaisée, tu sais que rien n'est normal: ni la présence d'un fantôme même si elle est désormais partie, ni la présence de charognards qui ne semblent pas naturels, ni la présence d'un corps. Tu sens comme une souillure - c'est comme si tu entrais dans une partie des Pelagirs avec la magie non nettoyée. Ann'dra tu le sens aussi, comme tu comprends soudain que tous les regards des volatiles semblent chercher à éviter l'épée des avatars. Tu continue à avancer, tu rejoins le couple, et les oiseaux continuent à s'éloigner les derniers courageux abandonnant enfin le corps.
Fitz, tu vas jusqu'au corps, et lorsque tu cherches à le toucher, tu sens à ton tour une impression de noirceur, de souillure. Un poignard gît dans les côtes de la personne, au niveau du coeur, désormais enduit de sang séché. Elle a été frappée au coeur, après avoir subi des tortures par la lame. On a cherché à la tuer douloureusement.
Un frémissement près de la femme étendue, et la revenante est de nouveau là.
Magie du sang. On a effectué un sortilège ici pour l'utiliser peu après. En ville je crois. Un Mage noir a tué Ysaline. Dites le à Beltran. Dites le à mes Mages, Manuchan, Glenn et Perle: Cerath n'a pas peur.
Près d'elle, une nouvelle forme apparait. C'est la défunte, les yeux étonnés, soulagée de ne plus avoir mal. Elle sourit presque. Et la seconde d'après, les deux femmes ne sont plus là.
Il ne reste que le corps à ramener, et les oiseaux qui surveillent.
Ann'dra, tu sais désormais comment les faire fuir.
Kayann, voir un deuxième fantôme allié à cette sombre histoire, et surtout que ce fantôme soit celui du corps que vous venez de trouver, te fait enfin vomir. Tu te sens mieux ensuite, prête à aider - ou pas, comme tu veux.
-
Lorsqu'ils arrivèrent enfin auprès du corps, après une descente qui parut durer une éternité et dont le chemin aurait pu être celui de l'enfer, Fitz retira sa chemise afin d'en faire un linceul, à ce que compris Kayann. Elle avait du mal à réflechir, à vrai dire, toute son énergie était concentré sur le fait de ne pas se laisser aller dans la folie, ni envahir par la sorcellerie et garder les oiseaux à l'oeil avec vigilance. Mais quelques idées étaient plus claires que les autres. Les mèches blondes entremêlées qui juraient avec la noirceur des oiseaux de malheur ne faisaient étrangement aucun doute sur l'identité de la torturée, sans qu'elle ne comprit d'où venait cette certitude. Néanmoins, elle garda cette information pour elle.
De plus, si la brise l'avait empêché de se laisser aller à la panique, son regain d'énergie n'avait suffit à recouvrir l'immense malaise qu'elle ressentait, une sensation d'atteinte personnelle, comme si la noirceur elle même s'ancrait en elle et s'attaquait à ses propres racines. Comme si une magie démoniaque s'imprimait dans ses gènes pour ne plus s'effacer. Son sang se chargeait d'un sombre poison. Comme spectacteur d'une intrusion qu'elle ne pouvait maîtriser, la gorge nouée, elle ne pouvait piper mot et ne savait comment résister à cette souillure. Plus que sa personne, c'est comme si, par son être comme porte ouverte, le mal se propageait sur les plaines des Pelagirs.
Lorsque Fitz décida de s'approcher du corps pour le libérer de ses assaillants, Kayann observait ceux d'entre eux qui étaient resté au ciel et dont le comportement avait changé. Ils semblaient avoir changé de cible mais n'avait plus l'attitude d'attaquants, ils tentaient de s'approcher de quelque chose, ou de quelqu'un mais retenu par une sourde menace. Ils étaient effrayés! Trouvant dans cette nouvelle de quoi se réjouir, Kayann suivit leur manège et essaya de comprendre d'où venait leur crainte.
Plissant les yeux pour déceler un mouvement dans la nuit, elle crut reconnaître le pas de deux chevaux, l'un d'eux monté.
"Ann'dra!"
Soulagée au possible, elle allait lui faire des signes pour qu'il la repère mais une étrange sensation l'obligea à se retourner vers Fitz et le corps. Ce qu'elle vit lui glaça le sang.
Près du corps, le spectre de la mercenaire était revenue, mais pas seule. Son pressentiment était fondé, c'était bien la femme du marché qui gisait là, vu que son fantôme flottait désormais au côté du premier. Elle les dévisageait d'un regard apaisé, un rien étonné.
S'en fut trop pour la sensibilité de la Shin'a'in... Un voile noir se ferma sur sa vision et une violente nausée lui tordit le ventre. A l'aveuglette, elle se tourna vers le rocher et se vida, tandis que les larmes ruisselaient le long de ses joues.
Lorsque son ventre se calma et que le voile noir se dissipa, elle se rajusta comme elle put et prit son courage à deux mains pour se tourner vers Fitz, le dévisageant avec tristesse et effroi.
"Qu'est-ce... Qu'est-ce qui sa passe ici, par la déesse?" hoqueta-t-elle, "Qui a fait ça?"
Ses yeux embués se tournèrent ensuite vers les deux esprits qui lui portaient un regard dénué de toute férocité. Sans qu'elle ne contrôle quoi que ce soit, les larmes coulaient de ses yeux presque sans interruption. Bien sûr, elle était terrifiée, mais la perspective de la boucherie qui s'était déroulé ici l'emplissait de fureur certes, mais d'appréhension aussi. Ils n'étaient qu'à quelques lieux de la ville et un homme, un mage probablement, était capable d'une telle cruauté se balladait dans les alentours, une magie féroce dans les mains.
Sans qu'elle ne s'en rendit vraiment compte, elle s'adressa au fantôme d'Ysaline:
"Qui vous a fait ça?"
-
Les oiseaux s'en allait. Quelque chose les effrayait au point de ne pas rester plus longtemps sur leur festin. Et cela facilitait la tâche de Fitz. Il se pencha en avant sur le corps mutilé, et déposa sa chemise sur le bas du corps en mauvaise état de la jeune femme.
A son contact il sentit le mal. Le mal pur, quelque chose de sombre, de violent. En l'examinant il remarqua les différentes blessures et un poignard planté. Elle avait souffert, on l'avait torturé. Cette vision était une véritable horreur. Il voulait hurler, il voulait tuer aussi. Et c'était une sensation qu'il connaissait bien. L'homme qui avait osé faire ça ne résistera pas à son courroux. Il pouvait souffrir mille morts que cela ne l'arrêterait pas, il faudrait tuer ces êtres, et douloureusement de préfèrence.
Alors qu'il se retournait vers Kayann pour lui parler, il vit le visage de la jeune femme devenir blanc, et elle se retourna pour se dissimuler. Désireux de lui laisser le temps de se remettre, Fitz se retourna vers le capitaine qui lui parlait. Le dire à Beltran ? Prévenir ses mages ?
"A vos ordres ma dame"
*Cerath n'a pas peur* il se repassait ces derniers mots dans la tête. Qu'il n'ait pas peur pour l'instant.... Personne ici n'avait encore vu la furie d'un mercenaire.
Le fantôme de la jeune femme apparue à ses côtés. On sentait la douleur qu'elle avait pu avoir, on sentait aussi le bien qu'elle avait à être là. Fitz lui adressa un salut, au moment où Kayann revint vers eux. Elle pleurait, parlant au fantômes d'une voie blanche. Ceci ne lui répondirent pas et disparurent.
Le mercenaire s'approcha d'elle, passa sa main sur sa joue essuyant les larmes qui coulaient.
"On va la ramener Kayann, elle ne souffre plus maintenant. Et celui qui lui a fait ca le paiera. Je te le promets."
Avisant Ann'dra du coin de l'oeil il continua.
"Remonte vers Ann'dra, prépare ta jument. Mephisto a du revenir avec lui, prends le en longe. Je ramasse le corps et je vous rejoints là haut. Vous me précéderez en ville, je mettrai la jeune femme sur Mephisto, et je vous rattraperai en le tenant en longe. Demande à Ann'dra de prévenir au collégium que j'arrive, de faire appeler le capitaine Beltran, je dois lui parler dès que j'arrive."
Puis lui adressant un sourire
"Et demande à ce qu'on te trouve un lieu calme où tu pourras te reposer cette nuit dans le collégium, je veux te revoir, et je veux te reparler."
Il caressa une dernière fois sa joue, et se retourna vers le corps. Se moquant copieusement des oiseaux qui trainaient encore dans le coin, il se pencha en avant, et le prit dans ses bras, sa chemise couvrant encore une partie des blessures de la jeune femme.
-
Ann’dra avançait toujours doucement mais sûrement sur la jument tendue entre ses jambes, prête à ruer manifestement au moindre mouvement suspect. Le kal’enedral se pencha sur sa monture pour lui parler afin de la calmer un peu, il ne s’agissait pas qu’elle parte bille en tête vers les volatiles pour les chasser. C’est alors, qu’il pu remarquer que l’épée de l’avatar, plus visible sur son dos dans cette position était autant que faire se pouvait évitée par les charognards, ils la fuyaient du regard, faisant tout pour ne pas la voir.
Ainsi, c’était de cette arme qu’ils avaient peur et non de l’homme ou de la jument. Cela démontrait probablement une nature maléfique voire, une corrélation avec l’ennemie de la Dame….. Mais rien ne pouvait être sûr. Toutefois, le shin’a’in rangea prestement ses aiguilles d’acier et tira l’épée divine, faisant fuir de plus belle les oiseaux qui le regardaient.
Il avançait toujours et vit de loin Fitz et kayann près du corps inerte d’une femme, et devant eux…. C’était étrange, on aurait dit des leshya’e. C’était probablement le cas mais il sentait une souillure dans tout cela, un frisson le parcourut. Cette mort n’avait rien de naturelle, quelque chose n’allait pas. Faisant avancer la jument un peu plus rapidement, il rejoint vite la shin’a’in et son compagnon mercenaire. Son épée toujours au clair, les volatiles s’enfuirent à son approche, certains hésitants finirent tout de même par s’envoler à l’approche de l’arme.
« Vous allez bien ? » Demanda-t-il à la shin’a’in alors que l’homme se dirigeait vers le corps.
Kayann semblait plus blanche, comme si elle avait été malade et Fitz prenait le corps pour le ramener. Les oiseaux trainant encore dans les parages, mais en vol, Ann’dra se mit debout sur Sang de Feu et fit décrire de nombreux mouvements, le reflet de la lune jouait sur la lame et la faisait briller, ou était-ce autre chose ? Toujours était-il qu’aucunes de ces bêtes ne risquaient de s’approcher, à plus forte raison s’ils voyaient la lame venir plus près d’eux, bien que le kal’enedral n’ait pas la capacité de voler !
-
Plus rien d'anormal jusqu'aux portes de Haven. Même les oiseaux semblent avoir abandonné.
Fitz, après t'être occupé du corps, tu arrive à rattrapper les autres sans maltraiter la pauvre défunte.
Vous êtes tous mal à l'aise, tristes, et bouleversés. Il faut prévenir quelqu'un. Et justement, en arrivant aux portes de Haven, vous voyez Beltran en civil, sur son cheval, se dirigeant vers la ville, venant d'une autre direction que vous. Il semble plutôt heureux, et sifflote. Il fronce les yeux en voyant les trois cavaliers arriver. Ne voyant d'abord arriver que Fitz et Kayann, il lève une main en salut, mais arrête son cheval en voyant Fitz et la blonde sur le cheval.
Il attend que vous le rejoigniez.
-
Lorsque Fitz parla de se reposer, suivi de la douceur de sa main sur sa joue, Kayann fut envahi par une grande lassitude. Elle aurait dormi sur le champs si la terreur n'imprégnait pas encore tout ses membres.
Silencieuse, elle hocha la tête, approuvant les dires de son compagnon, puis se retourna dans la direction où Ann'dra était apparu. Son épée tirée effrayait assurément les oiseaux qui s'écartaient sur son passage, prenant de la hauteur et de la distance. Rêvait-elle ou se sentait-elle encore surveillée et traquée? Le malaise ne se dissipait pas, malgré la sécurité qu'apportait le Kal'enedral.
Elle aurait voulu le rassurer sur leur état, lui dire qu'il n'avait rien, lui parler d'Ysaline, des oiseaux, du fantôme mais rien ne sortit de sa bouche, la gorge nouée. Elle se contenta donc de hocher la tête, un sourire triste au possible sur ses lèvres pâles.
Alors que Ann'dra faisait de son mieux pour effrayer les derniers volatiles par une série de mouvements impressionnants et que Fitz s'occupait de la défunte avec précaution, Kayann attrapa Mephisto et monta en selle.
Elle bredouilla vaguement qu'elle allait chercher Safrane puis lança la monture au galop, allure dont il ne se fit pas prier, vu son état de nervosité.
La vitesse n'aidant pas, sa vue était brouillée de larmes et n'aurait pas retrouvé la pouliche si Mephisto ne l'avait pas repéré de lui-même. La main tremblante, elle se pencha vers le noeud coulant qui retenait le cheval puis d'un claquement de langue mit les destriers aux petits trots pour retourner vers les deux hommes. Elle avança avec prudence sur le chemin sinueux avant d'arriver près du corps.
Sans mot dire, elle mit pied à terre et enfourcha Safrane, pour laisser la place à Fitz.
Lorsqu'ils se mirent en marche vers la ville, elle s'obligea à sortir de son mutisme et approcha sa monture de celle du mercenaire.
"Que devons-nous faire maintenant? Que t'ont-elles dit?"
Le calme naturel qui régnait autour d'eux contrastait tant avec l'oppression maléfique de la colline que Kayann se demanda si elle n'avait pas rêvé. A quiconque elle aurait raconté cette histoire, on l'aurait pris pour une folle tant la nuit semblait paisible. Hormis le corps inerte que Fitz tenait contre lui tant bien que mal, rien n'attestait de leur mésaventure. Pas un moment l'idée qu'elle aurait pu être accusé du meurtre ne lui traversa l'esprit.
Bientôt, Haven apparut devant eux. Visiblement, il y avait quelqu'un à la porte. Le moment où elle devrait raconter ce qu'elle venait de voir approchait et bien qu'elle s'arma de courage, elle ignorait si son cerveau pourrait relater leur terrible mésaventure.
-
Kayann était touché. Cela se voyait. Dans une précision militaire, Fitz débuta le rapatriement du corps, passant à coté d'Ann'dra pendant que Kayann partait chercher sa jument, il lui murmura:
"Désolé, tu dois te dire que j'apporte la poisse. Sache qu'il faut que je te parle, j'ai des choses à te dire. Des choses que malheureusement je ne comprends pas moi même."
Il laissa son esprit divaguer un moment. Tout cela était bien compliqué. Mephisto portait le cadavre d'une noble, sa ballade nocturne avait tourné au désastre, des apparitions lui parlaient, et voilà qu'on lui disait qu'il était un élu ?
Il voulait bien faire son rapport aux chefs, mais il se demandait réellement si quelqu'un finirait par comprendre quelque chose.
Alors qu'il avait rattrapé les deux cavaliers, Kayann s'approcha pour lui parler.
"Moi je dois faire ce que tout soldat doit faire. Rendre des comptes, et expliquer ce qui s'est passé en haut lieu. Toi tu dois te reposer, et tu dois venir me parler en urgence si il t'arrive quoique ce soit, même un détail, même un cauchemar"
Adressant un sourire navré à la jeune femme, il espérait sincèrement que cette soirée ne la traumatiserait pas trop longtemps.
Se retournant vers Ann'dra il mit un moment à parler, mais finit par oser dire les mots.
"On m'a dit de te dire une chose Ann'dra. On m'a dit de te dire que ta déesse n'était plus la seule à avoir des avatars, qu'une autre avait aussi les siens. Et qu'elles oeuvres main dans la main en ce monde. Je ne sais si tu y comprends quelque chose, mais je tenais à te le dire avant que je sois ordonné au silence par les hautes instances. J'aimerai que tu réfléchisses à cela, et si ca ne te dérange pas que l'on en discute lors d'un entretient".
Il était gêné de parler de tout ca. Surtout au Kal'enedral. Mais on lui avait demandé de l'avertir, et il fallait que ce soit fait. Fitz fut toutefois sorti de ses pensées moroses par l'arrivé à Haven, il reconnut immédiatement le cavalier se dirigeant vers les portes de la Ville.
Le capitaine semblait heureux, et il allait lui gâcher sa nuit. Il s'approcha au pas de Beltran, réajustant sa chemise sur le cadavre, il salua d'abord le capitaine comme tout bon militaire.
"Capitaine, je voulais justement tomber sur vous. J'ai bien peur de devoir assombrir votre soirée par le récit de la notre."
Désignant le cadavre allongé sur Mephisto, Fitz continua:
"Nous avons trouvé ce cadavre derrière un talus non loin d'Haven. J'ai bien peur que le cas soit grave, et surtout inquiétant. Il y' a beaucoup de détail que je me dois de vous donner mais j'aimerai d'abord vous demander la permission de faire loger Kayann dans des quartiers du collégium, elle a besoin de repos, d'eau, et de nourriture. Son témoignage pourra surement nous aider après mon rapport. Elle a assisté à toute la soirée, et pourra donc être utile si j'omets des détails."
Il se redressa droit comme un I, avant de se rappeler que se présenter torse nue devant le capitaine de la garde, en pleine nuit, accompagné d'un cadavre, lui enlevait une très grande part de crédibilité.
-
Beltran l'avait senti. Quelque chose d'atroce avait eu lieu. Ca lui faisait comme un noeud dans la poitrine, mais un soldat tel que lui ne pouvait le montrer. Son visage était ferme et sérieux mais en rien tourmenté. Même ses yeux ne montraient rien de son réel trouble, alors qu'il quittait son air guilleret et regardait avancer l'étrange troupe.
Quand ils furent près de lui, il n'attendit pas qu'on le salue pour ouvrir la bouche. Fitz fut plus rapide.
"Permission accordée. J'ai besoin d'un rapport complet, mais vous allez tous les trois me le donner avant de vous reposer. Cette ... dame a besoin de ça avant qu'on ne s'accorde du repos."
Il descendit de cheval avec un regard d'excuse pour Kayann et s'approcha du corps pour observer le visage. Son coeur se serra: elle était si jeune. Si belle aussi, et sa réputation la disait aussi intelligente que nombre d'érudits, et aussi courageuse que certains soldats. Les ragots de couloirs l'avaient en partie épargnée et voilà que le Destin se vengeait d'une autre manière.
"La Dame Ysaline de Louhens est morte. Je dois vous demander de ne rien en dire tant que nous n'aurons pas tiré l'affaire au clair."
Les blessures qu'il appercevait étaient assez claire, et son malaise assez grand pour qu'il croit Fitz quand celui ci affirmait le cas grave.
L'air d'Ann'dra, trop silencieux pour être autre chose qu'inquiétant, confirmait cela. Et un envoyé de la Déesse dans cet état ne pouvait signifier que des choses graves.
" Rentrons vite. Je vais prendre le corps. Nous ne devons inquieter personne."
Beltran remonta sur son cheval rapidement, le plaça près de celui du mercenaire et récupéra le corps qu'il plaça dans ses bras comme si la jeune femme se reposait simplement contre sa poitrine. Avec un bras protecteur contre le corps glacé, sans répugnance, Beltran garda un air fermé et fit signe d'avancer.
Il ne fit pas mine de parler avant d'arriver à la Caserne. Là il démonta, tenant toujours précautionneusement le corps, et les fit tous entrer dans son bureau. Il allongea avec respect le corps d'Ysaline sur un épais tapis.
Ils n'avaient pas été arrêtés ni questionné par les soldats, conscients que la discrétion était de mise ou tout simplement n'ayant remarqué que l'air grave de leur Capitaine et non un corps mort dans la silhouette d'Ysaline, mais deux soldats attendaient les ordres devant la porte. D'autres s'étaient occupés de leurs montures.
Beltran alla rapidement leur parler, écrivit rapidement deux ou trois lignes et ils partirent.
Le blond revint et regarda ses hôtes involontaires.
"J'ai fait demander des guérisseurs pour le corps, et une servante ensuite pour l'habiller. La famille sera mise au courant, ainsi que le Héraut du Roi et le Roi. Personne d'autre ne doit savoir sauf si on vous donne l'autorisation d'en parler. Trop de choses étranges se passent ici, et la sécurité de Haven en dépend. J'espère que je peux vous faire confiance."
Le ton indiquait que dans le cas contraire, Haven passait avant des sentiments humains. Beltran alla s'installer près d'Ysaline, comme pour la veiller, et demanda brusquement en désignant des chaises pour qu'ils s'asseyent:
"Que s'est-il passé?"
-
Silencieuse et fermée, Kayann suivit Fitz jusqu'à la ville, les yeux rivés sur la crinière de Safrane, vides. Elle avait tenté vainement de faire le point, de comprendre, de regarder en face le corps de la dame et d'admettre sa mort. Mais celle-ci n'avait rien de naturel, tout comme les circonstances de la trouvaille, trop de paramètres manquaient à la Shin'a'in pour qu'elle puisse mettre de l'ordre dans son esprit bouillonnant.
Bientôt, ils furent à l'entrée de la ville où vraisemblablement, un capitaine connu de Fitz était posté. Le mercenaire prit la parole et présenta le corps inerte de la jeune femme. Kayann aurait préféré détourner le regard mais ses yeux restèrent crochés au visage angélique de la morte, qui semblait si paisible étrangement.
Ysaline de Louhens est morte... Cette phrase sortirait-elle un jour de son esprit?
Dans le comportement du capitaine, Kayann comprenait ce qu'elle redoutait. Il connaissait ses forces démoniaques qui avaient mené la Dame de Louhens au trépas, peut-être même se battait-il contre ça. La colère que l'impuissance faisait monter en lui se lisait clairement dans ses yeux aussi clairs que glaciales.
Sans ménagement, il les somma de le suivre, avant tout repos.
Du repos!
Comment pourrait-on trouver le sommeil après une telle soirée!
Il allongea la jeune femme puis ordonna d'un ton sans appel qu'on lui décrive la soirée. Sans savoir si la parole lui était donné, Kayann déclara d'une voix neutre:
- "Nous étions parti chevaucher avec Fitz ce soir. Il prévoyait de m'acheter un cheval et nous avons donc poussé vers une clairière au nord de la ville. Lorsque nous sommes arrivés près du lac qui s'y trouve, des... des carnassiers noirs, sans pareil, aussi terrifiants que maléfiques, bien loin de tout volatile de la Création, se mirent à nous survoler, se jouant de notre peur. Ils venaient tous d'une colline où une brume tout autant surnaturelle s'élevait. En s'approchant..."
Elle marqua alors une pause. La suite ne manquait pas de surréalisme et elle se demanda un instant si sa santé mentale ne serait pas mis en doute après ce q'elle allait dire.
Pourtant, un regard vers le corps mutilé l'obligea à continuer.
"Sur la colline, c'est un spectre qui nous attendait, Monsieur. Je le voyais comme je vous vois. Une femme, mercenaire, peut-être capitaine, morte sans nul doute d'une blessure atroce sur la poitrine. Elle ne semblait pas mal intentionnée, disons... Plutôt sereine en vérité. Je crois qu'elle a parlé à Fitz et nous a indiqué l'endroit où gisait le corps de la Dame de Louhens. Nous avons lâché l'un de mes chevaux, afin qu'il revienne en ville et alerte Ann'dra, qui veillait sur mes montures pour la soirée. Le stratagème a fonctionné, vu que lorsque nous avons découvert le corps sous les assauts des oiseaux de malheurs, Ann'dra nous a rejoint et a fait fuir les bêtes grâce à son épée, qu'elles semblaient redouter. Voilà comment nous avons pu ramener ... la... son corps... Avant de l'emmener, le spectre de la mercenaire est réapparu, mais cette fois avec celui d'Ysaline... Leur apparition n'a duré qu'un instant puis nous avons pris la route du retour..."
Elle éternisa un moment ses yeux plantés dans ceux du capitaine, tentant de scruter ce qu'il pouvait penser de cette histoire, d'y distinguer une lueur, d'effroi, de moquerie, ou autre. Puis, elle se tourna vers Fitz pour qu'il prenne la parole et complète son récit.
Elle savait que certaines parties étaient hors de sa portée, elle n'avait pas entendu ce que les fantômes avaient dit et se demandait si réellement, elle aurait envie de le découvrir. Néanmoins, elle attendit que quelqu'un prenne la parole.
-
Pendant qu'ils avançaient dans le collégium, Fitz resta silencieux, suivant le capitaine, ne regardant rien ni personne, l'esprit dans le vide. Il fallait se remémorer toute la soirée, et n'omettre aucun détail important. La sécurité de Haven était en jeu, et il avait été engagé pour assurer que le calme reste dans la ville.
Rien ne servait d'affoler les gens.
Une fois arrivé à la caserne, Kayann prit la parole, pour expliquer ce qu'elle avait vu. Elle avait besoin d'être sur qu'elle n'avait pas rêvé, qu'elle n'était pas folle, et cela se sentait. Fitz, assit sur une des chaises que le capitaine leur avait désigné, acquiesça à ce qu'elle dit, regardant fixement devant lui. Une fois le rapport de la jeune femme termina, il enchaina alors à son tour, dans un rythme tout militaire, se rappelant chaque instant de la soirée, et chaque phrase avec précision :
"Ce que dit Kayann est exact. Mais ce que j'ai ressenti est légèrement différent, de plus l'apparition du capitaine s'est adressé à moi, ce qu'elle n'a pas fait avec mes camarades. "
Il était difficile d'aborder tout cela comme ça, mais le capitaine voulait des réponses et il devait les donner.
"Tout d'abord il y a eu cette douleur. Vous connaissez mes "histoires" récentes. Lorsque les volatiles se sont approchés, une douleur intense s'est emparé de moi. Cela s'est calmé avec l'apparition du capitaine. Elle m'a ensuite parlé"
Fitz à cet instant n'espérait qu'une chose. Que le capitaine ne le prenne pas pour un fou, et surtout que l'envie de l'enfermer ne soit pas plus forte que celle de l'écouter.
"Elle a parlé de magie du sang, et a mentionné les mages noirs. Il semblerait que cela soit leur oeuvre. Je pense que Haven n'est plus en sécurité, mais cela est mon ressenti. Nous n'étions pas loin de la ville lorsque nous avons trouvé dame Ysaline. Et j'ai appris avec le temps qu'il n'y avait pas de coïncidence. L'apparition m'a annoncé qu'un sortilège avait été pratiqué.
Elle m'a aussi demandé de vous passer son souvenir amical Capitaine. Je pense que vous la connaissiez bien, avant son décès. "
Il se tut, il fallait surement du temps au capitaine pour avaler ce qu'il venait de dire, et après tout c'était plus que normal... Voilà que de retour d'une soirée normal et sans encombre, un soldat qui pouvait passer pour fou, lui annoncer qu'une défunte lui avait parlé et lui passer son souvenir amical. Il y avait de quoi en faire douter plus d'un....
-
Le visage grave, Ann’dra suivit ses compagnons et le Capitaine sans mot dire.
C’était là une soirée dont il se serait volontiers passé et bien qu’il aurait pu s’éclipser, n’étant aux ordres que de sa Déesse, il comprenait que son aide pouvait s’avérer utile, ne serait-ce qu’en complément ou en confirmation de ce qu’il s’était réellement passé. La parole d’un kal’enedral était rarement mise en doute et un guerrier de ce type ne pouvait pas facilement être mis en déroute. Ainsi pouvait-il peut-être plus aisément garder la tête froide face à certaines situations.
En silence, posé contre un mur dans la position qu’il appréciait le plus, légèrement dissimulé dans l’ombre bien qu’il n’ait pas à se cacher, c’était simplement une habitude, il écouta le récit de Kayann puis celui de Fitz. Il ignorait que la leshya lui avait parlé aussi tendit-il l’oreille lorsque Fitz parla de cette défunte.
Enfin, vint son tour de donner sa version des choses, ce qu’il fit promptement et sans ornements inutiles.
« Comme Kayann vous l’a expliqué, je gardais son troupeau en son absence lorsque Mephisto vint à ma rencontre, me mettant en alerte. Il put nous conduire, moi et ma jument au lieu d’où il venait, c’est ainsi que j’ai pu voir une nuée des charognards qu’elle vous a décrits. Ceux-ci ne sont pas naturels, c’est une évidence et peut-être d’origine Divine bien que je ne puisse pas l’affirmer. »
Ann’dra ne dit rien de ce qui lui permettait de penser cela. Si le Capitaine avait des questions sur le sujet, il les poserait, mais le shin’a’in ne voulait pas trop s’étendre sur l’épée de l’Avatar, cela amènerait trop de choses à expliquer et certaines qui ne regardaient personne.
« Je pus effectivement chasser ces volatiles maléfiques et je confirme avoir vu un leshya, un esprit sur place, près de la défunte Dame de Louhens. »
Le kal’enedral se tut, ayant dit ce qu’il avait à dire, il attendit patiemment la réaction de Beltran à toutes ces informations.
-
Depuis bien longtemps déjà, Beltran était Capitaine et fort. Il prit cependant les nouvelles comme un coup de poignard dans la poitrine. Esprits, magie, sang, ... et comme si tout cela ne suffisait pas, ces gens affirmaient que son Ellia - ça ne pouvait être qu'elle vu les descriptions - était revenue pour les mettre en garde contre il ne savait quoi.
Pour cacher son horreur mais surtout sa peine, Beltran se rendit sans mot dire à son bureau et nota dans l'ordre tout ce qu'ils venaient de lui raconter, prenant ces notes autant pour ne pas montrer ses émotions que pour pouvoir rendre compte au gouvernement sans erreurs.
"Entre un Kal'enedral, une Shin'a'hin et un mercenaire d'honneur, je ne peux que vous croire. Je tiens à vous prévenir que vous serez sollicités pour des audiences au gouvernement - pour en parler, et peut-être pour trouver des solutions. J'ai besoin des paroles précises de ... de l'esprit. Et montrez moi sur la carte où exactement la scène s'est passée." demanda-t-il en étalant une carte des environs sur ses notes et le bureau.
Regardant Ann'dra, il demanda:
"Etes vous sûr que c'était un leshya? Ellia n'était pas ... pas vraiment croyante. N'y-a-t-il réellement aucune possibilité pour que ce soit une illusion collective?"
En posant sa question, son regard se posa sur Ysaline et il douta lui même qu'on puisse expliquer si simplement les choses.
On frappa à la porte et Beltran autorisa l'entrée. Deux Guérisseurs à l'air effacé saluèrent puis ouvrirent de grands yeux devant le cadavre. Sans avoir à demander quoi que ce soit, les deux allèrent au chevet d'Ysaline et l'observèrent un moment, lui tournant la tête, observant les blessures, avant de demander au soldat revenu avec eux de les aider à transporter le corps. La plus âgée des deux guérisseurs s'adressa à Beltran:
"Nous allons lui prodiguer les derniers soins, elle sera prête dans deux heures. Avez vous besoin de l'examiner encore vous même?"
Beltran déclina et précisa qu'il s'occupait de prévenir la famille et qu'il comptait sur leur discrétion. L'air vexé, la femme acquiesça et alla prêter main forte pour le transport du corps.
Quand la porte se referma Beltran regarda ses invités involontaires.
"Je vais finir mon rapport. Si vous vous rappelez n'importe quoi, un détail, une odeur, un simple indice qui pourrait nous aider, n'hésitez pas. Si les ... images vous hantent trop, les Guérisseurs ou les bardes pourraient aussi vous aider. Quant à moi, je vous recontacterai quand on aura besoin de vous pour cette affaire. Encore une fois, je compte sur votre discrétion."
Il écrivit un dernier mot sur un morceau de parchemin qu'il tendit à Kayann:
"Ce laissez-passer vous permet d'avoir une chambre dans le quartier des représentants des guildes dans le Chateau. Vous y serez en sécurité et vous pouvez y rester le temps que vous le souhaitez. On vous rendra vos chevaux en sortant. Sire Fitz, j'aurais besoin de vos services, alors si vous voulez un contrat fixe, passez me voir. Seigneur Kal'enedral, je pense que vous devriez parler à Dame Riannon qui fait des recherches sur les dieux... Merci à tous en tout cas."
La discussion était close, et Beltran avait encore un rapport à écrire, faire parvenir, d'interminables réunions, des discours à ses hommes, et de nouveaux plans de patrouille à faire... avant de pouvoir se laisser aller au chagrin.
[ Fitz: tu as donc été convoqué et reçu ton poste comme chef d'une patrouille ( cela se passe trois jours avant la traduction. A partir de maintenant tu peux être plus précis là bas si besoin).
Kayann : tu rêves plusieurs nuits par semaine de cette étrange rencontre. Il te semble toujours voir Ellia et Ysaline avec un air suppliant. Mais dans la journée tu gères.
Ann'dra: tu peux en parler à tes maitres leshya, et ceux-ci confirment à demi-mots l'existence de nouveaux avatars de l'autre déesse.
Tous trois, vous êtes convoqués trois jours plus tard pour répéter votre histoire devant le Conseil. Tout est pris en note, on vous re exhorte à la discrétion, on vous remercie, mais personne ne vous dit ce qui est prévu. Seul Fitz sait que des mesures de sécurité ont été prises puisqu'il y participe, mais à part les rumeurs d'autres meurtres dans Valdemar, et des étranges choses qui arrivent, personne ne sait rien de précis.
RP CLOT :) ]