Valdemar RPG
Autres RPs => Archives => Sujets scénario => Discussion démarrée par: Héraut Saskia le 04 janvier 2010, 17:57:56
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(Voir avant : Topic général (http://www.valdemar.fr/forum/index.php?topic=58.0))
Il était déjà tard, mais Saskia connaissait le chemin par coeur. Malgré l'alcool qu'elle avait pu ingurgiter, son pas était sur... Et puis, sachant qu'elle allait voir Lowi, il lui poussait même des ailes ! C'est qu'elle l'aimait, son petit Compagnon. Et comme s'il savait que la Noble demoiselle arrivait, Lowi attendait à la barrière, piétinant sur place, et il hennit lorsqu'il l'aperçut enfin. Saskia arriva en courant et rit, et elle entoura la petite encolure du poulain de ses bras nus.
- Mon petit amour !
Mais voilà, les câlins, ça va bien deux minutes ! Lowi se dégagea de l'étreinte de Saskia, et son museau se dourra tout de suite dans le petit sac qui battait la cuisse de la noble demoiselle. Elle rit à nouveau, et repoussa la frimousse blanche :
- Tu es un incorrigible goinfre, Lowi !
Pourtant, la jeune fille piocha quelques gourmandises, que le poulain s'empressa s'avaler tout rond... Et d'en redemander ! Saskia ne put que craquer face aux hennissements insistants du Faux Compagnon, qu'elle avait juré de protéger. Et après tout, c'était pour lui qu'elle avait pris tous ces amuse-bouche... Après lui avoir fait mangé la moitié de son larcin, pourtant, Saskia repoussa le museau qui venait encore quémander... Mais la jeune fille tint bon et murmura :
- LOwi ! Tu en as eu assez, mon petit amour. Va te coucher. Allez, file ! Fais de beaux rêves, mon Lowi. Je t'aime.
Elle l'embrassa entre les naseaux et colla leurs front. Le poulain dût comprendre le message, et après avoir doucement hennit une nouvelle fois, il fit demi-tour pour rejoindre la chaleur réconfortante de sa mère adoptive. Saskia attendit qu'il soit entré dans l'écurie pour partir à son tour. Direction : le Champ des Compagnons.
Car au-delà des apparences, il manquait quelqu'un, à cette fête. Quelqu'un qui, plus que n'importe qui, devait se changer le sidées. Quelqu'un a qui elle avait fait le serment de veiller sur son Compagnon quand il ne le pouvait pas, et la jeune fille avait élargi cette promesse au Lié de ce Compagnon. Bien sûr, les mauvaises langues, si elles avaient eu vent de cette promesses, auraient tout de suite prétendu que la Noble Peste de Haven avait des vues sur le trône de Valdemar, et qu'elle cherchait simplement à s'attirer les faveurs de l'Héritier. Non, Saskia le faisait par pure bonté, parce qu'assurer la bonne santé du Prince, c'était soulager (du moins l'espérait-elle) Ryis de ce fardeau... Et que la jeune fille n'arrivait pas à se faire à l'idée que d'autres Compagnons pouvaient mourir. La disparition d'Antea l'empêchait encore de dormir...
La jeune fille s'arrêta devant le pavillon, et regarda en souriant la chevalière que Arthon lui avait offerte il y a quelques jours, et qui ornait son pouce. Profitant d'avoir un visage détendu, Saskia poussa la porte pour entrer, et tenter d'ignorer toute la tragédie de ce lieu. Elle se dirigea vers la stalle où reposait Ryis, et sans surprise, s'y trouvait aussi le Prince de Valdemar. Sans cérémonie, sans chichis, elle s'assit sur les talons, salua le Héraut d'un simple hochement de tête et baissa les yeux vers le Compagnon malade.
- Par tous les Dieux, Seigneur Ryis ! Vous avez une mine affreuse !
Et si c'était vrai, Saskia tenta de ne pas se départir de son ton léger, ni de son sourire. Un peu de bonne humeur, même forcée, ne pouvait pas leur faire de mal... Elle mit la main dans le sac qu'elle portait à la taille, et en sortit un poignée de mini tartes.
- Tenez, c'est un peu abîmé, mais ils restent mangeables. Et comme dit Tiffany : 'Il faut casser pour manger' !
Tout en parlant, elle avait présenté son larcin au Compagnon, et de son autre main, la jeune fille en tendit à l'Héritier :
- Tenez, mangez quelques unes de ces cochonneries, vous aussi. Vous paraissez si vieux qu'on dirait votre père !
Ce n'est qu'à cet instant que la Noble Demoiselle se rendit compte de sa bourde... Elle paraissait de si bonne humeur, malgré les circonstances, et elle devait puer le vin ! Elle rougit quand son sourire déserta son visage, et soudain gênée de sa maladresse, baissa la tête, ses cheveux cachant son visage.
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La souffrance est une histoire de fous, une histoire pour nous...
Les pensées d'Arthon, ou du moins celles qu'il cachait à son Compagnon étaient dans ce genre. Il ruminait, broyait du noir, et Ryis était triste, lui aussi. Le lien s'affaiblissait de plus en plus, ce qui expliquait que certaines idées de son Lié lui échappaient.
Mal rasé, peu soigné ( il ne puait pas, mais presque ), des cernes énormes sous les yeux, l'Héritier, assis près de son Compagnon, n'avait pas bonne figure. Il savait que le bal des Collegia avait lieu au moment même où il trainait dans la poussière, mais il avait signifié à Aranel qu'il ne viendrait pas. Il ne pouvait quitter Ryis.
Il ne s'attendait pas à une visite, ni à ce qu'on se soucie de lui et Ryis pour des raisons autres que politiques.
Quand Saskia arriva, il sursauta légèrement, puis eut comme un rictus ( une tentative de sourire dans la théorie ) pour la saluer. Elle ne fit pas de cérémonie, ce qui était étonnant, mais son sourire était trop grand pour être autre chose que forcé. Elle avait pourtant l'air réellement de bonne humeur et leur offrit des tartelettes.
Ryis ouvrit les yeux, et tendit la tête pour attraper délicatement une des sucreries.`
Merci.
Arthon en saisit une aussi et remercia à voix basse la jeune fille. Il releva la tête quand elle assura qu'il avait l'air aussi vieux qu'Uriens.
Il ne s'était pas vu dans un miroir depuis des jours, mais il se doutait un peu de son état. Pourtant qu'on le lui dise si franchement lui fit l'effet d'un coup de bélier dans l'estomac: il était le reflet de l'état de Ryis.
Saksia était gênée, et peut-être un peu saoule. Il la regarda sans rien dire et finit par avouer, d'une voix rauque:
" Tu as raison. Il faudrait que je me lave et j'aurais une tête plus présentable..."
Mais il ne se leva pas pour autant et demanda plutôt:
" La fête se passe bien? "
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Qui était Saskia pour avoir osé parler ainsi au Prince de Valdemar ? Qu'il lui donne raison ne la soulagea pas pour autant, et ne fit au contraire qu'accroitre son embarras. Pourtant, la jeune fille s'obligea à relever la tête, et proposa une nouvelle tartelette au Compagnon. S'il faisait bon ici, Saskia avait quand même toujours la chair de poule, dans son ample robe rouge sans manche. Elle haussa ses frêles épaules à la question d'Arthon :
- Oui, la fête se déroule... Comme une fête d'Hiver : les Bleus se saoulent, les Nobles qui se donnent trop d'importance font tout pour être remarqués, les Hérauts restent entre eux ou côtoient les rares Nobles qui ne pètent pas plus haut que leur cul. Et bien sur, les Bardes s'apprêtent à casser les oreilles de tout le monde... (Elle laissa passer quelques secondes de silence, et haussa les épaules. Sa main vint caresser l'encolure du Compagnon allongé.) En fait, ils essayent tous de faire comme si tout allait bien, et de se persuader que tout va bien dans le meilleur des mondes. Je parle de ceux qui sont au courant, bien sur..
Ce n'était pas le moment de faire son premier rapport au Héraut sur les rumeurs qui commençaient à circuler dans la Haute Noblesse de Haven. Saskia n'aurait fait que miner l'ambiance qui n'était pas déjà particulièrement joyeuse. Elle posa son butin entre elle et le Prince, et l'invita d'un gracieux geste de la main à se resservir.
- A défaut d'être venu à la fête, je vous en ai amené une partie...
Saskia aurait tellement voulu aider l'Héritier ! Mais qu'est-ce qu'une gamine comme elle pouvait y faire ? Si l'idée d'amener Arthon au Bal lui avait semblé, sur le chemin, être excellente, elle lui paraissait à présent totalement dérisoire et stupide. Comment avait-elle pu imaginer un seul instant pouvoir les séparer, tous les deux ? Bien sur, que l'Héritier avait besoin d'un bain, mais il avait tout aussi besoin de passer chaque précieuse seconde avec son Compagnon ! Pourtant, la jeune fille était venue avec une idée bien précise en tête. Elle saisit le poignet du Héraut et le regarda droit dans les yeux :
- Filez au moins vous laver, Votre Altesse. Une gamine telle que moi n'a pas à vous donner d'ordres, j'en ai bien conscience. Excusez mon franc parler, mais vous puez ! Pensez à votre pauvre Compagnon qui doit subir votre odeur !
Saskia était désolée d'avoir ainsi utilisé le Compagnon malade pour exercer un semblant de pression sur Arthon. Elle s'adoucit pour ajouter avec un léger sourire :
- Je veillerai sur lui. Vous le savez, et je vous l'ai juré. Mais je me suis aussi fait le serment de m'occuper de vous, pour le bien-être de Ryis. J'aurai voulu vous demander d'aller à ce fichu bal, au moins pour prendre un repas chaud et consistant. Mais j'ai peur que ce soit au-dessus de vos forces, ce que je peux tout à fait comprendre.
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Saskia ne sembla tellement rassurée par la réaction de Arthon, mais elle releva la tête et le regarda, puis donna de nouveau une tartelette à Ryis qui la prit délicatement et la mangea assez lentement, fatigué même de mâcher. L'Heritier se força à ne pas le remarquer, mais peine perdue.
La noble répondit et Arthon eut un sourire: une Fête habituelle... Encore une de ces Fêtes où l'Héritier devait se montrer sous son meilleur jour, sourire, saluer les hypocrites, et s'ennuyer... Les Nobles ne le savaient pas mais la vraie Fête se déroulait après, dans les écuries ou un autre endroit plus reculé, où Bardes, Guérisseurs et Hérauts se mêlaient enfin vraiment et s'amusaient réellement. Il n'en dit rien à Saskia mais se dit que quand Ryis irait mieux ( espoir ) il emmènerait la jeune fille pour la remercier.
Il soupira cependant à la dernière phrase:
" Tout le monde fait comme si tout va bien parce qu'on ne veut pas voir que son monde s'écroule. Mais demain, ils reprendront leurs tâches, et feront leur possible pour aider."
Il s'arrêta et ajouta:
" Je ne parle pas des Non Affiliés. A part toi et un ou deux autres, les Bleus se moquent de ce qui n'est pas en rapport direct avec eux et ne voient pas que ce qui touchent le Collegium touche la Couronne, ce qui les touchent. "
Il soupira:
" Beaucoup ignorent totalement... Ou veulent ignorer ce qui se passe. "
Saskia changea de sujet et dit qu'elle lui avait apporté la Fête puisqu'il n'y était pas. Il réussit à lui sourire.
Puis Saskia prit les choses en main et lui ordonna d'aller se laver. Il ne bougea pas et la regarda.
" Tu es une bien étrange jeune fille, Saskia. A la fois tu portes le masque de la Bleue par excellence, et parfois tu fais penser aux élèves Hérauts. "
Il s'appuya sur le sol pour se lever lourdement.
"Bien, je vais me laver alors. Pour ton nez et celui de Ryis. "
Mais Saskia avait encore des choses à dire. Arthon la regarda:
" Veille bien sur lui alors. Et je vais m'habiller décemment pour faire une apparition à la Fête alors... tu as gagné. "
Il faisait presque de l'humour et regarda Ryis avant de partir
Elle prendra soin de toi, mais repose toi. Je reviens vite.
Elle a raison, il faut que tu te soignes et que tu ailles manger chaud avec les autres humains.
Arthon tourna sèchement les talons et alla se laver.
Il ne mit qu'une vingtaine de minutes, profitant d'une atmosphère plus sereine, moins désespérée... Se sentant plus propre voir plus reposé, habillé et la barbe taillée de frais, il rejoignit ensuite rapidement son Compagnon et Saskia.
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[A l'extérieur des cris et des chants aux voix avinées mais juvéniles s'élèvent. Il semble qu'on ait jeté une bouteille contre le mur de l'écurie, puis une autre qui se brise plus haut vers le toit. Les voix sont celles d'élèves non-affiliés que Saskia connait bien puisqu'il y a parmis eux certains de ses "meilleurs amis" nobles, ceux que Chandetoile a fait sortir de la salle de bal peu de temps avant. Ils ne semblent pas décidés à partir et doivent être entre 6 et 8]
hj: M'incruste :P
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Saskia le sentit comme une victoire lorsque l'Héritier finit par se lever pour aller se doucher. Bien sûr, nul doute qu'il reviendrait ici après. Mais c'était un premier pas positif. Elle attendit quelques secondes, tournée vers la porte close pour s'assurer qu'il n'avait pas fait demi-tour, avant de reporter son attention sur Ryis et de le caresser du bout des doigts.
- J'espère que vous ne m'en voulez pas trop... Je ne peux qu'imaginer à quel point vous voulez passer le plus de temps possible ensemble. Pourtant, je pense que ça ne peut pas vous faire de mal que votre Elu passe un peu de bon temps et qu'il se détende. Chut, ne dites rien, je sais à quel point...
Elle sursauta en entendant une bouteille se fracasser sur un mur du pavillon. Aux aguets, la jeune fille n'osa pas bouger, son regard noir rivé sur l'unique entrée. Quelques rires, puis un nouvel fracas de verre sur le toit, lui suffirent à identifier les fauteurs de trouble. Il n'avait pas fallu attendre longtemps pour que quelqu'un prenne la place de la Noble Peste qui était si désespérément absente. Markeniel Von Rechtensag, noble de titre mais sans terre, a vu là une occasion en or d'être autre chose que "le laquais de la Baronne DeFeriel" ou "le passe-temps favori de la Comtesse d'Areili". Et si Mark avait récupéré la bande - l'ex-bande - de Saskia, il y avait ajouté quelques déchets de son cru.
Seulement voilà : ils ignoraient totalement que la Noble Demoiselle se trouvait à l'intérieur, et qu'elle était farouchement déterminée à protéger Ryis, comme elle l'avait juré. Ses doigts se crispèrent légèrement dans la crinière du Compagnon :
- Je vais m'en charger. Ne vous en faites pas.
Tant de courage ne lui ressemblait pas. Saskia aurait plutôt réagit en lâche, et aurait attendu qu'ils se lassent. Mais elle savait à qui elle avait à faire, et savait déjà ce qu'ils feraient, pour les avoir "formés" aux pires bassesses. Une fois à court de projectiles, sans doute, viendraient-ils à l'intérieur. Les premières rumeurs qui circulaient dans la Haute Noblesse n'avaient pas besoin d'être confirmées par ces moins que rien. Donc, pour les arrêter, il leur fallait une personne devant eux, pour la rabaisser, ce qui est bien plus gratifiant pour les nobles jouvenceaux.
Alors Saskia se leva, lentement, et elle laissa les maigres vestiges de la Grande Peste prendre les rênes. Bien sûr, il ne restait pas grand chose, juste de quoi avoir un visage assez neutre et un regard très sombre. Parce qu'elle essaya d'imaginer le discours qu'elle pourrait leur servir, d'inventer des mensonges sans trahir Arthon et Ryis. Mais plus Saskia avançait vers la porte du pavillon, plus son cœur battait fort tandis que la noble demoiselle n'arrivait pas à savoir ce qu'elle allait leur dire. La jeune fille sortit rapidement, pour que le froid n'ait pas le temps de trop entrer. Et elle fixa, tour à tour, les Bleus devant elle.
- Bonsoir Mark. Dis donc, tu pourrai aller vider tes poubelles ailleurs... Regarde moi ces déchets que tu te trimballes. Soyez gentils, allez jouer ailleurs.
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Après s'être lavé, rhabillé, et même taillé la barbe de frais, Arthon se dépêcha de revenir vers Ryis et Saskia. Sauf qu'il arriva devant une situation qu'il apprécia guère. Il était sur le chemin derrière les envahisseurs et il put observer la scène sans se faire remarquer par les voyous. Ryis le prévint à ce moment, inquiet pour la jeune noble, et il le rassura: il arrivait.
Saksia leur faisait face et elle pouvait le voir, mais il lui laissa pas le temps de parler en lui faisant signe de ne pas montrer qu'elle l'avait vu.
Il continua d'avancer alors que la Bleue se moquait d'eux, et revêtait le masque de la Peste de Haven.
Il resta silencieux, prêt à intervenir, mais voulant aussi regarder ce qu'il allait se passer.
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Saskia, les bleus sursautent, ne s'étant pas attendu à ce que quelqu'un -et toi en particulier- sorte de cette écurie morne. Mais très vite, ils retrouvent contenance et se mettent à rire, s'appuyant les uns contre les autres.
Mark se détache du lot et lance une bouteille qui vient s'écraser à tes pieds, te lançant un regard goguenard.
"Alors DeFeriel, tu fricottes avec des canassons maintenant? A moins quee... tu nous caches quelqu'un là dedans?"
Il s'approche de toi, et fait mine de vouloir pousser la porte qui se trouve derrière toi, histoire de voir si tu n'es pas en train de fricotter dans le foin avec quelqu'un. Les autres s'esclaffent.
Arthon, tu entends Ryis gémir de douleur mentalement, une chose que toi seul peut sentir. Un instant tu partages sa douleur, une douleur diffuse mais intense, comme si une partie de toi-même est en train de disparaître.
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Saskia attendit que Mark s'approche - Dieux, qu'il était prévisible... et lui bloqua la route, et écrasa son pied avec son talon aiguille :
- Pour toi, c'est Baronne DeFeriel.
Elle avait vu Arthon arriver, mais ne voulait surtout pas dévoiler sa présence aux autres - ni que ces idiots comprennent tout de travers et répandent des rumeurs. L'Héritier avait besoin de tout sauf de bruits qui courraient sur son éventuelle liaison avec une noble demoiselle même pas encore majeure. Pourtant, elle espérait qu'il ferait un de ces trucs de Héraut ; de la magie, n'importe quoi, qui pourrait impressionner ces Bleus.
Mais elle décida de ne compter que sur elle-même. Saskia allait lui prouver qu'il pouvait compter sur elle pour protéger Ryis, comme elle l'avait promis. Elle saisit le col de Mark et le poussa en arrière ; le pauvre était tellement ivre qu'il tomba sur ses fesses, dans la boue, et elle eut un léger sourire de satisfaction.
- Parce que tu crois sincèrement qu'une fille comme moi, véritable Noble contrairement à certains... Je ferai des galipettes dans du foin ? Mark, tu me déçois. Tu as si peux de jugeote... Et tu espérais prendre ma suite ? (Saskia eut un rire méprisant.) Tu n'as rien, tu n'es rien, et en plus, tu es stupide.
Saskia avança, posa son pied sur le ventre de Mark, et se pencha :
- Disparais, misérable cul-terreux. Te voir me donne des nausées. Je t'ai toujours toléré parce que Mana aimait bien faire des galipettes avec toi... Et encore, si tu savais l'opinion qu'elle avait de ces parties de jambes en l'air ! Disparais avec tes déchets aussi misérables que toi avant que...
Saskia ne finit pas sa phrase. En réalité, elle ne savait pas du tout comment l'achever. Mais ça donnait un peu plus de poids à sa menace. La Noble demoiselle retira son pied du jeune homme et lui tourna le dos, et se campa à nouveau devant l'entrée du pavillon.
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Arthon observa Saskia alors qu'elle réagissait. Le masque de la Noble Peste était presque parfait. On aurait pu croire que la vraie Saskia avait redisparu pour toujours, et que les instants vécus auprès de Ryis n'avaient été qu'un rêve qui s'estompait. Mais pour qui savait quoi regarder - et Arthon savait, malgré son état - on remarquait qu'une partie du rôle avait une faille. Dans les yeux de Saskia, il y avait un éclat d'innocence et de pureté que la Peste n'aurait jamais du avoir. Mais pour voir cela il fallait savoir ce que ces deux mots voulaient dire... Ce qui n'était sûrement pas le cas de MArk et des autres. Ils ne verraient rien parce qu'ils ne pouvaient le voir, et parce qu'après tout la jeune noble était bonne actrice.
Ses réactions étaient très bonnes, très réalistes. Elle se débrouilla sans lui, et il allait enfin intervenir quand l'esprit d'Arthon s'engourdit. Ryis gémit dans son esprit.
Et l'Héritier gémit à son tour, en serrant ses mains en boule sur le creux de son sternum. Sensation de manque. Douleur intense. Arthon gémit de nouveau:
" Ryis... "
Le lien se distendait, Ryis commençait à disparaître de plus en plus...
Arthon se redressa et décida que ce n'était pas une bande d'imbéciles qui allaient le séparer de Ryis.
Il serra les dents et se dirigea vers le groupe.
" Dégagez d'ici. Ou on vous fait mettre aux arrêts. "
Il prit son masque d'Héritier et dit cela d'un ton impérieux, cachant la douleur qui lui labourait les entrailles. Il passa près des adolescents souls et les regarda:
" Comment osez vous venir ici? Pourquoi n'êtes vous pas à la Fête au lieu de vous battre pour un pouvoir qui ne vous appartient pas? "
Se tournant vers Saskia, il gronda:
" Vous êtiez déjà punie. Je dois donc intervenir moi même? Vous allez venir avec moi. Quant à vous, Mark, si je vous revois dans un tel état, je vous fais enrôler dans la Garde et je vous envoie dans les MArches. "
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Les jeunes gens étaient saoûls mais pas duppes. Leur camarade se trouvait seule avec l'Héritier dans une écurie quelques minutes avant leur intervention et elle n'avait absolument pas l'air punie quelques temps auparavant au bal, lorsqu'elle buvait en leur présence. D'ailleurs elle était sortie de la salle d'elle-même contrairement à eux. Il ne pouvait donc s'agir que d'un rendez-vous galant. Ils se mirent donc à piaffer et à s'esclaffer aussi discrètement que le permettait leur taux d'alcoolémie.
Mark était allongé au sol, le pied de Saskia sur son ventre, pressant assez fortement pour l'indisposer. Mais il n'était pas de nature à se laisser humilier sans rien dire. Il saisit donc la cheville de la jeune fille et tira pour la déséquilibrer et la faire tomber dans ses bras. Il la serra contre lui, son souffle aviné dans ses cheveux et les yeux mi-clos, son nez parcourant sa joue.
"Ha Saskia. Tu dois être assez douée dans ton genre pour arriver à te tapper l'Héritier. Viens donc me montrer un peu... comme ça, t'auras un sujet de discussion pour cette truie de Mana.
Saskia, Mark te tient fort. C'est un homme costaud et l'alcool le rend hardi. Malgré la présence d'Arthon, il prend des risques dont il n'est pas vraiment conscient.
Arthon, les bleus se méfient de toi et n'ouvrent pas ouvertement les hostilités mais quelque chose de très grave est en train de se passer à l'intérieur de l'écurie. Ryis t'appelle à l'aide, un cri mental déchirant. Tu dois donc faire un choix entre aider Saskia ou courir voir Ryis.
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Saskia poussa un petit cri de surprise, et se débattit pour se défaire de l'étreinte de Mark. Quelle horreur ! Il puait le vin, et jamais la noble demoiselle n'avait autorisé un homme à la toucher ainsi... Et le noble Von Rechtensag n'était pas particulièrement le genre de Prince Charmant avec qui elle s'autoriserait à faire des galipettes et gâcher ainsi sa première fois. Elle cracha littéralement ses mots :
- Lâche-moi !
Elle tenta de lui donner des coups de genoux, de lui griffer le visage, et même de mordre, mais il la tenait trop bien. Lentement, le masque de la Noble Peste disparut, et dans la panique de trop se dévoiler, elle lâcha :
- C'est pas ce que tu crois. Moi et l'Héritier ? Dans le foin ? La bonne blague.
Sa voix frôlait l'hystérie. Et Saskia continua ; bien sûr, elle pria pour qu'ils soient tous assez ivres pour ne pas se souvenir de ce qu'elle allait pouvoir dire.
- Non mais tu me prends pour quoi ? Tu crois sincèrement que je suis le genre de pimbêche à croire qu'il faut rester vierge jusqu'au mariage, et que c'est pour ça que je n'ai jamais couché avec qui que ce soit ? Pauvre fou. (Elle rit légèrement. Elle était nerveuse. Que tous les Dieux entende sa prière : qu'ils ne se souviennent pas de ce qu'elle allait dire. Par pitié.) L'Héritier m'intéresserait davantage si c'était une Héritière...
Saskia mourrait de honte si elle devait s'expliquer à ses parents sur sa prétendue homosexualité. Quelle honte ! Elle était en train de bafouer Leur Nom ! Mais elle refusait de croire que Arthon avait quitté l'ombre de sa cachette pour simplement faire partir les Bleus ivres. Pas pour elle, une simple gamine. Malgré elle, un boule se forma dans gorge. Elle se débattait avec moins de vivacité, même si elle essayait toujours de se défaire de l'emprise de Mark à force de coups.
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Alors qu'il intervenait, Ryis réitéra son appel mental, avec plus de douleur et de pression encore. La vue d'Arthon se voila. La scène atroce qu'il voyait devant lui ( Saskia qui tombait et se faisait maltraiter par son rustre d'ancien ami ) s'effaça presque devant l'urgence de l'appel de son Compagnon d'âme.
Cruel dilemme qu'on lui imposait. Aider la jeune fille comme sa conscience l'ordonnait ou aller à la rescousse de son Lié malade? Il resta figé mais son visage se transforma en un masque de colère paniquée. Un observateur extérieur - donc les Bleus - y verraient une rage folle, et un soupçon de folie meurtriète.
Arthon essaya d'ignorer la douleur que lui causait celle de Ryis:
J'arrive! Tiens bon...
Il avança à grands pas, retenant à moitié un hurlement, ce qui donna un grondement sourd, menaçant. Entre lui et Ryis il y avait le couple qui se débattait. Incapable de comprendre ce que disait sa compagne d'écurie, insensible aux insultes du noble éméché, et ne comprenant pas les étranges révélations de la Noble DeFeriel, Arthon toisa les deux jeunes gens de toute sa hauteur, son esprit déjà à l'intérieur de la stalle de Ryis.
Il frappa. Trois fois, du plus fort qu'il le pouvait. Evitant heureusement Saskia, mais il entendit un craquement dans les côtes de Mark.
Puis il tonna:
" Partez loin! Que je ne vous revois plus. Tous autant que vous êtes, vous partirez dans les marches avec l'armée. Comme simples soldats."
Puis sans un regard pour eux, il entra dans l'écurie des Compagnons. La porte à peine franchie, il courut jusqu'à Ryis et se laissa tomber à genoux près de lui. Il prit sa tête dans ses bras et le berça:
Je suis là. Je suis là. Dis moi, dis moi vite ce que je peux faire ... Ryis. RYIS si tu meurs je te tue!
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L'intervention d'Arthon fait lâcher prise à Mark qui tombe en se tenant le ventre. Les coups ont été si puissants qu'ils lui ont surement cassé des côtes, voire peut-être pire. Mark n'est qu'un adolescent et il ne fait pas le poids devant un homme fait et entrainé de surcroit qui frappe de toute sa puissance. Les autres bleus sont horrifiés. Ils ne pensaient pas que l'Héritier -un Héraut!- puisse se montrer violent. Cela leur fit l'effet d'une douche froide. Très vite ils se dispersent et courent vers le chateau et seule une fille reste auprès de Mark pour lui soutenir la tête. Le jeune homme gémit, mortellement pale. Cette dernière ne remarque même plus la présence de Saskia, concentrée sur son camarade.
Arthon, lorsque tu arrives jusqu'à Ryis il est inconscient. Son corps est inerte et lorsque tu lui soulèves la tête tu n'obtiens aucune réaction. Tu ne ressens plus aucune pression douloureuse au niveau du lien et tu ne peux plus le contacter par la pensée. D'ailleurs, si tu essaie d'utiliser ton don tu te rendras compte qu'il a comme disparu. Mais le Compagnon n'est pas mort, il respire.
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Saskia avait assez côtoyé l'Héritier dernièrement pour être passablement effrayée par son masque de fureur. La jeune fille n'arrivait même pas à comprendre pourquoi il avait agi ainsi pour elle... Mais compris qu'il devait se passer quelque chose de plus grave vu comme il se rua dans le pavillon. Assis par terre, haletante, elle rajusta correctement sa robe et aurait voulu aller rejoindre Arthon. Parce qu'une telle réaction, de la part d'un Héraut, n'était pas normale... Et pire ! Saskia culpabilisa : tout était de sa faute ! Si seulement elle ne lui avait pas dit d'aller se laver, si seulement elle n'avait pas fait sa maligne face à Mark, si seulement, si...
Saskia entend le jeune homme, à terre, gémir, et pâlit à son tour en le voyant si blanc... Bien sûr, elle ne l'aime pas, et elle lui remettrai bien un coup dans les côtes pour l'avoir touché. Son bon sens lui cria pourtant d'enlever ses maudites chaussures à talons hauts et de courir jusqu'au Collegium chercher quelqu'un. Saskia se dit que rien ne pouvait arriver à Arthon, du moins, rien de trop grave, et pendant sa course, elle était pourtant déjà en train d'imaginer le pire pour l'Héritier et son Compagnon... Ses jambes accélérèrent : plus vite elle ramènerait un Guérisseur à ce stupide nobliau, plus vite elle pourrait retourner auprès d'eux.
L'entrée Collegium se profila enfin, et Saskia décéléra juste le temps de remettre ses chaussures et arriva devant les Gardes, essoufflée. Elle pointa du doigt la vague direction où devait être encore étendu Markeniel et dit :
- Faut envoyer un guérisseur là-bas ! Y'a un Bleu qui s'est cassé la figure, et il va vraiment pas bien du tout, il est tout pâle, et ...
Sa voix frôlait l'hystérie, parce ce qu'elle se fichait pas mal du Noble Von Rechtensag aux côtes cassées, et qu'elle était en colère de perdre son temps pour lui.
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Se moquant pour le moment d'avoir réellement blessé ou non le noble sur Saskia, puisque son seul but avait été de libérer sa compagne de l'étreinte alcoolisée du jeune homme, Arthon s'était précipité dans la stalle de Ryis.
Mais alors qu'il venait de se mettre à genoux et de prendre la tête du COmpagnon dans ses bras, l'Héritier arrêta de respirer. Ryis respirait, lui, mais ne répondit pas à ses sollicitations. Le prince essaya le réveiller manuellement, sentant que la douleur dans son esprit s'était estompé... avait disparu.
Affolé, il l'appela:
Ryis... Ryis, réponds!
Le lien semblait lui aussi avoir disparu, mais Arthon s'acharna longtemps avant de s'effondrer. Sanglotant comme un enfant contre le corps endormi et si banal de son Compagnon, il se recroquevilla. Mais la douleur dans son coeur était si terrible qu'il oublia sa situation et hurla.
Il n'était plus Arthon, il n'était plus Héraut. Il devenait fou, comme il l'avait craint, et son esprit si vide se remplissait du cri qui venait de son coeur:
" NE ME LAISSE PAS. RYIS!"
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Ce fut comme une grande bouffée d'air mentale, une force venue de l'extérieur retendant le lien d'un seul coup. Les autres Compagnons malades dans les stalles autour se mirent à hennir ou à piaffer. Le corps de Ryis se contracta d'un coup alors que la Force frappait Arthon. Puis le Compagnon de l'Héritier inspira l'air à grandes goulées et rouvrit les yeux brusquement, cherchant du regard un élément familier auquel se rattacher. Il remua les sabots dans l'air à la recherche d'une prise tangible.
Arthon, tu sens que ton Compagnon est revenu parmi vous mais qu'il en a fallu de peu pour le perdre. Tu es très fortement ébranlé par la perte de ton Don car il t'est à présent impossible d'entendre Ryis te parler ou de communiquer par la pensée et la Force en te traversant t'a donné la nausée. D'ailleurs elle n'est pas partie.
Les gardes regardèrent Saskia avec étonnement. Ils étaient encore en train de se demander s'ils devaient quitter leur poste et intervenir ou envoyer une patrouille lorsqu'Aranel apparut au détour du couloir. Elle courait presque et semblait très inquiète. Elle avait laissé le bal à contrecoeur alors que tout le monde se restaurait tranquillement, donnant à Riannon et au doyen des Hérauts le contrôle sur les élèves.
En voyant Saskia s'agiter devant les gardes elle ralentit légèrement et fronça les sourcils mais sans s'arrêter pour autant. Rolan avait parlé d'urgence.
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Saskia trépignait d'impatience. Bien sûr, les gardes devaient croire que la Noble Peste se faisait un sang d'encre pour le pauvre Nobliau blessé. Ses doigts s'emmêlaient tant elle était nerveuse et surtout en colère de voir ces idiots de gardes hésiter... Elle était sur le point de leur servir un discours acide sur leur incompétence à agir quand il le fallait quand arriva Aranel. Une fois le Héraut à sa hauteur, elle la saisit par le coude et l'entraîna dans sa démarche rapide, et jeta par-dessus son épaule aux gardes :
- Et faites venir un Guérisseur, par tous les Dieux !!
Saskia prit seulement conscience à ce moment-là que ses mains tremblaient très fort. Dieux ! Elle était au bord de la crise de nerfs parce qu'elle était morte d'inquiétude à propos de Ryis et d'Arthon ! Elle savait à quel point il était difficile de supporter la perte d'un Compagnon - la mort d'Antéa la hantait toujours, et Saskia n'était pas son Elue... Qu'est-ce que ça serait pour Arthon ! La jeune fille attendit d'être assez éloignée pour commencer à parler, très vite, à Aranel.
- Je crois qu'il y a un problème avec Ryis, et le Prince, mais le Guérisseur, c'est pas pour eux, mais on devrait se dépêcher d'aller les voir, l'Héritier a complètement pété un plomb, je crois que Mark a une voir des côtes cassées, mais merde, je crois que Ryis...
Saskia ne pleurerait pas, mais elle avait une énorme boule dans gorge, et sa voix baissa considérablement, et trembla, paniquée.
- Les autres idiots étaient assez ivres pour qu'on puisse inventer un mensonge et couvrir le Prince... Mais Aranel, que va-t-il se passer s'ils disparaissent tous les deux ? Et je les ai abandonnés, mais qu'ai-je fait... On doit se dépêcher avant qu'il ne soit trop tard...
Sa voix s'était brisée sur ces derniers mots, mais son pas ne ralenti pas pour autant. Ses yeux clairs étaient fixés sur sa destination, mais la jeune fille s'interdisait de quitter le bras d'Aranel.
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Arthon ne pouvait se douter de ce qui se passait au dehors, et s'en moquait. Son cri résonna longuement, empli d'une peine indicible et d'une once perceptible de folie. Il semblait que son âme soit déchirée, et qu'avec elle, sa raison se soit évanouie. On l'aurait touché à ce moment qu'il aurait tué sans se rendre compte de qui était là, des conséquences, et même de son geste! La folie ouvrait un abime dans son esprit et il faillit s'y perdre.
Mais un vent de changement passa. Dans les stalles proches, les Compagnons atteints de la même maladie s'exprimèrent d'une étrange manière. Au même moment, cachant ou causant ces réactions, une grande Force emplit l'écurie, et s'engouffra dans le vide laissé par le lien disparu. Et le remit en place. Arthon gémit sous le choc, mais reprit aussi ses esprits.
Ryis ouvrit les naseaux largement et respira profondément plusieurs fois, comme s'il reprenait conscience. Arthon, les yeux pleins de larmes, n'y crut pas: ce n'était pas possible, Ryis avait disparu! Et pourtant l'azur des yeux de son Compagnon cherchait quelque chose et ses pattes cherchaient un appui, avant qu'il ne se calme.
" Ryis... "
La voix brisée, l'Héritier de Valdemar se sentit plein d'espoir. Il se mit à sangloter, la tête dans la crinière de son Lié, quand il comprit qu'il était Là de nouveau. Que le lien était rétabli. Que Ryis était de nouveau un Compagnon entier... presque entier.
Quelque chose clochait. Essayant de contacter mentalement son Lié pour lui dire son amour et son soulagement, Arthon faillit crier de nouveau: impossible de le contacter. Il ne sentait même plus ce qu'il ressentait...
Le calme intérieur, à part ses propres sentiments tumultueux, le paniqua.
" Qu'est... qu'est-ce... qu'est-ce qu'il se passe? Ryis, tu me comprends? "
Le regard montra que oui, mais aucun mot n'intervint dans son esprit. Arthon le regarda dans les yeux:
" Je suis content de te revoir. Et Eilane va trouver un moyen de nous guérir et nous redonner tous nos moyens."
Il s'assit tout contre son ami, et posa sa tête sur l'épaule blanche. Une forte nausée le tenait depuis que la Force l'avait traversée, et elle ne passait pas.
Le Héraut entendit Aranel et Saskia arriver. Il appela d'une voix plus faible qu'auparavant:
" Aranel, y a un problème!"
Il avait oublié Mark.
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Aranel avait le visage tendu et acquiesça simplement de la tête aux paroles de Saskia, sans s'arrêter non plus, à présent dans les jardins du Palais.
"Je sais. Gaetan m'a avertie. Il y a eu des fluctuations importantes dans le Réseau."
Et comme si elle se souvenait d'un coup qu'elle ne parlait pas à une Héraut, elle tourna la tête vers elle, le regard voilé.
"Le Réseau c'est le Lien qui unie tous les Hérauts à leur Compagnon et qui unie tous les Hérauts et tous les Compagnons ensemble. Le Réseau réagit à chaque fois qu'on perd un...."
Mais elle n'eut pas la force de terminer sa phrase. Elle pinça fortement les lèvres et se mit à courir littéralement vers le Champs des Compagnons, attrapant la main de Saskia pour l'entrainer avec elle.
"Ecoute moi bien, je vais aller retrouver Gaetan pour voir ce que nous pouvons faire, toi retourne auprès d'Arthon et empêche le de faire une bêtise. Si Ryis...."
Elle déglutit et sa voix se brisa.
"Il aura besoin de soutien."
Mais elle se stoppa net en tirant sur la main pour empêcher Saskia d'avancer. Elles voyaient de loin Mark allongé dans l'herbe, plusieurs guérisseurs au dessus de lui et la jeune fille que Saskia avait quittée en train de parler au Héraut du Sénéchal qui était en service de surveillance. Les autres bleus étaient revenus, visiblement désaoûlés, et le teint pâle de stupeur. Aranel se tourna vers Saskia, le regard plus sévère.
"Je crois que pour le mensonge c'est râpé."
Elle avait les lèvres très pincées et réfléchissait à toute vitesse. Puis lui reprenant la main presque brusquement, elle l'entraina à l'écart afin de faire un détour et d'atteindre le bâtiment par derrière. Heureusement une lucarne était restée ouverte et pouvait permettre à la jeune fille de s'y glisser sans être vue de l'extérieur par la petite troupe amassée dehors. Elle entendit Arthon l'appeler et poussa Saskia en avant.
Sans aucune autre explication, Aranel courut vers le Bosquet, sans paraître étonnée de voir d'autres Hérauts, les traits tendus, arriver de nombreuses directions vers le même endroit qu'elle.
Près du Bosquet, une quinzaine de Compagnons disposés autour de Gaetan se tenaient parfaitement immobiles. Il y avait avec eux des poulains et des jeunes qui n'avaient pas encore Choisis. A l'arrivée d'Aranel, ils s'écartèrent légèrement pour la laisser atteindre son Compagnon. Les autres Hérauts rejoignirent le leur sans un mot, posant simplement la main sur eux en inspirant profondément. La Force sembla augmenter d'un cran alors qu'elle se projetait et se maintenait vers l'écurie des malades. Au bout d'un moment qui parut être une éternité, Gaetan reprit la parole.
Nous avons sauvé Ryis mais ce n'est que temporaire.
Ce dernier frappa le sol du sabot et soudain l'enchantement qui les liaient tous s'évapora. Tous les Hérauts se sentirent soudain faibles comme si on avait pompé leur énergie. Partout dans le Palais et le Collegium, l'agitation se calma d'un coup. Lowi, qui frappait la porte de son box et donnait des coups de tête têtus à sa mère d'adoption s'apaisa brusquement. Alors que les chiens et les chats ordinaires miaulaient et aboyaient, tous firent silence. Les Compagnons malades se calmèrent eux aussi, et la maladie semblait avoir régressé chez chacun d'eux.
[Arthon, tu sens que la Force s'en va et te laisse à peine plus fort qu'une poupée de chiffon. Les Compagnons se sont également servi de ta force pour aider ton Compagnon]
Le regard de Ryis se posa dans celui de son Elu, désorienté mais plutôt lucide. Se redressant assez pour pouvoir tenir sa tête droite, les jambes repliées contre lui comme assis à la manière des équidés, il ne se sentait pas assez bien pour se lever complètement. Il secoua la tête et toucha la joue de l'Héritier doucement, lui renvoyant une onde d'apaisement. Le lien étant toujours là entre Arthon et Ryis, ils pouvaient toujours communiquer par l'intermédiaire d'impressions et de sentiments.
[Arthon, à chaque fois que Ryis t'envoie un sentiment ou une impression pour communiquer avec toi, la nausée te prend accompagnée d'une douleur sourde.]
Ryis leva les yeux vers Saskia et lui parla d'une voix mentale épuisée.
S'il te plait, dis-lui que tout se passera pour le mieux.
Le Compagnon ne put tenir la liaison plus longtemps avec Saskia. Communiquer avec quelqu'un d'autre que son Elu était un don que peu de Compagnons possédaient. Mais cela demandait beaucoup trop d'énergie pour lui. Il n'était pas sauvé, loin de là. Voyant la douleur de son Elu, Ryis hennit doucement et tenta de se relever, s'épuisant plus qu'autre chose.
A l'extérieur, les guérisseurs emportaient Mark, escorté par ses amis pour l'emmener vers la Maison de la Guérison. Le Héraut du Sénéchal s'était éloigné depuis longtemps, ayant couru vers le Champs à l'appel de son Compagnon.
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Saskia n'aimait pas le ton d'Aranel, si peu confiant... La jeune fille était déjà suffisamment perdue comme ça (doux euphémisme... Elle était au bord de la crise de panique), et elle aurait aimé que le Héraut auquel elle avait décidé de faire confiance se montre un peu plus confiante... Même si tout espoir était vain. Elle hocha simplement la tête, incapable pour le moment d'ouvrir la bouche pour refaire le serment de veiller sur Arthon et Ryis... Si c'était encore possible...
Un instant, un certain désespoir submergea Saskia, et la sensation d'avoir échoué, comme avec Antéa. Elle ferma les yeux, se laissant guider par Aranel, quand elle s'arrêta brusquement sans l'avertir, avant de repartir tout aussi rapidement en évitant de se faire voir. La jeune fille regardait au loin le groupe de Bleus - et elle avait fait partie de ça ? Comment avait-elle pu toléré leur présence si longtemps ? - et murmura à Aranel :
- Il n'est jamais trop tard pour le mensonge... On se reverra plus tard, finit-elle encore plus bas, tandis que le Héraut s'éloignait déjà.
Il y a quelques temps encore, sans doute Saskia se serait sentie offusquée d'être ainsi ignorée. L'urgence du moment, la voix si faible d'Arthon dans l'écurie, et la jeune fille se glissa par la lucarne - heureusement qu'elle n'était pas épaisse... Les nombreux voiles et jupons de sa robe rouge de bal ne lui facilitèrent absolument pas la tâche, et sans doute se déchira-t-elle un peu... Et alors ? Le principal fut qu'elle regagna la chaleur de l'écurie, et elle se frotta un peu les bras pour se réchauffer plus vite en avançant vers le Compagnon et son Elu. Si Ryis avait l'air - et seulement l'air - d'aller mieux, ce n'était absolument pas le cas d'Arthon. Elle se précipita d'abord vers le Compagnon, colla leur deux fronts, et appuya légèrement son poids sur lui pour l'empêcher de se lever :
- Continuez à vous reposer, tête de mule.
La jeune fille finit par s'agenouiller et s'assit en face d'Arthon, d'abord hésitante, puis finit par l'enlacer doucement, amenant la tête d'Arthon contre son épaule, et ses frêles bras encore gelés autour de ses épaules. Tout dans son attitude donnait envie à Saskia de le protéger comme elle le faisait parfois pour les gamins de l'orphelinat. Elle resserra un peu plus son étreinte et murmura contre son oreille :
- Ne vous inquiétez pas. Tout ira mieux... Je vous le promets, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir, et même plus...
-
Coupé de son Compagnon, Arthon ne savait pas trop s'il pouvait avoir l'espoir de recouvrer leur Lien entier. Il se sentait amputé, et si seul. Mais voir le regard redevenu conscient de Ryis le soutenait encore.
Mais la Force qui les avait traversé s'en alla. L'Héritier se sentit plus que faible, comme si on l'avait vidé de son énergie. Il avait dû en donner avec le flux qui venait de se retirer.
Ryis le regarda dans les yeux. Il semblait normal mais toujours si faible, et si affaibli. Encore malade. Il se redressa pourtant, comme s'il allait quand même mieux ( pas dur ) et vint poser ses naseaux sur la joue d'Arthon, qui continua à pleurer quand il sentit quelque chose dans le Lien: comme une onde d'apaisement. Il envoya un flot d'amour à son Compagnon qui le lui rendit avec une impression de soulagement.
Arthon soupira de soulagement: le Lien était bien retendu, et ils pouvaient tout de même communiquer. Un seul problème demeurait: pour le moment, communiquer de cette manière le rendait malade. Nausée forte qui s'amplifiait lors de l'échange, et une douleur sourde en lui.
Il fallait qu'on les guérisse. C'était urgent.
Saskia entra. Il ne vit pas par où elle était entrée, mais ce n'était pas par la porte, il en était presque sûr. Ryis sembla lui parler, et la jalousie, le désespoir faillit faire reculer Arthon, qui se retint pour ne pas quitter le blanc malade.
L'Héritier faillit s'évanouir par manque de force, et de douleur. Cela inquiéta son Lié qui s'agita. Mais la Noble Peste veillait au grain. Elle prit les choses en main, obligeant le revenant à se calmer. Son intervention était la bienvenue, car l'humain était dans le même état que son ami à quatre pattes : lamentable. Comme une poupée de son sur le sol, Arthon se serait dit s'il était assez conscient qu'il n'avait servi à rien de prendre un bain... Son costume était fripé, plein de paille et de poussière, et il sentait le cheval. Les larmes avaient laissé des traces sur ses joues désormais sales, et il ressemblait à un gamin perdu trop seul dans sa peine.
Il ne comprit pas ce que Saskia faisait, et se retrouva dans ses bras sans savoir comment il y était arrivé. Il ne comprit pas immédiatement ses paroles mais le ton était clair.
Il la serra contre lui, comme se raccrochant à une ancre et murmura:
« Il est parti. Il est revenu. Je ne suis plus digne d'être un Héraut... »
Il venait de réaliser, à travers la nausée et l'angoisse, qu'il avait frappé un jeune homme, peut-être jusqu'à le tuer. Il se rendait compte aussi que la brisure de son esprit n'était pas ressoudée, et qu'il était peut-être réellement fou. Son seul ancrage dans la réalité était Ryis qui lui envoya de l'amour et les bras de Saskia.
Malheureusement, même si le sentiment était de l'amour, la nausée et la douleur revinrent en force. Arthon se laisse couler dans le noir.
Ryis appela Gaetan.
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Aranel se tenait près de son Compagnon, la main toujours sur son garrot à le caresser doucement. Elle échangeait des regards tendus avec les autres Hérauts présents dans le Champs. Les élèves, plus désorientés et hagards que les Hérauts confirmés, titubaient légèrement. Le doyen décida donc de les prendre en main en les rassemblant et en leur distribuant des morceaux de sucre. Lorsqu'on gère des adolescents en proie à de grosses pertes d'énergie, on prend vite l'habitude de se balader avec toutes sortes de choses dans ses poches.
Aranel s'approcha du Héraut du Sénéchal et soupira d'un air las. Lui-même avait les traits tendus et ne semblait pas pressé de retourner à son poste. Le Héraut du roi fut la première à parler.
"J'ai vu qu'il y avait de l'agitation vers l'écurie des Compagnons malades."
L'homme d'une trentaine d'années acquiesça de la tête, l'air sombre.
"Un bleu a été grièvement blessé et plusieurs de ses camarades accusent Arthon de l'avoir frappé. Les guérisseurs vont s'en occuper et toute cette petite bande semblait assez saoûle pour que ça semble vraiment douteux."
Aranel pinça les lèvres et tourna la tête vers Gaetan, faisant mine de le débarrasser d'un brin de paille, coincé dans ses crins.
"Combien de témoins l'affirment?"
Le Héraut du Sénéchal haussa les épaules.
"Franchement Aranel, on s'en fout. Si Arthon...."
Mais Aranel ne le laissa pas finir sa phrase et leva la main pour l'arrêter. Gaetan était en contact avec Ryis et les nouvelles semblaient plus qu'inquiétantes.
Mon Elue, la force vitale de Ryis est encore vascillante, nous n'avons fait que repousser l'inévitable. Mais Arthon est mal et il a besoin de ton aide.
Aranel sauta souplement sur le dos de Gaetan, les yeux aggrandis par l'inquiétude.
"S'il te plait Aaron, veille à ce que tous ces petits pourris n'aillent pas gâcher la fête des autres et restent à distance de l'écurie des malades."
Puis elle partit au galop, laissant derrière elle le groupe de Hérauts en train de se disperser, la plupart repartant vers la salle de bal. Seul le doyen conduisait vers les appartements des Gris, les élèves dont les forces étaient passablement épuisées.
Aranel sauta à terre et arrêta Gaetan de la main, plongeant son regard dans celui de son Compagnon.
Reste ici. Je n'ai pas envie que tu tombes malade toi aussi...
Ce dernier s'ébroua et frappa le sol du sabot, contrarié mais réaliste. Son Elue avait raison, on ne savait rien de cette maladie et il était dangereux de s'y risquer aveuglément.
Aranel courut jusqu'à l'écurie et ouvrit la porte à la volée avant de se précipiter vers la stalle de Ryis. Voyant Arthon évanoui dans les bras de Saskia, elle se laissa tomber au sol et se mit immédiatement à vérifier son poul et sa respiration.
"Que s'est-il passé?"
Son ton et ses mouvements étaient étrangement calmes et méticuleux. Elle avait appris à contenir son angoisse et ne voulait pas que Saskia cède à la panique.
-
Le coeur de Saskia manqua un battement aux paroles d'Arthon. C'était possible ? Qu'il ne soit plus digne d'être un Héraut ? Ryis n'avait pourtant pas l'air de l'avoir répudier, et... Il était mort ? Ryis ? Puis revenu ? La jeune fille ferma les yeux très fort.
Je m'égare. Ce n'est pas ce qu'il a voulu dire. Par le Seigneur et la Dame !
Elle resserra un peu plus son étreinte, à moitié aussi perdue que l'Héritier. Et soudain, le voilà aussi faible qu'une marionnette dont on a coupé les fils. Saskia met quelques secondes à réaliser qu'il s'est évanoui. La grosse boule qui s'était formée dans sa gorge gela et descendit dans son estomac, et la noble demoiselle commença à trembler, ses yeux fixant le vide devant elle. En cet instant, elle était incapable d'avoir une pensée cohérente... Jusqu'à l'arrivée d'Aranel. Lorsque le Héraut du Souverain entra en trombe, Saskia fut soulagée de lire à nouveau ce calme et cette confiance dans les yeux de la femme. Elle en aurait presque eut un rire légèrement hystérique tant elle était soudain soulagée. La Noble demoiselle souffla lentement pour reprendre un semblant de contrôle ; sa voix tremblait malgré tout.
- Je ne sais pas, Aranel... Il... Je... (elle inspire profondément) Il a dit qu'il n'était plus un Héraut. Que Ryis était parti, et qu'il n'était plus digne d'être un Héraut... Par tous les Dieux, Aranel, qu'est-ce que ça veut dire ? Il va bien ? Est-ce vraiment possible qu'il ne soit plus digne de Ryis ?
Les vestiges de la Grande Peste reprirent le dessus lorsque sa dernière question fusa :
- Alors quoi, Valdemar n'a plus d'Héritier ?
Et elle regretta aussitôt ses mots. Saskia serra un peu plus Arthon contre elle, et une larme roula sur sa joue. Tout son esprit ne pouvait qu'essayer de comprendre la douleur du Prince de Valdemar.
-
Arthon flottait dans un espace noir ouateux. Il était presque bien, presque soulagé. Presque. Parce qu'une impression de manque, et une impression de responsabilité le taraudait. Il fallait qu'il fasse son devoir, il le savait.
Il ouvrit les yeux.
Aranel était là. Ryis était là. Saskia... Que faisait-il dans les bras de la jeune fille? Il se sentait moins seul, moins désespéré. Son regard croisa celui de Ryis: il était vivant, il était lui, et leur Lien se reformerait complètement il en était sûr... D'où venait alors ce sentiment de culpabilité?
Il saisit enfin et croassa:
"Le garçon...? Il est... Où?"
Faites qu'il ne soit pas mort. Mais Ryis ne l'avait pas répudié, donc il n'avait donc pas dû être trop... avoir trop... le garçon devait être vivant.
D'un coup, tout lui revint. Il tenta de se redresser, combattant la nausée, et n'ayant pas si envie que ça de sortir des bras de la jeune Noble.
Son bras était dans la main d'Aranel et de sa main libre il attrappa son bras à elle sans pouvoir mettre de force ni de pression:
" Ryis avait... Il était... J'ai perdu la raison... J'ai frappé le garçon qui voulait... faire du mal à Saskia. Je ne pouvais pas... la laisser, ni laisser Ryis. Je ..."
Il frissonna d'horreur:
"Je n'ENTENDS plus Ryis! Et quand il m'envoie des sentiments... J'ai mal. Qu'est-ce qu'il se passe?"
-
Aranel croisa le regard de Saskia avant de rebaisser les yeux sur Arthon qui était à présent éveillé. Il semblait presque dément et ses propos décousus bien que compréhensibles, étaient celui d'un Héraut mais d'un Héraut malade. Aranel écarta doucement Saskia d'Arthon, d'une main douce mais ferme afin de l'allonger complètement, le dos à plat contre le sol. Elle lui étendit également les jambes et passa les mains au dessus de lui, à plusieurs reprises, sans le toucher. Elle n'avait qu'une connaissance très très rudimentaire de l'art des guérisseurs et le jeune homme avait besoin de soin. A chaque fois que le prince tentait de parler ou de s'agiter, la jeune femme le faisait taire d'un petit "chhht".
Aranel se tourna vers Saskia et posa la main sur son bras pour attirer son attention.
"Saskia, je veux que tu prennes Gaetan et que tu ailles à la maison de la guérison. Demande Eilan et dis-lui de venir avec des porteurs. C'est elle qui est en garde ce soir. Je vais rester avec lui et tenter de soulager sa douleur en attendant."
Et dans un mouvement de tête ferme.
"Va."
Son regard était comme un livre ouvert. Elle transmettait à la jeune fille espoir et calme tout en lui faisant comprendre qu'elle n'avait aucune réponse à lui apporter pour le moment. Puis elle reporta son attention sur le prince qu'elle souleva et tira jusqu'à Ryis, posant sa tête et le haut de son corps contre son Compagnon, chose que l'on faisait souvent lorsqu'un Héraut était blessé. Savil l'avait fait, dans l'histoire du légendaire Vanyel, lorsque ce dernier avait subi le contrecoup des expériences magiques de son amant Tylendel. La présence d'Yfandes avait été salutaire. Il fallait espérer qu'il en serait de même pour Arthon malgré la faiblesse de Ryis.
Lorsqu'Aranel croisa le regard azur de ce dernier, elle ne put s'empêcher de sourire, car il approuvait certainement cette décision.
[Saskia, Gaetan t'attend non loin de l'écurie. Si tu t'approches de lui, il t'invitera à monter sur son dos. C'est un vieil ami maintenant et il saura te mener à bon port.
Arthon, tu sens que la proximité de Ryis t'apaise mais si tu tentes de le contacter mentalement, tu te déclenches des maux de tête horribles]
-
Saskia avait beaucoup de mal à avoir deux pensées cohérentes qui allaient ensemble. Elle avait du mal à croire à tout ce qui venait de se passer ce soir ; la jeune fille avait seulement voulu tenter d'amener Arthon au Bal, et réussi à le convaincre d'aller se laver au moins... Elle se sentait réellement coupable de tout ce qui s'était produit ; d'abord ces stupides Bleus qu'elle avait formés, puis son incapacité à prendre soin de Ryis et Arthon - ça aussi, elle l'avait pris pour elle...
Alors elle fit la seule chose possible : elle se noya dans les yeux d'Aranel, pour s'imprégner de toute cette confiance, ce calme et surtout, de l'espoir qu'elle y voyait. Et si la noble demoiselle faisait des efforts chaque jour, en mettant en application ce qu'elle apprenait à l'orphelinat - il y a deux mois encore, elle ignorait totalement comment se coiffer correctement ! - elle n'en était pas moins une jeune Baronne élevée dans un cocon et encore incapable de faire beaucoup de choses par elle-même. Comme, en cet instant, prendre une décision cohérente.
En fait, tous les événements de la soirée avaient eu la fâcheuse tendance à lui rappeler ce terrible soir, où elle avait été confrontée pour la première fois à la grande faucheuse... Et le Héraut du Roi avait du s'en douter, car elle s'empressa de lui donner des ordres, histoire de se bouger, de ne pas se morfondre, et éventuellement, piquer une crise d'hystérie aiguë. Saskia regarda Arthon, si mal en point. Elle laissa, impuissante, Aranel l'arracher de ses bras. Avant de partir, elle serra brièvement la main du Prince, et se leva. Ses jambes tremblaient, elle avait des fourmis dans les mollets, et sans doute un début de crampe dans la cuisse droite.
Et Saskia fit quelque chose qu'elle n'avait encore jamais fait dans ces cas là : elle serra les dents et partit en courant, pour empêcher la douleur de prendre le dessus. Elle laissa ses chaussures à talons dans le pavillon ; ses bas avaient déjà été déchirés dans sa précédente course, ils ne risquaient plus grand chose, et au moins, elle risquerait moins de se briser à nouveau la cheville... Elle rattrapa Gaétan et ne freina même pas pour sauter sur son dos. Il savait où il devait aller, et Saskia ne dit rien, le laissant partir au galop jusqu'à la Maison des Guérisseurs de garde ce soir-là. Et une fois arrivés, elle descendit tout aussi rapidement ; elle prit pourtant la peine de déposer un rapide baiser entre les naseaux du Compagnon et se rua sur la porte, qu'elle ouvrit à la volée pour la refermer aussitôt. Il faisait un froid de chien dehors, et il n'était pas question que les Guérisseurs perdent leur temps à la sermonner sur les conséquences désastreuses d'un coup de vent sur leurs patients. Elle avança, regarda autour d'elle et appela :
- Eilane ? On m'a demandé de venir chercher Eilane, c'est pour une urgence...
Saskia vit alors Mark qui se faisait soigner, avec toujours cette jeune fille à ses côtés. Ah ! Ce que la Grande Peste, en cet instant, voulait secouer ce lit en criant : "Bah alors, mon vieux, qu'est-ce qui t'arrive, t'a encore trop bu ?" et lui mettre une grande tape dans le dos.
Ah oui, tiens. Saskia sursauta. C'est vrai, ça. En cet instant, elle était Saskia DeFeriel, la Peste de Haven, qui avait été sur le point d'incendier des gardes pour que les Guérisseurs viennent chercher ça ; elle eut une légère moue de dégoût vers le nobliau, parce que ce n'était pas du tout à cause de lui qu'elle avait été dans cet état... Alors elle se racla la gorge et ajouta :
- ... une véritable urgence vraiment urgente...
-
Passant des bras de Saskia à l'appui réconfortant de Ryis, Arthon se calma, comme son Compagnon.
L'autorité d'Aranel qui le prenait en charge n'y était pas pour rien non plus. Il suivit du regard Saskia qui s'éloignait et murmura:
"J'ai eu peur... pour elle aussi. Elle a eu peur... pour moi. Ce n'est plus... la Noble Peste."
Il frotta son visage contre le blanc de Ryis, envoyant tout son amour et son soulagement au malade. Mais le lien télépathique lui fit très mal à la tête. Ils rompirent le contact, et Ryis vint juste passer la soie de ses naseaux sur le corps de son Héraut qui se collait à lui.
Puis le Compagnon rendit son regard à Aranel:
Il a blessé quelqu'un? Que va-t-il lui arriver?
L'épuisement et le lien distendu s'entendait dans la voix mentale malgré l'effort de Ryis pour discuter. Il ne tiendrait pas à parler avec quelqu'un d'autre que Arthon. Il demanda pourtant:
Pourquoi il ne m'entend plus?
C'était sûrement la première fois qu'un Héraut entendait autant de douleur et d'angoisse dans la voix d'un Compagnon.
-
Eilane était penchée au dessus du jeune homme apportée un peu plus tôt dans la soirée. Elle donnait à un de ses apprentis une décoction à lui faire boire et se releva étonnée lorsqu'une jeune fille déboula l'air affolé. Elle portait sa robe verte de guérisseuse et un tablier ivoire taché à divers endroits. Elle s'essuya les mains dedans et s'approcha rapidement de Saskia, les sourcils froncés.
"C'est moi. Qu'est ce qui se passe ?"
Elle allait déjà prendre sa trousse et divers bourses d'herbes médicinales, s'activant méthodiquement. Un jeune garçon d'une quinzaine d'années la suivait à la trace.
"Harry, tu vas veiller à ce qu'il prenne 3 gorgées toutes les 15 minutes pendant 3h. Si je ne suis pas revenue au bout de ce délai, baigne-le et refait le pansement."
Elle sembla compter intérieurement.
"Mais je devrais être de retour."
L'affirmation n'en était pas vraiment une. Elle attendait que la jeune fille lui fasse le récit des événements.
-
Aranel laissa sa main courir à quelques millimètres du corps de son ami de toujours avant de soupirer et de secouer la tête.
"Chhhht... Arthon, espèce de bourrique. Tu vas te reposer un peu, je ne veux plus t'entendre. Sinon je t'assomme."
Elle murmurait à peine pour se faire entendre du jeune homme. Sa voix était douce et un peu taquine, comme s'il était redevenu un élève-héraut et qu'il avait attrapé les fièvres. Elle voulait le faire sourire et détendre l'atmosphère mais elle ne pouvait cacher son inquiétude au Compagnon.
Ryis, je ne veux pas te mentir. Je n'en sais rien, fichtrement rien. ça peut être un effet secondaire de la rupture temporaire du lien entre vous, ça peut être la maladie qui l'a touché à travers toi ou... la fatigue? la culpabilité?
Le Héraut du roi se leva pour aller chercher de quoi faire boire le Compagnon et l'humain et en profita pour se rincer les mains et le visage. Dehors le froid était mordant mais le stress lui donnait chaud.
Eilane et les autres guérisseurs le découvriront et le soigneront. Je promets de venir te tenir au courant dès qu'ils l'auront examiné. Mais en attendant je veux que tu te reposes toi aussi vieux canasson.
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A peine Eilane s'était approchée que Saskia la saisit par le bras pour l'entraîner à l'écart, et elle murmura pour ne se faire entendre que de la guérisseuse :
- C'est Aranel qui m'envoie. Il y a un problème avec Ar... L'Héritier et son Compagnon. Dans le pavillon.
Sa voix se remit à trembler en même temps que sa main. Elle ouvrit et ferma la bouche plusieurs fois avant de réussir à parler à nouveau. Ses yeux allaient de la Guérisseuse au sol, parfois suppliants, parfois en colère, d'autres fois désespérés, et alors se reflétait son impuissance face à cette situation. On était loin de la Grande Peste froide. Mais Eilane devait savoir que de toute façon, pour que la Noble demoiselle soit ici, et requiert son aide, c'est qu'elle n'était pas tout à fait elle-même.
- Aucun des deux ne va bien ! Je crois que Ryis a failli mourir, et le Prince va de moins en moins bien. Il dit qu'il n'entend plus Ryis, et qu'il a mal dès qu'ils essayent d'entrer en contact. Aranel est avec eux pour l'instant, mais vous devez venir le plus vite possible. Avec des porteurs, qu'elle a dit.
La jeune fille regarda d'un œil où brillait une certaine haine le nobliau et ajouta :
- Laissez-le crever, ce petit bâtard ! Il y a vraiment bien plus urgent !!
(Pardoonnnn, c'est court T_T)
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Aranel tenta encore de calmer Arthon. Mais c'était dur pour lui de ne pas se sentir assez fort, de ne pas savoir ce qu'il avait réellement fait, et de ne pouvoir contacter Ryis pour savoir. Le ton de son amie, plus que la menace, faisait pourtant effet et il arrêta de s'agiter .
De son côté, Ryis restait calme pour ne pas affoler encore plus son Lié, et pourtant les réponses d'Aranel ne l'aidaient guère. Tout ce que vivait le couple Ryis-Arthon était si dur à supporter et le fait qu'Aranel ne sache pas ce qui se passait ne rassurait ni l'un ni l'autre.
Le Héraut du Roi alla prendre de l'eau, et l'Héritier comme son Compagnon prirent le liquide avec reconnaissance bien que boire soit fatigant pour l'un comme pour l'autre.
Quand Ryis apprit que Eilane et les autres s'occuperaient d'eux et surtout qu'il serait tenu au courant, il fixa Aranel avec reconnaissance puis laissa retomber doucement sa tête pour la faire reposer contre son Lié. Il ferma les yeux et s'endormit sans oser envoyer encore une onde d'amour à Arthon.
Ce dernier crut qu'il mourrait de nouveau et gémit. Mais le Lien était encore là et il se calma pour demander:
« Où est Saskia? »
Il voulait du calme, mais aussi la présence de la jeune fille que Ryis appréciait tant. Il aurait aussi aimé plus de confort mais surtout ne pas quitter son Compagnon. La vie était cruelle parfois.
Il se doutait, maintenant que malgré la migraine son esprit s'éclaircissait un peu, que la jeune fille était allée chercher les guérisseurs. Il croyait même se rappeler l'avoir entendu dire, mais la douleur l'avait empêché d'en être sûr.
Il fallait qu'il parle de la jeune fille à Aranel, mais ce n'était guère le temps. Il sentait le sommeil qui s'approchait à grand pas pour prendre son dû.
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Eilane posa la main sur le brain de Saskia et lui lança un regard direct et franc.
"Je suis guérisseuse. Laisser creuver les gens c'est pas tout à fait dans mes cordes. S'il a fait quelque chose de mal alors c'est à la justice de le punir et non à moi de ne pas faire mon travail."
Elle était prête, attachant ses cheveux à la hâte pour ne pas être gênée par une mèche rebelle et avait fait signe à deux jeunes guérisseurs costauds de prendre une civiaire et de la suivre. Elle ouvrit la marche malgré elle et ralentit finalement pour laisser Saskia passer devant elle afin de les guider.
"Ne vous en faites pas, ça va aller."
Eilane était compétente et reconnue dans son travail. Elle ajouta sur le ton de la confidence.
"Je m'occupe des Compagnons malades depuis les premiers cas. Ryis est mon patient depuis plusieurs semaines maintenant, il a l'habitude que je le tripote."
Elle lui lança un clin d'oeil avant de reprendre son sérieux et sa concentration.
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Aranel alla chercher de la paille sèche et propre afin de caler le couple dans un cocon de chaleur. L'écurie sentait un mélange âcre de purin et de renfermé malgré les soins apportés quotidiennement aux Compagnons malades. Elle ne voulait pas que cet air vicié ne contamine Arthon. Il était l'héritier d'un royaume, le seul et il n'avait pas lui même eu de descendance. Sa disparition serait une véritable catastrophe politique et le Héraut du Roi ne voulait pas y penser.
Tout en installant le prince le mieux possible pour son repos, elle lui faisait la conversation d'une voix détachée.
"Saskia est partie chercher Eilane qui va m'aider à te mettre au lit pour la semaine. Elle va aussi s'occuper de Ryis et s'il est gentil, je suis sure qu'elle va lui rapporter des carottes."
Elle ne savait pas si Ryis était assez réveillé pour entendre et comprendre la boutade. Elle aimait bien l'embêter en le taquinant sur sa condition d'équidé. Elle faisait pareil avec Gaetan mais ne pouvant rien lui cacher, il n'était jamais duppe. Il faisait semblant de s'offusquer, pour la faire rire un peu. Rire... Ils n'en avaient pas eu beaucoup l'occasion ce soir.
Elle prit place finalement à côté du prince et soupira pour reprendre ses esprit, se frottant les yeux. Ses mains tremblaient et elle ne s'en rendait même plus compte.
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N'empêche que Saskia trouvait que ce petit bâtard de Markeniel méritait de mourir... Il faut dire que le fait qu'il ait failli la violer pesait lourd dans la balance de son jugement. Pourtant, Saskia ne s'attarda pas sur le sujet, et elle ne parvint même pas à sourire aux efforts d'Eilane pour l'aider à se détendre. Son caractère oscille entre la colère contre le nobliau, et l'inquiétude la plus pure pour l'Héritier et son Compagnon. Saskia reprit la tête de marche en sortant, et la silhouette de Gaetan se découpait dans la noirceur de la nuit. Elle se dirigea vers lui, flatta son encolure et murmura à son oreille :
- Mon ami, accepterais-tu d'amener la Guérisseuse jusque là-bas ? J'irai à pieds.
Ses pieds nus et gelés, sans doute écorchés, n'étaient plus vraiment à une course à travers champs près. Elle frotta ses mains sur ses bras nus pour tenter de se réchauffer, et elle invita les deux autres guérisseurs à la suivre d'un geste, et prit un rythme rapide pour regagner le plus rapidement possible le pavillon. Elle devait lutter pour ne pas se remettre à courir ; trop d'empressement de la part de la Peste pourrait paraître suspect - et Arthon n'avait vraiment pas besoin que la diligence de la jeune fille confirme le délire de l'autre crétin. Il faudrait qu'elle discute avec Aranel de ce qu'il faudrait faire pour démentir totalement la présence même de l'Héritier dans le coin, à ce moment là. Elle réfléchit, au moins pour se changer les idées, au mensonge qui pourrait justifier sa présence à elle au pavillon, dans le Champ des Compagnons. Au moins, pendant ce temps, les tremblements de ses mains n'étaient plus dus qu'au froid.
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Arthon saisit la plus grande partie des mots d'Aranel avant de soupirer... et se rendormir. Ce sommeil n'était pas très normal, ressemblant plus à un évanouissement.
Ryis sentit cependant qu'il n'était pas plus en danger que deux minutes auparavant et ne bougea que légèrement pour assurer une meilleure position à son Lié. Il eut un renâclement presque amusé à l'idée des carottes, puis ferma à son tour les yeux. Il restait cependant conscient de ce qui se passait autour de lui et se demandait quand arriverait les secours, et Saskia.
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Eilane grimaça et secoua légèrement la tête. Elle s'inclina poliment devant le Compagnon mais s'adressa à Saskia d'une voix beaucoup moins alerte.
"Je n'y tiens pas. Les chevaux ça n'a jamais été trop mon truc. Même si je sais qu'un Compagnon n'est pas une simple monture, je préfère rester sur mes deux jambes."
Il semblait évident qu'elle avait peur de monter Gaetan et se hâtait déjà à pieds pour ne pas avoir à donner plus de détails. Elle accepterait peut-être de monter en croupe si Saskia guidait le Compagnon mais elle ne monterait certainement pas seule. Etant petite, elle avait fait une mauvaise chute et en avait gardé un souvenir presque traumatisant.
Il n'y avait pas de temps à perdre. Eilane se mit à courir et les porteurs avec elle vers l'écurie qui n'était pas si éloignée de la Maison de la Guérison.
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Voyant qu'Arthon et Ryis semblaient tous deux des plus calmes, Aranel se leva et se dirigea vers la porte de l'écurie pour guetter la venue des secours. Elle espérait si fort que Saskia ne rencontre aucun problème qu'elle sursauta lorsque Gaetan la rassura par l'esprit de leur arrivée très prochaine.
Aussitôt, Aranel laissa la porte entrouverte et retourna dans la stalle pour dégager le passage aux guérisseurs afin que leur intervention soit des plus aisées.
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La Grande Peste se retint de lancer un regard outré à la Guérisseuse et de lui servir un "Vous vous hâtez de sauver un sale petit bâtard, mais pour l'Héritier, vous refusez de chevaucher un Compagnon pour être à son chevet au plus vite ?!". Parce que Saskia savait, étrangement, que cette réaction était ridicule dans ces circonstances, et totalement dictée par ses nerfs à fleur de peau. Et puis, Eilane avait le droit de ne pas aimer les chevaux - la noble demoiselle s'offusqua à cette pensée : Gaetan, un cheval ! Et puis quoi encore ! - même si elle ne pouvait pas en comprendre les raisons...
Mais pour l'instant, tout ce qui comptait, c'est que le petit groupe avançait rapidement. Eilane et ses guérisseurs doublèrent Saskia quand ils se mirent à courir, et la jeune fille du faire de même pour rester à leur hauteur. Par tous les Dieux ! Elle venait de faire en une soirée tout son sport de la semaine, voir même de la prochaine décade ! Et elle qui déteste ça, autant que pratiquement toutes les autres matières qu'on lui faisait étudier, elle aurait volontiers accepté de faire le tour du Champ à cloche pied si ça permettait à Ryis et Arthon d'aller mieux.
Un instant, sur cette dernière pensée, Saskia ralentit, soucieuse. Essoufflée, tremblant de froid, la Noble Peste se demandait si elle n'exagérait pas avec cette histoire de promesse. Si elle ne s'attachait pas autant à Ryis et surtout à Arthon parce qu'il était l'Héritier... Au final, aimait-elle réellement être en sa présence uniquement pour avoir une chance d'être vue avec un personnage royal ? Lorsqu'elle prit conscience des coups d'œil furtifs qu'elle jetait alentours, Saskia eut sa réponse ; certes, il était Arthon, l'Héritier de Valdemar... Mais la jeune fille éprouvait pour lui la même amitié qu'elle avait pour les orphelins, peut-être davantage... Elle rattrapa les guérisseurs et se faufila par l'entrebâillement après eux, et resta collée à la porte, les yeux rivés sur les malades. Là, elle avait fait ce qu'elle pouvait. Il ne lui restait plus qu'à partir, mais pourtant, la jeune fille ne sortit pas, comme si elle voulait être sure que les Guérisseurs allaient faire correctement leur travail. Dieux et Dame ! Qu'elle était inquiète ! Saskia adressa une prière silencieuse à ces divinités auxquelles elle ne croyait pas plus que ça, leur demanda de prendre soin des deux hommes allongés là-bas. La noble demoiselle observait de son coin chaque mouvement, attentive à tout, prête à agir à la moindre directive d'Aranel.
Moment de calme, la pression retombe, et Saskia se rend compte à quel point elle est physiquement et mentalement épuisée. La nuit est bien entamée, et elle rêve d'une douche rapide et brulante, d'une chemise de nuit propre et de son lit douillet. Pourtant, elle refuse de se laisser aller, tant qu'elle n'est pas sûre et certaine de savoir Arthon et Ryis à l'aise et en sécurité pour la nuit... Quitte à ce qu'elle doive veiller l'un ou l'autre jusqu'au lendemain. A nouveau, un murmure se fait entendre, elle sursaute ; pourtant, elle devrait être habituée, depuis ces quelques semaines... Saskia baisse les yeux, repense à cette nuit tragique, ou pour la première fois, elle a été confrontée à la Grande Faucheuse, qui en plus a emporté un Compagnon, la créature la plus parfaite aux yeux de la jeune noble... La demoiselle ferme les yeux et les poings très fort : non, ça ne doit pas se reproduire. Plus jamais. Surtout pas avec des gens qui se sont ligués pour faire disparaître le masque de la Noble Peste de Haven. Elle veut sortir, rejoindre Gaetan, l'entourer de ses bras, et lui faire jurer de ne pas tomber malade à son tour - comme si cela pouvait dépendre de la volonté du Compagnon... Saskia adresse une nouvelle prière aux Divinités, et cette fois, elle leur demande non pas de limiter leur auguste bénédiction à Arthon et à Ryis, mais à tout le cercle héraldique...
Si seulement j'avais le pouvoir de vous aider... Que ne donnerai-je pour un tel pouvoir ! pense-t-elle au moment où elle relève la tête pour observer le Héraut et son Compagnon allongés.
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Arthon étant endormi, et Ryis n'ayant encore rien à faire puisque Eilane n'est pas encore là, sautez son tour :)
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Eilane se dirigea à la hâte vers Arthon, effleurant simplement le poignet d'Aranel pour la rassurer. Vérifiant ses centres vitaux, elle soupira presque de soulagement et sourit au Héraut ainsi qu'à la jeune fille qui l'avait prévenue.
"Il est à un stade d'épuisement avancé mais sa vie n'est pas en danger. C'est le seul diagnostic que je peux établir à la lumière d'une bougie dans une stalle de Compagnon."
Elle fit signe de la main aux deux porteurs de s'approcher et de charger le prince sur le brancard afin de le faire acheminer le plus vite possible vers la Maison de la Guérison puis s'adressa à Saskia.
"Pouvez vous suivre ces messieurs et vous assurer qu'on installe convenablement l'Héritier en attendant mon retour ? Je vais ausculter Ryis avant de vous rejoindre et j'ai besoin de certains éléments que le Héraut Aranel va pouvoir collecter pour moi via son Compagnon."
Saskia n'était pas d'une réelle utilité dans la tâche que lui avait confié la guérisseuse. En réalité, tous savaient l'identité d'Arthon et il était dans la nature même d'un guérisseur de prendre soin des patients qu'ils soient Hérauts ou paysans. Mais elle ne voulait pas évincer Saskia. Elle avait couru pour la rejoindre et son visage était si expressif qu'elle ne doutait pas du souci réel que lui procurait la situation. Se rendre utile était toujours une excellente chose.
Elle se tourna ensuite vers Aranel et échangea quelques mots à voix basse avant que les deux femmes se penchent sur le Compagnon, le visage fermé de concentration.
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[Je considère qu'Eilane et Aranel restent dans l'écurie. Saskia et Arthon, rendez vous dans la maison de la guérison]