Voir les contributions

Cette section vous permet de consulter les contributions (messages, sujets et fichiers joints) d'un utilisateur. Vous ne pourrez voir que les contributions des zones auxquelles vous avez accès.


Messages - Tallulah

Pages: [1] 2 3
1
- Non.

L'éclat de rire laissa l'adolescente perplexe et elle dévisagea son interlocutrice, attendant une suite qu'elle espérait voir lever ses inquiétudes.

- Désolée, je ne me moque pas de toi mais comment t’expliquer... Nous ne sommes jamais prêtes. C’est d’ailleurs ça qui fait de nous de bons bardes. Une personne avec des dons qui dit être « prêt », tout avoir sous contrôle, commet forcément une erreur.

La brune hocha la tête. Le concept lui semblait encore un peu obscur, mais elle en comprenait l'idée générale : tout ne pouvait pas se prévoir, et on ne pouvait jamais être parfaitement prêt à tout. Cependant, ça ne la rassurait pas vraiment : comment allait-elle pouvoir se faire confiance dans ces conditions ?

- C’est le doute qui fera de toi une bonne barde, une barde consciente de tes pouvoirs, de ce qu’ils peuvent provoquer et des risques que cela peut engendrer.

Alors en ce cas, elle était parée à tout : la jeune fille doutait tout le temps ! Elle caressa doucement la fourrure du furet contre ses genoux, comme pour chercher un semblant de réconfort. Maigre consolation.

- Mais que cela ne t’empêche pas de profiter ! Tu es magnifique quand tu danses, que tu t’exprimes, il y a quelque chose en toi qui résonne. C’est beau. Et même si tu dois être consciente de tes dons, consciente de tes capacités, tu ne dois en aucun cas perdre tout ça.

Elle sourit et hocha la tête. Elle n'en avait pas la moindre envie elle non plus.

- Je ne le souhaite pas, si ça peut vous rassurer. Je crois que je finirai pas m'éteindre, si je ne pouvais plus danser...

Elle ne pensait pas surévaluer ce qu'il adviendrait d'elle, si elle perdait son Don ou ne pouvait plus s'exprimer comme elle venait de le faire.

2
L'adolescente craignait qu'on la rejette, et qu'elle doive délaisser les habits d'apprentis qu'elle affectionnait tant. Elle pouvait encaisser des remontrances - ses maladresses lui en valaient déjà parfois certaines - mais elle n'aurait pas aimé devoir partir, et perdre ce Don qui lui avait octroyé une place dans une nouvelle famille. Alors elle avait posé la question à son aînée, inquiète.

- Tu aurais eu droit à un cours magistrale sur comment se retenir et se contrôler. Peut être une remontrance ou deux. Mais rien de définitif.

Un soupir de soulagement lui échappa. Au moins ne devrait-elle pas s'en aller, et ça la rassurait grandement. La suite du discours de Molly, un peu moins.

- Tu sais. Tu apprendras très vite que ce n’est pas le collégium des bardes, ni les professeur ton problème. C’est plutôt comment les autres te voient. Tu dois surtout faire attention avec les gens qui n’ont pas de don. Ce sont eux les plus à même de te faire du mal, car on craint forcément ce qu’on ne possède pas.

La brune hocha la tête. Elle se souvenait parfaitement des regards lourds des gens de son peuple, quand bien même ne comprenait-elle pas alors tout ce que ça pouvait impliquer. Sans doute sans trop le comprendre savaient-ils déjà qu'elle était différente, non seulement par ses rêveries, mais aussi par ces Dons qu'elle possédait et dont elle ignorait encore tout à l'époque. Sans doute la redoutaient-ils eux aussi, autant qu'ils ne la comprenaient pas. Sans doute, alors, ses parents avaient-ils fait le bon choix en la menant jusqu'ici, et en l'y laissant au soin de ceux qui sauraient gérer le Don des Bardes et le Talent qu'elle possédait. Elle n'imaginait pas encore les implications plus physiques du discours de son aînée, peu versée sur les choses charnelles bien que les hormones eussent dû jouer leur rôle. Elle était bien trop rêveuse encore pour ces choses-là, malgré son âge.

- Quand tu seras une barde accomplie, tu auras l'occasion de naviguer dans énormément de milieux différents. Ce sera grisant, mais c'est aussi là que tu affronteras les plus grands de tes défis, et que tu courras le plus de risque.

La frayeur s'immisça dans le coeur de l'adolescente. Elle ne savait pas bien ce à quoi elle devait s'attendre, mais craignait le regard des autres et les écueils. Elle craignait, aussi, de ne pas être à la hauteur et d'échouer, de ne pas parvenir à se sortir de situations délicates et d'entraîner d'autres dans sa chute.

- Mais comment savoir si je serai prête à les affronter, ces défis et ces risques ? Je suis parfois tellement... gauche...

Elle avait muri, certes, mais il lui arrivait encore de perdre sa concentration et de se mêler les pieds dans un tapis. C'était fatiguant, de faire toujours attention à tout, et elle ne savait pas si elle serait capable de le faire éternellement. Alors elle avait peur, oui, d'échouer et de commettre de graves impairs qui lui coûteraient son Don, tout autant qu'elle craignait ces risques dont la rousse parlait.

3
- Tu auras parfois cette désagréable sensation oui, mais crois-moi, le jeu en vaut la chandelle.

La brunette laissa échapper un soupir. Oui, c'est bien ce que le Collegium lui apprenait, qu'il fallait garder le contrôle, en tout temps. C'était bien ce qui la terrorisait. De perdre le contrôle et d'être privée de son Don, autant que de devoir passer sa vie prisonnière. Alors que la femme rousse lui parle avec un naturel aussi déconcertant sans lui asséner les mêmes leçons que ses professeurs et leur éternelle rengaine, ça lui faisait du bien. Aussi s'inquiéta-t-elle de pouvoir la revoir encore, à l'avenir. Et peut-être trouver une oreille plus compréhensive que les autres.

– Rester ? Je n’ai pas prévu de partir. Et puis après avoir trouvé un talent comme le tien bien entendu que je compte rester. Il faut bien quelqu’un pour surveiller ton énergie débordante !

Un sourire sincère étira les lèvres de l'apprentie à cette confirmation. Pour un peu, elle lui aurait sauté dans les bras, mais elle se retenait par souci de convenances... et parce qu'elles ne se connaissaient que depuis quelques minutes et elle ignorait donc comment ce geste peut-être trop affectueux aurait pu être pris. Quelques années auparavant, elle ne se serait peut-être pas refrénée, cela dit, et parfois, elle regrettait son insouciance de l'époque.

- Tu sais quand je suis parti la première fois c’est parce que j’étais comme toi, et que cela m’a joué des tours. Pas tant que j’ai désobéi, même s’il m’est arrivé de le faire, mais plutôt parce que j’ai été frappé par la dureté que les autres peuvent avoir avec nous. Et je détesterai qu’il t’arrive quoique ce soit.

Les mots de son aînée la terrifiaient, se rapprochant de ce qu'on leur inculquait ici. Et si sa danse de tout à l'heure lui attirait des ennuis ? Et si on lui interdisait à l'avenir ce genre de petite entorse au règlement sur le contrôle de son Don ?

- C’est décidé, à partir de maintenant, quoique il arrive, quoique il T’ARRIVE, tu pourras toujours venir m’en parler. De tout. Aucune limite, aucune question, aucun jugement.
- Et bien...

L'adolescente fronça les sourcils.

- Vous avez dit tout à l'heure que mon Don se faisait sentir jusque dans les couloirs...

Elle cherchait visiblement comment tourner ses phrases, et la pointe d'angoisse qui étreignait son coeur gelait quelque peu sa maîtrise du valdemaran. Son accent ressortait davantage encore, s'il eût pu être plus prononcé, et elle semblait chercher ses mots.

- Est-ce que ça peut poser problème ? Si un des professeurs était passé à votre place... Est-ce qu'ils peuvent me réprimander pour ça ?

Elle avait peur autant des remontrances que de ne plus pouvoir se laisser aller par moment à ce genre de "soupape de sécurité".

4
Tallulah baissa la tête. Elle n'avait pas envie de repenser au passé, préférait se concentrer sur le moment présent qui la remplissait de joie. Pourtant, elle écoutait attentivement son aînée, et les conseils apportés, les exemples qu'elle lui montrait.

-Tu n’as pas envie pour l’instant. C’est normal. Mais ne les oublie pas pour autant. Ces sentiments apporteront de la nuance à tes compositions.

Peut-être. Peut-être que ce pourrait être bénéfique à terme. Mais pour l'heure elle n'y voyait que les souvenirs douloureux qu'elle gardait plus volontiers enfouis dans un petit coin de sa mémoire. Elle ne les oubliait pas pour autant, elle en aurait été bien incapable, mais elle refusait de se laisser son esprit vagabonder vers eux.

– Tu as encore tellement à apprendre… Je ne vais pas te mentir. Oui. Oui tu te sentiras parfois comme un oiseau en cage, privée de ce que tu es vraiment capable de faire, bridée dans ton talent, oui on te demandera de te contrôler, de toujours faire attention, baisser la voix, contrôler tes émotions, chaque émotion, mais…

La brune ne put s'empêcher d'échapper un soupir découragé. Ca n'avait rien de particulièrement attrayant que de savoir que ce contrôle qu'elle s'efforçait de maintenir et qui lui donnait cette impression d'emprisonnement devrait faire partie de son quotidien. Mais la rousse se leva, et elle la suivit du regard, tendant machinalement la main vers le museau de la bestiole à côté d'elle comme pour la laisser la renifler. Molly se mit à fredonner, un chant joyeux qui emplit son coeur d'allégresse. Instinctivement, l'adolescente se mit à battre du pied, accompagnant le rythme imposé par la Barde, tout en l'observant évoluer dans la pièce. Le sourire qui s'était quelque peu affadi sur les lèvres de l'apprentie reparut, radieux. Et quand la musique cessa, laissant à nouveau place au silence, les yeux de la jeune fille brillaient d'admiration.

… Tu ne dois jamais oublier ce qui te fait vibrer. Tant que c’est toi qui choisis ta cage, c’est toi qui en as la clef. Tu peux donc l’ouvrir à ta guise. Tu dois toujours avoir un endroit, un lieu, un ancrage qui te permette de t’exprimer.  Sans ça nous dépérissons, nous disparaissons. Nous avons des règles au Collegium, tu les connais. Tu entendras sûrement que je les ai déjà enfreints, ça c'est pour la version courte, et que j'ai été bannie. Je suis revenue, et j’ai appris à suivre les règles, mais n’oublie jamais ce que tu es au risque de perdre cette petite étincelle qui te rend spéciale. Ne deviens pas banale. Rien n’est pire qu’une barde « banale », sans saveur, sans émotions.

Une fois de plus, elle buvait les paroles de son aînée, et savoir qu'elle avait été bannie l'inquiéta quelque peu. Non pas qu'elle eût peur d'elle, simplement qu'elle se demandait si elle allait pouvoir rester, encore, ou si elle devrait partir à nouveau. Elle appréciait la conversation qu'elle avait avec elle, et ce côté sauvage, indomptable, qu'elle venait de lui présenter. Elle aimait l'entendre dire qu'elle devait garder ces moments de liberté, sous peine de s'éteindre, elle se sentait comprise. Alors elle n'avait aucune envie de voir la rousse disparaître dans la nature.

Le furet s'approcha et revint la renifler avant de se blottir sur ses genoux, ce qui la fit sourire.

- J’ai l’impression que la bestiole t’aime bien.
- Je l'aime bien aussi.

Doucement, délicatement, elle caressa la fourrure de l'animal tandis que son aînée revenait s'asseoir.

- Ca peut être déroutant à ton âge toutes ces émotions. Je peux répondre à toutes les questions que tu te poses. Sans aucun filtre, ni mensonge. Absolument toutes.
- Je ne sais pas si j'ai vraiment d'autre question... J'ai juste cette impression que tout ce que je garde enfermé risque d'exploser si je ne laisse pas un filtrer par moments... Pour le reste... Je suis juste heureuse d'être ici. Est-ce que vous allez rester ?

C'était la question qui la taraudait le plus, comme elle se rendait bien compte qu'elle appréciait le contact de la femme en rouge à ses côtés et n'avait guère envie de la voir disparaître de son entourage : est-ce qu'elle n'allait pas disparaître de sa vie, elle aussi ? Sa peur de l'abandon refaisait surface, et elle hésitait à se laisser aller à la sympathie qu'elle commençait à ressentir, de peur de voir Molly disparaître elle aussi. Après tout, ses propres parents l'avaient abandonnée, et même si c'était pour son bien, la blessure restait là...

5
Tallulah se sentait épiée, et elle ne savait pas trop sur quel pied danser. Epiée, et un peu soumise à un drôle d'interrogatoire auquel elle ne s'était pas attendue. Elle ne pensait pas avoir commis d'erreur si lourde qu'on la châtie de la sorte, aussi prenait-elle cette conversation pour ce qu'elle était, une conversation fortuite, mais la teneur des propos de la Barde confirmée l'angoissait quelque peu.

– Danse et chant. Je ne suis pas étonnée. L’instrument ça viendra, comme le reste, prends ton temps. Tu en trouveras un qui te conviendra. Pour certains bardes il faut parfois du temps pour pouvoir trouver l’instrument qui s’accorde avec leurs dons. Ton don à toi est… Virevoltant, frais, il est logique que tu n’aies pas encore trouvé l’instrument qui te conviennent parfaitement. Prends le temps, ne te presse pas.

La brunette hocha la tête. Elle ne cherchait pas à se presser, mais savait qu'on attendait d'elle qu'elle finisse par choisir un instrument, pourtant à ses yeux, sa voix était déjà le parfait réceptacle de ses émotions. Et elle avait du mal à s'approprier ceux qu'elle avait eu l'occasion de tester au cours de ces quatre années, qui lui semblaient être des artefacts greffés de façon un peu trop artificielle à ses mains malhabiles. Sans doute l'habitude, la rousse avait certainement raison. Elle était plus expérimentée, et la jeune fille ne mettait pas en doute ses conseils. Elle se demandait simplement quel instrument pourrait correspondre à la description qu'elle venait de faire de son Don. La voix de son aînée la tira de ces pensées, et la ramena un peu trop durement à la réalité. Son Don n'était pas qu'une bénédiction qui lui avait ouvert les portes du Collegium, mais aussi une lourde responsabilité que ses frêles épaules n'étaient pas sûres d'être capables de porter.

- Ton don est exceptionnel car il est pur. Instinctif. Bien sûr tu dois apprendre à le contrôler à faire attention, mais ton don est puissant, garde ça en tête.

Une fois encore, elle hocha la tête.

- Et oui, nous sommes utilisés à des fins politiques, parfois, souvent, même si notre éthique nous interdit de nous servir trop de notre don, il a une puissance que beaucoup convoitent, et craignent. Nous pouvons faire tourner cours une négociation, ou au contraire permettre à une négociation mal partie de se concrétiser. Tiens prends l’exemple de deux paysans. Ceux-ci n’arrivent pas à s’entendre sur à qui appartient le champ dans lequel l’âne broute. De toute façon aucun des deux ne sait à qui appartient l’âne. Les deux paysans en arrivent bientôt aux mains, et cela risque fort de finir par un meurtre. Maintenant, imagine un barde itinérant, qui était dans le coin. Que se passe-t-il ? Notre don nous permet de calmer la situation, pour qu’ils puissent y réfléchir à têtes reposées, ou tout simplement d’augmenter la tension pour provoquer l’irréparable.

L'apprentie buvait les paroles de son interlocutrice, hochant parfois la tête. L'image était très parlante, elle se formait sans peine dans sa tête, et elle en imaginait les deux issues avec facilité. De quoi terroriser la fillette qu'elle avait été. Elle restait consciente du point que soulevait la Barde, cependant, bien qu'elle eût fermé les yeux sur l'irréparable dont elle pourrait un jour peut-être être responsable. Et ça, ça l'inquiétait un peu. Si elle ne parvenait pas à se canaliser suffisamment, et engendrait de tel drame ? Elle ne saurait se le pardonner.

- Instinctivement, tu projettes tes émotions. Ton chant et ta danse toute à l’heure, ont empli l’air d’une joie de vivre, et d’exister qui se ressentait jusque dans les couloirs du Collegium. Vu comme cela, c’est positif nous sommes d’accord. Mais demain ? Tu deviens une femme, petit à petit, et un jour tes émotions ne seront plus « que » joie, ou bonheur, tu connaitras des peines. Je ne te le souhaite pas ! Loin de moi cette idée. Mais il faudra alors que tu apprennes à te contrôler.

Une nouvelle fois, elle hocha la tête, mais fronça les sourcils, perplexe, quand elle vit la femme déposer son furet entre elles deux et lui présenter des excuses.

-Désolée mon ami... Regarde bien le furet.

L'animal semblait à moitié endormi, et Tal ne le quittait pas des yeux. Tout comme elle écoutait attentivement la mélodie qui emplissait la pièce. L'instant d'après, ce fut le grondement de l'orage qui résonna dans la voix de la rousse, et le furet s'éveilla parfaitement, pris de panique, cherchant sans doute un terrier pour se cacher. Et puis les sentiments dégagés par la mélodie changèrent encore, et la brune reprit son souffle, qu'elle n'avait pas remarqué avoir coupé, soulagée. Le furet s'étira de tout son long et bailla avant de se tourner complètement vers sa maîtresse. La démonstration était stupéfiante, et particulièrement parlante. Et l'adolescente, peinée pour le pauvre animal.

- Ne t’inquiète pas pour Kis’trach, il a accepté depuis longtemps d’être en partie un déversoir de mes émotions, c’est même de son fait à lui. Lorsqu’il me sent énervée, il vient me voir pour que je puisse me recentrer et régler le problème sans être submergée par mes propres émotions. Et il me le fera payer cette nuit en me mordillant les doigts de pied pendant que je dors.

Elle esquissa un léger sourire, guère rassurée en réalité concernant l'animal, quand bien même l'imaginer mordiller les orteils de cette femme à l'allure aussi fière avait de quoi la faire rire.

- Quant à ton don… Tu dois te servir de tes émotions, de ce que tu connais-toi, tu peux difficilement projeter quelque chose que tu n’as jamais vécu. Pour l’instant tu connais la joie de vivre, tu vis dans l’instant présent, et tu projettes, ce que tu connais, maintenant, ce que tu vis maintenant. Plus tard, tu apprendras à projeter des sentiments que t’apportent des souvenirs, des choses parfois douloureuses, triste, gênante, et j’en passe.
- Je n'ai pas vraiment envie de projeter ces choses-là... souffla-t-elle, le souvenir de l'abandon de ses parents, et de la dureté de son peuple d'origine se rappelant à sa mémoire.

Elle avait l'air pleine de joie de vivre et d'entrain, et oui, elle se concentrait sur le moment présent et sur ce bonheur sur lequel elle se focalisait chaque jour. Mais elle n'oubliait pas pour autant la petite fille incomprise et abandonnée qu'elle avait été.

- Je ne veux pas t’effrayer Tal, je suis désolée si c’est le cas. Tu as un don, un don puissant, et naturel. Comparé à d’autres bardes il te faudra très peu d’effort pour le déployer, tu me l’as montré tout à l’heure, malgré toi, mais tu me l’as montré. Il était de mon rôle d’ainée, de venir m’entretenir avec toi, et je serai prête à répondre à toutes tes questions.

Une fois de plus, elle sembla songeuse quelques secondes, et puis elle osa poser une première question, sans savoir si elle en poserait d'autres par la suite.

- Est-ce normal que j'aie ce sentiment de... me mettre en cage lorsque je suis les directives des professeurs et canalise mon Don ? Ce que vous avez vu tout à l'heure, c'est plus qu'une envie de danser, c'est un réel besoin. Je... ne me sens pas bien si je ne lâche pas la bride au moins un peu de temps en temps. Est-ce qu'on doit vivre tout le temps comme ça ?...

Ca lui semblait un prix bien lourd à payer, même si elle ne rejetterait ni son Don si son appartenance au Collegium pour ça. Elle n'était, surtout, pas certaine d'être capable de ne pas se laisser aller par moments sans exploser comme elle l'avait souligné juste avant, et craignait des conséquences plus lourdes encore si c'était le cas.

6
- Et c’est ça qui est merveilleux, ne pas se poser de question c’est un peu le début de la liberté.

La liberté. Oui, c'était tout à fait ça. Quand elle se laissait aller comme ça, elle était libre, et ça lui procurait un immense sentiment de bonheur. Elle n'aurait laissé sa place ici pour rien au monde.

Quand Molly, donc, s'éloigna pour s'asseoir sur un des bancs, Tallulah suivit le mouvement, docile, et s'installa comme une enfant sage, les genoux côte à côte et les doigts croisés sur ses jambes fines. Elle observait son interlocutrice, et l'apparente désinvolture de sa posture qui contrastait avec le regard qu'elle posait sur elle.

- Tant mieux si Kis’trach ne te dérange pas, il peut être envahissant, et certains apprentis du Collégium en ont peur. Tu es donc là depuis 4 ans. Tu as dû avoir pas mal de cours alors ? Quel est la matière que tu préfères ? La danse ? Le chant ? Un instrument peut être ?
- La danse, oui. Et le chant ensuite. Je suis moins douée avec les instruments.

Simple constatation, ses efforts restaient moins récompensés quand elle n'utilisait pas les capacités directes de son propre corps, elle en restait consciente. Et ça n'avait rien d'un secret, aussi ne voyait-elle aucune raison de ne pas répondre à la Barde.

- J’ai deux autres questions pour toi... Prends le temps de me répondre avec tes mots, et ton ressenti d’accord ? Premièrement Tal, pour toi, que signifie être Barde, quel est notre rôle dans ce monde ? Et enfin, que t’a-t-on appris sur le don des Bardes ? Cette question n’est pas sans fondement. Tu as un don puissant Tal, je veux savoir ce qu’on t’a dit à ce sujet, ce qu’on t’a appris, ce que tu sais, et surtout si tu en as seulement conscience.

Comme elle le lui avait suggéré, et comme le geste joint à la parole le soulignait, la brunette prit le temps de réfléchir à sa question. Le Don des Bardes, elle en entendait parler en classe, en long, en large et en travers. Et dès son premier pas dans ce monde, on lui en avait donné une définition assez parlante.

- On m'a dit quand je suis arrivée que le don des Bardes permettait de faire vivre les émotions. De jouer avec les émotions. Je crois que c'est assez parlant pour... ce qu'on peut faire. Mais je visualise mal l'usage... disons politique qu'on peut en faire.

Elle avait bien compris qu'il y avait cette partie du Don, mais appréhendait difficilement ce rôle, la politique n'étant pas vraiment un sujet qui l'intéressât plus que ça. Elle imaginait ça comme manigance et mesquineries, et ça ne lui plaisait guère. C'était les cours théoriques sur lesquels elle peinait le plus, parce qu'ils s'éloignaient bien trop de sa nature.

- Je sais que je possède le don à un bon niveau, mais je suis encore loin de le maîtriser parfaitement. C'est... compliqué. C'est comme si je mettais une partie de moi en prison. Alors souvent, je viens comme ça profiter de quelques minutes de liberté. Pour ne pas tout laisser exploser.

Tal était instinctive. Elle sentait bien que tout les cours qui visaient à maîtriser, canaliser son don, pouvaient avoir tendance, comme elle ne les maîtrisait pas parfaitement, à contraindre un peu trop ce pouvoir qu'elle ne soupçonnait même pas en arrivant. Lâcher prise, de temps en temps, lui faisait du bien, et elle avait le sentiment que c'était la chose à faire si elle ne voulait pas tout voir éclater au visage de ceux qui l'entouraient.

7
- Vous n’êtes pas d’ici. Votre accent vous trahit à son tour, tout autant que mes couleurs.

Tal sourit. Elle ne se formalisait pas qu'on repérât ses origines exotiques. Plus, toujours. Au départ, elle craignait que ça ne lui attirât des ennuis, et rechignait à laisser la conversation s'éterniser sur sa provenance. Elle n'aimait toujours pas parler de son passé, mais elle était étrangère à Valdemar de par sa naissance, et elle avait fait la paix avec cet état de fait. Alors la mention de son accent ne fit que cet effet, la faire sourire en retour, là où, plus jeune, elle eût sans doute baissé le nez sur ses chaussures, embarrassée.

Le mouvement de la femme lui tournant autour la mit quelque peu mal à l'aise, néanmoins, et elle suivit du regard et de la tête, son déplacement circulaire, se demandant ce qu'elle pouvait bien chercher à voir. 

- Je suis navrée d’être intervenue, mais je n’ai pas pu m’empêcher de participer. Ce que vous dégagiez tout à l’heure avait quelque chose d’envoûtant. Cela semblait naturel, instinctif, puissant. Je ne suis pas certaine que vous vous rendiez compte à quel point votre don avait envahi cette pièce.
- Mmmh... Je ne sais pas. Je ne me pose pas trop la question dans ces moments-là...

Le petit manège du furet, en revanche, lui tira un nouveau sourire, même si le claquement de langue désapprobateur de sa maîtresse le rappela à l'ordre. Elle trouvait la bestiole mignonne, bien qu'il ne lui eut guère été donné d'occasion d'en voir de telle jusqu'à présent. Et il semblait apprivoisé, aussi ne s'en inquiétait-elle pas.

- Désolé pour ça, il lui arrive d’être… Indiscret.
-  Oh ! Il ne me dérange pas ! s'exclama-t-elle aussitôt, guère certaine d'avoir été écoutée, cependant, comme la rousse reprenait déjà la parole.
- Mais faisons fi des conventions, je vais me permettre de te tutoyer, c’est plus simple, et si cela ne te dérange pas. Tu peux bien sûr me tutoyer en retour. Dis-moi Tallulah, depuis combien de temps es-tu ici ? Et surtout depuis combien de temps danses-tu ainsi ?
- Je suis ici depuis... un peu plus de quatre ans. Et j'ai toujours dansé, je crois, mais ça n'intéressait personne avant...

Elle était un peu surprise de l'intérêt notable de cette personne qui lui restait étrangère, trop habituée à n'être que la petite fille étrange, la petite page, ou une aspirante comme les autres.

8
Quatre années. Quatre années que la fillette qu'elle était en débarquant ici, à Valdemar, arpentait les allées du Collegium des Bardes, à présent. Quatre années où elle avait tant appris, à commencer par la langue valdemarane, et à ne plus se prendre les pieds dans le tapis en permanence. Il lui arrivait encore, parfois, de rester distraite et de se retrouver à terre, mais moins que lorsqu'elle était plus jeune. Chaque jour, elle se montrait aussi assidue qu'elle avait promis de l'être lors de son audition. Chaque jour, elle remerciait les Dieux de l'avoir menée ici, malgré le déchirement que l'abandon de sa famille avait représenté.

Ici, où elle pouvait être elle-même sans craindre de représailles. Ici, elle avait appris à explorer l'univers musical qui la passionnait tant comme elle n'aurait jamais pu imaginer de le faire auparavant. Ici, elle pouvait se laisser transporter par la musique, danser, chanter...

Et ici, elle ne se sentait plus seule.

Elle avait trouvé une nouvelle famille. Qui acceptait, non, encourageait son amour de la musique, et lui offrait plus de merveilles qu'elle n'en avait pu voir pendant les douze premières années de sa vie. Bien entrée dans l'adolescence, elle eût pu devenir une de ces enfants rebelles et réfractaires à toute forme d'autorité, mais la puberté n'avait pourtant pas eu raison de son caractère docile, ni de sa bonne humeur à toute épreuve. Au contraire, il semblait même qu'elle rayonnait davantage de joie de vivre à mesure que les années passaient.

Tal' profitait d'une marque de loisir pour occuper une salle de danse, et laisser libre cours à sa Créativité. Danser l'avait toujours rendue heureuse, et il lui semblait que le soleil illuminant les journées estivales la faisait rayonner davantage encore. Et laisser irradier cette joie de vivre qui la caractérisait n'était pas seulement un désir, presque une nécessité. Alors dans cette salle vide, elle avait commencer à fredonner un air joyeux, avant de se mettre à danser, les yeux tout d'abord fermés. Des mouvements souples et gracieux, d'abord lents, et puis l'entrain avait pris le dessus, et sa mélodie s'était accélérée, de même que ses pas. Elle dansait son bonheur et la lumière qui emplissait son coeur.

Et puis une voix vint accompagner la sienne, d'abord faiblement, puis emplissant davantage la pièce. Si tout d'abord, la voix inconnue s'était fondue à sa mélodie, l'adolescente comprit bien vite qu'elle prenait les rennes, et se laissa guider par la mélodie qui l'enveloppait. Elle mêlait sa voix à celle de l'autre, dansait au rythme de ses intonations. Leurs harmonies résonnaient dans la pièce, l'enveloppant toute entière, la conduisant dans une danse effrénée.

Et puis le silence, presque trop brusque, et après un dernier pas gracile, la brune, avait fini par s'agenouiller et croiser les bras autour de ses jambes, sa longue chevelure tombant devant elle.

– Jeune fille, je savais que le collégium regorgeait de talent, je ne pensais pas en voir un aussi impressionnant en action. Vous êtes une danseuse hors pair !

La femme rousse qui l'avait accompagnée s'approcha avec grâce, tandis qu'elle se relevait, et inspirait profondément, comme on reprend de l'air après avoir passé un moment sous l'eau.

– Mais je ne me suis pas présentée. Je suis Molly, barde de mon état.
- Vos couleurs vous trahissent, fit la jeune fille avec un sourire. Enchantée Molly. Je suis Tallulah. Et vos compliments me touchent beaucoup. 

Si elle avait gagné en aisance concernant la langue valdemarane au cours de ses années d'apprentissage, elle conservait un accent exotique qu'elle peinait à faire disparaître malgré ses efforts. En revanche, son sourire radieux et ses yeux brillants témoignaient de son bonheur et de sa sincérité.

9
Bardes/ Elèves Bardes / Re : [Élève-Barde] Tallulah
« le: 24 mars 2020, 18:23:55 »
▬ 1485 ▬
Age : 16 ans depuis le 9e jour de la 9ème décade d'hiver 1485

Comme une ritournelle... [ON]
[Molly]
1e décade d'été 1485
A venir.

Titre [ON]
[Nom]
0e jour de la 1e décade d'été 1485
A venir.

10
La Taverne de Haven / Re: Coup de coeur, coup de gueule 2
« le: 24 juin 2014, 20:13:46 »
Coup de blues : je crois que je veux juste arrêter d'apprendre que toutes les femmes autour de moi sont ou vont devenir mamans...

11
Caserne / Re: [RP Libre] Le cercle du poete à la hache
« le: 22 juin 2014, 22:36:35 »
Tallulah ne pouvait qu'acquiescer à la remarque de la jeune femme blanche. La « reine » en jetait ainsi, c'était indéniable. Et en plus, elle avait de bonnes idées, ça aussi, c'était indéniable, bien que l'enfant ne se sentît pas vraiment prête à toucher un homme ainsi. La moue de dégoût qui déforma son visage en attestait.

Elle hocha simplement la tête comme le Lieutenant confirmait ce dont elle doutait avant de répondre à sa question, à savoir si elle pouvait éventuellement bouger les bras. Ce n'était pas le cas et son idée tombait donc complètement à l'eau. Songeuse, elle réfléchit à sa question, non pas pour savoir si elle pouvait bouger, mais ce qu'elle pouvait faire d'autre, quoi que ça ne lui apparût pas directement. Et quand il évoqua la douleur que le pied de n'importe quoi rencontrant un coin de table pouvait provoquer, elle grimaça à nouveau. Ca oui, elle voyait bien, ses maladresses - ou faute d'attention plutôt - lui en donnaient une certaine expérience.

Quant à connaître les zones les plus vulnérables... Mince... Les anciens l'engueuleraient sans doute, s'ils savaient qu'elle n'avait absolument rien retenu de leurs cours. Elle n'avait jamais voulu faire du mal à qui que ce fût, mais elle devait bien admettre que les bruits de couloir n'étaient guère engageant et qu'elle n'avait pas vraiment envie de se retrouver six pieds sous terre faute d'avoir pu sauver sa peau. Elle était bien trop jeune pour mourir, n'est-ce pas ?

Bon, bon, bon. Est-ce qu'il y avait vaguement quelque chose qui pourrait éventuellement lui revenir ? La reine prenait la parole en premier pour répondre à la question de leur prof du jour, et elle hocha la tête, appréciant sa réponse. Elle avait sans doute raison. Brouiller la vue, c'était sans le moindre doute une tactique non négligeable. Couper le souffle, aussi. La gorge donnait aussi un point de chute pour une lame assez intéressante, si tant était qu'on pût l'atteindre, mais vu sa propre stature, et vu que l'idée de faire couler le sang ne lui plaisait pas plus que ça, elle n'était pas très certaine de vouloir s'en servir.

Ils venaient d'évoquer les orteils, à l'instant, et l'enfant regarda ses mains. Ses doigts plus exactement. Et haussa les épaules, pas certaine de donner une réponse acceptable, mais le ridicule ne tuait pas, et elle avait déjà bien souvent été la cible de moqueries pour les bêtises qu'elle pouvait sortir, les choses qu'elle disait et qui tombaient à côté de la plaque, elle avait l'habitude, si on voulait.

« Les doigts ? Le nez peut-être ? »

Ca l'embêterait qu'on la prive de l'usage de ses doigts, elle ne pourrait plus essayer les instruments du Collegium, elle... Mais elle doutait fort que cette pensée-là fût pertinente, alors elle garda le silence à ce sujet. Et grimaça à nouveau devant les cadavres de lapins. Elle en avait vus d'autres, évidemment, mais a n'empêchait pas qu'elle n'aimait toujours pas vraiment ça. Quant à sa question... elle entendit la princesse répondre, et hocha la tête. Elle ne comprenait pas tous les mots - végé-quoi ? - mais préférait tout autant ne pas toucher à l'intégrité de ces bestioles et utiliser, comme elle le disait, les pièges... Quoi qu'elle préférât ne rien utiliser du tout, toujours, sauf qu'elle n'aurait peut-être pas trop le choix.

« Ca je sais pas. La fourrure, ça doit pouvoir servir s'il fait froid, mais je sais pas faire. Et je sais pas si autre chose on peut utiliser... »

Elle s'approcha pourtant, avisant l'état de révulsion assez visible de la « reine » et posant une main qui se voulait compréhensive sur son bras avant de retourner observer les cadavres, toujours songeuse. Mais non, rien à faire, elle ne voyait pas en quoi les os ou les organes à l'intérieur pouvaient être utiles.

12
Caserne / Re: [RP Libre] Le cercle du poete à la hache
« le: 01 juin 2014, 15:34:23 »
Etrangement, l'enfant, elle, n'était pas terrifiée par l'arme du Lieutenant, ni par sa dextérité avec elle et les dommages qu'il fût sans doute capable d'infliger avec. Elle trouvait ça beau, sans se doutait qu'on pouvait la trouver adorable, ainsi admirative devant les prouesses de leur professeur. Comme elle était la seule à ainsi s'enthousiasmer, elle s'était sentie un peu fautive, et réfrénée aussitôt.

La grise malade avait vraiment l'air très mal en point, et le bruit semblait l'incommoder. Ok, elle allait éviter de chanter, alors... Et de parler trop fort avec trop d'enthousiasme. Enfin elle allait essayer. Mais c'était la première fois qu'on arrivait à l'intéresser quand il s'agissait de se battre alors c'était un peu difficile pour elle de rester calme.

Et puis il fallait bien avouer que c'était très intriguant tout ça. Surtout quand leur professeur se mit à tourner autour de la reine - hum - l'air pensif, puis qu'il voisa ses réflexions. Les aiguilles et le poison. Aiguille n'était pas forcément le terme qu'elle eût utilisé - mais à vrai dire, ce n'était pas un terme valdemaran qui lui venait à l'esprit - mais le concept lui parlait et elle hocha la tête, dans son coin, en se disant que ce serait sans doute bien pour la reine - comme si elle pouvait vraiment se permettre d'avoir un avis critique, hum - parce que ce serait plus facile à manier - si tant était qu'on faisait attention à ce qu'on faisait, ce qui n'était pas toujours son cas à elle, mais passons. Ce que Fitz disait, il lui semblait en avoir déjà entendu des bribes par le passé, mais comme elle n'était jamais très concentrée, elle ne s'attarda pas à cette impression fugace de déjà vu.

Ce qui marqua bien davantage son esprit, cependant, fut l'image décrite par le Lieutenant de la souveraine sur son Compagnon, armée comme il venait de les amener de son épée et de son bouclier. Dans son esprit, c'était comme une gravure dans un livre, avec la longue chevelure blonde de la reine au vent et le cheval blanc ruant.

« Waouh… »

Ca n'était pas très difficile de trouver des choses, finalement, pour rendre la fillette admirative, et clairement, le soldat y arrivait parfaitement. Elle sursauta presque, perdue dans sa petite imagerie personnelle, quand son « Parfait ! » sonore retentit. Pour un peu, elle eût pu lâcher les petites lames qu'elle tenait en main.

« Amb… euh… C'est quoi ? »

Elle n'avait pas trop compris, que le mot qu'elle cherchait avait explicité dans la suite de la phrase, finalement. Mais ça n'avait pas d'importance, les armes en question semblaient être bien pour elle, c'était ce qui lui importait, et tandis qu'il continuait à commenter les choix de chacun, elle inspectait les deux objets dans ses mains.

Et puis vint la question. Tal n'avait jamais eu à défendre sa vie ainsi, et elle resta songeuse un long moment. Elle était encore jeune, donc plus petite qu'un adulte moyen, et toute fine. Clairement, elle ne comptait pas sur la force pour se libérer de quelconque étreinte. Un instant, ses réflexions furent coupées par le garçon qui ramenait le plat couvert d'une cloche opaque, comme elle s'interrogeait sur ce qui pouvait se trouver en dessous. C'est quand Saskia reprit la parole, mimant la façon dont elle pensait pouvoir se dégager que la fillette reprit le fil de ses réflexions. Et puis comme personne ne reprenait après la dame blonde, elle prit la parole à son tour, un peu hésitante.

« Moi je suis trop petite pour me sortir des bras comme ça. Pas assez force. »

Elle avait fait tourner les lames dans ses mains, de sorte que les tranchants pointaient vers le bas, et non comme on tient une épée d'escrime ou un couteau de cuisine, signe assez clair que comme elle l'évoquait au début du cours, on avait déjà tenté de la former à l'usage de quelque dague - quand bien même ça n'avait pas été concluant à l'époque.

« Mais si j'arrive bouger un peu les bras, peut-être je peux utiliser ça derrière. »

Ou plus exactement, frapper vers l'arrière pour blesser son assaillant et le forcer à desserrer son étreinte sous le coup des lames qu'elle tenait en main, ce qu'elle mima à son tour, de façon plus ou moins convaincante. Elle appréhendait mal comment elle pût être entravée par les bras d'un agresseur quel qu'il fût. Et puis bon, l'étape suivante, elle ne savait pas trop, mais c'était toujours un début, non ?

13
Ca n'était pas forcément très facile pour la petite fille de tout comprendre, et ses sourcils froncés en témoignaient, mais elle tâchait au maximum de rester concentrée sur les propos des deux examinatrices. Elle avait un peu de mal à comprendre le concept des bleus qui ne rentraient pas dans les cases des Collegia, mais... soit. Ca n'était pas comme si elle n'avait pas pris le parti d'admettre les choses qu'elle ne comprenait pas tout à fait, en attendant de rajouter les morceaux de puzzle manquants un jour. Elle fonctionnait ainsi depuis qu'elle était arrivée, au final, et vu comme son attention était capable de vaciller, c'était une drôle de gymnastique qu'elle était un peu tout le temps obligée de faire pour combler les trous. Elle enregistra le fait qu'elle porterait un uniforme brun, à présent. Moins joli que le rouge des Bardes, mais c'était en attendant. Temp... Tempo... Temporaire qu'elle avait dit Béatrice. Un jour, elle serait en jolie tenue rouge comme Margareth, et c'était un espoir suffisant pour continuer à faire briller de petites étoiles dans ses yeux.

La nouvelle apprentie sembla songeuse un instant à l'explication de ce qu'était un parrain ou une marraine. Si c'était comme un grand frère ou une grande soeur, pourquoi y avait-il des mots différents ? Elle hocha la tête cependant. C'était bien d'avoir un grand frère ou une grande soeur, elle avait toujours rêvé que ce fût le cas, mais étant fille unique et un peu trop bizarre pour sa communauté pour que les autres enfants se sentissent l'envie de pousser trop loin leurs relations, elle n'avait jamais vraiment connu ça. Elle ne put s'empêcher de penser qu'il ou elle allait avoir du mal à la comprendre, ce parrain ou cette marraine, parce que ce n'était pas toujours facile pour elle de dire clairement les choses, tout comme il ou elle risquait de s'arracher les cheveux à la voir ne rien piger sur certaines notions qui lui paraîtraient sans doute toutes simples. Elle était sûre qu'en calcul, par exemple, il ou elle allait ramer pour l'aider sur les devoirs.

« Oh j'inquiète pas moi ! »

Elle ne doutait pas que les professeurs des Collegia étaient bons dans leur domaine, à vrai dire, elle les idéalisait un peu. Par contre, elle restait consciente qu'ils allaient avoir du boulot pour réussir à lui faire comprendre des notions qui lui étaient complètement étrangères, avec la barrière de la langue en plus... et sa capacité à être ailleurs. Elle se promit mentalement de faire des efforts pour rester concentrée, même en calcul et en défense, mais... de là à ce qu'elle arrivât à mettre parfaitement ces bonnes résolutions en pratique, il y avait un gouffre. Et puis de manière générale, elle tâchait de ne pas se ronger les sangs pour rien. Elle était peut-être un peu trop dans son monde et insouciante, mais elle préférait ne pas voir les choses en noir tout le temps. Des solutions, il devait bien y en avoir, quelle que fût la situation. Les Dieux veillaient à ça, elle en était persuadée.

Sur la demande de la Barde, elle s'inclina devant Beatrice, de façon presque trop solennelle, une main sur le coeur, mais ne put s'empêcher de se retourner et de lui adresser un grand sourire et un signe de la main avant de quitter les lieux avec Margareth. Elle lui avait fait un peu peur au début, et elle avait toujours l'air plus austère que sa camarade, mais Tal avait eu droit à quelques sourires, et ça suffisait pour qu'elle l'aimât bien, sans plus de raison particulière.

Si elle eut du mal à retenir le nom des gens qu'elle rencontra par la suite, elle repéra assez facilement la beauté des traits de la dame qui l'inscrivit et son sourire, l'enthousiasme de sa marraine - qu'elle avait toutes les peines du monde à ne pas appeler Grande Soeur, d'autant que ses cheveux sombres et ses yeux noirs lui faisaient penser à son propre peuple - et celui plus envahissant encore des autres étudiants à qui elle fut présentée. Difficile cependant de retenir les noms et affectations des professeurs que Valiani lui présenta, mais elle se rassura en se répétant qu'elle les reverrait bien assez tôt pour finir par imprimer.

C'était étrange pour elle qui avait été quelque peu déracinée d'avoir ce sentiment bizarre mais pour le moins agréable d'avoir trouvé sa place. Sa nouvelle chambre ne risquait pas d'être encombrée par ses maigres affaires, mais elle songea un instant à retourner en ville chez Deklan trouver de quoi l'habiller un peu - il y avait tellement de belles choses là-bas, après tout, elle trouverait bien un moyen d'échanger quelque chose, à un moment, restait à trouver quoi. Il ne lui fallut guère de temps pour s'endormir dans sa nouvelle chambre, d'un sommeil peuplé de rêves pleins de musique dont elle ne garda qu'un souvenir diffus au réveil. Son enthousiasme était loin d'être retombé, en témoignait son sourire immense dès qu'elle sortit de sa chambre. Et qui s'élargit encore lorsqu'elle reconnut la professeur d'interprétation musicale au luth, qu'elle salua de façon peut-être un peu trop vive depuis la porte de la salle, sans se permettre toutefois de s'approcher, avant de s'installer parmi les autres étudiants. C'était un rêve qu'elle vivait, et elle ne comptait pas en perdre une seconde. Et si c'était réellement un rêve, elle n'était pas très sûre de vouloir se réveiller un jour.

14
[justify:1syf31n6]La musique l'emportait sur tout aux yeux de la petite, et l'emportait, elle, tout court. C'était quelque chose qu'elle avait toujours eu en elle, quoi que ce ne fût pas très bien perçu là d'où elle venait. Et finalement, se retrouver isolée ici lui ouvrait plus de portes qu'elle ne l'eût jamais imaginé. Quand le luth cessa de vibrer, la petite fille eut besoin de quelques secondes pour réaliser que le silence avait repris ses droits et s'arrêter, puis se tourner vers les deux examinatrices. Elle eut toutes les peines du monde à ne pas sauter de joie quand la Ménestrelle - dont elle arrivait presque à se répéter mentalement la fonction sans (trop) l'écorcher - prit la parole. Ses mains un moment nouées sous sa poitrine inexistante quand elle avait cessé de danser se portèrent aussitôt à ses lèvres étirées en un large sourire quand elle comprit ce que Béatrice était en train d'affirmer. Qu'elle fût trop jeune ne la déçut pas le moins du monde : elle avait sa place, même à temps partiel, et c'était plus que ce qu'elle avait jamais pu espérer.

« Je sais pas bien, c'est quoi les bleus ?... »

Elle voulait bien apprendre tout ce qu'on voulait avec qui on voulait, tant qu'elle avait le droit de venir au Collegium des Bardes. Et puis apprendre la langue, c'était comme la musique, presque. La culture et l'Histoire, elle assimilait ça à des histoires. La lecture, ça lui permettrait même d'en lire d'autres. Bon, elle fronça un peu les sourcils à la mention de « maintien » qu'elle n'identifiait pas, ainsi qu'à celle du calcul et des cours de défense. Se battre, attaquer, on avait essayé de lui apprendre, déjà, et ça n'avait jamais très bien marché. Quant au calcul... Il fallait vraiment ? Elle comptait à peine sur ses doigts, et n'envisageait pas que cet apprentissage-là pût être passionnant. Mais il fallait bien, si elle voulait pouvoir suivre aussi les cours pour jouer et écrire de la musique, et puis chanter.

Elle acquiesça vigoureusement de la tête, à la fin de la tirade de la Ménestrelle, manifestant son acceptation des conditions imposées à l'instant, quand la Barde prit la parole à son tour.

« Gabriel... » répéta-t-elle à voix basse, à l'évidence pour retenir le nom du Ménestrel - elle ne s'était pas risquée à le prononcer, en revanche, de peur de l'écorcher encore - auprès duquel elle apprendrait de vraies danses, pas juste les mouvements instinctifs qu'elle venait de faire quelques minutes auparavant.

« Un parrain ou une marraine ? C'est quoi ? »

Les yeux de la petite s'agrandirent presque d'effroi quand Béatrice évoqua l'option où elle refusait d'entrer au Collegium et elle secoua vigoureusement la tête, peut-être un peu trop démonstrative.

« Oh non ! Je veux venir moi ! Même si je crois c'est dur le calcul et la défense, je sais pas faire. »

Elle comprit un peu tard qu'elle avait le choix, donc, et que sa réaction devait être un peu exagérée. Alors comme l'examinatrice cherchait son assentiment après avoir indiqué qu'elle prendrait son premier repas avec elles dès le soir même, elle hocha à nouveau la tête.

« Oui, bien sûr. Moi je fais comme vous dîtes. »

Et en l'occurrence, au milieu de ses innombrables questions, elle suivit la moindre de leurs directives dès lors, bien décidée à se montrer irréprochable pour garder cette place rêvée qui lui était - à sa plus grande surprise - accordée. Il faudrait vraiment qu'elle aille voir la Guérisseuse Thalyana pour la remercier.[/justify:1syf31n6]

15
Caserne / Re: [RP Libre] Le cercle du poete à la hache
« le: 19 mai 2014, 15:55:07 »
[justify:e06v3a8k]Tal écoutait, avec l'attention vacillante dont elle disposait. Pour l'heure pourtant, ils avaient réussi à la capter et elle tournait la tête vers chacune des participantes comme elles prenaient la parole, avant de faire de même. La grise a l'air malade fut la dernière à se présenter, et elle tâcha de retenir son nom comme celui des autres... mais il y avait de fortes chances pour qu'elle en eût oblié les trois quarts dans cinq minutes. Elle retenait plus facilement certains détails plus ou moins inutiles, cependant. La grise était Hold, et la petite ne gardait pas un souvenir particulièrement agréable de son passage par leurs terres - bien qu'il ne fût pas particulièrement négatif non plus, juste... froid. Elle ne retint clairement pas tout ce que la jeune femme évoquait, juste qu'elle faisait du feu, ce qui la fascinait déjà alors même qu'elle n'en avait pas - encore - été témoin.

Leur professeur reprenait la parole, et son regard insistant sur elle l'embarrassa quelque peu - comme assez souvent, elle craignit d'avoir loupé quelque chose et d'avoir donc droit à quelque remontrance - mais le sourire qu'il lui adressa presque aussitôt dissipa une bonne part de ses craintes, et ses propos ne firent qu'accentuer cela. Danser et se battre, elle n'avait jamais imaginé que ce pût être des choses compatibles. Chanter encore moins. Elle ouvrit de grands yeux, manifestement toute concentrée sur ce qu'il disait, et plus particulièrement sur les gestes précis et fluides qu'il effectuait avec son arme imposante. Sa façon de parler d'elle la fascinait, cette « danse » qu'il exécutait plus encore. Et qu'on pût voir le combat comme autre chose qu'un acte de violence aussi. Au fond, c'était sans doute ce qui lui manquait. Associer ce qu'elle était censée pouvoir faire à ce qu'elle aimait faire, c'était sans doute ce qui avait manqué à ses premiers apprentissages...

Elle vit l'homme fermer les yeux et fredonner, se mordillant la lèvre pour ne pas associer sa propre voix de soprane à celle, de basse peut-être, du Lieutenant. La chorégraphie qu'il imposait à son arme l'émerveillait complètement. Et lorsqu'il récupéra après une sorte de roulade, sa hache bien en main pour rouvrir finalement ses paupières et la fixer, elle, directement, elle ne résista pas à l'envie d'applaudir. Quelques coups dans ses mains, avant qu'elle ne réalisât qu'elle était seule dans cette démarche, sans doute hors de propos, donc. Hum... Les lèvres pincées, les mains nouées subitement derrière son dos, elle garda le silence, tandis qu'il sifflait un jeune garçon, tout juste un peu plus âgé qu'elle, lui semblait-il. Soldat, déjà ? Elle ignorait qu'ici aussi, ils fussent capable de commencer à se battre si tôt...

Le choix de l'arme, malgré tout, la laissait perplexe. Avec quoi pourrait-elle danser, donc ? Elle ne risquait pas d'imiter la grise malade - mince c'était quoi déjà son nom ? - presque sûre de ne pas savoir viser correctement avec les armes qui semblaient lui convenir, à elle. Et ce que leur professeur disait sur le bâton et les lames courtes l'interpelaient - d'autant plus qu'elle fût à nouveau directement visée. Un grand sourire éclaira son visage comme il la désignait comme danseuse. Elle n'était certainement pas parfaite, mais elle aimait ça, et qu'on la qualifiât ainsi était le plus beau compliment qu'on pût lui faire.

Et puis les autres lui souriaient, et c'était un peu rassurant aussi.

Chacun semblait avoir plus ou moins trouvé son arme, quoi que la « reine » - elle ne s'était toujours pas faite à l'idée qu'il pût y avoir tellement de nuances de titres à son sujet - et elle partageaient leur indécision. Finalement, la petite fille laissa ses mains courir sur deux petites lames courbes qu'elle trouvait jolies. On ne se refait pas...

« Je crois je peux essayer 'danser' avec ça... C'est bien ? »

Il ne fallait pas lui demander d'être sûr d'elle sur ce point, tout de même...[/justify:e06v3a8k]

Pages: [1] 2 3