Jolinar jura silencieusement. Cette botte valait une fortune. C'était sa paire préférée. Solide, pratique, idéale pour les missions. Mais cela laissait du temps à l'Assassin. Il se faufila encore plus profondément dans le conduit puis arriva à un embranchement. Il s'arrêta quelques secondes pour se remémorer le plan du bâtiment et pris le chemin qui s'ouvrait face à lui. Après quelques minutes à ramper encore et toujours, le conduit d'aération déboucha sur le bureau vide d'un professeur, dans le collegium des Hérauts. Pour ne pas être déséquilibré, Jolinar ôta sa seconde botte et l'abandonna. Il avait eu la bonne idée de mettre une paire de chaussettes renforcées, ce qui lui permettait de ne pas se retrouver pieds nus. Il s'approcha de la porte et écouta. Au loin, il entendait les cris des gardes qui étaient encore à sa poursuite. Les patrouilles avaient été multipliés et cela n'irait pas en s'arrangeant. Il devrait sans doutes supprimer quelques gardes pour sortir du palais, aussi se prépara t'il. Il sortit de sa poche une fiole de poison et y trempa ses griffes d'acier. Une simple griffure suffirait... Il rangea sa fiole et ouvrit la porte.
Son objectif principale était une fenêtre quelconque qui lui permettrait d'atteindre la cour et se s'envelopper du manteau protecteur de la nuit. Il s'élança dans le couloir en courant, espérant ne pas croiser de garde. Arrivé au bout, il entra dans la pièce qui le faisait face. Encore un bureau. Mais cette fois il y avait une fenêtre. Il s'en approcha et l'ouvrit puis se jeta dehors. Chacun de ses gestes était plein d'assurance comme autant d'automatismes réalisés des dizaines, des centaines de fois. Il se réceptionna au sol avec une agilité digne d'un félin et resta quelques secondes sans bouger le moindre muscle. Des gardes approchaient. Ils étaient trois au son de leurs voix. Il n'avait pas le choix. Il se calfeutra contre le mur, se fondant à la pierre, et attendit que les gardes passent devant lui. Peut être n'était ils pas encore au courant pour le meurtre du prêtre, ou bien ils n'en avaient que faire, mais ils ne semblaient pas agités. Il rabaissa sa capuche devant son visage pour occulter l'éclat nacré de son masque et dégaina l'une de ses dagues. Les gardes passèrent juste devant lui, et tout se passa en un éclair.
Surgissant de l'ombre, Jolinar sauta derrière le garde le plus proche, tira sa tête vers l'arrière et lui trancha net la gorge, faisant jaillir des gerbes de sang chaud à gros bouillon. Le temps que les autres réagissent, il se précipita sur le second et lui lacéra le visage avec ses griffes, défigurant et empoisonnant le jeune homme. Un second coup précis lui trancha les cordes vocales, évitant tous cris. Il pouvait le laisser agoniser. Le troisième garde, sous le choc, tenta de dégainer son épée, mais réagit avec quelques secondes de retard. Jolinar sauta par dessus lui, et au passage attrapa le cou de son adversaire entre ses cuisses pour le déséquilibrer et le faire tomber. Il se réceptionna par une roulade tandis que le garde chutait lourdement au sol. Avant que ce dernier n'ai le temps d'appeler à l'aide, il passa son bras autours de son cou, et, bandant tous les muscles de son corps, lui brisa les vertèbres d'un mouvement sec. Le sinistre craquement indiqua que le geste était couronné de succès. Rapidement, il attrapa les corps et les traina dans un coin d'ombre, au pieds du bâtiment. Toujours aux aguets, l'assassin attendit, l'oreille à l'affut, pour voir si son bref affrontement avait été entendu. Aucun bruit. La voie était libre.
Repartant au pas de course, il se dirigea là où il s'était infiltré et pris le même chemin en sens inverse. Bondissant de toute la force de ses jambes, il planta ses griffes sur le mur des écuries et les escalada en quelques secondes avant de se remettre à courir. Il voyait les rempares du château devant lui. Il était sorti d'affaire. Arrivé au bout du toit du bâtiment, Jolinar effectua un bond prodigieux, et planta de toutes ses forces ses griffes dans le mur d'enceinte. Le choc fut rude et s'il n'avait pas bandé les muscles de ses épaules de toutes ses forces, il se serait surement brisé les deux bras. Il secoua la tête et entrepris d'escalader la pierre froide. A mi hauteur, il entendit un bruit sous lui et une flèche vint s'écraser a quelques centimètres de son visage. Il regarda au sol et vit un garde armé d'un arc qui hurlait déjà au renfort. Se retenant au mur par un seul bras, l'assassin attrapa sa sarbacane, ajusta son tir, et souffla sur la fléchette qui vint se loger au fond de la bouche du soldat tandis qu'il appelait ses collègues. Ce dernier s'effondra au sol, les mains plaquées sur sa gorge qui enflait à vue d'oeil tandis que le poison glacé faisait son terrible office. Coinçant la sarbacane dans sa ceinture, Jolinar termina son ascension pour arriver au sommet du mur ou il se tint en équilibre. Esquissant un sourire, il ôta enfin son masque, sentant avec délice le souffle frais de la nuit sur son visage. Il lança la fine couche de porcelaine sur le corps de sa dernière victime et sauta en dehors du palais. Il était de retour en ville.
En quelques minutes, il s'était enfoncé dans un dédale de ruelles. Il se débarrassa de ses vêtements sombres et de ses armes dans un caniveau. Sortant des ruelles, ébouriffant ses cheveux, il se dirigea d'un pas tranquille, le pas de quelqu'un qui n'a rien à se reprocher vers l'ancienne ville. Il sortit une petite flasque de sa poche et pris une bonne rasade de tord boyaux. Ainsi, si l'on lui posait des questions, il pourrait feindre l'ivresse, et son haleine viendrait confirmer cet état de fait. Il croisa une patrouille de gardes qui, voyant son pas chancelant, ne fit même pas attention à lui. Il arriva enfin devant la taverne où il avait pris soin de louer une chambre pour la nuit sous un faux nom. Il ne lui fallut que quelques instants pour escalader la façade et rejoindre sa chambre. En s'effondrant sur sa couche rudimentaire, il souriait. Deux contrats remplis en une fois. Les commanditaires seraient satisfaits. Et demain, sa bourse serait largement plus rebondie...