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Description historique :Confortablement assise dans le salon de l'hôtel particulier des Bordechêne, abrité derrière les remparts de la vieille ville, Marja observait tranquillement la pièce. Les murs étaient tendus d'une soie vert pâle que rehaussaient les boiseries au ton de miel. Les fauteuils très confortables s'accordaient aux rideaux couleur crème. Sur la table devant elle, Benton, le majordome (par la Déesse, ils avaient un majordome !), avait apporté du thé et des petits gâteaux. Elle leva les yeux vers sa mère, Adreaveran, occupée à repriser les bas de son benjamin.
L'image était plutôt cocasse. La comtesse de Bordechêne était assise là dans un salon au mobilier hors de prix, vêtue d'une robe de très grande qualité malgré sa coupe simple, et elle reprisait des bas ! Marja riait tout bas à l'ironie de la situation quand ses yeux se posèrent sur le paysage accroché au-dessus de la cheminée. Il représentait le château de Bordechêne, qu'ils avaient laissé là-bas à quelques kilomètres de Forgebouilloire, entouré de son parc. Un brin de mélancolie gagna la jeune fille à l'évocation des bouleversements de ces derniers temps.
Jusqu'à l'année dernière, sa vie s'était écoulée heureuse et sereine sur le domaine de Rocheleu, près de la frontière avec Rethwellan. Son père Ezra Leinyer était ce qu'il convenait d'appeler un gentilhomme de la campagne, c'est-à-dire un homme de la petite noblesse. Le genre de personne que les pairs du royaume, courtisans et haute noblesse avaient en piètre estime. De plus, les hobereaux venaient rarement à la capitale et ils n'avaient donc que très peu de poids dans les affaires politiques. On les traitait alors comme quantité négligeable.
De cela, la famille Leinyer en était parfaitement consciente, mais comme ça ne les affectait guère, ils en faisaient donc fi. La gestion du domaine et des quelques métayers sous ses ordres occupaient pleinement Ezra, tout comme l'éducation de ses enfants. Sa chère épouse rethwellane, Adrea, lui avait donné six beaux enfants dont ils tiraient grande fierté. Cinq garçons forts et généreux et une fille malicieuse et souriante. Que demander de plus ?
Ezra pouvait aussi se féliciter de son choix d'éducation qui avait donné six citoyens travailleurs et avec ce qu'il fallait de bonté. Partant du principe que l'oisiveté est la mère de tous les maux, il avait pris l'habitude de confier certaines responsabilités et quelques travaux à ses enfants, en accord avec leur âge et leurs capacités.
Dès ses sept ans, un enfant Leinyer se retrouvait donc en charge des soins à donner à la basse-cour et aux lapins. Il participait aussi à l'entretien de la bastide de Rocheleu arrachant les mauvaises herbes dans le potager et les parterres de fleurs ou aidant aux tâches ménagères que leurs trois serviteurs ne pouvaient toutes exécuter. En prenant de l'âge, les responsabilités devenaient plus importantes. Il fallait aller traire vaches et brebis, surveiller les génisses lors des vêlages ou encore préparer les réserves de bois et de provisions pour l'hiver, plutôt rude sur les pentes des Pélagirs. Il participait aussi aux récoltes dans les champs sans oublier de montrer respect et égards auprès des métayers et fermiers. Lorsqu'un de ses enfants fêtait ses quinze ans, Ezra lui confiait alors la gestion d'une partie du domaine. Les bénéfices que l'enfant pouvait retirer lui revenaient de plein droit.
C'était ainsi que Marja s'était retrouvée responsable des vergers et des ruches de Rocheleu. Avec un peu plus d'une trentaine d'arbres fruitiers et une dizaine de ruchers à surveiller, la jeune fille gagnait un peu d'argent. Bien sûr, pas de quoi s'installer seule mais à quinze ans et en province, c'était suffisant pour s'acheter quelques colifichets et se faire plaisir lors des foires. Comme ses frères avant elle, Marja ne dépensait pas plus que de raison et l'argent qu'elle n'utilisait pas, elle le mettait soigneusement de côté. Bref, elle se montrait économe.
Évidemment, le fait de s'occuper d'un pan de domaine ne déchargeait pas les enfants des autres tâches. Ils continuaient de s'occuper des animaux, du jardin et de l'entretien de la maison. Ce fut donc tout naturellement que Marja s'occupât avec sa mère de la cuisine, du linge ou du ménage. Pendant ce temps, le père et ses fils retapaient les bâtiments, couper le bois ou encore ranger les sacs de grains. La vie suivait donc le rythme des champs et de la nature.
N'imaginez pas que les six rejetons d'Ezra et Adrea passèrent leur enfance à travailler comme des forçats. Ils bénéficiaient d'un peu plus de temps libre qu'un jeune paysan, ils le partageaient entre les enseignements scolaires dispensés par un oncle guérisseur et le baguenaudage dans la campagne et la forêt environnantes.
Jouant souvent avec ses frères, Marja apprit donc à coller quelques horions à qui l'embêter mais aussi à monter à cheval, tirer à l'arc, chasser ou encore pêcher. L'oncle Garthwaite, guérisseur, lui enseigna à différencier les plantes utiles des plus dangereuses (en particulier les champignons dont elle était si friande) et la fabrication de quelques remèdes simples. En échange, elle s'occupait du jardin et du potager du Temple de guérison ou visiter les malades pour leur remettre leurs remèdes.
Elle avait donc une vie bien remplie et peu de place pour penser à l'aventure et encore moins à la vivre. Si elle pouvait aller et venir à sa guise sur les terres de son père, il existait pourtant une restriction : elle devait toujours être accompagnée d'un de ses frères ou d'un serviteur. Si cela lui pesa quand elle avait quatorze ans, elle changea bien vite d'avis après une désagréable mésaventure.
Faisant fi des injonctions paternelles, elle était un jour partie seule chasser un peu de gibier. Histoire de montrer qu'elle pouvait faire aussi bien, si ce n'était mieux, que ses frères. Cependant, ce dont elle n'avait pas réellement conscience, c'était qu'en vivant près de la frontière elle était susceptible de faire plus de mauvaises rencontres qu'ailleurs. Que ce soit le fait de quelques animaux sauvages ou d'individus louches. Trois bandits lui tombèrent dessus. Elle se débattit comme un beau diable, mais enfin contre trois hommes déterminés et forts, elle ne pouvait pas grand-chose. Le viol était la suite horrible mais logique de cette affaire.
Marja, terrifiée et blessée, pleurait et suppliait pour qu'on la laissât tranquille. Ils ne l'écoutèrent pas, une jeune jouvencelle comme elle était plus qu'appétissante. Mais ce jour-là, la Déesse fut généreuse puisqu'un Héraut en patrouille vint la sauver. La femme ne laissa aucun répit aux bandits. Puis lorsque tout fut achevé, elle s'occupa de soigner et rassurer Marja. Le soir en rentrant chez elle, escortée par la femme Héraut, la jeune fille avait bien appris sa leçon. Si elle remercia de tout coeur son sauveur, elle reconnut aussi que les règles de son père n'étaient pas toutes faites pour la restreindre.
À seize ans, les regards des jeunes hommes sur elle changèrent. Flattée de cette attention soudaine, elle la recherchait tout en restant prudente. Si elle flirta une ou deux fois, elle s'assura toujours de ne pas aller plus loin. De toute manière, ses frères, Aldric (de douze ans son aîné) et Jowan (qui n'était séparé d'elle que de quatorze mois), veillaient au grain. De même que Daimon et Riordan quand ils étaient à la maison. Néanmoins, qu'on la courtise fit réfléchir Marja puisqu'il n'était pas loin le temps où ses parents commenceraient à lui chercher un époux.
Cela l'amena à penser à son avenir et à ce qu'elle voulait. Elle aimait sa famille et avait du mal à envisager de les quitter. Pourtant, elle ne se voyait pas non plus finir vieille fille. Chercher fortune et aventure comme Daimon et Riordan lui plaisait mais elle n'estimait pas avoir les compétences requises. Elle avait du mal à s'imaginer intégrer l'armée comme Riordan. Quant au poste de régisseur pour un comte ou un duc comme Daimon, elle se doutait qu'aucun noble ne la prendrait au sérieux puisqu'elle était une femme. Elle s'était donc fait une raison, elle se marierait et vivrait non loin de Rocheleu. Elle espérait juste avoir la chance au moins une fois avant le mariage de voir Haven.
Le proverbe Shin'a'in dit « il faut se méfier de vos voeux, ils pourraient se réaliser ». Pour la famille Leinyer, il illustra une réalité qui aujourd'hui encore les laisse interloqués. Si Marja rêvait de voir Haven et qui sait de vivre quelque chose de palpitant, Ezra et sa femme s'inquiétaient de l'avenir de leurs petits.
Celui d'Aldric était tout tracé, il hériterait de la bastide de Rocheleu. Bel homme brun d'une trentaine d'années, il n'aurait aucune difficulté à trouver une épouse et fonder une famille. Daimon, le second, avait vingt-huit ans et il était connu de Haven pour deux choses : ses boucles blondes et ses traits fins et harmonieux qui arrachaient des soupirs enamourés de toutes les dames et son poste de régisseur du Duc de Westmarck. Fort d'un bon métier, il pouvait espérer faire aussi un mariage heureux.
Riordan, le troisième, qui avait cinq ans de moins que Daimon, avait récemment accédé au grade de sergent dans l'armée royale. Affecté à une garnison à la frontière avec Hardorn, ses supérieurs prévoyaient une belle carrière pour ce combattant habile (bien qu'il puisse encore grandement s'améliorer) aussi loyal et intègre qu'un Héraut. Adrea aurait aimé qu'il embrasse une carrière moins dangereuse, mais avec son époux, elle savait qu'il s'en sortirait.
Les trois derniers étaient ceux qui les inquiétaient. Jowan (dix-huit ans) avait des facilités pour le brassage de la bière qui faisait la spécialité de la région. Néanmoins, Ezra ne trouvait aucun maître-brasseur qui voulait bien prendre le petit sous son aile. Arved, le benjamin de douze ans, était certes encore jeune mais il semblait être le plus indécis de tous ses fils. Si comme tous les enfants de son âge, il rêvait de voir apparaître un Compagnon blanc au détour des chemins de Rocheleu, sa famille était plus réaliste et par la même troublée. Quant à Marja, le problème serait réglé dès lors qu'on lui trouverait un mari généreux, charitable, travailleur et si possible aisé. Seulement, cela était possible que si la jeune fille avait eu une belle dot.
La réponse aux prières de tous arriva un matin en la personne du Héraut en poste dans la région et d'une délégation envoyée par le seigneur prévôt. Le comte de Bordechêne était mort sans héritiers directs. Après des recherches poussées, les hommes de loi avaient découvert qu'Ezra Leinyer était le dernier représentant de la Lignée Bordechêne qui se perpétuait depuis le règne de Randale. Le patriarche tomba des nues en apprenant qu'il héritait non seulement des terres de Bordechêne, mais aussi d'un des domaines les plus convoités par toute la noblesse valdemarane : Ambrande qui s'étendait non loin de la capitale.
Il fallut bien un an à toute la famille pour s'habituer à leur nouveau statut. Sans compter que le comte précédent avait eu l'indécence de mourir en laissant des dettes et la propriété ancestrale au bord de la faillite. Ce qui avait sauvé le défunt Bordechêne, c'était les revenus plus que confortables qu'il tirait du plus célèbre vignoble de Valdemar qui s'épanouissait à Ambrande. Ainsi durant toute l'année passée, l'ensemble des Leinyer (sauf Riordan) travailla à redresser les finances de Bordechêne, à améliorer les rendements de leurs nouvelles terres mais aussi les infrastructures. Pour la première fois depuis trois générations, le comte de Bordechêne était autre chose qu'un noble débauché, impécunieux et paresseux, ce dont tous les paysans sous son autorité se réjouissaient. De même que les collecteurs d'impôts qui voyaient enfin quelqu'un faire fructifier les terres si fertiles autour de Bordechêne.
C'était pour ces raisons-là que l'arrivée de la famille Leinyer à Haven pour leur présentation officielle à la Cour, et le serment d'allégeance du nouveau Comte, créait une commotion parmi les nobles et courtisans. On avait longtemps espéré que la Lignée s'était éteinte avec le précédent Bordechêne. Certains avaient même commencé à spéculer sur le démembrement des terres, surtout pour savoir à qui écherraient les droits d'Ambrande. On avait même murmuré que le Roi envisageait de préempter les terres pour couper court à tout conflit. Cependant, l'existence d'Ezra Leinyer jouissant d'une santé de fer et de ses cinq fils avait contrarié de nombreux plans et projets
Maintenant tout le monde retenait son souffle pour savoir ce que ces parvenus feraient au cours de la Saison à venir. Après tout, le nouveau vicomte d'Ambrande, Aldric Leinyer, et son frère, le baron Daimon de Rocheleu, venaient d'accéder à l'insigne honneur d'être parmi les plus beaux partis à marier. Quant à Jowan Leinyer, il était certes encore un peu jeune mais la rente allouée par son père était assez large. De même, Marja bénéficiait maintenant d'une dot bien plus conséquente et étant plutôt charmante, elle pouvait espérer faire un beau mariage.
Pour leur part, les principaux concernés se moquaient bien de ces choses-là. Jowan, Marja et Arved avaient gagné le droit d'étudier en tant que Bleus. Pendant ce temps, Aldric et Daimon s'occupaient de chercher des clients pour les productions de leurs terres. Ezra apprenait tranquillement à exercer ses droits et devoirs de comte auprès des autorités concernées.
En tous les cas, pour les trois cadets, l'intégration parmi les Non-Affiliés s'était faite dans la plus grande simplicité. Faisant front commun, ils pouvaient se permettre de dédaigner les Bleus un peu trop imbus d'eux-mêmes, ceux qui les traitaient de parvenus ou les toisaient de haut. Ils s'étaient rapprochés des ingénieurs et des lettrés avec qui ils avaient plus de similarité d'esprit. Jowan s'intéressa beaucoup aux différentes sciences. Marja se découvrit un certain talent pour les langues, les Cours de Logique et d'Expression, l'arithmétique et l'Histoire. Arved, pour sa part, il s'intéressait à tout, mais il aimait particulièrement la Géographie et les langues.
Marja soupira en repensant à tout cela. Adrea leva les yeux sur sa fille, interrogative.
« Je me disais juste que nous allions vivre bien de nouvelles choses, dit Marja avec un sourire. Cela risque d'être très intéressant ! »
Hors-jeu : Que désirez-vous faire de votre personnage ? La voir évoluer en cohérence avec les événements qui jalonneront son parcours. Évidemment, il serait très flatteur qu'elle puisse intégrer une classe de prestige telle que Héraut, Mage ou autres. Néanmoins, je ne suis pas opposée à l'idée d'explorer une tout autre voie si cela offre des moments de jeu amusants pour tous. La joueuse s'adaptera tout autant que le personnage
Quelques remarques :— J'espère que cette fiche conviendra :?
— Concernant la rubrique « Dons ordinaires », au vu des fiches d'autres joueurs, je considère ces « dons »-là plutôt comme des compétences. La liste est assez longue mais au vu du background que j'ai imaginé, tout me semble cohérent. Néanmoins, si cela ne correspond vraiment pas à ce qui est attendu, je corrigerai selon les instructions.

— Je n'ai pas intégré les répercussions des événements qui touchent les Compagnons sur la vie de Marja partant du principe qu'arrivant de province, sa famille n'a pas été réellement mise au courant de ce qu'il se passe (et puis ce ne sont que des campagnards alors...

).
Sinon toutes remarques et suggestions seront les bienvenues !
