"Maisnonpasdutout..." rétorqua un peu paniquée Mina quand Isabeau l'accusa de la prendre pour une idiote.
Bon, certes, elle n'était pas crédible. En même temps, le mensonge n'était pas quelque chose qu'elle savait bien manier.
Forcément, le lieu où Mina était rentrée lui arrachait une exclamation un peu méprisante. La jeune femme ne pouvait pas l'en blâmer, Isabeau avait grandit dans le monde de l'artisanat et du commerce de luxe. Mais Mina, elle, n'avait jamais fait ses achats dans d'autres endroits que sur les marchés, où on trouvait de tout et souvent n'importe quoi, et c'est sur ce n'importe quoi que son choix se portait presque toujours. La seule tenue de luxe qu'elle possédait était une robe cousue par Saskia. Le reste de sa garde-robe était composée de tenue de grise plus ou moins élimées, ce qui était habituel et même Isabeau ne dérogeait pas à cette règle!
Elle se laissa entraîner par son amie à l'extérieur, adressant un regard désolé au vendeur qui faisait la grimace. Il y avait de quoi, s'il avait entendu le jugement sans appel de la jeune De Girier. Mina détestait paraître impolie avec les gens qui ne lui avaient rien fait, et cet homme ne lui avait rien fait, à part avoir une boutique où régnait un incroyable bazar vestimentaire.
Une fois dehors, elle monta sur son Compagnon et répondit:
"Bien, emmène moi alors dans une boutique que tu juges convenable dans ce cas..."
Puis son amie lui posa des questions par esprit. Mina sursauta quand elle sentit l'intrusion mentale. Pas que ce soit déplaisant, mais en dehors de son Compagnon et de Jalena, qui ne pouvaient communiquer autrement, Irmingarde ne parlait jamais par esprit. Alors elle oubliait facilement qu'elle en avait la capacité avec toute personne douée de parole par l'esprit, puisqu'elle même possédait ce don à un niveau plus qu'honorable.
Mais devant cette avalanche de question, Mina resta au début muette.
Par où commencer... Nom d'un Kyree, mais décidément rien ne peut rester privée dans cette ville, c'est maladif!
Elle savait que Fleur Arkadia, à présent De Trevale, était revenu à Haven. Merci, elle s'en serait bien passé!
Pas que je te fasse des cachoteries mais bon... C'est très privée... Bien... Beltran et moi nous sommes écrit pendant qu'il était au front, très peu, tu sais que je ne suis bonne à rien avec une plume entre les doigts mais bref, on s'est écrit. Et c'était tout à fait amical hein, pas de romantisme ni rien. Ah oui, parce qu'avant qu'il ne parte, après t'avoir parlé de lui, je me suis réconcilié avec lui, je suis allé lui parler, et je te prie de me croire que c'était une démarche qui m'a beaucoup couté! On s'était dit, au final, qu'on prendrait notre temps parce que, et bien...
Ca avait déjà été difficile d'en parler avec lui, mais le répéter à Isabeau sans que ça paraisse ridicule l'était encore plus!
... parce que je ne voulais pas le perdre, en temps qu'ami, et peut-être plus. J'ai été affreusement capricieuse d'ailleurs. Mais bon, la guerre, tout ça, il est parti du jour au lendemain, on n'a pas tellement pu se voir. Donc, on s'est écrit, je ne savais pas s'il reviendrait, on se donnait des nouvelles plutôt heu... classiques.
Elle réfléchit quelques secondes pour savoir comment exposer fidèlement la suite.
Et comme tout Haven le sait, je suis venue l'accueillir à son retour, comme n'importe quelle amie d'ailleurs. Et oui, il m'a fait une révérence... devant tout le monde...
Mina soupira tout haut.
C'est dans son éducation que veux-tu. Un noble, un vrai de vrai! Il était content que je sois là, il m'a fait la révérence! Ce qu'il ne fera plus jamais en public s'il ne veut pas que je me venge d'ailleurs!
Elle laisse passer une autre minute de silence, regardant autour d'elle, à hauteur de Compagnon. Elle sortait rarement, très rarement en ville, parce que la traverser à dos de Compagnon, et bien, forcément, ça attirait les regards, l'admiration. Et Irmingarde se sentait toujours bizarre quand on l'observait de cette façon. Sauf les enfants dont les yeux brillaient. Ca, c'était chouette.
Elle finit par reprendre son récit, car elle avait dans l'idée qu'Isabeau n'appréciait pas forcément d'attendre les informations après lesquelles elle avait courut jusque dans les commerces bon marché de Haven!
Quant à cette histoire de découcher...
Son ton mental était nettement amer et réprobateur. Elle savait qu'elle n'avait pas été assez discrète, mais tout de même! Bon, on ne pouvait pas dire non plus que Beltran ne l'avait pas prévenu des répercutions. Mais bon sang, c'était rageant, elle passait pour quoi?
Je suis seulement aller dîner avec lui, chez lui. On a passé une bonne soirée, j'ai abusé de l'alcool, il était préférable pour moi de rester la nuit là-bas, voilà. Rien de scabreux, ou de scandaleux! Je suis juste quelqu'un de responsable et pragmatique, tout simplement.
Oh, la belle histoire revue et corrigée pour les chastes oreilles! Il manquait quand même au récit un sacré morceau, pour ne pas dire le principal!
Et j'ai besoin... d'une nouvelle chemise de nuit, voilà.
Ah bah c'était sûr qu'en ne disant que la moitié du déroulement de sa soirée et en rajoutant qu'elle avait besoin d'une chemise de nuit, Isabeau n'allait pas la rater!