[Rp d'into Elke]Pan! dans un arbre.

[Fitz]

"Justement jeune fille, le doyen est en effet un des mages les plus puissants du pays, imaginez alors à quel point moi je peux être dangereux."

Le capitaine souriait. Bien sûr que le mage pouvait se défendre, il n'en doutait pas, cependant il avait un travail à effectuer, et certaines de ses habilités Arbretempête ne les avait pas. Notamment sa grosse hache, mais on ne parlait pas que de ça. La jeune fille quant à elle partait dans l'explication du pourquoi & du comment de son arrivée dans le coin, en évitant soigneusement les détails ce que le capitaine ne manqua pas de noter.

Il le savait depuis toujours, l'important est dans les détails. Il y a une différence entre:
"j'ai chevauché jusqu'ici", et
"j'ai tué deux hommes à cheval pour leur piquer leurs fournitures et leurs montures afin de me rendre ici".
Simple détails certes, mais détails importants quand même.

Par contre il était ravi de son effet, le mot "tranquille" avait fait son travail sur la jeune fille qui sembla déjà bien moins emballée par la rencontre qu'elle venait d'effectuer. Son sourire se fit plus carnassier.

"Disons plutôt un lieu où je serai certain de ne pas être dérangé pendant notre.... il laissa planer quelques secondes "Notre discussion"

Fondamentalement il pensait surtout à une pièce avec une cheminée, et où ils pourraient boire un truc chaud, voir même s'assoir au calme. Il n'était pas encore tout à fait réveillé, et il avait décidé de lever ses barrières comme Wylan le lui avait appris dès qu'il s'était approché de ces deux là, il sentait déjà une certaine migraine poindre par manque d'entraînement. Sans compter que son rapport avec la magie ressemblait à peu près au rapport que peu avoir un cheval face à un pantalon. Il écouta l'exposé d'Arbretempête acquiesçant d'un mouvement de tête. Il jugerait bien assez vite si cela était nécessaire, et il avait bien d'autres moyens pour faire parler des gens.

" Bien le doyen a parlé. Jeune fille j'ai une idée concernant votre.... Interrogatoire"

Il balança d'un geste ample la hache sur son épaule, et fit un signe au garde qui était toujours posté pas trop loin avec son coéquipier, qui accouru vers eux comme si Mina avait perdu le contrôle de son don et lui avait foutu le feu au derrière.

"Que l'un de vous aille à la caserne dire que je suis dans la taverne La vierge et les étoiles qu'on vienne me chercher si un problème se pointe. Et le premier qui me dérange pour rien se verra à nettoyer les écuries pour les 10 prochaines décades.... Et à main nue c'est compris?" les deux hommes saluèrent et partirent au pas de course " Jeune fille si vous voulez bien me suivre. Il y a une taverne juste à côté, et j'ai dans l'idée qu'un repas ne vous fera pas de mal, surtout si vous avez vraiment fait le trajet que vous avez dit avoir fait. Et puis, on discute toujours mieux quand on a le ventre plein n'est-ce pas? Bien sur Doyen vous pouvez nous accompagner."

Pour être tout à fait honnête, Fitz était celui qui avait faim. Très très très faim. Il se pencha sur la jeune fille un instant.

"Ne t'inquiète pas, c'est moi qui paye" se redressant, il s'étira, et commença à marcher vers le bout de la rue adressant à Elke un signe de main pour qu'elle le suive "Alors dis-moi gamine. Quel âge as-tu ? Et surtout depuis quand es-tu une "mage" ?"

Commençons par des questions simple cela ira plus vite.

[Elke]

Elke fit une légère moue. À vrai dire, elle n'appréciait pas réellement suivre ceux qui risquaient de l'envoyer en prison avec un battement de cil... Simple instinct de survie ! D'autant plus que ce Fitz ne lui inspirait pas vraiment confiance. Qu'est-ce que c'était que ce sourire mauvais qu'il avait au visage ? C'était incroyable le côté malsain et psychopathe que ça lui donnait. La dernière chose que la mage voulait, c'était bien partager un repas avec un énergumène pareil. Mais voilà... Messire Arbretempête lui avait promis une lettre d'introduction. Pas qu'elle considérait en avoir besoin – elle croyait encore naïvement qu'elle pourrait se présenter ainsi au Collegium – mais c'était toujours un plus !

Elle le suivit donc, inspirant et expirant longuement. Oh non, elle n'était pas à l'aise... Est-ce qu'il était vraiment nécessaire de souligner les mots « interrogatoire », « discussion » avec une voix aussi faussement mielleuse ? Elke avait très bien compris qu'elle avait une épée de Damoclès au-dessus de la tête, pas la peine d'en rajouter ! À force, elle pourrait même sortir encore plus d’imbécillités...

« Ça n'a pas de sens, ce que vous dites... Enfin, loin de moi l'idée de mettre en doute votre capacité à manier votre... euh...ça ! » Elle désigna vaguement la hache qu'il portait dans son dos. « Mais la magie, c'est quand même quelque chose ! La magie, c'est exactement comme le feu : c'est dangereux, et si quelqu'un oublie ça, il finit par se brûler. Parfois gravement.Non vraiment, je n'ai aucune idée de combien vous êtes fort, mais je suis certaine que Messire Arbretempête est au-dessus ! Peut-être même qu'il vous laisse gagner, qui sait. »

Tout en marchant, elle haussa nonchalamment les épaules, essayant d'oublier au fond qu'elle était parfaitement terrifiée à l'idée d'être jetée dans un cachot ou coupée en deux par cette lame qu'il portait. Ah, ça devait être lourd ! Et écrasée sur un crâne, ça devait être assez douloureux. Et par « douloureux », elle voulait dire « extrêmement douloureux au point d'être très probablement mortel » !

Enfin, elle était bien contente qu'il annonça qu'il allait payer le repas. Maintenant que c'était dit, il ne pouvait plus reculer ! Le capitaine semblait être le genre d'homme à toujours s'acquitter de ce qu'il disait – du moins, elle espérait que ce soit le cas – alors un petit sourire naquit sur les lèvres de la jeune mage. Elle n'avait pas mangé depuis un très long moment, et son dernier vrai repas commençait à dater de plusieurs jours... Rien qu'à cette perspective, son ventre se mit à gargouiller d'un coup, à tel point qu'elle dû tenter de le camoufler avec ses bras !

« Gamine, gamine... » répéta-t-elle en maugréant tout en relâchant son ventre. « S'il y avait un âge légal pour être sur les routes, je suis sûre que je l'aurais ! Vous jugez les gens avec l'âge, vous ? Je ne vous demande pas comment vous faites pour encore porter une arme aussi lourde qu'un hache malgré votre âge avancé. Vous faites appel à un semblant de magie ? Hum, non, je le sentirai. Enfin toujours est-il qu'en magie, l'âge n'a aucune importance. »

Au final, elle n'avait pas répondu au capitaine... Et après quelques secondes de silence, elle croisa son regard et la jeune mage comprit très vite qu'il attendait quelque chose de bien plus concret.

« 18 ans, j'ai 18 ans. Et quant à savoir depuis combien de temps je suis mage... est-ce que j'ai le droit de considérer ça comme du domaine de la vie privée ? Non parce que je ne suis pas réellement passionnée par l'idée de raconter ma vie à un parfait inconnu qui va juger chaque instant de mon parcours. Parlez-moi un peu de vous, pour commencer ! Peut-être que j'aurais plus confiance, qui sait ? Parce que là et depuis un moment, sans vouloir vous vexer, vous êtes un peu effrayant. Déridez-vous et discutons ! On est là pour ça, non ? Et pour manger. N'oubliez pas que vous payez. »

Et elle rajouta plus bas dans un soupir :

« De toute façon, je n'ai plus de sous... »

[Fitz]

Il ne pouvait pas lui enlever cela: elle avait du répondant, et cela le faisait sourire. Elle avait cependant peut être un peu trop de hargne pour rester entière très longtemps dans ce monde, mais au moins elle ne se ferait pas marcher sur les pieds. Certes elle risquait de les voir séparer de son corps, mais qui a vraiment besoin de ses pieds au final ?

"Ne juge jamais un livre à sa couverture. Premièrement il est difficile de pratiquer la magie avec une dague en travers de la gorge, et encore plus avec la tête séparée du corps, et cela peut arriver bien plus rapidement que tu l'imagines. Deuxièmement, ne pense pas que parce que je ne suis pas un mage, je n'ai pas les moyens de me défendre. L'arrogance est le premier pas vers le décès jeune fille."

Aucune animosité, ni même méchanceté dans son ton, il ne faisait qu'énoncer un fait. Il ne comptait plus le nombre de personnes "douées" persuadées de pouvoir tout réussir, qui finissaient comme les autres: dans un cimetière bien trop grand au goût du soldat.

Ils arrivaient à la taverne, et le capitaine leur désigna une table un peu éloignée de la foule, au calme. Il fit un signe à la tenancière qui acquiesça de la tête et parti immédiatement en cuisine.

Elle avait faim, cela ne faisait aucun doute, depuis combien de temps était-elle sur la route ? La tête penchée sur le côté Fitz l'observait. Elle était étrange. Sur la défensive & pourtant si exubérante. Un mélange étrange voir déroutant. Mais cela n'arrêtait pas vraiment le capitaine qui en avait vu bien d'autre avant elle.

"Tu es persuadée de la puissance de ton pouvoir n'est-ce pas ? Il y a pourtant des magies, et des dons dans ce monde que tu ne peux sentir, et que tu ne pourras comprendre tant que tu n'auras pas appris. Je ne doute pas de ta force, je doute seulement que tu saches exactement comment t'en servir, ni à quoi tu te frottes. Et pour te répondre, non je ne fais pas appel à la magie pour manier cette arme. Je la manie juste depuis si longtemps qu'elle n'est rien de plus que le bout de mon bras."

La tenancière arriva sur ses mots, pendant qu'il était concentré sur la marque au creux de sa main, déposant devant eux une tourte par personne et des verres pour chacun. Fitz la salua de la tête et se concentra de nouveau sur la mage.

"Mais soit. Tu veux en savoir plus sur moi ? Fitz, capitaine de la garde, 26 ans, je suis moi aussi un étranger, ancien mercenaire, et tout comme toi, j'ai du répondre à quelques questions avant de pouvoir franchir les portes du palais. Ce qui fait donc de toi une gamine qui a encore beaucoup à apprendre, et qui va devoir passer par moi, si elle veut franchir les portes du collégium. Fais en sorte de ne pas l'oublier."

Il prit une gorgée de sa choppe. Elle ne semblait pas méchante, cependant beaucoup de choses échappaient au soldat, et cela le gênait. Il n'aimait pas qu'on cache des choses encore moins en ces temps troublées, et surtout quand il s'agissait de la sécurité même du pays, et des gens qu'il avait promis de protéger.

"Et l'âge a de l'importance. Il n'y a pas d'âge légale sur les routes en effet, la première fois que j'ai pris la route j'avais 8 ans, je sais de quoi je parle. Cependant avec l'âge vient l'expérience, la maitrise, et ça je suis encore persuadé que tu en manques."

Il savoura une gorgée de plus, et adressa un sourire sincère à la jeune fille. Quelque part elle avait une hargne qu'il aimait bien, et une certaine ténacité pour être venu jusqu'ici, et c'était une qualité que le mercenaire en lui respectait.

" En attendant, tu ne m'as toujours pas donné ton nom cela dit. Et j'aimerai aussi beaucoup savoir où tu dors et ce que tu fais pour survivre dans le coin."

[Elke]

Dès qu'elle vit la tourte arriver, l'existence de Fitz passa totalement en arrière plan. Elke avait faim... Oh oui, elle avait faim ! Si bien qu'elle aurait pu avaler son plat d'une seule bouchée si la taille de sa bouche était suffisante. Dès que le plat fut posé sur la table, elle se jeta presque dessus, comme si elle n'avait pas mangé depuis des mois. La jeune femme n'avait pas des manières de jeune dame, c'était certain ! Sans la moindre élégance ni discipline, elle dévorait clairement ce qui était à sa portée avant de relever la tête vers le mercenaire, avec des bouts de tourte autour de la bouche.

« La puissance de mon pouvoir ? Non, je n'ai pas une telle prétention... » répondit-elle assez sérieusement sans cesser de manger. « Cela dit, ce serait génial que je puisse devenir une des plus grandes mages de ce monde ! Vous imaginez un peu ? À l'heure actuelle, on ne connaît encore rien de la magie, il y a encore tellement de choses qui n'attendent qu'à être découvertes et comprises ! Pourquoi la vie, capitaine ? Pourquoi tout ce qui vit meurt ? Pourquoi les océans et pas... que sais-je ? Autre chose ? De nouvelles matières ? De nouveaux éléments ? Pourquoi de telles énergies existent ? Comment peuvent-elles gouverner toute chose vivante ? Et je n'attends pas de réponses philosophies à deux sous, hein. Il existe des forces en ce monde qui dépassent tout, et c'est de la magie pure ! Ce n'est pas passionnant ? Splendide ? Oh, j'adore ! … Presque autant que cette tourte. Ah, je n'avais pas mangé comme ça depuis des lunes. C'est une spécialité régionale ? »

Elke finit son assiette rapidement, et but rapidement sa choppe pour faire passer le tout. Cependant, elle recracha bien vite ce liquide amer avec un visage hautement dégoûté.

« Pouah... ! Ça par contre, c'est dégoûtant ! »

S'essuyant rapidement avec ses manches, la jeune mage murmura quelques jurons contre cette horreur avant de revenir prendre les miettes de tourte qui restaient dans son assiette histoire de camoufler un peu ce goût infâme, mais aussi parce qu'elle avait vraisemblablement encore faim. Pourtant, elle ne réclama rien, préférant se concentrer sur ce qu'elle venait d'apprendre.

« La façon dont je survis, c'est mon problème, non ? Je suis encore vivante, et je n'ai rien fait d'illégal pour ça ! … Enfin... J'ai peut-être volé un bout de pain l'autre jour, mais cet idiot de boulanger m'a prise pour une espionne de Rethwellan, ha ha ! Cela dit, c'était la seule et unique fois que j'ai volé ! À peu près. Je ne suis pas très douée dans le domaine, alors j'ai tendance à recourir à la magie, et généralement les gens le remarquent, ce n'est pas pratique. Vous pensez qu'il existe une forme de magie furtive ? Hum, ça doit forcément exister ! Il existe de tout dans la magie. Même de la contre-magie, j'ai lu ça quelque part. De la magie qui annule la magie... bluffant, non ? Brillant ! La magie, c'est formidable... »

La jeune mage inspira un coup, se rendant bien compte qu'elle ne parlait pas au bon interlocuteur quand il s'agissait d'aborder le thème de la magie – bien qu'elle adorait en parler ! –. Fitz était apparemment un mercenaire, et c'était la première fois qu'Elke en voyait un. L'image qu'elle avait d'eux, eh bien... Disons qu'elle était consciente qu'il s'agissait là d'une vision très étroite, celle que tout le monde avait. Des gens sans foi ni loi, se battant contre n'importe qui pour quelques pièces... Bref, le genre de personnage qu'on imaginait mal devenir capitaine de la garde ! Il devait avoir des histoires fascinantes à raconter, sur ses aventures, sur ce qu'il avait vécu... Malheureusement, il ne semblait pas enclin à lui raconter tout ça maintenant.

« Je vous ai déjà dit que je m'appelais Elke. Juste Elke. Et j'ai peut-être une idée d'où je dormirai ce soir ! J'ai remarqué un coin de rue pas trop mal, un peu plus loin. Dans l'ombre, un peu couvert avec les toits des maisons, je n'ai qu'à poser mon sac de couchage ! C'est pratique, ces machins... Sauf à plier. C'est pour ça que j'utilise un sort pour que ça rentre dans mon sac. … Mais Fitz ! Vous vous appelez donc Fitz. C'est assez amusant comme nom, c'est Fitz tout court ? Ça vous ennuie si j'oublie le « capitaine » ? Parce que vous savez, moi et les titres... »

[Fitz]

La vitesse du débit de la jeune fille dépassait l'entendement, et était presque équivalent à la vitesse à laquelle elle descendait la tourte. Quelque part elle était attendrissante, même si elle omettait toujours des parties de son histoire. Volontairement certainement, mais ce n'était pas grave, il finirait par l'apprendre, il finissait toujours par l'apprendre. Et après tout il était là pour juger de sa dangerosité, pas pour connaître où elle avait acheté ses vêtements, et si elle préférait les prunes aux pommes. Il suivait ce qu'elle disait jouant avec sa main sur le bois, continuant de siroter sa boisson. Une fois qu'elle eu finit son plat, il poussa le sien devant elle, l'incitant à l'attaquer.

"Oui on en fait que par ici des comme ça. Mais ce sont pas les meilleures de la ville, si jamais tu restes dans le coin, je t'emmènerai peut être là où elles valent vraiment le coup. Quant à tes questions, certains te diront que tout cela existe à cause des dieux, peu importe lesquels, et que c'est ainsi. Tu as l'air de penser qu'il y a autre chose n'est-ce pas ? "

Le capitaine fit un signe de main à la tenancière qui repartit immédiatement en cuisine .

"Et non la façon dont tu survis n'est pas que ton problème. Chaque acte a des conséquences, aussi insignifiant soit-il. Et si jamais on t'accepte au sein du collégium, chacune de tes actions rejaillira sur tes professeurs, tes camarades, et tous les dirigeants de ce pays. Ce n'est finalement pas si différent que d'utiliser la magie à tort et à travers. La limite est fine entre être un grand mage, et devenir le mage à abattre. Et oui je connais assez bien le phénomène de magie qui annule la magie."

Il prit une gorgée de plus de sa bière sourire aux lèvres

"Je t'ai dit de ne jamais juger un livre à sa couverture"

Le mercenaire bailla un coup à s'en décrocher la mâchoire, c'est qu'il n'avait pas fini sa nuit. Et il fallait qu'il se détente complétement si il voulait laisser la marque agir et accepter ce qu'elle lui donnerait. Après tout il était aussi là pour cela, et il devait la laisser l'envahir pour le prévenir si il existait un quelconque danger. Pour l'instant en tout cas elle avait a peu près la réaction d'une pierre. Posée là à attendre que le temps passe quoi...

"Disons que si tout ici se passe bien tu n'auras peut être pas besoin de trouver un endroit où dormir, mais on pourra le trouver pour toi. Et oui tu peux oublier les titres. Appelle moi Fitz, après tout j'ai décidé que je m'appellerai comme ça il y a des années, c'est pour qu'il soit utilisé, et c'est a peu près aussi amusant que Elke."

La tenancière revint avec une tarte aux fruits pour desserts et un verre d'eau pour remplacer la boisson que la jeune femme avait dédaignée. Quel gâchis franchement... Une si bonne bière... Peu importe.

"Qu'est-ce-que tu peux me dire pour me convaincre que tu ne veux pas de mal ? Qu'est-ce-que tu peux me raconter pour m'oter le doute que tu es une espionne ? Après tout, Rethwellan et Valdemar ne sont pas franchement en bon terme ces derniers temps, tu peux comprendre les risques je suppose?"

[Elke]

Elke ne se fit pas prier quand Fitz poussa sa tourte vers elle : elle la prit immédiatement, la dévorant peut-être encore plus vite que la première ! Cependant, ça y est, elle était repue... Il fallait vraiment qu'elle note de retourner ici un jour, ne serait-ce que pour ce plat. Les tourtes, ce n'était pas réellement un plat habituel à Rethwellan, alors ça faisait un peu de fantaisie dans son alimentation ! Manger toujours le minimum pour ne pas mourir de faim, ça commençait à perdre réellement de son charme. L'aventure c'était une chose, mais être contrainte à manger du pain rassi et mou à cause de la pluie, c'en était une autre.

« Il y a toujours quelque chose ! » assura-t-elle avec un sourire. « Et cette histoire de dieux, ce n'est peut-être pas faux, qui sait ? Je ne suis pas fermée aux suggestions. Cela dit, détrompez-vous : je ne tiens pas à être acceptée au Collegium. J'ai déjà perdu suffisamment de temps à suivre des cours, ce n'est pas pour retomber dedans ! Je crois que j'en mourrai... Vous n'avez pas idée de l'ennui que c'est ! Rester là, assis, à réciter des trucs comme « Tempora mori, tempora mundis recorda »... Voilà ! Eh bien ça par exemple, ça ne veut absolument rien dire, mais comme c'est une langue compliquée, ça fait propre et professionnel ! Passer des mois à apprendre des centaines de pages de ce pavé, bonjour ! Alors le Collegium, non merci. J'ai juste besoin de jeter un œil aux archives. »

Elle prit alors le verre d'eau que la tenancière avait apporté et le vida d'une traite : enfin une boisson buvable ! Pas comme cette espèce de... jus de rien du tout. Il y avait vraiment des gens qui aimaient ça ? Ah oui, Fitz. Et toutes les autres personnes de cette auberge. Les gens de Valdemar avaient des goûts étranges...

« Dites, qu'est-ce que c'est pour vous « le mage à abattre » ? Vous avez déjà tué des mages ? »

Sa question se fit... un peu plus pensive. Moins énergique. Tout le monde savait que le mal, c'était mal. Mais quand il y avait de la magie sur le tapis, ces notions étaient rapidement troublées ! Et Elke avait bien sûr entendu parler de mages emprisonnés ou exécutés pour avoir été perçus comme des menaces... Cependant, les mages étaient des menaces dans leur nature : ils vivaient chaque instant de leur vie avec l'équivalent d'une épée affûtée collée dans la paume de leur main. C'était bien pour ça qu'ils étaient éduqués dès que leurs dons se manifestaient. Voilà bien une chose qu'Elke avait du mal à accepter dans ce monde.

« Vous voulez la certitude que je ne suis pas une espionne ? C'est vrai qu'il y a de la tension dans l'air dès que le mot « Rethwellan » est mentionné. Bah vous savez, j'ai déjà répondu à ce genre de question, ça tient en un mot ! »

Un nouveau sourire s'afficha sur ses lèvres, comme si elle salivait d'avance de la réponse qu'elle s’apprêtait à donner. Tout comme elle s'amusait déjà à imaginer la réaction de Fitz quand il l'entendra. Chaque fois, ça avait son petit effet !

« Surpriiiiise ! »

De toute façon, il n'y avait rien qu'elle pouvait dire ou faire pour prouver sa bonne fois. Alors plutôt que de perdre son temps à donner sa parole, à jurer, à supplier, elle avait jugé ça plus amusant de laisser le soin aux gens de faire leur propre avis ! La plupart du temps, ça passait assez mal : elle se faisait jeter avec un coup de pied au derrière. Bah, c'est vrai qu'elle pouvait être dangereuse... Une mage de Rethwellan lâchée dans la nature à Valdemar ? Pas étonnant que les gens détestent ça. Mais elle prenait des risques aussi : elle était seule et étrangère ici. Si quelqu'un avait du soucis à se faire, c'était bien elle !

Qu'est-ce qu'était une aventure sans piment ? Sans personnage en mauvaise posture dans une pays hostile ? Une histoire bien fade, au goût d'Elke. Et elle se servit très naturellement du dessert... Elle adorait les fruits !

[Arbretempête]

Arbretempête était quelque peu abasourdi par la scène surréaliste qui se jouait dans cette taverne. Cette fille d'avait vraiment peur de rien! Le capitaine Fitz n'était pas réellement méchant, mais il était connu pour faire peur aux nouvelles recrues. Même certains vétérans l'évitaient quand il était dans un mauvais jour.

Il avait suivi le soldat et la jeune fille, se tenant légèrement en retrait. En fait, il aurait pu partir, mais la curiosité l'avait incité à rester... ça et le pressentiment que s'il partait, il raterait un moment quasiment épique. Il s'était donc installé, non à la même table, mais à côté, et s'était commandé un petit quelque chose pour se réchauffer.

Plus le temps passait, plus il était certain que la jeune fille ne présentait pas le moindre danger. Ses angoisses envolées, il décida de vérifier le potentiel de la jeune fille. Oui, elle pouvait encore progresser. Elle serait une recrue intéressante pour le Collegium. Même son tempérament pouvait présenter des avantages. Les gens aussi spontanés et fantasques avaient souvent un très bon instinct et des idées intéressantes.

Satisfait, il se leva et s'adressa à voix basse au capitaine Fitz, de manière à ce que lui seul l'entende.

«Quand vous aurez fini... si, comme je le pense, elle ne présente aucun danger, emmenez-le au Collegium et présentez-la à l'intendante. On ne va pas la laisser dormir dehors. Je dois, pour ma part, reprendre ma tournée de surveillance.»

Il se redressa et salua Elke d'un léger signe de tête.

«Nous nous reverrons sans doute. Que le vent gonfle vos ailes, jeune Elke.»

[Je laisse tout ça entre les mains calleuses de Fitz... il se débrouille si bien ]

[Fitz]

Le soldat ne put s'empêcher de rire. Le "surprise" n'était pas forcément la réponse à laquelle il s'attendait. Il pensait la voir en colère, avec beaucoup de mots, et pas mal d'explications vaseuse, mais pas.... Pas ça.
A cet instant le Doyen se leva, un simple mouvement de tête pour acquiescer et dire au revoir au doyen. Et Fitz se concentra de nouveau sur la jeune fille, se servant une part de tarte.

"Voilà une drôle de réponse que tu me donnes. Maintenant si jamais je te disais "Tu sais à quoi ressemble une prison à Haven?" et que plus tard je te répondais "Suuuuuuuuuuuurpriiiiiiiiiise". Pas certain que cela te convienne?"

La tarte était bonne, réellement, et Fitz dégustait tranquillement en réfléchissant à la manière de répondre à la jeune femme. Il avait croisé des mages dans son passé, il en avait même déjà tué un ou deux sur des champs de bataille. C'était jamais vraiment propre, mais c'était le passé.

"Récemment ? Non, je vois pas pourquoi j'aurai eu à le faire. Mais il y a pas si longtemps que ca, un ami mage, a bien failli y passer. Il me faisait penser un peu à toi, exubérant, sur de lui, plein de vie, un personnage intense et entier, mais au fond, profondément gentil. Un traitre s'était infiltré dans notre compagnie, personne ne l'avait vu. Mon ami a été blessé, et empoisonné. On a cru le perdre pendant plusieurs jours."

Le mercenaire repensait souvent à cette journée où Eoghan avait été blessé. Quelque part il aurait du pouvoir arrêter cela. Certes il avait finit par faire fondre le traitre durant l'interrogatoire, mais bon, c'était un peu tard pour cela. A l'époque il avait juste refusé de comprendre ce que sa marque essayait de lui dire, et voilà où cela les avait mené.

Sa marque d'ailleurs, en attendant, continuait à jouer la carpe. La gamine ne semblait pas l'inquiéter le moins du monde, ou alors la déesse en avait autant à carrer que Fitz se fasse cramer par une mage un peu tarée, que de savoir si les chenilles préfèrent la position du missionnaire ou autre chose. Par l'once d'un picotement, d'une douleur, ou même d'un flash vif genre "attention danger butte cette chose avant qu'elle ne te bouffe". Non que dalle, nada, niet... Au moins pour elle c'était clair: la gamine était aussi dangereuse qu'un brin d'herbe dans le vent. Ce qui, finalement, en comparaison lui allait plutôt pas mal.

"Tu sais le pouvoir entraine une drôle de façon d'être chez les gens. Bien que tu sois jeune tu as déjà du t'en rendre compte. Plus ils en ont, plus ils en veulent, quitte à faire des choses horribles sans que la vie des autres ne comptent réellement. Voilà ce qu'est un mage à abattre. Et c'est pour ca que le collégium est si important, il apprend aux jeunes la limite à ne pas dépasser, à se contrôler, et à mettre leurs pouvoirs au service des autres. Tu sais je pense que tu fais une erreur en pensant que ce ne sont que des cours magistraux. Il y en a, bien sûr. Mais d'un autre côté, il y a aussi les cours de survie, ceux de maniement des armes, les fêtes cachées organisées par les élèves, parfois quelques missions en extérieur, et surtout beaucoup de monde qui serait prêt à t'accepter pour ce que tu es, peu importe que tu sois de Rethwellan ou d'ailleurs. Quelque part, le collegium serait l'endroit rêver pour que tu puisses enfin exprimer ton vrai potentiel. Et puis.... Tu n'imagines même pas le nombre de connaissances dont il est le dépositaire. Des bibliothèques pleines, et même si notre bibliothécaire peut être pointilleux, surtout si on se met à parler de son poil, pour une curieuse aussi avide de connaissance que toi c'est le paradis sur terre. Ca vaut bien quelques heures de cours tu ne crois pas ?"

Il était persuadé que la jeune mage trouverait parfaitement sa place au sein de Haven. Il était comme elle au début, réticent à l'idée d'intégrer Haven, aujourd'hui il ne se voyait pas ailleurs.

"Quand je suis arrivé ici, je ne voulais pas intégrer la garde régulière. J'aimais ma liberté, ma possibilité de faire mes propres choix sans avoir à rendre de compte. Etre libre un peu comme toi. J'ai pourtant trouvé ici des amis, des camarades, qui m'ont appris à utiliser toute les capacités latentes que je ne connaissais pas. Franchement... Je suis persuadé qu'Arbretempête et le collegium pourrait t'apporter beaucoup, tout comme, pour une fois, tu pourrais vraiment être utile et faire la différence quelque part"

Il tentait de la recruter ou quoi ? Oui c'était presque un entretien d'embauche gagnant. Mais il n'avait décelé aucun danger chez la jeune femme, et son don si particulier s'était tu toute la soirée. C'est bien qu'il fallait faire quelque chose de cette gamine.

"Mais ne pense pas qu'on juge tous les gens de Rethwellan comme des espions en puissance. Il est certain que les gens sont inquiets, et c'est normal. Mais savais-tu que le Héraut du Roi est de Rethwellan ?"

D'ailleurs voilà une question qu'il fallait qu'il pose, c'était d'ailleurs bien étrange que cela vienne de lui vu ce qu'il pensait de l'affaire au départ, mais bon... Il était là pour vérifier qu'elle ne poserait pas de problème au palais, il fallait donc en passer par là. Il prit une gorgée de plus, et finit sa part de tarte avant de continuer.

"Que sais-tu des Héraut ? Que penses-tu des compagnons ? "

Il avait déjà bien assez à faire avec la noblesse qui parlait de canasson, pour ne pas en plus encombrer les couloirs du collegium d'une mage qui aurait fait pareil, cette question était donc, pour sa propre tranquillité, de la plus haute importance.

[Elke]

Voilà une réponse qui n'était guère étonnante, Elke avait l'habitude maintenant que personne ne réponde avec humour lorsqu'elle disait « Surprise ! ». Bah, rien ne pouvait prouver qu'elle était une espionne ou non, donc quoi qu'elle dise, ça ne changerait absolument rien. Et puis, elle était fatiguée de toujours devoir argumenter, se justifier... Pour un peu elle devrait retourner à Rethwellan et faire signer un papier où serait marqué : « Elke n'est pas une espionne, contrairement à tous ceux qui ont déjà infiltré vos rangs. Cordialement, vos ennemis ! ».

« Vous avez des amis, vous ? »

Cela pouvait s'avérer à la limite de l'irrespect (et ça l'était), mais Elke était assez surprise de l'entendre parler d'un ami mage... Avec son caractère suspicieux et effrayant dont elle venait d'avoir un aperçu, c'était assez étonnant de l'imaginer trinquer avec un mage. Comme quoi, le monde est grand ! Fitz resta un peu silencieux après avoir parlé de son ami, comme si c'était quelque chose qui l'avait réellement marqué. Pendant quelques secondes, Elke regretta presque son insolence... mais elle se reprit rapidement : d'après ce qu'il racontait, ce mage semblait avoir survécu, c'était le principal. Ce qui devait être dur, c'était que le danger vienne d'un traître. Jamais la jeune mage n'avait encore vécu la trahison d'un frère d'arme, mais elle imaginait bien combien ça pouvait être douloureux.

Mais dès que Fitz reprit la parole, elle regretta de s'être tu. Il parlait du Collegium, mais... Non. Non.

« Chut, taisez-vous... ! J'ai l'impression d'entendre mon frère. »

Et à entendre le ton qu'elle avait employé, ce n'était certainement pas une bonne chose. Le souvenir de cette voix moralisatrice qui lui revenait dans les tympans avec la douceur d'un coup de marteau.

« J'ai passé six ans, si longues, très longues années dans une école de magie. Le Collegium ou ailleurs, c'est exactement pareil ! Pendant six ans, on répète sans cesse les mêmes choses : « La magie doit servir l'homme et non l'asservir », « Agissez pour le bien commun », « Ne cédez jamais à la magie du sang », « Ne perdez jamais le contrôle », « Affrontez le mal avec fierté et courage », « Aidez autrui », et j'en passe... Vous n'appelez pas ça du bourrage de crâne, vous ? » Elle haussa les épaules, avec une moue faussement interrogative. « Personnellement, je savoure ma liberté maintenant que j'ai quitté cette fichue école, alors je ne vais pas aller m'enfermer autre part de sitôt ! Pourquoi la bibliothèque du Collegium n'est-elle pas ouverte à tout mage qui souhaiterait la consulter ? Ou carrément à toute personne souhaitant en apprendre davantage ? Pourquoi doit-on obligatoirement faire partie du Collegium ? Je vous le dit Fitz, il y a énormément de réformes à faire, et je suis presque certaine que d'ici une décennie, on en sera toujours au même point ! »

Elle, au Collegium. Oh non, très mauvaise idée ! Rien qu'à y penser et de s'imaginer là-bas, elle avait les poils qui se hérissaient.

« De toute façon, je cherche quelqu'un... Je ne suis que de passage à Haven. Vous avez entendu parler de Therecer Calvan ? Chauve, vieux – et je suis sûre qu'il est encore plus âgé que ce qu'il laisse penser –, désagréable, toujours à râler sur tout... Figurez-vous que c'est lui que j'ai choisi pour être mon maître ! Il a quitté Pierre-de-Shor il y a plus d'un an maintenant, et je n'ai aucune idée de l'endroit où il a pu aller... Alors je comptais sur les archives du Collegium pour me donner une idée, Messire Arbretempête avait l'air de penser que ça pourrait m'aider. »

Elke se tut un peu, juste le temps de boire une nouvelle gorgée d'eau. Il fallait dire qu'à force de parler, ça tirait un peu sur la gorge.

« Dites, est-ce que je peux savoir pourquoi vous fixez autant votre main ? Vous comptez faire le coup de la poignée de main qui pique à quelqu'un ? Vous êtes grillé. » lui dit-elle en haussant un petit peu les sourcils.

Enfin, ce détail se retira rapidement dans un coin de sa tête quand il aborda le sujet des Hérauts. Un sujet qu'elle ne s'attendait pas à être mis sur la table ce soir, à vrai dire ! D'autant plus qu'elle n'avait aucun lien avec eux...

« Des Hérauts, pas grand chose. Ce sont des équivalents de chevaliers défendant la veuve et l'orphelin, de ce que j'ai pu entendre ici et là. Des défenseurs du bien commun, eux aussi ! Mais au vu des guerres qui n'en finissent pas, eh bien... Je serai leur employeur, je commencerai sérieusement à repenser leur paie. Je dis ça, je ne dis rien, hein... Et concernant les Compagnons... »

Là, un large sourire apparut sur son visage, comme si on parlait de l'idole préférée d'une gamine. Si elle avait du mal à retenir son admiration pour Therecer, qu'est-ce que c'était pour les Compagnons ? Elle n'en avait jamais vu, mais elle avait entendu tant d'histoire sur eux qu'elle avait l'impression de les connaître depuis toujours. Des animaux mystiques, capable de sagesse et, paraît-il, d'un humour vraiment propre à eux ! Dommage qu'Elke n'ait que si peu foi dans les Hérauts d'aujourd'hui.

« Vous avez déjà vu un Compagnon ? Est-ce qu'ils sont aussi blancs qu'on le dit ? »

[Fitz]

La réflexion de la jeune fille poussa le mercenaire à éclater de rire. Certes il faisait tout pour cultiver son côté brut de décoffrage, ca aidait dans sa branche, mais de là à croire qu'il était seul... Par les dieux, même le pot le plus mal foutu au monde arrivait à trouver son couvercle.

"Tu penses que je n'ai pas d'ami ? Quoi, j'ai pas une gueule de porte bonheur? "

Elle semblait particulièrement réfractaire à l'idée d'avoir des cours. Ce qui n'étonnait pas vraiment Fitz qui avait appris la plupart de ce qu'il savait sur les routes au détour de ses voyages. Mais ...

"On ne rentre plus au collegium ou à la bibliothèque "comme çà". Il faut parfois faire des concessions. Mais le doyen jugera lui-même de tes aptitudes et de ce qu'il sera bon de faire de tes. Que nous trouvions ton... Tharecar ? Thérocer? Thérecer c'est ca ? Bref, que nous le trouvions ou pas. Depuis les différents troubles qui ont agité le pays, il est rare qu'un mage seul puisse se promener ainsi sans être repéré, et suivi. Mais je pourrai bien faire quelques recherches pour toi si jamais le Doyen n'est pas capable de t'aider. Cependant..."

Il prit une nouvelle gorgée de bière, faisant un signe de la main à la tenancière pour qu'elle lui emmène la petite soeur. Il pourrait demander aux gardes, aux espions, voir même à Wylan si jamais le doyen ne trouvait aucune trace de l'homme qu'elle cherchait. Après tout un mage, bougon, chauve, et vieux, ca passe quand même pas vraiment inaperçu.

"Il serait sot de penser qu'on ne peut apprendre que dans les cours magistraux, et je suis persuadé que le collégium a bien plus à offrir à une gamine aussi intrépide et avide d'aventure que toi. Pour peu que tu sois un peu curieuse... Et crois moi le pays évolue déjà énormément, chaque chose en son temps. Pourtant même moi, qui doit supporter les cours et autres choses de ce genre, autant que toi, ne peux renier leur utilité."

La réflexion sur sa main lui arracha un sourire. C'est vrai ca pourquoi il la fixait comme ça cette saleté? Un tic nerveux peut être. Mais elle était déjà parti sur autre chose et il écouta avec attention ce qu'elle avait à dire sur les hérauts. Ses réactions étaient... Intéressantes. Serait-ce presque de l'adoration qu'il voyait dans les yeux de la jeune fille quand elle parlait des compagnons?

"Oui, et même plus encore. Il sort d'eux une intelligence, une puissance, qui peut convaincre les plus sceptiques. Cependant tout le monde ici ne pense pas pareil. Et les compagnons sont indissociables de leurs Hérauts. Ils sont parfois un peu trop rigide, à croire qu'ils sont nés avec un balais à l'endroit qui ne voit jamais le jour, cependant ce sont des gens loyaux, bons, et sur qui on peut compter quoiqu'il arrive. Chacun d'entre eux donnerait sa vie pour sauver tes petites fesses ou ta liberté chérie si il le devait. Mais il ne faut pas oublier que dans ce monde ils ne sont pas seuls, et que nombreux sont ceux qui voient d'un mauvais oeil que le pays soit gouverné par un homme ou une femme élue par un cheval "magique". Tu vois, ce genre de choses, il te faut encore les apprendre. La géopolitique, les tensions entre chacun. Ce sera important pour plus tard lorsque tu te demanderas si tu dois, ou ne dois pas, utiliser tes dons."

La tenancière déposa une nouvelle bière que le mercenaire commença à boire avec plaisir.

"C'est aussi ça la liberté, elle a un prix, celui de savoir faire les bons choix. Et même si à ce jour ca ne t'est pas arrivé, crois-moi, ca arrivera bien assez tôt."

Il vida la bière d'un trait, avant de se lever.

"Un grand pouvoir implique de grande responsabilité. Sur ce.... Veux-tu voir un peu à quoi ressemble le collégium de près ou préfères-tu coucher dans le foin ce soir ?"

Un clin d'oeil, un sourire

"Promis ce n'est pas un piège, et tu ne finiras pas en prison. Si jamais tu avais représenté un danger quelconque je l'aurai su immédiatement."

Une bourse lancée à la tenancière alors qu'il s'éloignait d'Elke, remettant sa hache sur ses épaules.

"Alors tu vas me suivre ou tu préfères continuer toute seule ? "

[Elke]

Le rire de Fitz surprit assez la jeune mage. Elle ne se serait vraiment pas attendue à voir quelqu'un comme lui rire d'un coup, comme ça, alors qu'il paraissait être du genre... Elle ne savait pas trop. Renfermé, peut-être. Même elle n'avait pas réellement d'amis, plutôt quelques connaissances amicales qu'elle avait laissé derrière elle en quittant son pays.

« Vous avez une tête à rester seul à bouder, c'est pour ça. Vous avez tant d'amis que ça ? Wow. »

Ah, elle l'avait oublié celle-là : « un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ». Elke ne pouvait pas s'empêcher de faire une moue très désapprobatrice. Si elle voulait utiliser ses pouvoirs, elle le ferait ! Pourquoi toujours juger si la situation est adéquat ou non ? Si elle voulait créer une balle magique sur un coup de tête et jongler avec, qu'est-ce qui l'empêchait de le faire ? Ce n'est pas comme si elle comptait se retenir quand elle avait ce genre de caprice. D'ailleurs la magie s'avérait toujours être très utile, surtout quand elle faisait l'école buissonnière du temps où elle était encore à Pierre-de-Shor. Cependant, Fitz ne semblait pas la comprendre... Il réagissait comme n'importe lequel de ses professeurs l'avait fait – peut-être en moins moralisateur (et encore) –, sauf Therecer.

« Si vous l'aviez su immédiatement, pourquoi est-ce que vous m'avez interrogée ? »

Lui et le Doyen avaient douté d'elle pendant si longtemps, Elke fut un peu surprise d'apprendre que tout ça n'était presque que du vent. Mouais, ce n'était pas bien logique. Enfin, peut-être qu'il s'agissait là de protocole... Et puis, comment aurait-il pu le savoir ? Elke le regarda s'éloigner sans pour autant le quitter des yeux, se demandant réellement si elle devait le suivre ou non. Elle avait envie, elle avait besoin d'en savoir plus ! Mais elle ne voulait certainement pas s'enrôler au Collegium. Non, hors de question ! Malgré tout ce qu'avait dit Fitz, elle ne voulait absolument pas recommencer les cours, répéter ce cycle où elle était déjà morte d'ennui une fois. Il lui fallait un maître, et partir à l'aventure, loin ! Parcourir les mers, peut-être... Rencontrer un Compagnon... Combattre pour ce qu'elle voulait protéger, et non pas pour ce que les autres voulaient protéger.

À peine Fitz se leva-t-il qu'Elke se redressa d'un bond, comme un réflexe. Il lui proposait réellement de voir le Collegium ? Certes, c'était toujours mieux que de dormir dehors, mais elle ne pouvait pas s'empêcher de penser qu'il y avait anguille sous roche.

« Vous promettez, hein ? Pas de piège, pas de coup fourré. Et si je vous suis, ça ne veut pas dire que j'accepte d'être élève là-bas ! Je serai libre de partir si je veux, compris ? »

Avant de perdre complètement le capitaine de vue, Elke ramassa en vitesse son sac et sortit dans la rue en vitesse, en espérant que Fitz n'ait pas disparu. Elle aurait été bien incapable de retrouver son chemin, toute seule ! Mais il était encore là, avec sa hache derrière lui.

« Donc c'est le Doyen qui juge si je peux entrer ou pas au Collegium ? Et il juge sur quoi, concrètement ? J'ai besoin de me préparer pour un test ? »

Si c'était de la théorie, c'était foutu ! Elle n'avait pas ouvert un bouquin de cours depuis des lunes... Oh elle aimait lire et apprendre, mais pas quand quelqu'un lui bourrait le crâne avec. Heureusement, la pratique pouvait rattraper un petit peu. Enfin, sans le doute, elle essayait de se rappeler de ses derniers cours... Hum, ce n'étaient guère de bons souvenirs.

« J'ai l'impression de commencer une partie de Scrabble qu'avec des W... » maugréa-t-elle plus bas.

[Fitz]

Le capitaine souriait, cela lui arrivait de plus en plus, mais la petite était touchante à sa façon. Elle risquait vite fait de se faire des ennemis au collegium, et elle aurait surement besoin qu'on veille un peu sur elle. Mais elle semblait forte, et quelque part, Fitz comprenait. Bien sûr pour elle il n'était sûrement qu'un adulte moralisateur de plus, mais il n'y avait pas que ça. Il avait appris à ses dépends qu'un don mal utilisé pouvait provoquer une catastrophe, et il voulait juste qu'on ne fasse pas la même erreur que lui.

"Et pourquoi ne pas t'interroger ? Ce n'est pas parce qu'une personne n'est pas dangereuse que ses idées ne le sont pas. Je savais que tu n'étais pas un danger immédiate, j'avais besoin d'être sur que tu ne le deviendrais pas. La façon de voir d'une personne peut le mener sur un chemin qui pourrait devenir un risque pour la sécurité du pays. Les histoires sont pleines de gens inoffensifs et puissants qui tournent mal en faisant le mauvais choix. Et puis j'aime bien savoir qui je fais rentrer entre nos murs, c'est mon travail."

Oui il la ferait entrer. Les portes principales n'étaient pas très éloignées, et il la remettrait alors aux mains de l'intendante, qui risquait fort de craquer une pile quand elle verrait l'état de la jeune fille... Et ca retomberait surement sur les épaules de Fitz. Mais peu importe, elle le suivait et c'était déjà une mini victoire.

"Je te le promets, pas de pièges, pas de coup fourré. Je te demanderai juste d'être ouverte d'esprit et d'essayer de voir ce que le collegium pourrait t'apporter, au lieu de voir ce dont il va te priver, regarde partout comme à mon avis tu sais si bien le faire. Tu sais on a beaucoup plus de pratique que de théorie au final. Et c'est toujours drôle de voir une boutefeu qui perd le contrôle et enflamme la moitié de la cours... Enfin drôle. Moi je trouve ca drôle, les charpentiers un peu moins. Si tu veux te marrer un coup, vient voir un des cours de survie que je donne, ou un de mes entrainements aux armes. On s'est pas réellement marré tant qu'on a pas vu une noble rendre son repas devant l'ouverture d'un lapin. Enfin bref, tout cela pour dire, écoute bien ce que le doyen te propose, moi je te promets que j'essayerai de retrouver ton vieux."

L'image pourrait sûrement paraître étrange à quiconque passerait dans les rues de la ville à cet instant. Un capitaine de la garde, suivi par une petite blonde, lancés dans une grande conversation sur les tenants et aboutissants du collegium. M'enfin on avait vu pire passer les portes principales, alors... Et le capitaine était assez pressé de savoir à quel point la jeune fille avait du talent.

"Je pourrai pas vraiment t'en dire plus sur le test. Je dirai surtout qu'il va voir à quel niveau tu en es, quel dose de pouvoir tu as, si tu connais les bases sur les barrières, ou les flux d'energie. Voir si tu sais te contrôler ou pas du tout. Et en fonction de cela il déterminera ton niveau, et essayera sûrement de t'aiguiller. Mais si on t'a dit qu'on essayerait de trouver ton maitre, alors on essayera. Cependant tu peux comprendre je suppose, qu'on ne veuille pas laisser une mage qui ne contrôle absolument rien en liberté au sein du palais. On a besoin d'être certain qu'au delà de ce que tu es toi, ton pouvoir est bien sous ton contrôle."

Quant au reste cela restait de l'ordre de la tambouille interne du collegium des mages. Et cela ne regardait pas Fitz. Enfin ce n'était pas vrai. Cela ne l'intéressait tout simplement pas.

"Puis avec que des W tu peux réussir à faire le cri d'un escargot sur une tortue pour peu qu'il y ait un I sur la table: Wwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwi"

Après tout elle trouverait bien sa place. Par contre la question restait en suspend pour Fitz: Si jamais ils ne trouvaient pas son maitre, qui prendrait en charge l'animal intenable qui le suivait au pas? Qu'il aimerait être une petite souris pour voir ça.

"Tu sais j'étais comme toi. Je refusais de me laisser enfermer par le palais, je voyais d'un mauvais oeil qu'on essaye de m'inculquer des choses, ou encore qu'on veuille me contrôler. Au final, je suis encore plus libre qu'avant, et je vis nettement plus de chose que lorsque j'étais sur la route tout seul. Reste aussi ouverte une fois là-bas que si tu découvrais une nouvelle magie."

La porte n'était plus très loin maintenant, et le premier passage obligatoire pour la jeune fille aussi.

"Je tiens juste à te prévenir. La première personne que tu vas rencontrer c'est l'intendante. Elle va t'assigner un endroit où dormir, et sûrement des vêtements propre. Et si tu trouves que moi j'ai l'air boudeur, alors attends de la voir elle si tu oses lui répondre de travers. Cette femme est un dragon, et quand elle verra ton état... Que les dieux nous protège, elle risque fort de nous balancer un bac d'eau froide directement sur la tête, à toi comme à moi !"

Les gardes en faction s'écartèrent en voyant arriver au loin le capitaine. La porte était en vue, et il en faudrait peu avant qu'il ne remette la trublionne aux mains de personnes qui seraient sûrement très vite débordées. Il était prêt à parier qu'on viendrait le chercher avant deux décades pour tenter de rattraper la gamine en train de vagabonder dans la forêt avoisinante. Ou d'aller s'occuper de la gronder pour une mauvaise blague qu'elle aurait faite à un noble un peu trop prétentieux du coin. Mais il en souriait d'avance.

[Elke]

Rien que d'imaginer tout ce que Fitz racontait, un léger rire s'échappa de la gorge d'Elke. Que ce soient ces nobles qui vomissent tout la boule de feu... Il se passait vraiment ce genre de chose ? Ce n'est pas comme si ça lui était étranger – puisque Elke était à l'origine d'environ 82% des incidents de son école – mais imaginer ça dans un endroit aussi impressionnant que le palais, ça devait valoir le coup d’œil.

« Vous savez, il y avait des mères à Pierre-de-Shor, pour le côté religieux, je suppose... D'habitude, j'aime bien ce genre d'histoire, mais je crois qu'elles ne m'aimaient pas ! Un matin, alors que j'entrais dans la salle où elles étaient la plupart du temps, j'ai hurlé « Bonjour mes mères ! ». Et il n'y en avait qu'une. La mère supérieure. Ha ha, l'instant d'après, j'étais virée de la salle avec un coup de pied au cul ! Je peux vous jurer que vous aurez tué pour voir l'expression sur son visage. C'était vraiment quelque chose ! »

Oh cette histoire datait de quelques années, mais Elke s'en rappelait très bien – et son derrière aussi –. C'était sûrement une des fois où elle avait le plus été sermonnée, surtout après par ses professeurs. Mais c'était réellement une perle, surtout dans ses souvenirs ! Bon étrangement, elle n'a plus reparlé à une mère depuis. De toute façon, elles étaient surtout là pour les plus jeunes qui rentraient dans cette école, et comme géographiquement le temple n'était pas loin, leur présence était assez logique.

Alors qu'elle pensait que Fitz n'allait pas relever cette remarque qu'elle avait fait en aparté, la jeune mage fut assez étonnée de voir que non seulement il y répondait, mais qu'en plus... c'était drôle ! C'était une blague nulle, mais drôle ! Et dire qu'elle le pensait sans le moindre humour. Un rire léger s'échappa de sa gorge ; il avait une voix absolument géniale quand il faisait son « wwwwwi » ! Certainement pas crédible, complètement ridicule, simplement géniale !

« Ok, ok, j'étais loin de penser que le prestigieux capitaine de la garde avait un minimum d'humour ! Un point pour vous. »

Cependant, elle redevint vite plus sérieuse quand elle vit qu'ils se rapprochaient de plus en plus des portes. Peut-être l'angoisse, qui sait ? Le fait était que Fitz avait vu juste : elle ne supportait pas l'idée qu'on puisse vouloir la contrôler ou la formater pour qu'elle devienne ce que les gens attendent des mages. Mais elle ne voyait pas du tout en quoi se lier à quelque chose comme le Collegium la rendrait plus libre. Au contraire, ça la privera de tout ! Si Fitz donnait des cours de survie, ça lui plairait bien d'y assister, mais si elle était obligée de participer à chacun des cours obligatoires pour les mages, là elle allait vite craquer.

« Mon état ? Qu'est-ce qu'il a mon état ? »

Elke regarda rapidement ses manches, et elle n'y vit rien d'anormal. Elle était couverte de poussière des routes, le bord des tissus était complètement usé, et le reste de son corps n'était pas épargné. Mais elle ne se trouvait pas plus sale que d'ordinaire, et pour elle, son apparence était parfaitement acceptable. Elle n'allait pas à un bal après tout !

Elle n'avait jamais été à un bal.

On mourrait d'ennui à un bal, non ?

« Je crois que j'avais trouvé un sort contre les bacs d'eau froide un jour, si ça peut vous rassurer ! Le seul problème, c'est que ça transforme l'eau en un truc bizarre qui colle. Remarquez, c'est toujours mieux que de l'eau glacée ! … Et toujours mieux que les conseils du professeur Therecer. Il disait souvent « Quand la vie t'envoie des pieux, va tuer un clown ! ». Je n'ai jamais su s'il le faisait réellement ou pas. De toute façon, la plupart du temps, c'est lui qui envoyait les pieux. »

Bon, il y avait de plus en plus de gardes... Bon signe ou non ? Ça voulait dire qu'ils étaient proches, peut-être. Elke s'arrêta un instant pour inspirer un grand coup. Psychologiquement, elle était prête. Dire qu'elle s'était jurée de ne plus remettre les pieds dans une école de magie, sauf cas d'extrême urgence.

« Avant de rentrer, j'ai besoin de savoir un truc. De manière immédiate. Comment vous avez survécu à ce genre de truc si vous étiez réellement comme moi ? »

[Fitz]

"Tu apprendras que j'ai beaucoup d'humour. Les gens ont juste du mal à comprendre mes blagues. Mais l'important c'est qu'elle me fasse rire non ?"

Oui même si il riait tout seul, il avait pour habitude de penser qu'il valait mieux rire seul que mal accompagné. Et puis visiblement la gamine aimait son sens de l'humour ce qui faisait plaisir au capitaine. Finalement elle trouverait peut être sa place dans le coin. Après tout, tant qu'on était bien dans ses chaussures on était bien partout.

"Disons qu'on peut voir sur ton visage et tes vêtements que tu as bien voyagé... Et crois-moi, l'intendante est du genre a aimer les choses nets!! La première fois qu'elle m'a vu revenir de campagne, je pense qu'elle a fait une micro attaque. Depuis je l'évite tant que j'ai pas eu le temps de me changer, si je veux pas me prendre un de ses sabots à l'arrière de la nuque!"

Il en rajoutait peut être un peu, mais il était de notoriété publique que la femme aimait le propre, le rangement, et que ni l'un, ni l'autre n'était l'apanage d'un soldat qui revenait du front.

"Un sort pour transformer l'eau en truc qui colle ? Pas mal. Mais est-ce que franchement c'est plus propre et agréable que de l'eau ? Faudra qu'on essaye un jour, je connais deux ou trois nobles sur qui on pourrait tester si tu veux! Par contre le répète pas, ou le préfet va encore m'en faire une jaunisse. Pour ce qui est de la maxime de ton professeur, j'en avais une équivalente "Si on te donne un bout de bois, taille le en pique et tues le mec qui t'a donné ca. Quel idée d'offrir un bout de bois!". Mais je te déconseille de suivre cette maxime là, le meurtre est mal vue par ici."

L'arrêt de la jeune fille par contre n'était pas prévu par le soldat. Il écouta sa question. Au fond la gamine était plus angoissée qu'elle ne laissait paraître. Le soldat déposa sa hache sur la rambarde près de lui, et s'agenouilla pour se mettre à sa hauteur.

"Je suis resté moi-même, j'ai été vers les gens, j'ai appris à écouter, et à apprécier le temps qui passe. Tu sais depuis que je suis arrivé ici on essaye de m'apprendre l’étiquette, il parait que c'est indispensable à un bon capitaine. Je suis toujours pas foutu de faire une révérence correct, et je sais jamais quand je dois appeler Arthon, mon roi, seigneur, ou bachibouzouk. Je suis moi, et c'est pour ca que les gens d'ici m'apprécient. Je fais mon job, et je le fais bien, rien de plus ne compte ici. On ne te demandera pas de devenir ce que tu n'est pas, et si le Doyen m'a demandé de t'amener c'est qu'il pense que tu en vaux le coup. Alors ne te prends pas la tête, reste ce que tu es, et surtout... Surtout, n'essaye pas de passer pour ce que tu n'es pas."

Il ébouriffa rapidement le haut du crâne de la gamine avant de se relever.

"Et si jamais tu as un problème, une question, ou juste besoin de t'échapper un instant, viens me retrouver à la caserne. Je connais plein de coin où tu pourras te défouler un peu et oublier pour un moment ce qui t'ennuie."

Devant eux les portes du collégium, l'étape d'après ce serait l'intendante. Les gardes de chaque côté ouvrirent en grand l'imposante entrée.

"Tu es prête ? Si tu as besoin d'un peu de temps dis le moi. Une fois que tu auras vu l'intendante, tu pourras aller au cuisine si tu as encore faim, j'irai prévenir le cuistot que tu pourrais passer."

[Elke]

« J'imaginais mal un représentant de l'autorité avec un quelconque sens de l'humour... » avoua-t-elle en levant un regard assez curieux vers Fitz. « Vous savez... L'autorité, l'humour... Ces deux mots-là. Non mais réellement ! Mettez-vous deux secondes à ma place, c'est un peu étonnant. »

Elle se tut soudainement, se rendant compte qu'elle venait de dire quelque chose de complètement stupide : depuis bien le début du trajet, Fitz lui faisait comprendre qu'il avait été à sa place. Bah, l'important, c'était qu'il comprenne l'idée ! Contrairement à ce qu'elle aurait cru au départ, discuter avec Fitz n'était pas désagréable. Sa hache était toujours là, là n'était pas la question, mais il semblait... moins méfiant peut-être. La pensée que ça ne pouvait être qu'un masque n'effleura même pas l'esprit d'Elke.

Et il fallait bien ça parce que la simple idée d'approcher le Collegium commençait lentement à la faire angoisser. Elle connaissait les écoles de magie, et elle était persuadée d'en savoir assez pour n'avoir aucune envie qu'on essaie de la formater pour qu'elle devienne « un mage correct ». Sa vision était très claire : ils veulent la faire entrer dans un moule. La museler, comme ils muselaient tous les mages, juste au cas où leurs pouvoirs leurs échapperaient. Alors entrer dans un endroit où des gens essayeraient de lui mettre une muselière sur la bouche, ce n'était pas réellement la chose la plus sereine qu'elle ait eu à faire dans sa vie.

Son inquiétude devait être plus visible qu'elle ne le pensait, Fitz se baissa devant elle comme si elle n'était rien de plus qu'un enfant.

Cette impression ne plut pas réellement à la jeune mage qui préférait se considérer comme une adulte, mais finalement, eh bien... C'était plutôt agréable. Il essayait de la rassurer à sa façon. Il fallait bien avouer qu'Elke n'avait guère l'habitude qu'on lui parle de la sorte, en insistant sur le fait qu'elle ne devait pas changer la personne qu'elle était. Bien sûr que non, elle ne comptait pas devenir quelqu'un d'autre ! Mais personne ne l'avait encouragée dans cette voie. Ses professeurs voulaient faire d'elle une mage responsable et sage, et sa famille... Eh bien il était inutile d'y penser.

Elle fixa Fitz longuement, posant lentement sa main là où celle du capitaine avait ébouriffé ses cheveux, sans trop savoir quoi en penser.

« D'où je viens, quand je suis moi, les gens ne m'apprécient guère... » lâcha-t-elle en libérant sa tête.

Allez savoir... Peut-être l'élève ingérable et imprudente qu'elle était n'arrangeait pas les choses !

Malgré tout, voir les immenses portes du Collegium s'ouvrir fit apparaître une boule d'angoisse dans le creux de son ventre. Elles étaient massives, imposantes, et même si elle ne ressemblaient en rien à celles de Pierre-de-Shor, elle y retrouvait une oppression très semblable. Ces choses allaient l'enfermer à l'intérieur, ça ne présageait rien de bon ! Enfin, s'il fallait passer par là pour retrouver son professeur... La jeune mage fit un premier pas, hésitante, puis s'arrêta net.

« Oh non ! Je ne peux pas... Ah, oubliez ça ! Ok, ok, c'est bon... C'est ok. Dans le pire des cas, il doit bien y avoir quelques petites failles à exploiter pour sortir d'ici, au besoin. Je me demande de quels minéraux sont constitués les murs... Une idée Fitz ? Merci de votre silence Fitz. Autre question : où se trouve la caserne ? Loin ? Proche ? Par là ? » Elle montra une direction au hasard avec son bras, sans avoir la moindre idée de ce qu'elle disait. « Et si l'intendante me jette d'ici ? Et si elle refuse que je lise les archives ? Je suis de Rethwellan, je suis sale ! Je ne... »

Oh et puis zut. Se prendre la tête, ce n'était vraiment pas son genre. Il était temps de prendre son courage à deux mains, Elke ! Et d'affronter son pire ennemi : la terrifiante et si ennuyeuse salle de cours. En espérant que Fitz n'ait pas tout inventé dans l'espoir de la convaincre à s'enfermer ici volontairement. Elle se mit deux claques sur le visage, inspira et expira profondément, avant de retourner son regard vers le capitaine.

« Donc, l'intendante. Elle ne devrait pas être difficile à trouver. Si j'entends quelqu'un hurler en me voyant, ça devrait être elle ! … Je sens que je vais très rapidement regretter mon choix, mais merci Fitz. »