*Quelle puissance !*
La tornade était lancée et les wyrsas partaient en tous sens, se cognant partout et recevant de plein fouet toutes sortes de projectiles avant de s’affaler au sol, vivants, mais désormais relativement inoffensifs. A peine le dernier eut il touché terre que Manuchan sentit une forte montée de puissance non loin derrière lui. L’énergie brute des nodes était aspirée par le corps de la jeune fille, métamorphosée par la puissance. On eut dit une déesse et le mage pensait qu’effectivement, il s’agissait bien là d’une intervention divine.
*Celle Aux Yeux Étoilés, cela ne peut venir que d’Elle étant donné les iris de Perle qui ont disparus, remplacés par des étoiles. La Déesse des shin’a’in nous vient en aide ! Bénie soit-Elle !*
Les wyrsas qui avaient pris l’Apprentie pour cible tombèrent sous le coup d’un éclair d’une puissance phénoménale et la jeune fille défaillit, vidée et choquée probablement, elle s’était évanouie.
L’Adepte n’eut pas le temps de mettre pied à terre pour lui venir en aide qu’une des créatures à demi-morte se releva brusquement et tenta de tuer la proie près d’elle mais ne réussit finalement qu’à la mordre violemment à la poitrine.
*Non ! Je t’interdis de la toucher !*
Pris d’un accès de rage et n’y réfléchissant même pas, Manuchan tressa, le temps d’un battement de paupière, un filet d’énergie magique qui emprisonna le wyrsa déjà immobile. Si la bête vivait encore, elle ne pourrait plus faire un mouvement quelle que soit sa volonté, car plus elle se débattrait et plus le filet se resserrerait jusqu’à la tuer.
Manuchan approcha de sa compagne de voyage avec douceur et posa la tête de celle-ci sur ses genoux. Il n’avait jamais eu aucun don de guérison et le regrettait amèrement.
*En revanche, je peux au moins soigner sa plaie avec les herbes que j’ai emportées….*
Répugnant à laisser la jeune fille le temps d’aller cherche son nécessaire médical, il souhaitait auparavant s’assurer que tout danger était écarté. Son énergie était presque totalement épuisée désormais et mis à part une dague dans une de ses sacoches, il n’avait pas grand-chose. Il allait la chercher lorsqu’une sensation lui parut étrange. Comme une énergie qu’il connaissait mais à laquelle il ne s’attendait pas. La magie du sang qui avait été utilisée brouillait quelque peu sa vision magique mais elle fonctionnait suffisamment pour qu’il puisse voir les lignes et nodes d’énergie sous ses pieds : elles étaient intactes ! Plus aucun signe de maltraitance, l’énergie coulait abondamment et de façon fluide ce qui le fit sourire malgré lui.
Il est vrai que Perle avait utilisé les nodes juste avant, il semblait que la Déesse savait bien ce qu’elle faisait quand elle décidait d’aider. Le contraire aurait été plus qu’étonnant !
Ainsi, tout en se dirigeant vers sa sacoche, il se connecta à la node la plus puissante des environs et laissa son énergie brute affluer en lui. Il le paierait plus tard d’un sacré mal de tête mais qu’importait ? Chaque parcelle de puissance qu’il récupérait servait immédiatement à créer autour de chaque wyrsa au sol le même filet d’énergie que sur le premier, mort ou pas ! Arrivé à sa monture et fouillant dans ses affaires, tous étaient désormais emprisonnés et à sa merci. Il lui faudrait achever les survivants s’il le fallait, il ne le ferait pas de gaieté de cœur mais ces créatures étaient bien trop dangereuses pour les laisser en vie. Il s’en soucierait plus tard.
L’homme ressentit une vive satisfaction lorsqu’il trouva enfin ce qu’il cherchait dans le fond de la deuxième sacoche qu’il fouillait se promettant à lui-même de marquer celle-ci d’un signe distinctif plus tard !
« Les plantes, le bol, le pilon, du fil, une aiguille… Il me faut de l’eau. »
Manuchan préférait ainsi énumérer ce qui lui était nécessaire à haute voix, cela lui permettait de rester concentré et de ne pas laisser son esprit divaguer suite au choc du combat. Il prit la gourde accrochée à sa selle. Pleine à moitié… Cela suffirait, il le faudrait bien, même s’il mourrait de soif plus tard. L’orage continuait à gronder au dessus de leur tête et le vent rugissait, mais, bien sûr, pas une goutte de pluie ! Il aurait pu influer la dessus, mais ce n’était pas le moment et il préférait de toute façon ne pas risquer d’attirer d’autres bêtes qui pourraient être intéressées par l’humidité que les animaux sentaient aussi bien que les wyrsas sentaient la magie.
Assis à même le sol près de Perle, le bol calé entre les jambes et le pilon frappant les plantes mêlées d’eau, le mage laissa enfin son esprit faire un peu ce qu’il voulait, au moins le temps de cette préparation qui ne requérait aucune concentration.
*La Dame Aux Yeux Étoilés…. Incroyable ! Ce n’était probablement pas Elle en personne, mais Elle y est forcément pour quelque chose. Airamant m’en avait parlé, il y a longtemps de cela…. Mon bel ami, mon professeur…. Airamant.*
-Début du souvenir-
Airamant était un mage Adepte tayledras un rien particulier… Il ne vivait pas avec son clan et n’en parlait jamais ce qui en soit est déjà quasiment inconcevable, à plus forte raison pour un Adepte dont les vallées ont un réel besoin.
Manuchan, alors au rang de Compagnon s’éprit facilement de cet être hors du commun pour quelqu’un n’ayant vécu qu’en Rethwellan. Il avait des cheveux longs jusqu’à la taille sur un visage aux traits fins et sans âge, aussi blancs que de la neige et des yeux bleus fascinants. Bien sûr cela était dû à son utilisation intensive des nodes. Il avait vécu longtemps dans sa vallée avant de s’en aller et les effets de la magie étaient déjà intervenus avant son départ. Désormais, il se considérait comme un « guérisseur de la terre itinérant » selon ses propres termes. Il intervenait simplement quand il le pouvait en fonction de l’endroit où il se trouvait à ce moment là.
Ce jour, ils avaient passé la journée à s’occuper de nodes de faible intensité, le tayledras apprenant au mage à utiliser ces sources d’énergie convenablement au fur et à mesure et à les « soigner » si cela s’avérait nécessaire.
La fatigue faisait perdre sa concentration à Manuchan et son compagnon s’en rendit compte, bien entendu. Un fouet d’énergie claqua près de l’oreille du jeune homme et il sursauta se rendant compte qu’il avait failli briser sa connexion avec la ligne d’énergie qu’il rattachait à sa node d’origine. Se reprenant, il rattacha la ligne du mieux qu’il put et cessa toute intervention, laissant à Airamant le soin de terminer.
Cela fait, celui-ci rejoignit son « apprenti » et au lieu de le sermonner, le prit dans ses bras et lui caressa les cheveux.
« Je sais que ce que je te demande n’est pas aisé et je ne t’en veux pas. Tu y arriveras, j’ai confiance en toi. »
Manuchan, qui se sous-estimait en fait continuellement malgré son apparente arrogance ressentit une énorme bouffée de gratitude pour ces paroles et pour son amant.
« Dis moi Airamant, de ce que j’en ai lu et à moins que je fasse erreur, les tayledras et les shin’a’in viennent du même peuple à la base, n’est-ce pas ? »
Manuchan regardait son interlocuteur avec des yeux avides de savoir, comme à son habitude et cela fit sourire celui-ci et le regarder tendrement avant de lui répondre.
« Effectivement, la Déesse nous a permis à l’époque de vivre les uns différemment des autres car tout le monde ne souhaitait pas la même chose. Elle donna aux deux peuples, en échange de serments, des terres ou des pouvoirs. Dans Sa grande sagesse, Elle avait compris qu’une scission était inévitable. Il arrive parfois que certains puissent lui parler, comme les kal’enedral ou certains tayledras, mais cela reste un fait relativement rare. Une chose est sûre en tout, cas : Elle se soucie grandement de ses « enfants » et les soutiendra probablement toujours. »
La ferveur avec laquelle en parlait Airamant laissa supposer au jeune homme que si cela n’était pas vrai, du moins son peuple et les shin’a’in devaient y croire dur comme fer. Il aurait aimé en savoir encore plus, mais l’Adepte aux cheveux blancs en avait déjà dit plus que ce que l’on lui avait demandé. Aussi préféra-t-il taire sa curiosité pour une fois et choisit plutôt de se changer les idées en blottissant son visage dans la nuque du tayledras.
« Je suis sûr que tu as encore des choses à m’enseigner, mon maître…. »
En cela au moins, Airamant ne se lassait pas de satisfaire sa curiosité.
-Fin du souvenir-
Lorsque Manuchan revint dans la réalité, le cataplasme était prêt. Il avait pris soin de prendre sa dague, non pour se défendre cette fois-ci, mais simplement pour découper les vêtements de Perle afin de ne pas risquer d’abîmer les chairs à vif. Il découpa donc son haut et commença avec un morceau de tissu prélevé sur celui-ci par éponger la plaie avec l’eau qui lui restait, vidant ainsi définitivement la gourde. Une fois que la plaie lui parut propre, il appliqua le cataplasme qui d’une part, atténuerait la douleur si la jeune fille venait à se réveiller et d’autre part combattrait un risque d’infection. Il aurait pu cautériser la plaie grâce à la magie mais Perle risquait d’en souffrir atrocement.
Le mage s’installa le plus confortablement possible et surveilla attentivement tout mouvement de la demoiselle. Le vent était tombé et l’orage semblait s’éloigner un peu. Réunissant quelques branche sèche - au moins, l’avantage de ne pas avoir de pluie était là- Il entreprit de faire un feu qu’il fit prendre facilement en utilisant juste ce qu’il fallait de magie pour produire les étincelles nécessaires à son allumage. Autant que faire se pouvait, il ne voulait pas que sa présence magique soit remarquée et recourut au même procédé qu’auparavant pour camoufler sa puissance. Si d’autres ennemis pouvaient sentir la magie, il ne souhaitait vraiment pas leur faciliter la tâche ! Sa culpabilité quant aux évènements était bien présente et il s’en voulait terriblement. Bien qu’il ne soit pas réellement fautif, il aurait voulu pouvoir faire mieux. D’un geste instinctif, il écarta les mèches de cheveux du visage de Perle alors qu’une larme unique roulait sur sa joue.
« Bien, chère petite, il ne nous reste plus qu’à attendre que tu te remette suffisamment pour te remettre en selle et grommeler d’un ton insolent quand je te réprimanderai »
Manuchan sourit avec tendresse en regardant la jeune fille et réprima un rire en pensant que si elle avait entendu ce « chère petite » il en aurait probablement pris pour son grade d’une façon ou d’une autre.