«Et tu te comportes comme une vénérable matrone. Ou une noble, ce qui est presque pire. Au moins avec la matrone, on peut imaginer qu'elle a un jour eu une vie palpitante.»
Pour Méra, la vie se devait d'être amusante, excitante, folle. D'autant plus quand on était Héraut et que la mort pouvait vous faucher sans crier gare. Elle n'avait pas du tout envie de partir pour l'autre côté pleine de regrets.
La curiosité de Mina fit sourire Méra. Quand avait-elle vu Beltran presque nu? Elle était encore grise, c'était certain. Elle se souvenait des circonstances par contre. Elle en avait eu marre d'attendre Wylan qui devait la retrouver sur le terrain d'entraînement, et elle était entrée dans les vestiaires, persuadée qu'il était seul, car elle n'avait entendu aucune conversation depuis l'extérieur. Là, elle était tombée sur un Beltran de dos en train d'enfiler ses chausses et sur un Wylan qui l'avait fixée d'un air amusé. Elle s'était figée quelques instants avant de refermer la porte, hilare. Elle avait pu entendre à travers l'huis Wylan rassurer Beltran d'un: "Oh, quelqu'un qui s'est visiblement trompé de porte".
«J'étais encore étudiante. Et plutôt avancée, car je prenais déjà des cours avec Wylan. Beltran ne le sait pas par contre.» Elle lui dit un clin d'œil. «Et j'ai dit presque nu parce que je n'ai vu que la moitié dorsale de son anatomie. Wylan traînait, je suis allée les chercher dans les vestiaires, et Beltran était dos à la porte, en train d'enfiler son pantalon. Sans rien d'autre sur lui évidemment. J'ai pu admirer le galbe parfait de ses fesses» ajouta-t-elle pour Éloïse.
La conversation sur l'usage du corps féminin laissa Mina totalement sans voix, et Méra se désola intérieurement d'avoir échoué à décoincer totalement la jeune femme. Pourtant, elle y avait mis du sien: sous-entendus, anecdotes grivoises, propositions osées. Mais rien n'y avait fait. Mina était-elle à peine plus détendue qu'avant sa probation.
Méra savait être sérieuse quand c'était nécessaire, et le comportement de Burt l'avait ramené dans des dispositions moins puériles. Quand Éloïse fit usage de son Don sur elle, elle fut d'abord choquée, même si elle était normalement barricadée. Quelle mouche piquait donc sa consœur. Puis, elle réalisa qu'une démonstration valait mieux qu'un long discours dans le cas précis et elle hocha la tête, ayant parfaitement compris où la jeune femme voulait en venir.
«A-t-il développé une résistance à ton Don? Ce serait normal, non? Ou alors en a-t-il eu marre de te laisser faire, et il a simplement remis en place de vraies barrières.»
Elle soupira en écoutant Éloïse décrire la relation compliquée qu'elle entretenait avec son Compagnon.
«Alemdar et Taver sont-ils au courant? Je veux dire réellement? C'est leur job de régler ce genre de problèmes. Et la situation ne peut pas rester telle qu'elle! C'est beaucoup trop dangereux. Le Lien a besoin de proximité pour s'épanouir, de renforcer et s'entretenir! Et il le sait très bien, j'en suis sûre.» Elle fronça les sourcils. «Il est moche, c'est certain. Mais quelle importance? Si un Héraut se cachait comme cela à cause de son apparence physique, tout le cercle serait derrière lui pour le forcer à sortir! Sérieusement les filles» dit-elle en se tournant vers Ezarel et Shyrril «je trouve que vous faites mal votre boulot!»