Il était plus facile de lui dire d'oublier d'être la Peste, d'être une noble. Saskia n'avait aucune prise sur son avenir, et surement pas si elle décidait de suivre une voie aussi peu glorifiante que guérisseuse. Pourtant, elle était touchée par la réaction d'Arthon. Sans doute bien plus qu'elle ne pouvait l'admettre.
Allongés là, sur un lit miteux de la Maison de Guérison, légèrement au-dessus de lui, la Noble Demoiselle se sentait bien. Peut-être trop. Dans les rêves les plus fous de la Grande Peste, jamais ils n'avaient aussi proches, et nul doute que la DeFeriel aurait saisi cette occasion pour que n'importe quel témoin les voit ainsi. Mais plus maintenant. Elle avait trop changé pour imaginer une seule seconde profiter ainsi de la situation pour la seule fierté de ses parents. Elle, elle aurait l'impression de trahir cette confiance qui s'est installée entre eux. Et Saskia ne veut pas perdre ce lien qui s'est créé entre eux. Pour rien au monde.
Aussi, quand il la repousse, Saskia a mal. Ce cœur qui cognait si fort manque un battement. Une énorme boule se forme dans sa gorge, et quand il ferme les yeux, elle a envie de pleurer. Les excuses qu'il lui présente ne font qu'aggraver les choses. "Merci pour vos bons et loyaux services, la sortie est par là", voilà comment elle le prend. Saskia ne se sent pas trahie, mais abandonnée. Debout près du lit, elle le regarde en silence, tandis que l'expression de son visage se durcit. Quand il reprend sa main, la jeune fille préfère se défaire de sa prise, plus brusquement qu'elle ne l'aurait voulu en réalité, et elle part.
Après tout, tout ceci n'était qu'une mascarade. Un plan parfaitement pensé par Saskia DeFeriel pour que sa Noble famille ait enfin une emprise sur la couronne. Et puis, elle s'est bien ennuyée, avec Arthon. Il est si inintéressant, ne parlons même pas de son canasson malade ! Que de sacrifices et d'ennui ces dernières semaines, et jouer la gamine amoureuse était si...
Elle n'arrive même pas à se convaincre de ce qu'elle pense, et ça ne lui fait que plus mal. Elle bute pourtant sur le dernier mot qu'elle utilisé : amoureuse ? La bonne blague. Elle n'a pas besoin de s'encombrer d'amour, en plus. Tout ça est déjà suffisamment tendu pour qu'en plus, elle s'amuse à s'amouracher de l'Héritier de Valdemar.
Ryis la contacte à ce moment-là, et Saskia décide de l'ignorer. Elle ne sait pas si le Compagnon espionne ses pensées, mais elle a un reniflement dédaigneux. Bien sûr qu'elle s'en veut d'être si puérile, mais... C'est de la faute d'Arthon ! C'est toujours de la faute des autres, d'ailleurs. Elle arrive déjà à la sortie de la Maison quand elle remet bien ses chaussures et qu'un Guérisseur lui touche l'épaule. Erreur : Saskia était en colère.
- Ne me touchez pas ! Comment osez-vous poser vos sales pattes sur moi, espèce de moins que rien !
Le pauvre est surpris par le changement radical d'humeur de la jeune fille tout à l'heure si inquiète.
- Je devrai vous examiner, Mademoiselle... commence-t-il. Mais Saskia l'interrompt déjà.
- M'examiner ! Je vais très bien ! Vous n'espérez tout de même pas me garder dans cet endroit miteux. J'ai surtout besoin d'un bain chaud et d'un lit douillet, pas vos espèces de... choses, là.
Elle a désigné d'un mouvement du poignet un lit et quelques potions qui trainaient sur des tables de nuit.
- Foutez-moi la paix, maintenant !!