Eilane au secours de l'Héritier

[Héraut Arthon]

« Eilane, il faut que je te parle. »

Arthon, habillé en uniforme blanc et bien droit, s'adressait ainsi à la Guérisseuse. Il avait l'air terriblement sérieux et une ride d'inquiétude barrait son front. Il était aussi pâle, comme malade. Et ce n'était pas dû à l'horrible séance du Conseil qu'il venait de quitter – enfin pas entièrement.
Il saisit le bras de la jeune fille et se pencha vers elle.

« Mon Compagnon dort. »

Pour un éventuel espion, cette phrase était banale. Pour Eilane, elle revêtait une signification particulière.

« J'ai besoin de savoir ce que vous avez trouvé. Et il faut que tu viennes avec moi voir le Grand Prêtre, que je n'ai pas à répéter ce que je vais dire. »

L'héritier était très inquiet, se sentait mal et les visions que son Compagnon avaient eu étaient très inquiétantes pour qu'il doive les raconter à un religieux en plus d'à la guérisseuse.

[Eilane]

Eilane lui adressa un regard inquiet et posa la main sur son bras. Ayant un peu d'empathie, elle avait senti son profond trouble et lui envoya une onde apaisante. Puis inclinant la tête, elle l'entraina vers le couloir.

"Nous allons rendre visite à votre Ami. Et ensuite nous irons voir le Grand Prêtre."

Elle attrapa au vol un par-dessus de laine verte et une petite mallette contenant un nécessaire d'auscultation adapté aux non-humains.

"Oesope m'a dit qu'ils avaient une réunion importante ce matin. Nous les dérangerons lorsque j'aurai fait mes conclusions."

Elle ralentit le pas pour lui sourire doucement.

"Ne vous inquiétez pas."

[Héraut Arthon]

L'héritier fut soulager que la jeune femme comprenne immédiatement. Elle se saisit de ses affaires et ils allèrent directement voir Ryis. Eilane essaya de le rassurer mais il garda les sourcils froncés. Ils allèrent voir le Compagnon sans que le prince ne desserre les dents.

Comment tu te sens?

Je vois des étoiles.

Les paroles qu'échangèrent les deux liés ne contribuèrent pas à dérider l'Héritier. Son Compagnon était allongé au fond de la stalle, les yeux fermés et frémissant comme s'il avait de la fièvre.

"Il dit qu'il voit des étoiles... Nos rêves sont toujours dans les étoiles mais il commence à les voir tout le temps. Les autres Compagnons en quarantaine aussi..."

Il alla s'agenouiller près de son ami et lui caressa la tête:

" Est ce un signe de folie?"

Si l'Héritier sombrait dans la démence, c'est tout Valdemar qui était en danger.

[Eilane]

Eilane secoua la tête, indiquant ainsi qu'elle ne savait que répondre à la question du Héraut. Puis, se munissant d'une paire de gants, elle s'approcha du Compagnon et lui sourit.

"Seigneur Ryis je dois vous examiner"

Puis elle s'agenouilla près de lui et posa les mains sur son poitrail, puis sur son museau. Un doigt courut le long de son garot avant de s'arrêter sur son ventre qui se levait et se baissait régulièrement. Eilane identifia rapidement les centres vitaux et vérifia qu'ils n'étaient pas atteints d'un quelconque mal. Puis elle laissa les lignes d'énergie circuler naturellement afin d'en suivre le cheminement. Son Don de Guérison par l'Esprit lui permettait de faire tout cela sans trop s'épuiser, contrairement à certains de ses collègues. Tout semblait en ordre sur le plan physique. Mais le Compagnon était entouré d'une aura différente de celle qu'il aurait du avoir normalement. C'étaient les premiers symptomes.

"Arthon, je dois vous mettre en garde."

Elle leva les yeux vers lui puis se redressa après une caresse à Ryis sur la joue.

"cette... maladie affecte l'esprit de votre Compagnon et..."

Il lui répugnait de lui révéler ce qu'elle avait pu constater.

"Et altère puis romp le lien qui unie le Héraut et son..."

Elle pinça les lèvres. Elle savait qu'il comprenait la gravité de ses paroles.

"C'est arrivé deux fois depuis la semaine dernière. Le Héraut Jorak est maintenu dans un sommeil artificiel à la maison de la guérison car la rupture a manqué de le rendre fou. Son Compagnon n'est plus là."

Elle regarda Ryis de nouveau et plongea son regard dans ses yeux azurs. Elle savait qu'il avait du sentir le Compagnon Faream lâcher prise du Réseau qui les unissaient tous. Il était toujours physiquement présent mais il n'était rien de plus qu'un vulgaire cheval.

[Héraut Arthon]

Arthon ne paniquait pas ouvertement, mais son  esprit criait au secours, et Eilane le sentait sans doute. DE plus, sa voix, pourtant maitrisée et entraînée à ne rien montrer, le trahissait. Un Compagnon était le point faible mortel des Hérauts.
Eilane alla près de Ryis pour l'osculter. Le Compagnon se laissa faire, sans réagir vraiment. Il semblait dormir paisiblement, mais de temps en temps, un frémissement trahissait son état et le lien mental montrait qu'il ne dormait pas vraiment. Quand Eilane se redressa après une caresse rassurante sur la joue du Compagnon, Arthon s'attendait au verdict.
Il ferma les yeux et sentit le désespoir l'envahir. Cela ne pouvait pas être !  Il sentit son menton trembler comme celui d'un enfant qui voit sa mère malade décliner.

" Plus là?... Deux fois..."

Elle devait parler des Compagnons qui n'étaient devenus que de vulgaires chevaux comme si l'esprit-dieu s'était enfui de leur  corps.
Eilane regarda Ryis qui ouvrit les yeux et lui rendit son regard. Il disait qu'il savait, qu'il comprenait. Il s'adressa à Arthon:

Ce n'est pas pour tout de suite. Mais il faut trouver un moyen – je ne veux pas te quitter. Mais si on ne La prend pas au sérieux, elle nous fera tous partir.

Arthon retransmit les paroles de son Lié et assura:

"Il faut absolument parler au Grand Prêtre. Peut-être qu'il saura qui Elle est... Ce qu'on doit faire... Nos rêves ne sont pas clairs..."

[Eilane]

Eilane fronça les sourcils et s'essuya les mains dans le tablier qui protégeait sa robe de guérisseuse et jeta un regard au Compagnon couché dans la paille.

"Qui ça "Elle" ? Et de quels rêves parlez-vous?"

L'évocation au Grand Prêtre lui révéla que l'identité de la personne dont parlait l'Héritier était certainement une divinité. Eilane était du genre sceptique pour tout ce qui touchait la religion. C'était une guérisseuse. Elle savait que les Compagnons étaient quelque chose de presque surnaturel mais elle n'imaginait pas imaginer que leur vie à tous était entre les mains de divinités erratiques.

"Héraut Arthon, je ne me suis pas occupée de l'aspect spirituel du problème. Racontez-moi tout."

[Héraut Arthon]

Complètement paniqué, l'Heritier avait perdu son habituelle habitude d'être clair et concis. Il ne s'en était pas rendu compte et regarda Eilane surpris. Avant d'expliquer:

"Dans nos... visions... Il y a un visage. Des yeux étoilés, comme ceux de la Déesse des Sh'in'a'hin. Mais ce n'était pas Elle, nous en sommes sûrs. Elle nous l'a dit. Il faut qu'on trouve qui Elle est et il faut l'écouter. Tant qu'on ne fera pas ça, elle continuera à intervenir dans nos vies. Elle dit que c'est une question de vie ou de mort mais on n'arrive jamais à en savoir plus. Elle dit juste qu'elle a Choisi ses prophètes comme un Compagnon choisit son Elu. "

Il frissonna.

"Elle est si ... puissante. Et si ... triste."

Ryis intervint:

Il faut nous croire, Eilane. DEmandez aux autres compagnons. Nous ne pouvons pas avoir tous les mêmes visions même si elles sont dues à la maladie, non?

[Eilane]

Eilane fit légèrement la grimace mais acquiesça de la tête à contrecoeur en direction de Ryis. Si tout cela était effectivement d'origine divine, elles serait certainement impuissante à combattre le mal, chose qui avait tendance à la rendre particulièrement furieuse.

"Arthon, je ne sais pas exactement ce que vous comptez faire, mais je trouve ça quelque peu déprimant de penser que la seule chose à faire est de faire brûler de l'encens en attendant que ces fameux prophètes montrent le bout de leur nez!"

Elle jeta un morceau de bandage au sol d'un air rageur et souffla sur une mèche de cheveu qui lui tombait sur le nez.

"En attendant, nous n'allons pas nous laisser faire. Il va falloir faire boire à Ryis de la racine de Génévrier toutes les deux heures. Et vous en prendrez aussi. Tenez."

Elle lui tendit un petit sac d'herbes séchées.

"A diluer dans un litre d'eau bouillante et à maintenir au chaud. Cela contient une dose d'une journée pour vous deux. Et reposez-vous, je vous en supplie."

Puis elle ôta son tablier qu'elle pendit à un clou à l'entrée de la stelle avant de s'épousseter la robe.

"Allons voir Père Janus tant qu'on ne m'appelle pas ailleurs!"

Et elle adressa un sourire à l'Héritier pour le détendre.

[Héraut Arthon]

Arthon regarda Eilane d'un air coupable:

"J'ai déjà essayé l'encens et tous ces trucs, dès qu'on a compris qu'Elle nous parlait... Mais ce n'est pas ça, j'en suis sûr."

Il secoua la tête, combattant la panique pour épargner les affres de la peur à son Compagnon. Il obéit et prit les herbes mais avant de faire ce qu'elle lui disait il ajouta:

" Si la médecine ne marche pas, et si les prières ne marchent pas, tout Valdemar sera en danger, tu le comprends, Eilane?"

Les yeux injectés de sang, un peu plus proche de la folie, Arthon saisit la guérisseuse qui venait de se rhabiller par les épaules. Il la secoua légèrement, sans vouloir lui faire de mal bien qu'il soit presque sûr qu'elle aurait les traces de ses doigts imprimés sur la peau:

" Deux Compagnons sont partis. Et deux Hérauts sont sur le point de se suicider."

Angoisse terrible. Et amour inconditionnel pour son Lié. Arthon lâcha la Guérisseuse, marmonna une excuse pour son comportement.

"Allons le voir, oui, s'il te plait.'

Le ton voulait dire que si même elle qui y travaillait et était compétente ne pouvait vaincre la maladie, seuls les Dieux pouvaient les aider.

[Eilane]

Sentant la détresse d'Arthon, Eilane remonta ses barrières. Elle était empathe et elle ne voulait pas que la détresse du Héraut ne l'handicape pour travailler. Elle avait de la peine pour lui, malheureusement elle ne pouvait pas faire grand chose à part faire de son mieux. Lorsqu'il la pressa, elle le laissa faire sans ciller puis lui prit les mains en les serrant avec vigueur.

"Regardez moi Arthon. Ryis ne va pas partir. Nous allons nous battre et nous allons gagner."

Elle parlait d'une voix ferme et ne détourna pas le regard.

"Même si je dois dormir ici jour et nuit je le tirerai de là, lui et les autres. Nous allons dire à cette Déesse en colère qu'elle peut aller embêter quelqu'un d'autre!"

Eilane ne craignait pas le blasphème et elle était prête à en découdre. Elle avait une forte personnalité et ce n'était pas une divinité mal lunée qui allait lui faire peur.

"A présent, ne perdons pas de temps."

Et elle se dirigea vers la porte afin d'aller trouver le Grand Prêtre.

[PNJ]

- Père Janus -

Le Père Janus arpentait ses appartements spartiates de long en large, se frottant le crâne de la main. Il était préoccupé et ne parvenait pas à dormir sur ses deux oreilles depuis près d'une semaine. Il lui restait quelques rituels à accomplir avant le couché du soleil mais les Dieux se comportaient étrangement et il avait été confronté à de drôles de réactions de leur part. Il lui faudrait aller consulter le Chaman Shin'a'in et le Haut Prêtre de Vkandis.

Déjà maigre naturellement, l'inquiétude lui donnait l'air d'un crapaud rabougri, ses oreilles décollées rougies par le froid ambiant. Le feu dans la cheminée était presque éteint mais il ne semblait pas s'en être rendu compte.

[Héraut Arthon]

Eilane prit la direction des opérations puisque Arthon n'était pour le moment pas en état de le faire. Elle le secoua un peu et promit de s'occuper de tout cela, de réussir à les sauver tous. Arthon n'y croyait guère mais la volonté perceptible de la guérisseuse le rasséréna un peu et il la suivit jusqu'au bureau du Père Janus. C'est lui qui frappa et s'annonça d'une voix moins claire qu'à l'habitude:

"Père Janus, c'est le Héraut Arthon, avec la Guérisseuse Eilane. Nous avons besoin de votre aide."

Pas de 'au secours!' mais presque. L'Héritier regarda la jeune fille.  Il fallait que le prêtre soit là.

[Eilane]

Eilane fit moins de manières et poussa carrément la porte des appartements du petit homme afin d'entrer. La situation était trop grave pour qu'on attendre les politesses d'usage. Lorsqu'elle aperçut le Père Janus, elle s'inclina tout de même respectueusement, tirant à moitié le prince à sa suite pour ne pas lui laisser le temps de réfléchir au protocole.

"Je suis désolée d'être si cavalière Père Janus, mais on a un gros problème. Pour une fois ça semble dans vos cordes puisqu'il semblerait que la cause soit... spirituelle."

Elle ne put s'empêcher de faire une grimace en prononçant ces quelques mots. Cela paraissait si improbable, si peu logique ! Une plante, une affection bactérienne, un produit nocif créé par l'homme aurait été plus naturel et plus facile à combattre.