Fleur sentait la colère picotait sous sa peau.
Elle qui ne s'énervait au grand jamais, cet homme là avait le don de la faire sortir de ses gonds, un comble tout de même!
Elle éclata d'un rire jaune qu'elle ne se connaissait pas.
"Et c'est quoi un préjugé si ce n'est se baser sur ce que tu as vu sans chercher à pousser plus loin la recherche sur une autre personne et la juger d'office, hein?"
Elle se dirigea vers la chaise et se laissa tomber dessus, d'une façon tout sauf distinguée.
Puis finalement se releva dans la seconde pour faire face à Eoghan qui tentait de l'impressionner.
Elle serra ses poings pour contenir les cris qui aurait voulu sortir. Ses cheveux volaient autour de sa tête, électrique, ses joues étaient rouges et elle se mordait la lèvre inférieure.
Fleur ne savait en aucun cas gérer ce genre de situation, inédite pour elle, jamais on ne l'avait ainsi poussé dans ses derniers retranchements, aussi, les réactions presque chimiques de son corps l'effrayaient un peu.
"Mais qu'est-ce que tu sais de ma vie, ho grand apprenti Mage Eoghan? Tu n'en sais rien, alors comment peux-tu te permettre de me juger, moi et ce que je ferai de ma vie? Tu n'est pas noble, comment peux-tu savoir comment cela se passe dans nos maisons, comment on organise la vie et notre futur, toi, un fils de marchand?! En plus tu es un homme, alors tu as pu culbuter le nombre de fille que tu veux, ça ne te donne pas pour autant la connaissance de l'esprit des femmes!"
Ouh, quelle vulgarité! Jamais Fleur auparavant ne se serait laissé à dire le mot "culbuter" dans un tel contexte.
"Alors oui, un jour on me mariera, à un homme que je ne connaîtrais sûrement pas, parce que cela arrangera mon Père, oui, je ne serai qu'un pion dans ses calculs, c'est comme ça, ça l'a toujours été, et je ne vois pas en quoi cela changerait! Mon Père a des fils pour assurer la pérennité de notre nom, et il a des filles qu'il donnera en mariage au parti le plus interessant, je le sais depuis que je suis enfant car jamais on ne me l'a caché. Je suis ravie pour toi que dans ton village les choses ne se passent pas de cette façon, mais ce n'est pas le cas ici, qu'est-ce que tu crois, que tu arrives avec tes idées neuves et que la société va changer grâce à toi, pfft, c'est pitoyable!"
Elle le regardait toujours droit dans les yeux, même si sa voix commençait à trembler légèrement, vibrant de colère.
"Tant pis si mon futur époux sentira mauvais, qu'en ais-je à faire? Je n'aurai pas le choix, je te le répète, tout ce que je peux espérer, c'est tomber sur quelqu'un qui me respectera, et qui sera un minimum gentleman vois-tu?"
Elle avait du mal à s'arrêter de parler, comme si les choses qu'elle disait, elle les découvrait en même temps qu'Eoghan.
"J'en ai parlé il y a peu avec Isabeau de Girier, qui est une fille de marchand, elle aspire à une vie de liberté où elle sera son seul maître, et si elle y arrive, et bien tant mieux pour elle, elle a un peu plus de liberté que moi sur ce chapitre là."
Elle poussa Eoghan avec son doigt qu'elle posa sur sa poitrine.
"Alors non, non je n'ai aucune envie d'épouser un rustre sans manière et sans éducation, d'être enfermée dans un château à regarder passer le temps et être continuellement enceinte, entourée de dame d'honneur qui seront toutes les maîtresses de mon mari ou de mes fils! Oui j'aimerai être libre de faire ce que je veux, rester ici, ou m'installer seule et cultiver des plantes, bien sûr que j'ai d'autre rêves, malheureusement Eoghan, les rêves restent des rêves, et ce n'est pas moi qui décide de ma vie!"
Elle avait la respiration saccadée, par les Dieux du dessus et du dessous, c'était tellement étrange d'avouer tout ça à un inconnu, des choses qu'elle ne s'était jamais avouée à elle-même!
"Je suis bien contente d'être naïve tu vois, je suis heureuse ici, je jouis d'une certaine liberté, on me laisse occuper mon temps comme je l'entends, j'ai des amis, c'est tout ce que je suis en mesure de m'offrir comme bonheur avant que l'on me marie. Et toi, toi tu n'as pas à me dire ce que j'ai à faire, ni à me juger, tu n'y peux rien et moi non plus, alors, à quoi ça nous mènerait, hein?"
Elle se retourna dans un froufrou de tissus et se dirigea d'un pas vif vers la porte, elle n'avait pas envie de rester ici, elle voulait être seule, juste elle et ses pensées, pour une fois elle ne voulait même pas la compagnie de sa soeur.