Fringale nocturne [Matisa/Eoghan]

[Matisa]

L'évocation de l'arrivée d'Eoghan réveilla en Matisa les souvenirs de sa propre arrivée. Elle en gardait un bon souvenir malgré toutes les émotions et découvertes, et l'épuisement qui en résultat. Son sourire réapparut rapidement. Elle s'accouda à la table et le menton dans la main elle le regarda et l'écouta. Elle se sentait bien en sa présence, même s'il était quelque peu... fatigué.

"Qu'est-il donc arrivé qui t'ai envoyé à la maison de la guérison ?"

Elle souriait avec un gentil petit air moqueur

"Mais j'ai toujours trouvé le monde intéressant ! Sinon pourquoi vouloir soigner les gens si on ne les trouve pas intéressants ? Le monde a ses richesses les humains sont parfois insupportables mais certains nous apportent beaucoup. Et certains nous étonne."

Visiblement, elle parlait d'expérience. Comment ne pas être étonné qu'un enfant accepte aussi bien la mort ? Il n'avait que 8 ans...

"Mon don n'a fait que confirmer ma vocation, rien de plus. C'est sur que partager les joies et les peines des autres au point de ne plus savoir ce que moi je ressens n'est pas une expérience particulièrement agréable... mais cela m'a permis d'aider des personnes qui en avait besoin."

[Eoghan]

_ J'ai... Bah en fait, je sais pas. Il y avait un gamin sous un chariot, coincé et il fallait le sortir de là. Je suis allé aider mais la mère a commencé à me sauter dessus en me mettant la pression, et avec tout le monde qui criait autour, j'ai un peu perdu les pédales, je me suis retrouvé à devoir me sauver moi-même en plus du gamin. Je ne sais pas trop ce qui s'est passé, je pense que je comprendrais pas même si on m'expliquais. Toujours est-il que je suis tombé dans l'inconscience et qu'on m'a transporté à une guérisseuse. Je me suis réveillé quelques heures après avec un mal de tête pas possible, j'en avais jamais eu de pareils ! J'étais pas fatigué mais elle m'a sommé de dormir et finalement, je suis retombé dans l'inconscience,preuve qu'en fait, je devais être fatigué. Et ensuite on m'a dit que j'allais rester ici parce que j'étais un mage.

Il fronça les sourcils.

_ Ca fait un choc. Pour ma part, je suis très mauvais soigneur et je ne suis pas non plus un adepte qui aide tout le monde cela dit... Comment dire...

Il se frotta le menton en grimaçant légèrement.

_ Je suis toujours là quand il y a une bagarre pour défendre quelqu'un. Je crois que j'aime bien taper.

[Matisa]

"Raconté comme ça, ton histoire fait rire" dit-elle en souriant justement "mais j'imagine à quel point tu as du être troublé. Apprendre que tu es un mage..."

"Eoghan le bagarreur hein. Et bien... tout le monde ne peut pas être aussi parfait que moi."

Elle bomba le torse, faussement fière d'elle mais ne tint pas la pause bien longtemps et pouffa derrière sa main en le regardant avec espièglerie.

"Au moins j'espère que ça va pour toi maintenant... enfin mis à part ce matin. Ça a du être une sacrée soirée pour que tu sois aussi mal en point."

Il n'y avait aucun reproche dans sa voix. Un fois de plus elle se moquait de lui.

"Je suppose que tu t'es fais des amis, parce qu'une fête sans amis... c'est comme des potions sans Guérisseur, on a le matériel mais pas le mode d'emploi."

[Eoghan]

Il pouffa de rire à sa remarque. Au moins elle avait le sens de l'humour. Il haussa les épaules en guise d'excuse.

_ Certaines personnes ne comprennent pas ce qu'on leur dit, parfois tant qu'on utilise pas la manière forte. Maiiis, je reconnais que ce n'est pas ma préférée. Mais je n'aime pas qu'on me pousse en me provoquant alors il m'arrive généralement de répondre.

Il finit sa coupe et fronça les sourcils en la regardant.

_ Une fête ? Quelle fête, j'ai pas fait la fête. Je n'aurais pas pu me lever si j'avais fait la fête, il m'arrive  de dormir à midi lorsque ça arrive mais je n'oserais pas faire ça alors que j'ai des cours dans un Collegium pareil. Non, j'étais... avec quelqu'un et nous avons très longuement discuté et pour nous accompagner quelques coupes de vin dans une taverne certes animée mais à laquelle je ne participais pas.

[Matisa]

"Oui c'est vrai que certaines personne sont butées" dit-elle avec une petite exclamation rieuse. "Il est difficile de leur faire admettre leur tords et de faire rentrer la vérité dans leur petite tête."

"Oh je te demande pardon. Étant donné ton état ce matin je me suis dis que... enfin voilà ça me paraissait logique."

Elle était coupé dans son élan du coup, mais elle ne perdit pas de temps pour se ragaillardir.

"Alors comme ça tu étais en charmante compagnie ?"

Évidemment le sourire moqueur et le regard espiègle étaient revenus. Elle était quand même un peu déçue, sans trop savoir pourquoi, ce qui était d'autant plus troublant. Mais elle fit comme si de rien n'était, c'était trop idiot comme réaction, Eoghan n'était pour elle qu'un inconnu et si ça se trouvait, elle ne le reverrait peut-être pas, ou alors un jour au détour d'un couloir, comme ça en passant.

[Eoghan]

_ Oui !

Il inspira profondément en repoussant sa coupe puis il la regarda en souriant, un coude sur la table.

_ Tout du moins si l'on peut considérer que l'adepte mage Manuchan soit une... "charmante" compagnie. Il en est une, bien entendu. Mais il reste avant tout mon aîné.

Son ton était quelque peu moqueur mais gentil. De plus, il était souriant.

_ Toi aussi, tu as un mentor ? Ou un tuteur ? Je me demandais si chaque élève en avait un, parfois commun ou bien si seuls les cours suffisaient.

[Matisa]

Lorsque Eoghan parla du Mage, Matisa eut une réaction de surprise puis un petit rire. L'image d'un Manuchan... différent se dessinant dans son esprit.

"C'est étrange comme le monde peut-être petit. D'un autre côté nous vivons tous à Haven et dans le Collegium en plus... mais je rencontre Elbereth, puis Manuchan qui connait Elbereth, et enfin toi qui connait Manuchan... Et je te confirme qu'il est de bonne compagnie."

Elle eut un sourire plein de chaleur, à la fois pour Eoghan, mais il s'adressait aussi au souvenir du moment de bien être qu'elle avait passé avec lui.

Un tuteur ? Ben il y avait bien Oesope qui avait découvert son Don... m'enfin c'était le doyen alors il avait d'autre chats à fouetter, enfin dont s'occuper, on est pas des bêtes on martyrise pas les animaux.
Elle hocha négativement de la tête.

"Non je n'ai pas ce que l'on pourra appeler mentor ou tuteur. Lorsque nous avons un devoir compliqué nous nous aidons mais je n'ai personne qui me parraine. Et j'avoue ne pas en ressentir le besoin. Maintenant, j'ignore si les autres en ont un."

[Eoghan]

Il acquiesça d'un air entendu.

_ J'ai demandé à Manuchan s'il pouvait être le mien. Je ne connais personne ici et... Je sais pas ! Je l'aime bien.

Il sourit en la désignant d'un index.

_ je connais Elbereth aussi ! Charmante jeune mage. Et puis je crois que mon cercle de connaissance s'arrête ici ! Oh mais ! Matisa ? Manuchan t'a évoquée hier soir lors de notre conversation. Mais je ne sais plus à quel propos, on a parlé quasiment toute la soirée et de tout un tas de choses, alors... Effectivement, le monde est petit et rapproché !

Il acquiesça en souriant.

_ Tu as des frères et soeurs ?

[Matisa]

"Oui, moi aussi je l'aime bien, et je suis flattée qu'il t'ai parlé de moi. Je suppose que Elbereth doit être dans les mêmes cours que toi au Collegium non ?"

Comme quoi, les coïncidences pouvaient être en chaîne, enfin en même temps, à ne fréquenter que des mages ou apprentis du Collegium il était évident qu'ils se rencontreraient tous à un moment ou à un autre...

La question du jeune homme la déstabilisa et l'intrigua.

"C'est une curieuse question, on ne me l'a jamais posée, du moins pas depuis que je suis à Haven."

Elle rit de sa propre bêtise, il avait bien le droit de savoir après tout... raison pour laquelle elle enchaina après un bref silence.

"Non je suis fille unique. Je n'ai ni frère ni sœur de sang, mais j'ai une famille entière dans mon pays. Mon clan dont les nouvelles me parviennent au compte goutte et avec si peu de régularité que j'en suis parfois peinée."

Sa phrase fut accompagnée d'un timide sourire à tendance nostalgique. Elle baissa les yeux sur ses doigts qui couraient sur le bois de la table caressant les rainures. C'était tellement idiot une telle attitude pour elle qui voyageait depuis si longtemps... mais elle ne se détachait toujours pas de cette sensation.

[Eoghan]

_ Oui je suis les cours avec elle. Et nos chambres sont voisines. Elle est rafraîchissante, comme fille, c'est agréable.

Puis il pouffa de rire, les sourcils hauts.

_ On ne t'a jamais posé cette question ? Tu m'aurais dit que jamais personne ne t'avait demandé ton âge, je veux bien mais de là à ne pas demander quelle est ta famille, je trouve que c'est ça qui est curieux.

Il croisa les bras sur la table.

_ Et bien nous dirons que j'ai une famille qui peut compléter la tienne ! Sauf que je reçois des nouvelles de la part de ma mère quasiment en permanence ! A tel point que je suis peiné mais pas pour les mêmes raisons que toi. Mais ce clan, c'est ta famille de sang ? Tu as peut-être une famille de coeur, ici, non ?

[Matisa]

Elle le regarda rire un instant et fini par rire avec lui.

"C'est idiot comme remarque hein ?"

Elle rit encore, oui elle se trouvait idiote tout à coup.

"Mon âge, c'est pourtant l'une des premières questions que l'on m'a posé à mon arrivée il me semble..."

Elle sembla réfléchir un instant, cherchant à se souvenir puis haussa les épaule, ce n'était pas important après tout.
Elle se pencha en avant en une attitude d'écoute, regardant Eoghan tout en l'écoutant. Il y avait quelque chose en lui qui l'attirait irrésistiblement et qui n'était pas sans lui rappeler un certain garçon de son clan qui lui avait tant plus lorsqu'elle était plus jeune...
Elle pouffa.

"Ta mère est donc si prévenante ? Tu sais la famille c'est précieux, je suis sûre qu'elle s'inquiète de ta santé."

Elle sourit. Les mères étaient comme les poules avec leurs œufs, elles les couvaient jusqu'à les en étouffer et leur enfant se plaignaient alors. Ce qui avait le don de faire rire Matisa.

Elle fit non de la tête.

"Je n'ai plus de famille de sang malheureusement. Mes parents sont morts alors que je n'était qu'une enfant. Mon clan, c'est ma famille d'adoption. En échange de deux parents disparu, ils m'ont offert de nombreux parents et frères et sœurs. Quant à une famille à Haven... je crois qu'on peut dire que le Collegium est un peu comme ma famille. Je me suis fais des amis parmi les élèves guérisseurs. Je m'entends même très bien avec ma compagne de chambre."

[Eoghan]

Eoghan était désolée pour elle et à au moins deux reprises, il avait remarqué un voile dans ses yeux, comme lointains. Il n'avait eu envie de relever car il ne la connaissait pas et songea que ce devait être bien impertinent de demander si tôt à dévoiler ses secrets. Pour sa part, il n'en avait pas ! Peut-être un, cela dit mais celui-ci était si inconscient et brouillé dans sa tête qu'il ne se risquerait pas à en parler à qui que ce soit pour le moment. Même avec Manuchan la veille, il avait usé du même silence.

Il se contenta de sourire, surpris par la jovialité de la jeune fille qui semblait ne pas avoir connu que des jours heureux, comparé à lui.

_ C'est bien d'avoir ce qui se rapproche le plus d'une famille non loin de nous. ma mère est envahissante déjà quand je vis avec elle, c'est pire par courrier ! Elle me demande sans arrêt si je manque de quelque chose, si tout se passe bien ! Je suis là depuis quelques jours seulement et déjà j'ai reçu deux missives !

Il se pencha sur la table pour se rapprocher d'elle sur un ton confiant et un sourire.

_ Si tu veux, je te la prête... J'ai aussi deux soeurs et un frère, un grand-père et une tante.

Il se mit à rire de nouveau.

_ J'adore ma mère mais je ne sais pas quoi lui raconter ! Il ne se passe rien pour le moment pour moi ! Je suis des cours passionnants, je m'occupe de mes tâches, je parle à certaines personnes mais je ne me suis lié encore à personne.

Son orgueil et sa prétention éviterait de parler de cette espèce de lien étrange qu'il entretenait avec Manuchan. Il aimait que les gens le croient incapable de ressentir quoi que ce soit, c'était comme une marque de faiblesse ou de vulnérabilité dont les malintentionnés pourraient se servir contre lui. Quant à Matisa, elle lui rappelait sa soeur, la plus grande des deux mais avec le caractère négatif en moins. Elle lui rappelait surtout physiquement.

_ Mais si tu reçois peu de nouvelles, tu en envoies, toi-même ou pas ? Peut-être que ça les obligerait à te répondre plus souvent si tu posais des questions !

[Matisa]

Elle pouffa de rire.

"Non je te remercie, je te la laisse. Les miens me suffisent, et je crois que je ne lui plairais pas à ta mère. Je suis bien trop indépendante. Ah et puis je n'arrive pas à la cheville de son fils chéri je suis sûre ! Je ne suis pas Mage moi !"

Elle rit, mais brièvement. Les derniers mots n'avaient rien du ton joyeux de leur conversation. Et pourtant il les prononçait avec tant de légèreté.

"C'est dommage de ne pas te lier aux autres. Tu pourrait profiter de bien des choses au contact d'autre personnes."

Elle pencha légèrement la tête sur le côté et lui fit un petit sourire, signe qu'elle lui souhaitait bien plus qu'une simple vie à l'écart des autres. Mais elle avait apprit, à cause de son empathie, à ne plus fourrer son nez dans les affaires des autres. C'était pourtant ce qu'elle était toujours tenté de faire.

"Mon clan est très loin d'ici, le message met toujours des semaines à faire le voyage. Il a fallut un peu plus de deux mois pour que la réponse à mon premier message me parvienne. C'est mon maitre qui m'écrit, mais elle parle au nom de tous, alors les messages sont un peu embrouillés parfois. J'ai l'impression qu'ils sont tous dans ce messages et qu'ils parlent tous en même temps."

Elle parlait avec un amour visible, son sourire s'était attendrie au souvenir de ceux qu'elle aimait plus que tout.

"Est-il vraiment possible que personne ne compte ainsi pour toi ?"

[Eoghan]

_ Oh allons... que je sois mage n'apporte pas tant de succès, je veux dire que ça ne doit pas te rendre inférieure ! J'aurais préféré avoir un Don de barde, pour tout t'avouer, quitte à en avoir un. Guérisseur, c'est trop de travail. Et barde, j'écris depuis que je suis tout petit. Mage, c'est très curieux mais je ne trouve pas que ça me corresponde, alors...

Il secoua la tête en grimaçant.

_ De plus, sache que j'ai beau être indépendant, ma mère ne me lâche pas, c'est elle qui ne l'est pas ! En plus, elle me demande de trouver une femme parce que j'atteins un âge où il serait temps que j'y pense sauf que j'ai bien d'autres choses en tête, justement ! Hey, y a pas que les femmes qu'on pousse à se marier.

Il pouffa de rire à nouveau avant de baisser les yeux.

_ J'ai beau être indépendant, je supporterais mal le fait d'être si loin de ma famille que je ne puisse pas leur rendre service en cas de besoin ou parce que j'ai une permission. De plus, je suis amoureux dingue de ma plus jeune soeur.

Il releva la tête vers elle en souriant.

_ Si je ne pouvais avoir de ses nouvelles toutes les semaines, j'en deviendrais fou, je crois. Quant aux personnes ici...

Il éclata de rire.

_ Je viens d'arriver ! Je ne suis pas du genre à me lier aux gens aussi rapidement, il me faut un peu de temps, apprendre à connaître le monde. Et mon monde ne s'arrête pas à Manuchan.

[Matisa]

En l'écoutant, Matisa cacha son rire mais lorsqu'il eut finit elle ne se retint pas et rit franchement.

"Jeune fille, non pardon, jeune homme à marier cherche femme rapidement pour contenter sa mère."

Elle pouffa de rire.

"Pardon. Je suis désolée je manque de respect à ta mère et à toi par la même occasion. Mais rassure toi je ne me sens pas inférieure, nous avons chacun nos domaines de connaissance c'est tout. Pour nos Dons.. je ne crois pas que la nature ou les dieux, ou peu importe ce qui nous les offre, ne nous demande notre avis avant de le mettre en nous. Des fois il tombe juste d'autre pas je suppose. Tu aurais préféré être Barde et te voilà Mage, c'est pas de chance."

Il était si mignon quand il parlait de sa sœur...  elle ne pu s'empêcher de le regarder avec des yeux attendris.

"Tu vois, finalement tu comprends ce que je vis, loin des miens. Mais tu verras à la longue leur absence te semblera plus normale, même s'ils te manqueront toujours, au moins tu pourra retourner les voir de temps à autres."

ce qui n'est pas mon cas... songea t elle car si elle rentrait chez elle, elle savait que cette fois ci serrait définitive et qu'elle ne reviendrait pas à Valdemar.

"Tu te ferra des amis au Collegium, c'est inévitable. Sauf si bien sûr tu les envois tous balader. Là... je ne te promet rien."