Irmingarde avait mis toute sa force, toute son énergie, ses pouvoirs et sa volonté dans les flammes qu'elle voulait conjurer.
Totalement vidée, elle vit d'abord le feu grandir avec satisfaction, avant de se rendre compte avec horreur que, mal dirigées, les flammes brûlaient purement et simplement celui qu'elle voulait sauver.
Ezarell et elle n'eurent alors qu'une seule pensée, qu'un seul objectif, en dépit du brasier qui se faisait de plus en plus violent, sortir le Capitaine de là.
La jeune femme eut le temps d'avoir une fugace pensée presque cruelle pour Elryk qui s'était un peu brûlé et se retrouvait soudainement attaqué par les disciples d'Aanor, avant de plonger sauver Beltran.
Ezarell le tira du feu le plus vite possible, mais toutes les deux se brûlèrent au contact des flammes sans pour autant prendre conscience de l'état des lésions.
Mina se désintéressa momentanément du sort de son ancien ami pour vérifier l'état de santé de Beltran, voir tout simplement s'il vivait. Elle faillit vomir le peu qu'elle avait dans l'estomac, parce qu'en plus d'avoir fait rentrer elle même le wyrsa dans la bergerie, elle avait blessé le Capitaine dans sa tentative de le sauver.
Ezarell tenta d'endiguer la panique de sa liée en lui disant:
"Les flammes l'ont protégées de l'attaque d'Elryk, et crois-moi, vu le dégât que font ses lames, il serait mort au lieu d'être... et bien nu comme un ver."
Irmingarde se rendit alors compte de l'état de Beltran et eut le bon goût de rougir violemment, hésitant à poser ses mains sur la peau nue du Capitaine afin de vérifier ses constantes vitales. Finalement, elle se donna une bonne gifle mentale et fit quelques examens rapides qu'on lui avait appris au Collegium, tout en se concentrant pour ne surtout, surtout pas regarder là où elle ne voulait pas regarder.
Elle se sentait ridicule d'avoir de telles appréhensions dans une situation pareille, mais elle était ainsi.
Il était vivant. Elle respira mieux quand elle comprit qu'elle ne l'avait pas tué. Il était juste inconscient.
Le tumulte proche attira de nouveau son regard, et les poils de ses bras se dressèrent quand Elryk fit appel à un sort qui semblait... plus que maléfique. Elle voulut lui hurler de faire attention aux puissances avec lesquels il jouait mais elle n'eut pas le temps. Au milieu des combats et des morts, elle vit le saltimbanque fondre, tout simplement fondre comme neige au soleil.
Elle eut un nouveau haut le coeur et gémit de douleur.
Elle avait voulu qu'il ait mal, elle avait aimé le voir attaqué, mais mourir, comme ça... La haine ne contrebalançait pas chez elle le sentiment de justice et les souvenirs qu'elle avait avec lui. Elle éprouvait maintenant une tristesse infinie pour celui à qui elle avait fait confiance, et qui avait été tué par sa propre trahison, l'acteur principal de sa propre mort. C'était malheureux. Au lieu de se réjouir, elle eut pitié de lui. Toute la tension accumulée la fit éclater en sanglot.
Elle se désintéressa alors de lui et des croyants qui priaient pour se concentrer sur Beltran.
Elle ne savait absolument pas quoi faire, elle s'approcha en s'asseyant au sol pour poser sa tête sur ses genoux et mettre sa main sur son front.
Il était brûlant, et il ne se réveillait toujours pas, elle hurla, elle espérait assez fort pour attirer l'attention du groupe resté sur la plage:
"GUÉRISSEUR! VITE"
Ezarell relaya mentalement l'appel aux autres Compagnons.
En attendant l'arrivée des renfort, elle se rendit compte d'une chose étrange qui frappa également son Compagnon.
Beltran était nu, ça c'était un fait établi qui remplissait toujours Irmingarde de gêne et d'inconfort, mais il avait une arme qu'elle ne lui avait jamais vu, et qui était intacte, celle donnée par Aanor.
Elle secoua doucement le Capitaine pour essayer de le faire revenir à lui, choquée malgré elle par son aspect, sans cils, sourcils, cheveux...
"Beltran? Beltran s'il te plait, réveille-toi. Pardon, je suis désolée, pardon... Mais réveille toi je t'en prie"
Elle lança un regard plein d'urgence autour d'elle pour voir si les renforts arrivaient, ne sachant trop que faire.
Elle ne voulait pas le mouiller, ni trop le toucher sans connaître l'étendue de ses blessures, même si elle n'en voyait pas, qui savait dans quel état il était intérieurement?
Elle n'osa pas non plus le couvrir d'un tissus pour préserver son intimité aux yeux des autres pour la même raison.
Elle était juste là, au milieu d'une forêt, sur une île étrange, près d'un groupe de croyants bizarres en pleine prière, aux côtés de son Compagnon, sur les genoux, dans la terre, la tête du Capitaine, entièrement nu, posée sur ses jambes, et les larmes coulaient toujours abondement sur ses joues, en silence.