La réaction de Tomaz avait été tellement prévisible... Saskia s'y était attendue, et même si elle se sentait plus détendue, cela ne l'empêchait pas de craindre pour la suite des événements. Sa main s'était crispée sur celle de son mari quand Tomaz tenta de l'allumer, mais elle n'eut pas à tenter de gagner du temps davantage. Elle eut un frisson, quand l'air se troubla. Ce qui se passait ? Elle n'en eut aucune idée, jusqu'à ce que Maya apparaisse avec Indra. C'était, soudain, extraordinaire. Évidemment, la blondinette ne comprenait pas grand chose à ce que pouvait dire l'envoyée d'Aanor, mais cependant, elle éprouvait pour elle un respect mêlée de crainte - ça devait être à cause du chat, ça... Il fallait être honnête sur ce point.
Ce qui se passait était clairement surréaliste. La gamine donnait des ordres à un DeFeriel... Saskia aurait tant aimé voir Joanie obtempérer, et récupérer son fils, le serrer entre elle et Arthon. Mais Maya, et Indra, avaient d'autres projets. Le Chat de Feu disparu, et inutile de connaître particulièrement la famille DeFeriel pour soudain oublier que la gamine qui se tenait devant eux n'était, justement, qu'une gosse sans défense. Et malgré son sourire qui semblait signifier : "Victoire !", Saskia se sentait mal. Elle jeta un regard interrogateur vers son mari, comme pour lui demande ce qui se passait, ou ce qui allait se passer. Hey, c'était elle qui était censée être douée d'un don de prémonition...
L'air frémit à nouveau, sauf que cette fois, inexplicablement, Saskia en fut plus bouleversée. Un frisson tel qu'elle en eut la chair de poule. Elle se sentit faible, comme jamais, et tituba d'un pas sur le côté, butant contre le bras de son mari. Que lui arrivait-il, pourquoi un tel malaise ? Pourquoi... Pourquoi se sentait-elle si seule, pourquoi ce froid qui l'envahissait ? Et pourquoi, en même temps, se sentait-elle si invincible, si puissante, si heureuse ? Pourquoi les paroles de Guerren étaient si tristes, si incompréhensibles, et comme emportées dans un tourbillon ? Une larme roula sur sa joue, et fut comme le déclencheur d'une vision...
Adrian, et Guerren. Son Guerren à elle, qu'elle devrait abandonner un jour, pour qu'il puisse Elir son fils adoptif... Et puis, Kelian avec eux, avec un autre Compagnon... Elle, Arthon, et leurs Compagnons respectifs. Antéa...
Mon Elue..
La réalité et la vision s'entremêlent tendrement. Elle ne s'en est pas rendue compte, mais ses jambes n'avaient pas pu la porter davantage pendant sa Vision, et elle se retrouvait dans les bras d'Arthon. Pourtant, ce n'est pas lui qu'elle regarde. Ses yeux bleus, humides, sont tournés depuis le début vers celle que Indra a ramené avec elle. Sa lèvre inférieure tremblait, incontrôlable. Saskia voulait tenter de dire quelque chose. N'importe quoi. Mais il n'y avait rien à faire. Telle une poupée désarticulée, elle ne pouvait quitter les bras d'Arthon, bien qu'elle chercha à se redresser, une fois que Maya avait parlé, à nouveau. Ce que l'envoyée d'Aanor avait dit ? Saskia n'en avait aucune idée. Les bruits au rez de chaussée ? Elle ne les entendait pas. Il n'y avait que Antéa.
Et une fois que Saskia parvint à se remettre sur pieds, elle murmura à Arthon, sans quitter son Compagnon des yeux :
- C'est Antéa...
Et les larmes envahirent à nouveau son regard aussi bleu que celui de son Compagnon. Son Compagnon à elle... Décidément, plus rien n'existait alors, que l'euphorie d'avoir retrouvé Antéa. Il n'y avait (presque) plus de Arthon ou de Kelian. Il n'y avait que cette joie de se sentir, pour la première fois et de manière durable, totalement complète. Saskia se détacha de son mari, pour rejoindre le Compagnon au milieu du salon, et de se blottir tout contre son encolure, ses bras, et ses doigts se perdant dans la crinière d'Antéa.
- Ne me... Quitte plus... Plus jamais, Antéa, plus jamais...