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Cours d'architecture dérobée

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Héraut Wylan:
3e décade du printemps 1485 — suite des événements racontés ICI

Le petit-déjeuner avait été copieux, tant d'un point de vue alimentaire que auditif. Méra avait parlé, encore et encore, de Jarhindel. Elle était sacrément mordue, comme une adolescente. Quand elle prononçait son nom, on voyait presque des étoiles dans ses yeux. Wylan se souvenait de la dernière fois qu'elle était tombée amoureuse comme ça. Cela c'était très mal fini. Mark — un type que Wylan n'avait jamais pu blairer — l'avait vraiment fait souffrir à la fin. Il espérait que Jarhindel saurait se montrer plus élégant. Sinon Alemdar devrait se passer de son second, le temps que celui-ci se remette des multiples fractures que Wylan comptait lui infliger s'il faisait souffrir son ancienne pupille.

Il marchait à présent dans les couloirs d'Ancien Palais, la zone du château la plus riche en passage secret. Sou trottinait à ses côtés, ravie d'être là. Elle n'avait pas ouvert la bouche du repas, trop intimidée par la logorrhée de Méra.

« Alors, bichette, prête à découvrir de nouvelles choses? »

Wylan les amena devant une tenture un peu défraîchie qui représentait une scène champêtre. Il l'écarta avant de pointer l'espace entre deux pierres. Ici, l'écartement était suffisamment grand pour pouvoir y glisser les doigts.

« Tu vois ça? » Il enfila sa main entre les deux pierres, agrippa un petit anneau et tira. Un pan de mur tout juste assez grand pour laisser passer Wylan pivota. « C'est la poignée pour ouvrir. » Il lui montra la tranche de la porte dérobée. « On a fait de minces tranches de pierres qu'on a collées sur un panneau de bois. Si tu toques contre, tu auras de la peine à réaliser que c'est creux derrière. C'est un passage très bien pensé. » Il fit signe à la fillette de s'approcher. « Suis-moi. »

Et il pénétra dans l'étroit passage, qui se perdait dans la nuit.

Sou:
Tout en mastiquant avec application ses tartines Sou avait réfléchit à ce que lui avait dit Wylan peu avant. Cousin avec le Capitaine qui avait dirigé l'armée. Elle en venait à comprendre que Wylan était certainement un homme plus puissant qu'elle ne le pensait au départ. Tout en ne comprenant pas pourquoi c'était un simple "capitaine" qui dirigeait l'armée. Est-ce qu'il ne devrait pas être général ou quelque chose comme ça ?

Et puis elle avait eu un autre sujet de réflexion : Une femme amoureuse. Du haut de ses dix ans la gamine observait cela d'un œil à la fois curieux et un peu dégouté. L'attention presque monomaniaque que la femme semblait porter à Jarhindel était inquiétante. D'autant qu'elle-même avait vu l'homme en question et le trouvait vachement moins beau que Wylan. Et sa gestuelle était fascinante. Elle dégageait presque malgré elle de la sensualité. Un jour Sou deviendrait adulte, un jour elle tomberait amoureuse. Et elle trouvait l'idée... beurk. Tout jalousant Méra d'être si heureuse.

Bichette... Ce mot revient régulièrement dans les paroles du Héraut et Sou commence à s'y habituer. Le tout était que ses camarades ne l'entende pas et ne s'amuse pas à l’appeler comme ça. Mais la fillette sourit de toutes ses dents. De nouveau seule avec Wylan elle retrouve toute son énergie et son envie de découverte. Elle scrute les lieux, la fente et le panneau. Tapant même sur ce dernier pour en apprécier le son. Quelle ingéniosité !

Sans crainte, Sou s'engouffre à la suite de Wylan dans le passage. Elle ne craint pas le noir. Ou plutôt elle a apprit à apprivoiser l'obscurité et les ombres. Bien obligée, son métier aimant la nuit plus que le jour. En général quand une ombre l’inquiète elle se fait toute petite dans un coin et l'observe ainsi que son environnement jusqu'à pouvoir dire quel objet diffuse telle ombre. Et puis il est hors de question qu'elle se montre faible face à Wylan. Surtout qu'ils faisaient cela à sa demande à elle.

En chuchotant la fillette demande : "On peut nous entendre ?"

Sou plaque les mains de chaque côté du mince corridor. Elle sent sous ses doigts la froideur de la pierre. Et elle peut ainsi détecter les ouvertures éventuelles. Comptant ses pas, la fillette ne quitte pas Wylan.

Héraut Wylan:
«Si tu cries, oui. Sinon, non. Il faut juste faire attention à l'écho.»

Wylan s'avança dans le couloir. Il le connaissait par cœur, pour la simple et bonne raison qu'il menait dans les appartements d'Alemdar. Enfin, pas directement dans ses appartements, mais à proximité. Jeune homme, il l'avait utilisé pour rendre des visites nocturnes à Aranel. Il l'utilisait encore parfois, quand il voulait se rendre chez Alemdar discrètement.

«Attention, ici il y a un embranchement. À droite, c'est pour aller dans une des pièces de rangement. À gauche, c'est pour aller chez le Héraut du Roi.» Il pointa la gauche, même s'il savait que Sou ne pouvait pas le voir.«Je vais te montrer le chemin de gauche.»

Wylan devait se baisser à présent. L'endroit avait été pensé pour quelqu'un de plus petit que lui. Sans doute un page. Puis il buta contre un mur. Il poussa lentement et jeta un coup d'œil par l'interstice. La voie était libre. Il ouvrit plus largement la porte, qui donnait dans une alcôve.

«Sors vite.»

Il s'épousseta et fit signe à la fillette de le suivre. Il lui indiqua la porte suivante.

«Là, c'est le bureau de Bouclette. Enfin, du Héraut Alemdar. Mais on ne va pas aller le déranger maintenant.» Il sourit. «Viens, je vais te montrer un autre passage.»

Il suivit le couloir sur une quinzaine de mètres, puis s'accroupit. Il toqua contre un panneau de bois, qui sonna creux. Celui-ci s'ouvrit. L'ouverture était carrée et plutôt petite, elle arrivait à mi-cuisse à Wylan. Elle donna sur ce qui ressemblait à un toboggan en pierre.

«Je t'en prie, vas-y. Fais attention à l'atterrissage.»

Sou:
Sou est à la fois très concentrée et très excitée. Alors qu'elle suit son Héraut elle prend une décision. Elle n'ira pas mendier auprès des autres pages pour qu'ils lui montrent les passages. Elle en suivra discrètement quelques-uns et elle découvrira certainement leurs passages. Puis elle en cherchera d'autres en plus de ceux que Wylan voudra bien lui montrer. En prenant son temps, en essayant des choses et en réfléchissant aux plans des diverses ailes elle n'a aucun doute sur sa réussite.

Ses mains tâtonnent dans le noir. Elle en a même fermé les yeux et ses mains trouvent l’embranchement. Elle ira voir la fameuse pièce de rangement plus tard. Pour l'instant, agile comme une souris elle se glisse auprès de Wylan. Et sourit en entendant le surnom qu'il donne à l’Attitré. Il fait parti de sa liste de secours celui-là. Elle coche mentalement le nom et le lieu dans sa tête ainsi que le passage. Prenant aussi soin de bien mémoriser le lieu d'ouverture du passage de ce côté-ci.

Tentant de comprendre comment se situe le passage par rapport aux pièces avoisinantes - ce qu'elle ne réussit pas très bien étant donné qu'elle ne connait pas encore très bien cette partie du palais - elle percute doucement Wylan lorsque celui-ci s’arrête pour révéler un nouveau panneau. La fillette est tellement concentrée à sa tâche qu'elle en devient muette. Elle fixe un moment le tout avant de s'approcher et de s'assoir sur le toboggan. De nouveau elle plaque les mains de chaque côté des murs et d'une poussée s'élance. Ses doigts sur la pierre et l'air sur son visage l'informent de sa vitesse qu'elle maitrise ainsi avec ses pieds et ses mains. L'arrivée se fait sentir quand la pente se fait plus douce. L'enfant atterrie en douceur en bas. Elle s'en écarte immédiatement afin de ne pas se faire percuter par l'adulte qui doit la suivre.

Elle entame un tour d'horizon des liens toujours à l'aide du touché. Le toboggan c'est très drôle et la fillette sourit de toutes ses dents toute seule. Seul problème. Descendre c'est bien. Pouvoir remonter c'est mieux. Donc prévoir quelques essais en ce sens dès que possible. Peut-être qu'en mettant un crochet en haut et en laissant pendre une corde assez longue. Le mieux c'est même de pouvoir retirer le crochet. Ou de suspendre la corde au plafond. Peu de gens pense à lever la tête ou même à toucher un plafond.

L'enfant est encore en train de tirer ses plans quand Wylan arrive près d'elle. Surexcitée elle agrippe la manche de la chemise du Héraut. Elle aimerait presque prendre la tête de l'expédition et le presse ainsi de lui montrer d'autres merveilles.

Héraut Wylan:
Wylan n'avait plus emprunté ce toboggan depuis des années. Il s'agissait en faire d'une ancienne descente de linge qu'on avait oubliée. Elle menait sur une pièce au sous-sol, où se trouvaient deux grands bassins de pierre et une ancienne arrivée d'eau. Les tuyaux étaient bouchés depuis plusieurs générations maintenant, et on avait utilisé la pièce pour stocker du vieux matériel domestique, maintenant hors d'usage. L'endroit était très faiblement éclairé par un vieux soupirail.

En son temps, Wylan avait utilisé ce passage pour éviter d'être découvert à traîner là où il n'aurait pas dû être. C'était la planque idéale pour échapper à un prof en patrouille, ou à une gouvernante en furie. Et il avait souvent dû fuir.

À peine se relevait-il que Sou l'agrippa par la manche. Elle était totalement surexcitée par leur petite aventure. Wylan lui adressa un sourire.

« Attention où tu mets les pieds, bichette. Il faudrait éviter de te cogner. La sortie est sur la gauche. Il y a une vieille porte. Elle est un peu dure, par contre. »

Il la laissa s'élancer vers la porte. Elle se déplaçait avec plus de facilité dans cet environnement encombré. Lui devait faire attention de ne rien faire tomber.

L'ouverture donnait sur un large espace où étaient entreposés de multiples cageots. La porte était d'ailleurs en bonne partie camouflée par une pile de vieilles caisses et il était difficile de l'apercevoir dans la pénombre.

Wylan s'avança dans la pièce et prit deux pommes de l'automne passé dans un cageot. Il en tendit une à la fillette et croqua dans la seconde.

« Avant de sortir de l'autre pièce, vérifie bien qu'il n'y a personne dans celle-ci. Sinon tu risques de voir d'autres personnes utiliser ce toboggan. »

Il s'amusa à jeter un coup d'œil dans les différentes caisses. Les premiers légumes de printemps étaient déjà arrivés.

« Tu veux aller par où, ensuite? »

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