Wylan n'était pas du genre, timide. Encore moins du genre impressionnable ou facile à déstabiliser. À dire vrai, il n'avait habituellement que deux manières d'aborder les situations, aussi complexes fussent-elles: avec cynisme, ou avec concentration. Parfois avec un savant mélange des deux. Alors pourquoi avait-il les mains qui tremblaient dans les poches de son abominable uniforme d'apparat? Il était ridicule, n'est-ce pas?
:Non, mon chéri, tu n'es pas ridicule. Tu as peur, c'est normal.:
:J'ai jamais peur. En tout cas jamais quand ce serait justifié. Pourquoi est-ce que j'ai les mains moites alors que je ne risque pas ma vie ou celle de quelqu'un?:
:Ça va aller, Wylan.:
:Moui...:
Il avait fait l'effort de passer par une salle de bain avant de rejoindre la fête. Et le page qui lui avait apporté un linge de bain lui avait aussi amené son uniforme d'apparat. Il était, après tout, le cousin (certes éloigné) du marié. Il devait faire bonne figure. C'était en tout cas ce que lui avait expliqué le pauvre gamin terrorisé par son air furieux. N'ayant plus vraiment le temps de repasser par sa chambre, il s'était résigné à enfiler le seul vêtement propre à sa disposition.
Il arriva enfin à la caserne. Il avait préféré aller directement là-bas plutôt que de passer par la fête des Hérauts. Il n'aurait pas l'énergie pour deux apparitions mondaines ce soir-là.
Le bruit le guida jusqu'à la salle qui accueillait la fête. L'endroit était plein à craquer de soldats en uniforme et le bruit était presque assourdissant. Son esprit fut envahi de dizaines de voix, murmurant toutes les unes sur les autres. Rien de surprenant... le silence n'était pas leur fort. Un bref instant, il eut envie de revenir sur ses pas. Après tout, personne ne l'attendait, personne ne serait déçu de son absence. Personne à part lui.
Il s'arrêta un instant, inspira lentement, puis passa le seuil. Immédiatement, il se mit à la recherche de Jehanne. Mais pas avec ses yeux... son Don serait bien plus efficace. Il commença à parcourir mentalement la salle, attentif à la sensation familière de son esprit contre celui de sa belle. Il n'eût pas à la chercher longtemps. Avant même de la voir, il perçut son attention à elle rivée sur lui. S'il avait été du genre poétique, il aurait pu la décrire comme la douce lueur d'une bougie dans une nuit hostile. Mais le lyrisme n'était pas son fort...
Et elle fut là. Elle l'accueillit avec un sourire qui fit fondre toutes ses angoisses. Wylan la dévisagea un instant, comme pris par surprise, puis un sourire naquit sur ses lèvres. Pas un de ses demi-sourires coutumiers, ni un ses habituels rictus moqueurs, mais un vrai sourire de joie. Il tendit une main pour effleurer le visage de Jehanne.
«Je... vais bien... nous allons bien.»
N'y tenant plus, il attira Jehanne dans ses bras et la serra contre lui comme s'il craignait qu'on la lui arrache.
«Je suis tellement désolé.»